
Figure 7.17 Une suture étanche par points multiples réduit les risques de complications postopératoires.
Chapitre 7 Comblements sinusiens à visée implantaire
L’insuffisance osseuse verticale située au maxillaire postérieur constitue un obstacle à une réhabilitation de la crête édentée par une prothèse implanto-portée pour de multiples raisons incluant [1] :
Dans ces conditions, la mise en place d’un ou plusieurs implants est contraire aux principes biomécaniques : un implant de courte longueur ou placé en dehors de l’axe prothétique conclut en effet à un échec thérapeutique [2].
Procidence du sinus maxillaire
Elle est en rapport avec l’épaisseur des parois sinusiennes, mais aussi avec l’ancienneté de l’édentement. Cette procidence, qui est une projection du sinus maxillaire vers la crête alvéolaire, diminue considérablement la hauteur de l’os alvéolaire jusqu’à le réduire à une fine lamelle corticale créant ainsi un déficit osseux vertical, voire une atrophie postérieure du maxillaire (figure 7.1).
Correction du défaut osseux vertical
La quantité et la qualité de l’os résiduel vont être transformées par une technique de comblement du sinus maxillaire, destinée à corriger le défaut osseux vertical [3] pour positionner parfaitement le ou les implants.
Cette technique décrite à l’origine par Boyne et al. [4] permet de créer un espace entre l’os alvéolaire résiduel, le nouveau plancher sinusien représenté par l’élévation de la membrane de Schneider, et la limite que constituent les parois latérales du sinus. Une greffe va être utilisée pour combler l’espace ainsi établi.
Parmi les différentes techniques décrites d’élévation de la membrane sinusienne, la fenêtre latérale [3] et l’ostéotomie par voie crestale [5] sont les procédés les plus couramment employés. L’os autogène est encore à l’heure actuelle le matériau de choix [6] dans le cadre des reconstructions osseuses maxillofaciales. Les substituts osseux ont également fait la preuve de leur efficacité dans les comblements sinusiens [7].
Considérations anatomiques, physiologiques et histologiques du sinus maxillaire
L’être humain présente des caractères anatomiques semblables avec toutefois de nombreuses différences individuelles. Le sinus maxillaire n’échappe pas à ces variations anatomiques qui influencent nécessairement la technique chirurgicale de comblement sinusien.
La connaissance de l’anatomie et de la physiologie, l’interprétation de la radio-anatomie par les coupes scanner du sinus maxillaire sont déterminantes dans le choix des modalités thérapeutiques. Le sinus maxillaire est de forme pyramidale et occupe une grande partie de l’os maxillaire, particulièrement dans les édentements postérieurs.
Cavité sinusienne
Elle est délimitée par cinq parois et un sommet :
La cavité sinusienne occupe dans l’os maxillaire un volume compris entre 4,56 et 35,21 cm3 suivant l’âge du patient et la présence des prémolaires et molaires [8]. Cette cavité s’ouvre au niveau du méat moyen des fosses nasales.
Parois osseuses sinusiennes
Elles sont recouvertes par un épithélium stratifié appelé membrane de Schneider, de couleur gris bleuté. Elle est constituée de :
Une couche de cellules basales et des glandes muqueuses tubulo-alvéolaires tapissent également cette membrane. La membrane de Schneider dite également « membrane respiratoire à l’état physiologique » est d’une épaisseur de 0,13 à 0,5 mm [9]. Elle devient plus épaisse, jusqu’à envahir la cavité sinusienne lors de phénomènes inflammatoires et infectieux.
Cette description anatomique montre l’intérêt de préserver l’intégrité de la membrane de Schneider pour éviter toute complication locale pendant un comblement sinusien (figure 7.2).
Il n’est pas rare d’observer un septum osseux qui divise la cavité sinusienne en partant du plancher du sinus. La membrane de Schneider adhère à ce septum osseux, ce qui complique l’intervention chirurgicale en augmentant la probabilité d’une déchirure de la membrane (figure 7.3).
Vascularisation sinusienne
Elle est assurée par de nombreuses artérioles provenant de l’artère sphénopalatine et d’une anastomose d’une branche de l’artère infra-orbitaire avec l’artère alvéolaire postérieure et supérieure. L’artère alvéolaire postérieure et supérieure circule sur la paroi antérieure du sinus maxillaire. Lors de l’abord chirurgical du sinus par volet latéral, cette artère peut être lésée provoquant une légère hémorragie qui rend nécessaire une coagulation au bistouri électrique (figure 7.4a et b).

Figure 7.4a et b Coupe scanner panoramique curviligne et reconstruction coronale oblique visualisant une « encoche » en paroi antérieure du sinus qui correspond au passage de l’artère alvéolaire supérieure et postérieure.
Bilan pré-opératoire
Le bilan préchirurgical (chapitre 2) réalisé dans le cadre d’un comblement sinusien s’accompagne de spécificités exploratoires liées à l’intervention et suit un protocole strict identique pour chaque patient.
Contre-indications locales au comblement sinusien
Des contre-indications locales au comblement sinusien doivent être relevées. Il peut s’agir de :
Sinusoscopie
Si l’examen panoramique et tomodensitométrique révèle un épaississement important de la membrane de Schneider, un examen spécialisé est indiqué : l’endoscopie sinusienne ou sinusoscopie.
Cet examen est réalisé par un oto-rhino-laryngologiste sous anesthésie locale. Il se pratique par la fosse nasale à travers la cloison inter-sinuso-nasale. Après rétraction des cornets, la sinusoscopie permet de constater la perméabilité du méat moyen et l’écoulement au niveau de l’ostium, reflétant ainsi l’état du sinus. Un ostium obturé, par exemple, contre-indique un comblement sinusien [10].
Découverte d’un polype sinusien solitaire
Le polype sinusien solitaire est de découverte fortuite lors des examens radiographiques et, le plus souvent, asymptomatique. Il s’agit d’une lésion tissulaire muqueuse bénigne implantée par un pédicule dans la cavité sinusienne. Des statistiques réalisées sur vingt-six patients ont précisé la localisation sinusienne de ces polypes [11]. Ils se situent pour :
Ces polypes ne présentent pas une contre-indication au comblement sinusien, s’ils n’obturent pas le méat moyen. La sinusoscopie est toutefois indiquée (figure 7.5).
Évaluation d’une muqueuse sinusienne inflammatoire
La muqueuse sinusienne est rarement visible aux examens radiologiques.
Une muqueuse épaissie peut toutefois apparaître comme une pathologie inflammatoire. Avant tout traitement antibiotique par voie générale, un traitement local par aérosol ultrasonique avec un mélange de gentamycine 80 mg, bêtaméthasone 8 mg et d’une huile essentielle de goménol, 2 fois par jour pendant 6 à 10 jours, peut réduire l’épaississement muqueux avant comblement sinusien. En cas de résistance à ce traitement constatée lors du contrôle scanner, des explorations spécialisées ORL plus approfondies sont nécessaires pour déceler toute autre pathologie (figure 7.6).
Planification de la voie d’abord chirurgical et choix du matériau de comblement
Deux procédés chirurgicaux sont couramment employés pour traiter les déficits osseux du maxillaire postérieur :
L’indication d’un comblement sinusien s’impose généralement devant une impossibilité de placer en région postérieure des implants ayant un minimum de 10 mm de longueur. Le choix de la méthode d’approche chirurgicale pour un tel comblement s’appuie sur la classification de Jensen [12]. Celleci mesure la hauteur de l’os alvéolaire résiduel pour permettre au chirurgien de déterminer le choix de la technique chirurgicale et le matériau de comblement approprié.
Classification de Jensen
Classe A : 10 mm ou plus d’os résiduel sont présents. Généralement, aucune greffe n’est nécessaire avant la mise en place d’implant(s).
Classe B : 7 à 9 mm ou plus d’os résiduel sont présents. La technique de comblement sinusien la plus adaptée à cette situation clinique se fait par voie crestale à l’aide d’ostéotomes [13].
Classe C : 4 à 6 mm d’os résiduel sont présents. Dans ce cas, la voie d’abord latéral est indiquée en utilisant un greffon autogène, allogène, une xénogreffe, un matériau alloplastique ou une combinaison de deux greffons différents.
Classe D : 1 à 3 mm d’os résiduel sont présents. Seule l’utilisation d’os autogène, greffé par voie d’abord latéral, aboutit à des résultats satisfaisants.
Cependant, outre cette classification, d’autres références sont à prendre en considération pour privilégier une décision thérapeutique plutôt qu’une autre [14] :
Il n’existe actuellement aucun consensus qui associe un volume sinusien à un greffon donné [16]. L’approche reste assez empirique, dépendant des résultats satisfaisants obtenus habituellement par le praticien. Pour autant, l’évaluation de l’os originel au niveau du site receveur influence le choix du type de greffe : plus l’os restant est en faible quantité, plus l’apport d’os autogène est nécessaire pour aboutir à une greffe de qualité [17].
Techniques chirurgicales
Comblement sinusien par voie latérale
Une incision palatine à biseau interne est réalisée le long de la crête alvéolaire édentée de manière à préserver le maximum de gencive attachée. Cette incision déborde de distal en mésial le cadre du futur volet latéral pour l’obtention d’un champ opératoire large.
Une contre-incision verticale en mésial de la première prémolaire est réalisée afin de faciliter le décollement d’un lambeau mucopériosté à base large immédiatement récliné. La face latérale du maxillaire est ainsi exposée jusqu’au pilier malaire. Sur cette face, un volet osseux de forme ovalaire est délimité pour accéder à la face antérieure du sinus et à la membrane sinusienne.
La délimitation du volet latéral (classiquement décrite par Tatum [18]) est réalisée avec une fraise boule six pans ou une fraise boule diamantée [19]. Cette technique est encore utilisée si la paroi latérale est épaisse. En cas de paroi latérale fine, le risque de passer l’os cortical et de perforer la membrane de Schneider est réel. C’est la raison pour laquelle nous suggérons actuellement de délimiter le volet osseux à l’aide d’un insert boule de piézochirurgie avec une granulométrie en couche diamantée de 91 μm. Cette ostéotomie de précision micrométrique, faite sous irrigation constante, doit être interrompue dès l’apparition d’une ligne gris bleuté représentant la membrane sinusienne.
Une forme ovale est donnée au volet sinusien pour éviter des bords osseux tranchants. La séparation du volet osseux est également achevée par un insert de piézochirurgie en forme de ciseau plat à base diamantée.
À ce stade de l’intervention, le volet reste lié à la membrane. Une rugine à bord mousse ou un insert plat piézo-éléctrique, séparateur de la membrane de Schneider, contribuent à l’élévation de la membrane et du volet latéral lié à cette membrane en la décollant de son contact osseux. Cette dernière manœuvre commence en région postérieure pour terminer en région antérieure de façon à éviter tout risque d’effraction de la membrane.
La conservation du volet osseux restant liée à la membrane sinusienne contribue à créer un nouveau plancher sinusien. L’espace ainsi obtenu va former le lit receveur d’un matériau de greffe autogène ou exogène selon l’indication.
Si le greffon est un matériau broyé, il est prudent, pour éviter toute fuite de matériau, d’obturer la fenêtre latérale à l’aide d’une membrane résorbable à 18 semaines ou d’une membrane obtenue par centrifugation plaquettaire (PRF).
Après comblement sinusien, le lambeau est ramené en palatin pour être suturé (figures 7.7 à 7.17).
Technique actuelle de comblement sinusien par volet latéral

Figure 7.8a et b La reconstruction curviligne panoramique et coronale oblique précise une insuffisance osseuse verticale avec une largeur crestale vestibulopalatine de 8 mm. Après exploration par sinusoscopie, la membrane épaissie n’est pas inflammatoire. La correction du déficit osseux vertical est traitée par comblement sinusien par voie latérale.

Figure 7.9 Une incision crestale à orientation palatine et une contre-incision antérieure sont réalisées pour récliner un lambeau de pleine épaisseur.

Figure 7.11a et b Abord du volet latéral par un insert boule piézo-éléctrique qui réalise une coupe sélective du tissu osseux sous irrigation constante de sérum physiologique, la membrane restant indemne. L’effet de cavitation piézoéléctrique engendre une action hémostatique facilitant la visibilité du champ opératoire.

Figure 7.12a et b Un ciseau plat de base piézochirurgical élimine facilement les aspérités osseuses autour du volet latéral.

Figure 7.13a et b Un insert de piézochirurgie séparateur de la membrane de Schneider décolle minutieusement la membrane de ses attaches osseuses en partant de la région postérieure vers la région antérieure du mur latéral. Un nouvel espace est ainsi créé pour être greffé. Le volet sinusien reste accolé à la membrane avec pour seul rôle de la protéger.

Figure 7.14 Un substitut osseux comble le nouvel espace pour rétablir la morphologie du site en augmentant la hauteur verticale de la crête édentée.

Figure 7.15a et b Le substitut osseux doit être vascularisé et envahi par le caillot sanguin pour que débute le processus de transformation cellulaire. Le caillot stabilise également le substitut osseux.

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