Neuropsychologie du thalamus, des noyaux gris centraux du cervelet

Les noyaux gris centraux (basal ganglia dans la terminologie anglo-saxonne) sont des amas cellulaires, donc constitués de substance grise, disposés dans la profondeur des hémisphères cérébraux et de la partie haute du tronc cérébral. Les formations les plus importantes sont le noyau caudé, le noyau lenticulaireNoyaulenticulaire (putamenPutamen et pallidumPallidum), le noyau sous-thalamiqueNoyausous-thalamique (ou corps de LuysCorpsde Luys), le locus niger (voir figure 1.1). Ces formations ne peuvent être physiologiquement séparées du thalamus avec lequel elles ont de multiples connexions qui les relient aussi à la substance réticulée, au cerveletCervelet (par l’intermédiaire du noyau rouge), aux noyaux vestibulairesNoyauvestibulaire (par l’intermédiaire du cervelet) et au cortex préfrontalCortexpréfrontal.



Le thalamus


Le thalamus n’est pas que le relais des voies des sensibilités conscientes, qu’elles soient somesthésiques ou qu’elles soient spécifiques (comme l’audition, la gustation, l’olfaction, la vision). Il noue aussi des connexions multiples avec :


▪ la substance réticulée mésencéphalique (et il dispose lui-même d’un noyau réticulaire) ;


▪ le système limbique (notamment le complexe amygdalo-hippocampique) et l’hypothalamus ;


▪ le lobe préfrontal (cingulum, cortex fronto-orbitaire, cortex dorso-latéral) ;


▪ le cortex associatif pariéto-temporo-occipital.

Ses connexions d’amont et d’aval s’organisent à partir de noyaux nombreux (figure 19.1). La séméiologie thalamique est à la mesure de la profusion de ses connexions donc de ses fonctions : elle est ainsi particulièrement composite, parfois déroutante, pouvant intéresser, en fonction des structures thalamiques atteintes mais aussi en fonction des aires cérébrales désactivées par diaschisis, la vigilance, le comportement, la cognition et ce, sous de multiples aspects.








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Figure 19.1
Les principaux noyaux du thalamus. Vascularisation. Connexions. C’est la lame médullaire interne qui divise le thalamus en parties antérieure, médiane, latérale et postérieure. NRSS : noyaux de relais sensitif spécifique (ici le NVPL, relais de la somesthésie, connecté avec le gyrus post-central). NRC : noyaux de relais cortical, connectés à une région corticale circonscrite. NA : noyaux d’association connectés au cortex associatif (voir détails sur la figure). Ne sont pas représentés le noyau réticulaire, qui est un noyau thalamique, intrinsèque et les noyaux thalamiques non spécifiques connectés avec la formation réticulée et avec le néocortex cérébral de manière diffuse : ils jouent un rôle majeur dans l’éveil et l’attention. On été représentées schématiquement les connexions pouvant rendre compte de certains des syndromes neuropsychologiques observés en cas de lésion thalamique. Il faut y ajouter les connexions du noyau ventral antérieur avec le cortex frontal dorso-latéral et fronto-orbitaire, du noyau latéral dorsal avec le gyrus cingulaire et le cortex pariétal postérieur, du noyau latéral postérieur avec le cortex temporo-pariétal. Il faut aussi noter que le territoire paramédian des deux thalami peut être vascularisé par une artère unique (artère de Percheron ou artère paramédiane ou artère mésencéphalique) issue de la cérébrale postérieure et dont l’obstruction provoque un infarctus paramédian bilatéral (voir texte).



Le mutisme akinétique


Le mutisme akinétique réalise une immobilité non paralytique avec mutisme et parfois somnolence, notamment après un infarctus thalamique paramédian bilatéral ou latéralisé à gauche (voir chapitre 1 et figure 19.1).

Un mutisme accompagné d’une confusion mentale a pu être observé chez l’enfant lors d’infarctus artériels ou veineux induisant des lésions thalamiques bilatérales (Kothare).


Troubles du sommeil, confusion, hallucinations


Les lésions thalamiques bilatérales médianes et paramédianes peuvent induire une hypersomnie. Mais les lésions thalamiques peuvent aussi donner une insomnie : ainsi en est-il de l’insomnie fatale familiale qui est une encéphalopathie spongiforme (voir chapitre 16) liée à une anomalie du gène codant la protéine prion et caractérisée par une insomnie progressive et rebelle, accompagnée de troubles dysautonomiques (tachycardie, hyperthermie, troubles sphinctériens), secondairement compliquée de démence, évoluant vers la mort en moins de 3 ans. La destruction neuronale intéresse les noyaux dorso-médian et antérieur des thalami.

Une confusion mentale avec troubles plus ou moins marqués de la vigilance, ralentissement et désorganisation de la pensée, troubles de l’attention, altération des capacités d’évocation des souvenirs, dédorientation temporo-spatiale, voire onirisme (voir chapitre 1) peut être aussi observée lors de lésions thalamiques bilatérales et plus exceptionnellement localisées à droite.

Des hallucinations surtout visuelles, de type hallucinosique (voir chapitre 2), ont pu être observées certes dans des infarctus mésencéphaliques (hallucinose pédonculaire) étendus au thalamus, mais aussi au cours d’infarctus capsulo-striés et d’infarctus ou d’hémorragies strictement localisés au thalamus et impliquant notamment le pulvinar et le noyau ventral postérieur (hémorragies ou infarctus choroïdien postérieur), le noyau dorso-médian (hémorragie ou infarctus paramédian), voire même après infarctus tubéro-thalamique (voir figure 19.1). Les lésions sont le plus souvent droites, parfois bilatérales ou gauches. Leur physiopathologie est composite et ne fait pas intervenir les seuls noyaux thalamiques non spécifiques (Neau, 1997).


Thalamus et mémoire : les amnésies diencéphaliques


Les troubles de la mémoire observés au cours des lésions thalamiques ont été décrits au chapitre 14.


Thalamus et langage : les aphasies thalamiques


Les troubles du langage observés au cours des lésions thalamiques ont été décrits au chapitre 2.

Les anomies des noms propres sont rares et peuvent être observées lors de lésions polaires antérieures (infarctus) gauches, comme elles peuvent aussi être observées dans les atteintes de la partie antérieure du lobe temporal (aire de Brodmann 38).

Les agraphies observées lors de lésions thalamiques gauches peuvent réaliser une agraphie lexicale (voir chapitre 3) qui peut ne s’accompagner que de troubles modérés du langage oral. On peut aussi observer une agraphie apraxique.

Une palilalie a pu être rapportée (infarctus paramédian).


Thalamus et héminégligences


Une négligence unilatéraleNégligenceunilatérale gauche (voir chapitre 9) peut survenir lors de lésions intéressant le thalamus droit (en particulier dans les infarctus du territoire tubéro-thalamique voire dans les infarctus du territoire paramédianInfarctusdu territoire paramédian ainsi que dans le syndromeSyndromede l’hémorragie thalamique postérieure de l’hémorragie thalamique postérieure qui comporte en outre un myosis avec léger ptosis ipsilatéral et une hémiparésie sensitivo-motrice). Cette négligence peut être spatialeNégligencespatiale, motriceNégligencemotrice, multimodaleNégligencemultimodale tout comme elle peut aussi comporter une extinction sensorielleExtinctionsensorielle, sensitiveExtinctionsensitive, visuelleExtinctionvisuelle, auditiveExtinctionauditive. La négligence peut s’accompagner d’autres signes habituellement observés dans les lésions de l’hémisphère droit et en particulier de perturbations asomatognosiques et visuoconstructives, ainsi que de perturbations de la reconnaissance des visages.


Thalamus et activités gestuelles : les apraxies thalamiques


Les apraxies thalamiques surviennent en cas d’atteinte du thalamus dominant. Elles accompagnent inconstamment une aphasie. Elles peuvent réaliser :


▪ un syndrome d’utilisation du corps comme objet ;


▪ une apraxie idéomotrice limitée aux gestes intransitifs (sans manipulation d’objets) mais intéressant aussi parfois les pantomimes (gestes transitifs avec manipulation virtuelle et simulée d’objets). L’utilisation réelle d’objets est soit normale soit moins perturbée que les pantomimes. Mais l’apraxie a pu aussi parfois intéresser et les gestes intransitifs et les gestes transitifs, qu’il s’agisse de pantomime ou d’utilisation réelle d’objets. La préservation de la capacité d’utilisation réelle d’objets a pu être interprétée comme témoignant de l’intégrité de la mémoire procédurale (Nadeau, 1994). L’imitation des gestes peut être compromise et il a pu être décrit des difficultés pour choisir entre deux gestes le geste correctement effectué. Il est difficile de préciser les régions thalamiques dont les lésions sont nécessaires à la production d’une apraxie. Les observations publiées intéressent notamment des infarctus tubéro-thalamiques et du pulvinar (qui peut aussi être le siège d’hématomes). Les zones critiques seraient le noyau ventral latéral (territoire tubérothalamique), latéral postérieur (pédicule thalamo-genouillé), le pulvinar (artères choroïdiennes postérieures). Ainsi, l’activité gestuelle mobilise un vaste réseau incluant les cortex frontal et pariétal, les ganglions de la base, le thalamus, la substance blanche hémisphérique qui les relie ainsi que le corps calleux (voir chapitre 5).

À noter qu’il a pu être observé lors d’un infarctus polaire antérieur (territoire tubéro-thalamique) une apraxie bucco-faciale sans aphasie associée (Ghicka-Schmid, 2000). Une apraxie de l’ouverture des yeux a pu aussi être observée lors d’un infarctus paramédian bilatéral.


Lobe frontal et thalamus : les disconnexions fronto-sous-cortico-thalamiques


Le thalamus est connecté au cortex frontal dorso-latéral, mais aussi au cortex fronto-orbitaire et au cortex cingulaire antérieur (voir Figure 19.1, Figure 19.2 and Figure 19.3). Même si les déficits sont peu apparents, l’exploration neuropsychologique des souffrances thalamiques peut objectiver un déficit de la mémoire de travail et un syndrome dysexécutif.

Des délires d’identité (voir chapitre 22) à type de reduplication mnésique environnementale ont pu être observés après lésion thalamique droite (Berthier, 1993) générant en scintigraphie un hypodébit de l’hémisphère prédominant en frontal droit.

Les lésions thalamiques internes disconnectant le cingulum et/ou la portion orbitaire du lobe frontal peuvent donner, suivant leur étendue, leur extension à d’autres structures thalamiques et au-delà, leur uni- ou bilatéralité :


▪ un état de type maniaque (lésion droite) ou une désinhibition euphorique avec syndrome de Ganser (réponses approximatives ou « à côté » des questions posées, avec méconnaissance de la réalité ambiante) ;


▪ une dépression (plutôt par lésion gauche) ;


▪ une apathie ;


▪ un mutisme akinétique (voir supra).


Quelques regroupements syndromiques



Les « démences thalamiques »


Les lésions thalamiques bilatérales, certaines limitées au thalamus interne (infarctus paramédians bilatéraux) peuvent donner une apathie massive avec euphorie ou indifférence, des troubles de la mémoire antérograde et rétrograde, une confusion avec des perturbations plus ou moins marquées de la vigilance. Il s’agirait donc d’une « démence sous-corticale » au sens anatomique du terme dont on ne voit pas cependant pourquoi elle ne pourrait pas s’accompagner d’aphasie ou d’apraxie, cependant difficiles à rechercher dans un tableau où les troubles comportementaux sont majeurs (Katz).


Le syndrome comportemental de l’infarctus thalamique antérieur


May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Neuropsychologie du thalamus, des noyaux gris centraux du cervelet

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