Les troubles de l’écriture

agraphies et hypergraphies


L’Écritureécriture permet de représenter ce qu’un individu veut dire par des signes conventionnels qui s’inscrivent le plus souvent dans les deux plans de l’espace, à l’instar du dessin. Ces signes peuvent être des idéogrammes quand « ils traduisent les idées par des signes susceptibles de suggérer les objets » (Littré) : il en est ainsi dans la langue chinoise. Ces signes permettent le plus souvent de transcrire des sons verbaux grâce à l’assemblage de lettres dont la forme et la correspondance phonique constituent l’alphabet d’une langue. Les Phéniciens semblent avoir été les inventeurs de l’Alphabetalphabet. Ainsi, chaque son (ou phonème) peut s’exprimer par une lettre (ou graphème). Néanmoins nombre de langues comportent des irrégularités orthographiques, soit qu’un phonème puisse correspondre à plusieurs graphèmes (le son « o » peut, selon les cas, s’écrire « o », « au », « eau », etc.), soit qu’un graphème puisse correspondre à plusieurs Phonèmephonèmes. Ces pluralités de la Conversiongraphémo-phonémiqueconversion graphémo-phonémique ne sont pas optionnelles mais s’exercent comme des contraintes dont les règles définissent la « manière de bien écrire » c’est-à-dire l’orthographe des langues. La langue japonaise possède deux systèmes d’écriture : un Systèmeidéographiquesystème idéographique (appelé kanji) utilisé pour les noms, les adjectifs, les verbes, les adverbes et un Systèmealphabétiquesystème alphabétique (appelé kana) surtout utilisé pour écrire les Onomatopéeonomatopées et les mots d’origine étrangère.


Encadré 3.1
Plan sommaire d’examen de l’écriture






1. ÉcriturespontanéeÉcriture spontanée d’une ou plusieurs phrases.


2. ÉcrituredictéeÉcriture dictée :–


d’une phrase : « Le cheval blanc galope à travers l’immense prairie » ;


– de mots réguliers et irréguliers (voir liste ci-dessous) ;


– de logatomes.


3. ÉcriturecopiéeÉcriture copiée de mots des listes ci-dessous.


4. Lecture et épellation des mots écrits.

LISTE. Mots réguliers : bocal, canari, four, rivage, moto, tour, piano, cheval, montagne, mari. Mots irréguliers : album, oignon, croc, agenda, zinc, pied, femme, second, monsieur, août. Logatomes : brupa, rocrin, ripo, jendou, foma, iglu, drito, agrinu, trigalou, tris.

D’après Morin P et al. Les troubles aphasiques du langage écrit. Rev Prat 1991 ; 41 (2) : 117-21.

L’écriture est un geste moteur qui nécessite l’intégrité des sensibilités et de la motricité (d’où par exemple la Micrographiemicrographie parkinsonienne). Comme tout geste moteur, elle nécessite une organisation mettant en jeu des compétences de type « praxique ». L’écriture est aussi une activité visuoconstructive mettant en jeu une importante activité de spatialisation : on écrit ainsi de gauche à droite et de haut en bas. Telles sont les conditions qui permettent à l’écriture de mettre en œuvre la fonction langagière qu’elle représente et à laquelle il convient d’ajouter ses dimensions motivationnelle et émotionnelle.

Les agraphies désignent les difficultés praxiques, visuospatiales ou langagières de « s’exprimer par écrit » en l’absence de paralysie, ou de trouble affectant la coordination des mouvements. Les hypergraphies désignent un comportement excessif d’écriture et en tout cas inadapté à la situation environnementale : elles peuvent ou non s’accompagner d’une Agraphieagraphie.

L’écriture étant un mode particulier et plus tardivement acquis d’expression du langage (tant dans l’histoire de l’humanité que dans l’histoire de chaque homme), un long débat s’est instauré sur l’autonomie ou la dépendance du langage écrit par rapport au langage oral, ce qui renvoyait dans la vague associationniste à la recherche d’un « Centregraphiquecentre graphique » qui pourrait rendre compte de l’existence d’agraphies pures coexistant avec des agraphies aphasiques.


Les agraphies



Séméiologie des agraphies



Les agraphies aphasiques



Dans l’aphasie de conduction, l’écriture est, à l’instar de la production verbale, truffée de Paragraphielittéraleparagraphies littérales surchargées de ratures et d’autocorrections générant d’autres Paragraphieen cascadeparagraphies en cascade (figure 3.1). Les performances sont meilleures en copie que dans l’écriture spontanée et dictée. Dans l’aphasie de Wernicke, la Jargonagraphiejargonagraphie est en règle générale à l’image de la jargonaphasie, avec des paragraphies littérales et verbales, des néologismes et de la dyssyntaxie. Dans l’alexie–agraphie, dont le « centre de gravité » est pariétal et plus précisément au niveau du Gyrusangulairegyrus angulaire, l’écriture peut être réduite à des « traits informes », ou revêtir un type spatial avec fragmentation des mots, décalages entre les mots, inclinaison de la ligne d’écriture qui peut en outre dépasser les limites de la feuille. Les autres perturbations observées peuvent être paragraphiques ou dyssyntaxiques, voire jargonagraphiques. Elles peuvent s’associer aux autres éléments d’un Syndromede Gerstmannsyndrome de Gerstmann ou à une aphasie sensorielle plus ou moins marquée quand la lésion s’étend vers le Cortextemporalpostérieurcortex temporal postérieur.








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Figure 3.1
Échantillon d’écriture au cours d’une aphasie de conduction.Les nombreuses autocorrections avec paragraphies « en cascade » témoignent de la conscience du trouble.



Le syndrome de Gerstmann


Il associe typiquement une agnosie digitale (incapacité de désigner et distinguer les doigts), une indistinction droite–gauche, une acalculie (intéressant le calcul mental et écrit avec un trouble de l’ordonnancement des chiffres et de la disposition spatiale des opérations) et une agraphie reflétant parfois des perturbations apraxiques ; le plus souvent l’Écritureparagraphiqueécriture est paragraphique voire Écriturejargonagraphiquejargonagraphique et améliorée par la copie. La lésion intéresse la région pariétale postérieure de l’hémisphère dominant et en particulier l’aire de jonction entre le Pli courbepli courbe(Gyrusangulairegyrus angulaire) et le Gyrusoccipital moyengyrus occipital moyen (O2). Gerstmann avait initialement interprété l’agnosie digitale comme une amputation sectorielle du Schéma corporelschéma corporel. Ainsi le malade est incapable de nommer, de reconnaître, de désigner, de distinguer ses propres doigts comme ceux de l’examinateur. Il existe aussi des difficultés pour imiter les mouvements des doigts de l’examinateur (« Apraxiedu choix des doigtsapraxie du choix des doigts ») et pour imiter les positions des doigts de l’examinateur alors que les mouvements sont corrects sur instruction verbale (« Apraxieconstructivedes doigtsapraxie constructive des doigts »). Les troubles prédominent sur les trois doigts centraux. Ultérieurement, Gerstmann rattacha le deuxième symptôme cardinal (l’agraphie) aux deux autres symptômes (qualifiés d’accompagnement, à savoir l’indistinction droite–gauche et l’acalculie) en évoquant un dénominateur commun à ce syndrome qui pourrait s’organiser autour de l’agnosie digitale, l’auteur évoquant l’importance des doigts et des mains dans l’écriture, le calcul, l’orientation droite–gauche. Le syndrome est souvent accompagné d’une Apraxieconstructiveapraxie constructive, et parfois d’une Hémianopsielatérale homonymehémianopsie latérale homonyme, d’une Aphasieamnésiqueaphasie amnésique voire d’une Agnosievisuelle agnosie visuelle ou d’une Alexiealexie en cas d’extension postérieure de la lésion. Quand il existe une Aphasiede Wernickeaphasie de Wernicke, l’individualisation du syndrome est impossible à tel point qu’il avait même été proposé que le syndrome de Gerstmann ne soit qu’un ensemble de manifestations liées à une aphasie même légère. Même en reconnaissant, en l’absence ou en dépit d’une aphasie légère, la réalité du syndrome, de nombreuses controverses ont été suscitées par son interprétation soit comme reflétant une même perturbation de base, soit comme l’addition de troubles de nature différente et seulement unis par la topographie lésionnelle. C’est ainsi que Benton (1961) désigna le syndrome comme une « fiction », tandis que l’hypothèse d’un « dénominateur commun » a toujours eu ses partisans : incapacité du sujet à relier spatialement, les uns avec les autres, et avec lui-même, les objets qui font partie d’un tout organisé (Stengel, 1944) ou, plus récemment, désordres visuospatiaux impliquant la manipulation mentale des images (Mayer et al., 1999).


Les agraphies pures


Elles sont rares et surviennent en l’absence de tout trouble du langage oral, de la lecture et même typiquement en l’absence de perturbation praxique. Elles peuvent être liées à une lésion de la partie postérieure de F2 (« Centred’Exnercentre d’Exner »), du Lobule pariétalsupérieurlobule pariétal supérieur, de la Région périsylviennerégion périsylvienne postérieure, voire de structures sous-corticales. Elles ne constituent pas un ensemble homogène : l’épellation est préservée ou non, il en est de même de la copie ; les perturbations vont de la Dysorthographiedysorthographie à la Jargonagraphiejargonagraphie ; on peut observer des Persévérationpersévérations de « traits, de lettres, de syllabes ».

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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Les troubles de l’écriture

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