Neuropsychologie des affections démyélinisantes

L’imagerie par résonance magnétique nucléaire nous ayant appris que l’existence de lésions démyélinisantes de la substance blanche des hémisphères cérébraux est devenue l’un des critères diagnostiques de la sclérose en plaques, il n’y a donc plus lieu de s’étonner de la fréquence avec laquelle cette affection s’accompagne de dysfonctionnements cognitifs. Ces derniers viennent s’additionner aux désordres de la sphère affectivo-émotionnelle qui sont pour partie de cause lésionnelle et pour partie réactionnels aux bouleversements existentiels provoqués par la maladie (voir chapitre 17, p. 340).



Manifestations psychiatriques


Dépression, manie, euphorie, comportements névrotiques peuvent donc accompagner l’évolution de la maladie. Il faut ajouter des syndromes psychotiques décrits comme des syndromes confusionnels et hallucinatoires, des bouffées délirantes souvent considérées comme des schizophrénies paranoïdes, plus exceptionnellement un état de type hébéphréno-catatonique. Ces manifestations peuvent précéder les manifestations neurologiques. Elles peuvent se répéter pour se chroniciser secondairement ou évoluer d’emblée sur un mode chronique. Les lésions de ces formes psychotiques de la maladie prédomineraient dans la substance blanche de la région temporale (jouxtant les cornes temporales) ou temporo-pariétale, encore que d’autres prévalences lésionnelles aient été signalées (lobe frontal, par exemple).


Dysfonctionnements cognitifs


Quant aux troubles cognitifs, ils atteindraient selon les études de 40 à 65 % des malades et ils peuvent être observés précocement (Lyon-Caen, in Taillia). La diffusion habituelle des lésions, leur localisation à la substance blanche expliquent que ces dysfonctionnements renvoient à une disconnexion « fronto-sous-corticale » et donc, pour les formes les plus sévères, peuvent mériter le qualificatif de démence sous-corticale. Encore doit-on remarquer que l’appréciation de la fréquence des déficits cognitifs souffre de la diversité des batteries de tests utilisés et des critères choisis pour définir la frontière séparant les performances normales et pathologiques. On sait qu’outre les qualités métrologiques des tests utilisés, les critères définissant un déficit cognitif font intervenir l’âge, le niveau culturel et des facteurs confondants comme le retentissement des déficits moteurs ou sensoriels, la dépression, la fatigue, les traitements, qu’il s’agisse de psychotropes, de myorelaxants, de corticoïdes. Pourtant, le dépistage d’un déficit cognitif n’est pas de nature spéculative car ces déficits, retentissant sur la qualité de vie, doivent faire partie, comme les manifestations neurologiques, d’une évaluation de leur éventuelle réponse aux thérapeutiques. Enfin, le soutien apporté aux malades ne peut se concevoir sans une connaissance des modalités de leur fonctionnement cognitif.


Modalités d’exploration


Le Mini Mental State est un outil peu sensible et apprend peu sur les facettes du déficit cognitif.

Les troubles de la mémoire déclarative épargneraient la mémoire immédiate explorée par l’empan verbal (direct) ou par l’empan visuel (test des blocs de Corsi) mais intéresseraient plutôt la mémoire de travail (explorée par exemple par l’empan inverse). Les études de la mémoire épisodique à l’aide de matériel verbal donnent des résultats disparates ; certes l’existence d’un déficit du rappel libre est généralement admise tout comme celle du déficit du rappel indicé. Mais la reconnaissance est considérée soit comme normale soit comme pathologique (California Verbal Learning Test, Selective Reminding Test, test de Gröber-Buschke, mots de Rey). Certains n’écartent pas la part jouée par un déficit du stockage, ce qui ne simplifierait pas le concept de démence sous-corticale, tandis qu’un déficit de l’encodage est plus généralement accepté. L’apprentissage visuel (figure de Rey) et visuospatial (Spatial Recall Test) peut être lui aussi déficitaire mais il faut prendre garde que le sujet n’ait pas un déficit visuel qui altère ses capacités à réaliser le test. Le subtest « mémoire logique » de la WAIS, qui est un apprentissage d’histoires, montre un déficit des performances en rappel immédiat et en rappel différé. La Mémoireimplicitemémoire implicite (mémoire procédurale, amorçages visuel et perceptif) serait préservée. La préservation de la mémoire procédurale serait ainsi un des éléments distinctifs entre le retentissement cognitif de la pathologie de la substance blanche et de la pathologie de la substance grise. Aussi certains auteurs réservent le nom de Démencesous-corticaledémence sous-corticale aux conséquences neuropsychologiques des lésions de la substance grise qu’ils opposent aux démences de la substance blanche (Filley). Il a même pu être montré, en utilisant une procédure dissociant les traitements cognitifs dans une tâche d’amorçage verbal, que l’utilisation inconsciente de la mémoire était préservée (Seinela). Ont aussi été décrites des perturbations de la mémoire autobiographique et de la mémoire sociale (test des présidents) montrant donc l’atteinte de la mémoire rétrograde.

Les troubles de l’attention et notamment de l’attention soutenue peuvent interférer avec les performances de mémoire : en tout cas le déficit attentionnel est bien mis en évidence par le PASAT (Paced Auditory Serial Attention Test, additions successives d’un chiffre avec le chiffre que le sujet avait entendu avant de donner le résultat de l’addition précédente comme 3… 5… réponse : 8… 6… réponse : 11… 3… réponse : 9, etc.). Le test de Stroop est lui aussi déficitaire, mais il faut souligner que ces tests sont très sensibles au stress. Le Trail Making montre le ralentissement idéomoteur, mais est vite contaminé par une atteinte motrice, tandis que le déficit au Trail making B montre l’atteinte de la Flexibilité mentaleflexibilité mentale tout comme le WisconsinWisconsin.

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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Neuropsychologie des affections démyélinisantes

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