Neuropsychologie des démences

« Tout le monde se plaint de sa mémoire, et personne ne se plaint de son jugement. »


La Rochefoucauld, Maximes et Réflexions



Il est aujourd’hui bien difficile d’avoir une approche unitaire d’un ensemble aussi disparate que les démences « organiques ». Cette disparité tient à la séméiologie même des syndromes démentiels qui ne sont pas un mais qui sont pluriels ; elle tient aussi à la diversité des étiologies tout comme à l’hétérogénéité même des présentations cliniques au sein d’une même étiologie. À ces difficultés, doit être ajoutée la confusion générée entre la notion de syndrome démentiel et celle de maladie causale. Ainsi, faute de marqueurs biologiques, il faut attendre la constitution d’une démence pour porter le diagnostic de Maladied’Alzheimermaladie d’Alzheimer : la démarche offre le double inconvénient d’être probabiliste et tardive, souvent encombrée par des « déficits cognitifs légers » (Mild Cognitive Impairments) dont tous n’évoluent pas vers une maladie d’Alzheimer au sens démentiel du terme, et qui restent pendant longtemps orphelins d’une nosologie d’accueil. Mais il reste aussi à définir le sens du mot « démence » tellement obscurci par son histoire et ses connotations que certains craignent de l’utiliser pour qualifier un malade, de peur d’entraîner une démotivation thérapeutique et l’abandon d’une prise en charge résolue. En fait, c’est Georget qui avait introduit en 1820 le critère d’incurabilité des démences pour les distinguer de la confusion mentale (désignée alors sous le terme de stupidité) et conçue comme liée à une « absence accidentelle de la pensée » donc potentiellement réversible. L’impaludation avait commencé en son temps à ouvrir la première brèche dans la notion d’irréversibilité des démences et Guiraud pouvait écrire dès 1952 que « si la lésion responsable de la démence est réversible, la démence peut guérir, si elle est irréversible, la démence restera incurable, si la lésion est partiellement réversible, la démence peut guérir partiellement ».

Si la démence peut ne plus être irréversible, il est difficile aussi de continuer à considérer qu’elle est due à un affaiblissement « global » : c’est en fait l’addition de déficits de diverses fonctions cognitives qui font basculer ce qu’on appelait un Syndromepsycho-organiquesyndrome psycho-organique dans un processus démentiel sitôt que sont compromises l’adaptation à la vie professionnelle, sociale et familiale comme la capacité de gérer sa propre existence. Toutefois, si ces critères de désadaptation sont reconnus nécessaires par le DSMDSM III-R, la classification internationale de troubles mentaux (CIM-10CIM-10) de l’OMSOMS admet certes qu’une démence « interfère habituellement avec les activités de la vie de tous les jours » mais les exemples donnés ne peuvent concerner que des démences évoluées puisqu’il s’agit de « se laver, s’habiller, manger, observer une hygiène personnelle minimale, contrôler ses sphincters » ; en outre la CIM-10 attire l’attention sur la variabilité de la désadaptation en fonction du contexte culturel et signale que les modifications des performances professionnelles ne doivent pas être retenues comme des critères de démence. Quant au substratum anatomique des démences, il concerne certes des lésions diffuses ou étendues mais aussi des lésions multifocales (comme la Démenceinfarctus multiplesdémence par infarctus multiples) et même plus exceptionnellement des lésions focales situées dans des zones dites stratégiques comme un infarctus bithalamique. D’une manière plus générale, il est devenu usuel de distinguer les Démencecorticaledémences « corticales » des Démencesous-corticaledémences « sous-corticales » centrées sur un syndrome de Disconnexionfrontaledisconnexion frontale. Telles sont les bases qui permettent d’aborder la séméiologie neuropsychologique et le diagnostic des Syndromedémentielsyndromes démentiels.



Séméiologie (encadré 16.1)


L’entrée dans un processus démentiel se fait habituellement de manière insidieuse ; les symptômes d’appel peuvent être des plaintes mnésiques exprimées par le sujet ou rapportées par l’entourage ; il peut aussi s’agir d’un désinvestissement progressif des intérêts habituels assorti ou non de plaintes de type dépressif ; il peut s’agir d’actes incongrus qui ne s’accordent pas avec la personnalité habituelle du sujet.

Encadré 16.1
Les critères diagnostiques de démence



Le diagnostic de Démencedémence nécessite, selon le DSM III-R, les éléments suivants :


□ altération de la mémoire à court et long termes ;


□ l’une des perturbations suivantes :


– une altération de la pensée abstraite,


– une altération du jugement,


– une aphasie, une agnosie, une apraxie,


– une altération de la personnalité ;


□ les perturbations A et B interfèrent avec les activités professionnelles et sociales ;


□ absence de confusion.

Le DSM IV a remplacé les termes d’altération de la pensée abstraite et du jugement par la référence explicite à des troubles des fonctions exécutives et a supprimé le critère de troubles de la personnalité.

La CIM-10CIM-10 met l’accent sur les troubles mnésiques, accompagnés d’altération du raisonnement, de la fluidité mentale et de difficultés de fixer son attention sur plusieurs stimuli à la fois (attention partagée). En outre, l’existence d’une obnubilation est un critère d’exclusion, mais il est reconnu qu’une confusion peut s’ajouter à la démence. Pour que le diagnostic de démence soit assuré, les troubles doivent évoluer depuis au moins 6 mois.

L’évaluation des activités de la vie quotidienne à travers un test comme l’IADL (Instrument Activities of Daily Living) permet de mieux cerner le retentissement social de la démence. La version simplifiée à quatre items (capacités à utiliser le téléphone, les transports, à contrôler la prise de médicaments et à gérer son budget). L’altération d’une seule de ces capacités doit donner l’alerte si elle n’est pas expliquée par un handicap locomoteur ou sensoriel.


Les troubles de la mémoire


Même si certaines démences peuvent, comme les démences frontales, ne pas comporter initialement de troubles de la mémoire, leur absence ne permet pas de porter le diagnostic de démence quels que soient les critères utilisés (DSMDSM ou CIM-10CIM-10). Ils intéressent la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Cependant, dans le DSM III-R, les exemples donnés (impossibilité d’apprendre de nouvelles informations comme se rappeler les noms de trois objets cinq minutes après qu’ils ont été cités) montrent clairement que les auteurs de cette classification désignent sous le nom de mémoire à court terme, non pas la mémoire immédiate, mais la mémoire des faits récents ou mémoire secondaire. En fait, les démences peuvent altérer les mémoires primaire, secondaire et tertiaire.


L’altération de laMémoiresecondaire mémoire secondaire ou Mémoiredes faitsrécentsmémoire des faits récents est considérée comme la plus typique par la CIM-10, ce qui explique les difficultés rencontrées par le sujet pour « acquérir, stocker et recouvrer des informations nouvelles ». Les relations professionnelles, sociales et familiales finiront par être perturbées par l’oubli de ces « compilations » mnésiques qui tissent la vie quotidienne : rencontre de personnes, rendez-vous, courses dans les magasins, communications téléphoniques, fermeture des portes et des robinets, rangement des clés, des vêtements, paiement des factures. L’interrogatoire se doit, en supplément des échelles d’activités de la vie quotidienne nécessairement réductrices, d’adapter les questions à poser au type d’activité du sujet et à son contexte environnemental (l’usine, la maison ou le bureau, la ville ou la campagne…). L’examen neuropsychologique de la Mémoireépisodiquemémoire épisodique tendra à distinguer les déficits mnésiques selon qu’ils sont liés à un déficit de l’Encodageencodage (comme peut le montrer le déficit du Rappelindicérappel indicé immédiat au Testde Gröber-Buschketest de Gröber-Buschke) et du stockage (dont témoigne l’oubli des informations encodées) ou à un déficit de la récupération des informations (rappel indicé différé et Reconnaissancereconnaissance). Ainsi observe-t-on dans la maladie d’Alzheimer des performances également déficitaires en rappel et en reconnaissance (aux mots de Rey), un déficit du rappel indicé immédiat évoquant un déficit de l’encodage, et un déficit du rappel différé (aux deux tests précédents), ce qui peut témoigner d’un déficit du stockage avec défaillance de la consolidation et plus grande rapidité de l’oubli. En outre, le rappel différé peut être contaminé par des Intrusionintrusions. Les démences frontales et sous-corticales montrent une amélioration des performances par l’indiçage et lors de la reconnaissance, encore que ceci puisse s’observer aux phases précoces des Démenced’Alzheimerdémences d’Alzheimer. Il est vrai aussi que la maladie d’Alzheimer associe au déficit de l’encodage et de la consolidation un déficit de la récupération des souvenirs sans que bien sûr ni l’indiçage ni la reconnaissance ne normalisent les performances. À côté de cette incapacité d’acquisition ou d’évocation des souvenirs va s’ajouter une dissolution progressive du stock mnésique constitué, en commençant par les souvenirs les moins consolidés ou une incapacité d’accès à ce stock mnésique. Les amnésies d’évocation laissent donc, quand elles sont pures, le sujet capable de reconnaître ses souvenirs comme siens et comme passés dès que des réponses à choix multiple ou des indices lui sont proposés. Les amnésies par dissolution du stock mnésique abolissent cette capacité de reconnaissance des souvenirs, qu’ils concernent la Mémoiresocialemémoire sociale ou la Mémoireautobiographiquemémoire autobiographique : ainsi est atteinte la Mémoiredes faitsmémoire des faits anciens (remote memory des auteurs anglo-saxons) qui habituellement obéit à un Gradient temporelgradient temporel, les souvenirs étant d’autant plus atteints qu’ils sont moins éloignés dans le temps. Tel est le cas de la maladie d’Alzheimer qui peut toutefois au moins pendant les premières années d’évolution voir les souvenirs réactivés en reconnaissance : ainsi le nom du président de la République peut ne pas être évocable mais réactivable quand il est dit au sujet au milieu du nom d’autres hommes politiques. On peut bien soutenir une « sémantisation » des souvenirs anciens quand il s’agit d’événements publics ou de visages célèbres relatant des informations qui ont peu ou pas impliqué personnellement le sujet. Mais le déficit intéresse aussi la mémoire autobiographique et la partie la plus personnalisée de la mémoire sociale (comme les événements locaux, le nom du maire de la commune) : il vient un temps dans la maladie d’Alzheimer où l’histoire personnelle du sujet paraît se dissoudre : ce sont d’abord les petits-enfants dont les noms paraissent n’éveiller aucun écho puis dont l’existence même est ignorée, oubliée ; puis l’oubli gagne les belles-filles et les gendres et arrive le jour où même les enfants ne sont pas reconnus. Certes, il peut s’agir aussi d’une Agnosiedes physionomiesagnosie des physionomies ou de l’oubli de l’aspect actuel du visage des enfants au profit de souvenirs plus anciens de physionomies plus jeunes. Le conjoint résiste mieux à l’oubli et il demeure longtemps la seule référence stable du malade, permettant ainsi la poursuite de son insertion dans la vie familiale. Il arrive aussi dans la démence d’Alzheimer que le malade vive au présent des fragments de son passé (ecmnésie) comme il arrive que les troubles de la mémoire s’associent à des propos fabulatoires spontanés et facilement réactivés par la suggestion et réalisant la variété Presbyophréniepresbyophrénique qui semble coexister avec une meilleure préservation de la façade sociale. Une étude systématique de la confabulation dans une tâche de rappel verbal d’histoires a pu montrer que la confabulation observée au cours de la maladie d’Alzheimer était favorisée par la médiocrité de l’encodage et l’interférence, en rappel, d’informations hyper-apprises et fortement représentées en mémoire épisodique : la lésion hippocampique fragilisant l’encodage et la consolidation en mémoire épisodique rendrait compte de la sensibilité à l’interférence observée en encodage mais aussi de la vulnérabilité à l’interférence des afférences venues du cortex temporo-pariétal et liées aux informations hyper-apprises (Attali). L’enjeu de telles amnésies est pathétique car elles entraînent une destruction progressive et chaotique de l’histoire même de l’individu, frappé dans sa conscience identitaire. La Mémoiresémantiquemémoire sémantique n’est pas épargnée encore que des dissociations puissent être observées entre l’atteinte de la Mémoireépisodiquemémoire épisodique et l’atteinte de la mémoire sémantique, l’une pouvant être moins atteinte que l’autre. L’altération de la mémoire sémantique intéresse donc les connaissances didactiques comme le sens et la disponibilité des mots du lexique (voir infra).



Les troubles des fonctions instrumentales



Les troubles du langage


Le Langagedu démentlangage du dément est un langage quantitativement appauvri comme le montrent l’écoute de son discours et les Testde fluenceverbaletests de fluence verbale au cours desquelles on demande au sujet de citer des noms appartenant à des catégories (animaux, villes, fruits, etc.) ou des mots commençant par telle ou telle lettre.

Le langage du dément est un langage informativement appauvri : les mots exacts font défaut ; l’épreuve de dénomination montre des erreurs de type aphasique avec un manque du mot, des approches synonymiques, des circonlocutions, et des Paraphasieparaphasies d’abord verbales et plus tardivement phonémiques, ces désordres aphasiques intéressant les démences corticales et en particulier la Maladied’Alzheimermaladie d’Alzheimer. La compréhension du langage est, elle aussi, perturbée et associée à une répétition satisfaisante, réalisant l’aspect d’une Aphasietranscorticalesensorielleaphasie transcorticale sensorielle. Toutefois, il a pu être observé chez des sujets déments une dénomination satisfaisante contrastant avec l’absence de compréhension, ce qui suggère qu’une dénomination correcte ne donne pas de garantie sur la possibilité ou la pertinence d’un traitement sémantique et ce qui validerait aussi l’existence, en dénomination et à l’instar de la lecture, d’une voie lexicale asémantique. L’écriture et la lecture sont perturbées : les erreurs de lecture comme d’écriture concernent surtout les mots irréguliers surtout s’ils sont peu familiers au sujet.

Le langage du dément est un langage incohérent car il est le reflet, non seulement de perturbations spécifiquement langagières, mais aussi des autres défaillances cognitives et en particulier des troubles de la mémoire.

Le langage du dément peut aussi être affecté par de l’Écholalieécholalie, de la Palilaliepalilalie (répétition incoercible du même mot ou de la même syllabe), de la Paligraphiepaligraphie (itérations verbales écrites), tous faits observés dans la Maladiede Pickmaladie de Pick et de la Logoclonielogoclonie (répétition incoercible de la dernière syllabe des mots) observée dans les formes évoluées de la maladie d’AlzheimerMaladied’Alzheimer.

Les troubles du langage du dément doivent, pour l’essentiel, être interprétés comme une dégradation de la Mémoiresémantiquemémoire sémantique qui désigne la composante de la mémoire à long terme contenant la représentation permanente de notre connaissance du monde et qui permet aussi de lier les signifiants (c’est-à-dire les mots) à leurs signifiés. Les Testde dénominationtests de dénomination, Testde fluenceverbalede fluence verbale, les subtests de Similitudesimilitudes, de Vocabulairevocabulaire, d’Informationinformation de la WAISWAIS, le Testdes automatismes verbauxtest des automatismes verbaux de Beauregard explorent la mémoire sémantique dont les déficits peuvent être liés soit à une détérioration du stock des informations sémantiques, soit à une difficulté d’accès à ces informations. La Démencesous-corticaledémence sous-corticale de la Maladiede Huntingtonmaladie de Huntington perturberait davantage la Fluencelittéralefluence littérale (citer des mots commençant par une lettre donnée) que la Fluencecatégoriellefluence catégorielle et le profil serait inverse dans la Démenced’Alzheimerdémence d’Alzheimer. De même, la tendance à produire des Superordonnéesuperordonnées (« animal sauvage » pour tigre par exemple) au cours des Testde dénominationtests de dénomination et de fluence (Testdu supermarchétest du supermarché) est particulière à la maladie d’Alzheimer : les sujets donnent davantage de noms de catégorie (des légumes, de la viande…) que des noms d’articles (des tomates, du jambon…) ce qui suggère une détérioration du stock sémantique allant de bas en haut (dite en anglais de type Bottom-upbottom-up) : ainsi les mots comme cheval, rossignol seraient plus rapidement inaccessibles que les mots comme animal et oiseau. Le même comportement se retrouve au cours de tests de dénomination dans lesquels les erreurs concernent surtout la production de superordonnées ou le remplacement du mot recherché par un mot appartenant à la même catégorie. Les troubles n’intéressent généralement pas une catégorie spécifique ; toutefois, une atteinte préférentielle de la Représentationsémantiquereprésentation sémantique des mots désignant des vivants a pu être observée. C’est seulement au cours des maladies d’Alzheimer évoluées que l’on observe en outre, au cours de l’épreuve de dénomination, des erreurs de type perceptif (donc présémantiques) et des distorsions phonémiques (donc postsémantiques).


Les troubles des fonctions visuoconstructives et visuospatiales


La difficulté de réaliser un cube ou d’autres dessins géométriques constitue une manifestation très fréquente de la maladie d’Alzheimer mais peut aussi être observée dans les démences sous-corticales comme celle de la Maladiede Parkinsonmaladie de Parkinson.

Les perturbations de la Mémoiretopographiquemémoire topographique expliquent aussi que le dément puisse se perdre à l’extérieur puis à l’intérieur de son domicile.



Les troubles gnosiques


Ils sont observés dans la maladie d’Alzheimer (Démenceaphaso-agnoso-apraxiquedémence aphaso-agnoso-apraxique). Ainsi des difficultés de la dénomination d’objets peuvent exprimer, outre des désordres linguistiques, une Agnosievisuelleagnosie visuelle. Le déficit peut intéresser aussi la reconnaissance des visages et certains sujets ne reconnaîtront plus leur propre image dans un miroir ou sur une bande vidéo.


Les troubles du calcul


Les difficultés du calcul et de transcodage rendent compte des difficultés de gestion de la vie quotidienne (règlement de courses chez les commerçants, rédaction de chèques) observées dans la démence d’Alzheimer qui serait ainsi la cause la plus commune d’Anarithmétieanarithmétie à laquelle s’ajoutent des difficultés de lecture et d’écriture des nombres. Les soustractions en cascade du même chiffre à partir d’un nombre donné, comme l’épreuve proposée dans le Mini Mental State (MMS)Mini Mental State (MMSMMS) nécessitent la mise en jeu de multiples fonctions cognitives : attention, calcul, mémoire de travail, planification.


Les perturbations de la pensée abstraite, du jugement, du raisonnement et des fonctions dites exécutives


Elles rendent compte de l’inadaptation des actions du dément et de son absence d’autocritique.

Elles peuvent réaliser un Syndromefrontalsyndrome frontal avec distractibilité, atteinte de la flexibilité mentale ainsi que des capacités d’abstraction et de planification ; ces troubles, quand ils ne s’accompagnent ni d’aphasie ni d’agnosie orientent vers une Démencefrontaledémence frontale (comme une Maladiede Pickmaladie de Pick) voire une Démencesous-corticaledémence sous-corticale. Les Démenced’Alzheimerdémences d’Alzheimer s’accompagnent de troubles du jugement et du raisonnement tels qu’ils peuvent être explorés par la critique des histoires absurdes ainsi que des capacités d’abstraction explorées, par exemple par le subtest des similitudes de la WAISWAIS et par l’interprétation de proverbes.


Les troubles comportementaux


La modification de la personnalité conçue comme une modification ou une accentuation des traits antérieurs fait partie des critères de démence retenus par le DSMDSM III-R (mais curieusement pas par le DSM IV). Ainsi un individu calme et patient peut devenir agressif et colérique et son entourage dira alors qu’il ne le « reconnaît plus ». Ailleurs, un individu considéré comme économe devient avare et méfiant et son entourage dira qu’« il était un peu comme cela avant mais que peu à peu la vie est devenue impossible ».

Le sujet dément peut être décrit comme passif, désintéressé, apathique, envieux, soupçonneux, rigide, étroit, égocentrique, récriminateur. Ces distorsions comportementales contribuent à entraîner dans l’entourage familial une lassitude puis un rejet qu’atténue parfois un sentiment de culpabilité.


Le sujet dément peut manifester verbalement une Anxiétéanxiété soit à l’égard de sa mémoire, en début d’évolution, soit de manière diffuse sous forme d’une inquiétude flottante voire d’une surexcitation motrice (se relever, s’asseoir, vouloir partir lors d’une consultation ou de déplacements familiaux) ou verbale (« On s’en va… On rentre… »).

Les comportements d’errance, de Déambulationdéambulation ou de Fuguefugues sont multifactoriels : ils peuvent être favorisés par l’anxiété ou peuvent relever d’une Akathisieakathisie liée à la prise de Neuroleptiqueneuroleptiques ; il peut s’agir d’une forme déambulatoire d’agitation délirante ; il peut aussi s’agir de la conséquence de déficits cognitifs sévères induisant des comportements automatisés ou rendus anarchiques par l’altération de la Mémoiretopographiquemémoire topographique : il peut aussi s’agir de Déambulationdéambulations apparemment « organisées » avec des moyens de transport variés qui s’observent dans les démences fronto-temporales et qui relèvent soit de la désinhibition, soit de phénomènes compulsifs ou de rituels. La prise en charge est difficile car le sujet peut quitter son domicile et se perdre, ce qui exige de l’entourage une vigilance épuisante, d’autant que l’enfermement est source d’agitation. Le dément demande alors surtout une présence qui le canalise ; des aménagements architecturaux peuvent créer des espaces de circulation où la déambulation peut s’effectuer sans risque et sans contrainte.

La démence, que l’on doit bien sûr distinguer de la confusion mentale, peut elle-même s’accompagner de bouffées confusionnelles avec ou sans Onirismeonirisme dont on imagine l’effet délétère sur des repères spatiaux et temporels fragiles et notamment sur le maintien de la conscience du rythme nycthéméral. Même régressive, une Confusionmentaleconfusion mentale n’est chez le dément jamais anodine : voilà pourquoi une grande prudence doit être de mise dans la manipulation des produits anesthésiques et dans la prescription de médicaments.

Des Délirede préjudicedélires de préjudice (le porte-monnaie que l’on ne retrouve pas est considéré comme volé), Délirede persécutionde persécution, Délirede jalousiede jalousie, parfois accompagnés d’Hallucinationhallucinations peuvent devenir le seul pôle productif d’une vie mentale de plus en plus dépouillée et contribuent à l’exclusion du dément de son cercle familial et social.

Des troubles du Comportementalimentairecomportement alimentaire avec Hyperphagiehyperphagie voire Gloutonneriegloutonnerie peuvent s’observer aussi bien dans la démence d’Alzheimer que dans les démences frontales : ils ne réalisent qu’exceptionnellement l’aspect d’un Syndromede Klüver-Bucysyndrome de Klüver-Bucy.


L’Inventaireneuropsychiatriquede Cummingsinventaire neuropsychiatrique de Cummings (Cummings et al., 1994; Robert et al., 1998), fondé sur l’interrogatoire de l’accompagnant qui s’occupe quotidiennement du patient, permet une évaluation qualitative et quantitative des troubles du comportement au cours des démences et son adaptation en différentes langues permet d’envisager des études transculturelles qui tendent à montrer, en sus de réaménagements psychologiques propres à chaque personnalité et à chaque groupe culturel, qu’il existe, au moins pour la Maladied’Alzheimermaladie d’Alzheimer, un dénominateur commun biologique aux perturbations comportementales démentielles (Binetti et al., 1998). L’inventaire de Cummings, dans sa version originale, isole dix groupes de distorsions comportementales : les Déliredélires, les Hallucinationhallucinations, l’Agitationagitation, la Dépressiondépression, l’Anxiétéanxiété, l’Euphorieeuphorie, l’Apathieapathie et l’Indifférenceindifférence, la Désinhibitiondésinhibition, l’Irritabilitéirritabilité et la Labilitélabilité, les Comportementmoteur aberrantcomportements moteurs aberrants. Peuvent aussi être étudiés le Comportementnocturnecomportement nocturne et le Comportementalimentairecomportement alimentaire. Chaque type de trouble comportemental est, s’il est présent, pondéré par une évaluation de sa fréquence et de sa sévérité, ce qui permet donc de préciser la gravité des troubles et de suivre de manière précise leur évolution en fonction des thérapeutiques qui peuvent s’avérer nécessaires.


L’anosognosie


L’anosognosie, terme consacré dans la littérature neurologique désigne le fait de ne pas être conscient des troubles dont on est atteint : on parle ainsi de l’anosognosie de l’aphasie de Wernicke, de la cécité corticale ou de l’hémiplégie gauche dont l’existence est niée par le malade. Il s’agit donc d’une absence de conscience (« unawareness ») du trouble renvoyant à une conception « modulaire » de l’anosognosie (Markova). Le malade est ainsi privé de ses capacités de « percevoir » la modification pathologique de son état : il souffre donc, de manière co-extensive à sa maladie, d’une altération de ce que la littérature anglo-saxonne a désigné sous le terme d’« insight ». Si l’insight désigne la conscience du trouble, il désigne donc l’un des aspects de la « conscience de soi » qui est un concept multidimensionnel recouvrant aussi et notamment la conscience de son identité, de son état affectif, de son corps, comme la capacité d’introspection et de projection dans l’avenir. Mais l’anosognosie est-elle un tout ou rien comme la construction étymologique du mot pourrait le faire penser ? La littérature classique avait déjà perçu la nécessité d’introduire des nuances puisque par exemple, à côté de l’anosognosie de l’hémiplégie gauche, elle avait forgé le terme d’anosodiaphorie, pour désigner, à plus ou moins grande distance de la négation du trouble, l’indifférence à l’égard de l’hémiplégie. De plus, souligner que telle manifestation neurologique peut s’accompagner d’une anosognosie sous-tend que la méconnaissance du trouble n’est pas la règle et qu’il est assez singulier pour devoir être noté. Or, il vaut la peine de remarquer que dans le domaine de la psychiatrie, la construction du concept a été tout à fait inverse : on a en effet considéré initialement que la maladie mentale s’accompagnait par définition d’une absence de conscience du trouble (donc d’insight) et il a fallu attendre le xixe siècle pour que l’on réalise que les sujets atteints de maladie mentale pouvaient avoir conscience de leurs troubles (Berrios) en ce sens qu’ils pouvaient d’une part, avoir conscience de modifications anormales de leur comportement et d’autre part, porter un jugement sur la nature de leurs troubles et leurs conséquences au sens le plus large du terme. En outre, il est souhaitable quand on traite de la conscience d’une maladie, quelle qu’elle soit, de donner au déni une place et une signification particulières car il s’agit d’un comportement d’adaptation (coping) par lequel le sujet se protège des conséquences qu’auraient pour lui la prise de conscience de ses troubles : doit-on en faire un diagnostic différentiel de l’anosognosie ou en faire une étiologie possible de l’anosognosie ? Le fait que certains auteurs utilisent le terme d’une manière générale a aussi pu témoigner de la conviction que les termes étaient équivalents, et que la source de l’anosognosie était motivationnelle. Si l’on doit reconnaître au déni un statut spécifique, il faut sans doute se méfier des confusions de termes entre deux concepts qui se chevauchent sans pouvoir être considérés comme synonymes.

En neuropsychologie, les troubles ont un double aspect : certains sont sectoriels comme le sont les manifestations somatiques. Il en est ainsi par exemple des aphasies, des agnosies, des apraxies, des troubles de la mémoire : ils sont en quelque sorte dans la tradition des désordres neurologiques. Mais d’autres intéressent plusieurs domaines (mémoire, langage, etc.), d’autres encore sont liés à des troubles affectant des fonctions de synthèse ou de régulation cognitivo-comportementales comme les fonctions exécutives, la sphère motivationnelle et émotionnelle, la cognition sociale et du coup altèrent de manière plus extensive la conscience de Soi. Et encore faut-il accorder une place au jugement que le sujet porte que les conséquences réelles de ces troubles. Ainsi le champ des démences réunit-il toutes les difficultés d’évaluation de l’insight et les études sont aussi nombreuses que les protocoles utilisés. Ainsi par exemple, la conscience des troubles de la mémoire peut sans doute permettre d’approcher l’insight de l’Alzheimer mais n’est bien sûr que l’un des aspects de la conscience du trouble dans la maladie.

Ainsi et au-delà de la diversité des protocoles, la conscience du trouble est altérée au cours de la maladie d’Alzheimer et cette altération est plutôt corrélée pour certains avec la gravité de la maladie pour d’autres avec le déficit des « fonctions frontales » (Derouesné). Le lien avec la gravité de la maladie bien que plausible, est diversement apprécié et s’il existe, il n’est sans doute pas linéaire. Ces constations sont importantes car la conscience du trouble ne doit pas être envisagée comme un tout ou rien : la conscience du trouble, plus souvent imparfaite qu’abolie, ce qui apparaît clairement quand on évalue les diverses facettes de la conscience de Soi (Gil), peut toujours laisser s’infiltrer un sentiment de souffrance ; c’est une donnée à ne pas oublier dans l’exploration neuropsychologique, les protocoles de recherche clinique et la prise en charge des sujets atteints de démences. En outre, toutes les études ne montrent pas de lien entre la modicité de l’atteinte de l’insight et la dépression.

Au cours des démences fronto-temporales, l’altération de la conscience des troubles est habituellement plus marquée que dans la maladie d’Alzheimer, qu’il s’agisse des désordres comportementaux que du jugement porté par les malades sur l’évaluation de diverses facettes de leurs activités cognitives (Souchay, O’Keeffe).



Diagnostic différentiel



Démence et dépression


De nombreux travaux ont été consacrés aux liens entre Démencedémence et Dépressiondépression comme au diagnostic différentiel entre ces deux affections.

Certains symptômes sont communs à la dépression et à la démence. La restriction du champ des intérêts, la réduction de l’activité, le ralentissement psychomoteur pouvant confiner à l’apragmatisme ou même une agitation psychomotrice appartiennent à la séméiologie comportementale de la démence comme de la dépression. Cette constatation a généré le terme de Pseudo-démencedépressivepseudo-démence dépressive pour stigmatiser l’urgence d’un diagnostic différentiel justifié par la réversibilité de la dépression et par l’incurabilité ou du moins la précarité thérapeutique de la démence. En outre, la dépression entraîne un déficit cognitif et en particulier des troubles mnésiques qui font que l’existence d’une Détériorationpsychométriquedétérioration psychométrique ne doit pas exclure l’existence d’une Dépressiondépression. Certes on peut considérer qu’il est rare qu’une dépression entraîne un déficit cognitif majeur ; en outre les troubles mnésiques concernent les processus de récupération et la dépression épargne la Mémoireindicéemémoire indicée et il n’y a ni Intrusionintrusions en rappel différé, ni fausses reconnaissances ; on a même voulu opposer la fréquence des réponses du type « Je ne sais pas » du dépressif aux réponses inexactes du dément. Mais une distinction aussi linéaire est très insuffisante, d’autant plus que les Démencefrontaledémences frontales et Démencesous-corticalesous-corticales voient les troubles de la mémoire respecter aussi l’encodage, ce qui n’est pas non plus impossible au stade initial d’une maladie d’AlzheimerMaladied’Alzheimer.

La Dépressiondépression accompagne des maladies comme la maladie de Parkinson ou la Maladiede Huntingtonmaladie de Huntington qui peuvent en outre se compliquer d’une démence. On peut étendre cette constatation à la fréquence de la dépression dans la Démenced’Alzheimerdémence d’Alzheimer pour rechercher une distorsion biologique commune aux deux syndromes mais combien de Neuromédiateurneuromédiateurs devraient alors être impliqués ?

La démence peut aboutir à la perte totale de l’Autocritiqueautocritique et des capacités de jugement dont on peut considérer qu’elle protège le dément de la Dépressiondépression mais cette assertion ne peut être défendue que dans les stades ultimes de la démence ; au contraire une démence débutante peut, tout particulièrement par la prise de conscience des troubles mnésiques, engendrer une détresse dépressive.


En pratique, toute distorsion émotionnelle de la série dépressive nécessite l’instauration d’un traitement antidépresseur sous-tendu par deux préoccupations : ne pas aggraver par certains médicaments le déficit cognitif, et se demander à chaque fois si la posologie et la durée du traitement ont été correctes afin de pouvoir estimer le temps au terme duquel le traitement peut être déclaré inefficace tout en se demandant si l’inefficacité suffit à exclure la dépression.


Démence et confusion


La Confusionmentaleconfusion mentale, avec ses caractères habituels d’acuité, de fluctuations de la vigilance, ses troubles massifs de l’attention, ses perturbations voire l’inversion du rythme veille–sommeil, sa perplexité anxieuse et son Onirismeonirisme s’opposent en principe point par point à la démence, surtout s’il existe une altération concomitante de l’état général, une affection somatique connue, une fièvre, un contexte d’Alcoolismealcoolisme ou de médication, une distorsion métabolique évidente, un antécédent de Traumatismecrânientraumatisme crânien. Mais il faut se méfier des anamnèses imprécises, celles-là mêmes qui font rapidement et ordinairement qualifier le dément de « désorienté », encore que cette approximation séméiologique ait au moins le mérite de ne pas enfermer le médecin dans l’inaction et de rechercher une cause non démentielle et peut-être curable à la désorganisation mentale et comportementale. Peu importe d’ailleurs que l’on parle de démence curable, de confusion subaiguë, de Pseudo-démencepseudo-démence si l’on sait ne pas laisser échapper une encéphalopathie hyponatrémique chez un hypertendu âgé traité par diurétiques, une Tumeurfrontaletumeur frontale, un Hématome sous-duralchroniquehématome sous-dural chronique voire une Dépressionstuporeusedépression stuporeuse.


Troubles de la mémoire associés à l’âge, déficits cognitifs légers et démences



Ces plaintes mnésiques peuvent ou non correspondre à un trouble objectif des performances mnésiques. Les plaintes mnésiques que les sujets relient au stress, à l’âge ou aux deux à la fois sont de plus en plus sous-tendues, au fur et à mesure que les sujets avancent en âge, par la crainte d’avoir une maladie d’Alzheimer. Les plaintes peuvent accompagner un état dépressif, une anxiété, une appréciation pessimiste de l’état de santé. Le déficit mnésique, quand il existe, épargne la mémoire indicée (voir supra), éliminant ainsi une amnésie hippocampique, ce qui a donc conduit à opposer « les oublis bénins de la sénescenceOublibénin de la sénescence » (Kral) aux oublis « malins » de la démence d’Alzheimer.

Le besoin d’isoler une population vieillissante présentant objectivement des troubles mnésiques et susceptible de faire l’objet d’études évolutives ont conduit Crook et al. (Institut national américain de santé mentale) à forger le cadre des « Troublede la mémoireassocié à l’âgetroubles de la mémoire associés à l’âge » (AAMIAAMI : Age Associated Memory Impairment). Les critères diagnostiques proposés par l’Institut américain de la santé mentale associent un âge d’au moins 50 ans, des résultats aux tests de mémoire comparables à ceux obtenus dans la même tranche d’âge et dont les scores sont à au moins un écart type de ceux obtenus chez de jeunes adultes (par exemple, 6 ou moins au subtest de mémoire logique et 13 ou moins au subtest de mémoire associative de l’échelle de mémoire de Wechsler). En outre, un fonctionnement intellectuel satisfaisant doit être attesté par une note standard d’au moins 9 au subtest de vocabulaire de la WAIS et de 24 ou plus au MMS. Il faut toutefois remarquer qu’un score au MMS de 24 ou plus ne saurait ni attester à lui seul d’un fonctionnement cognitif optimal, ni exclure une démence débutante. Doivent être exclues toute confusion mentale, toute atteinte cérébrale organiqueTraumatismecrânien, tout trouble psychiatrique et en particulier la dépressionDépression (le score à l’échelle de dépression de HamiltonÉchellede dépressionde Hamilton doit être inférieur à 13), toute affection générale significative (comme une insuffisance cardiaque, rénale ou un diabète) et toute utilisation de drogues psychotropes. Ainsi seraient cliniquement et psychométriquement définis les « troubles de mémoire associés à l’âge » (initialement appelés par Kral « Oublibénin de la sénescenceoublis bénins de la sénescence ») : ces difficultés mnésiques du vieillissement pourraient atteindre plus du tiers des sujets de 60 ans et plus et ne constitueraient ni le stade initial d’une démence ni un facteur de risque pour la survenue ultérieure d’une démence. Elles pourraient selon les cas avoir un lien avec des traits de personnalité ou avec une dépressivité liée à une vision péjorative du vieillissement, tant sur le plan personnel que social mais leur étiologie précise reste actuellement indécise.

Le « déficit cognitif légerDéficitcognitif léger » (Mild Cognitive ImpairmentMild Cognitive Impairment, MCIMCI, de Petersen) désigne un ensemble syndromique associant :


▪ des plaintes mnésiques du sujet âgé confirmées par l’entourage ;


▪ un trouble objectif de la mémoire caractérisé sur le plan psychométrique par des scores situés à plus de 1,5 écart type au-dessous d’une population témoin de même âge et de même niveau culturel ;


▪ un fonctionnement cognitif général normal ;


▪ une préservation des activités de la vie quotidienne ;


▪ l’absence de critères de démence.

Ces sujets ont un score à l’échelle clinique de démenceÉchellecliniquede démence (CDR, tableau 16.I) de 0,5. La situation nosologique de ce concept est loin d’être évidente. Est-on sûr que tous les sujets classés MCI n’ont qu’un trouble isolé de la mémoire sans troubles discrets d’autres secteurs cognitifs comme le langage ou les performances praxiques (Ritchie) ? Pourquoi ne pas plutôt qualifier le syndrome de « Mild Memory Impairment » ? Doit-on considérer le MCI comme le stade prédémentiel de la maladie d’Alzheimer ou comme un syndrome ouvrant vers des étiologies multiples à l’instar des syndromes démentiels ? Mais jusqu’où est-il légitime de pousser les examens complémentaires – la littérature offrant des protocoles actuellement non généralisables à la pratique quotidienne comme les mesures du volume de l’hippocampe en IRM dont la tête serait atrophiée dans les MCI, l’atrophie s’étendant vers le corps et la queue dans la maladie d’Alzheimer et au fur et à mesure de son évolution ? Et s’il existe un déficit perfusionnel bitemporo-pariétal en imagerie fonctionnelle monophotonique (SPECT) ou en tomographie à émissions de positrons (PET), est-ce déjà une maladie d’Alzheimer ? Et si l’on considère que les MCI ont une augmentation de la protéine tau et un abaissement de la protéine β-amyloïde dans le liquide céphalo-rachidien, doit-on alors en conclure, même si ces examens ne sont pas de pratique courante, que le MCI n’est qu’une forme précocement diagnostiquée d’Alzheimer ? En tout cas, il est assuré que le taux de conversion de sujets atteints de MCI en maladie d’Alzheimer est très supérieur (15 % par an, 50 % en 3 ans) à celui d’une population âgée témoin (environ 2 %). Cependant, à côté des MCI d’évolution « déclinante », il existe des sujets atteints de MCI « non déclinants », qui restent durablement stables et qui pourraient même pour certains s’améliorer sans qu’il ne s’agisse pour tous d’états dépressifs.























































Tableau 16.I Échelle clinique de démence de Hughes
(Br J Psychiatry 1983 ; 140 : 566-72, traduction de R. Gil)
Cette échelle peut soit permettre une évaluation globale en quatre grades (de la « bonne santé » à la « démence sévère »), soit déterminer un score composite fait de l’addition de chaque score (0 ; 0,5 ; 1 ; 2 ; 3) aux six items explorés. Règles de cotation (Morris JC. Neurology 1993 ; 43 : 2412-4). Le score global (CDR=0, 1, 2 ou 3) est dérivé du score obtenu à chacune des six catégories. Chaque catégorie doit être notée de manière aussi indépendante que possible en tenant compte seulement du retentissement du déficit cognitif et non pas d’autres facteurs comme un handicap physique ou une dépression. La mémoire est considérée comme la catégorie centrale et les autres catégories comme secondaires. Le score CDR est celui de la mémoire (M) si au moins trois catégories secondaires ont le même score que M. Si trois ou plus des catégories secondaires ont un score plus grand ou plus petit que M, le score CDR est celui de la majorité des catégories secondaires. Toutefois quand trois catégories secondaires sont d’un côté de M et deux de l’autre côté, CDR=M. Quand M=0,5, CDR=1 si au moins trois autres catégories ont 1 ou plus. Quand M=0,5, CDR ne peut pas être 0, il peut être seulement 0,5 ou 1. Si M=0, CDR=0 sauf si deux ou plus des catégories secondaires ont 0,5 ou plus : le score CDR est alors 0,5. Quand M=1 ou plus, CDR ne peut pas être 0. Dans ce cas, CDR=0,5 quand la majorité des catégories sont notées 0. Quand les scores dans les catégories secondaires sont d’un côté de M, choisir pour score CDR le score le plus proche de M (par exemple, M et une catégorie secondaire=3, deux catégories secondaires=2 et deux catégories secondaires=1, CDR=2). Il est aussi possible de fournir une note composite en additionnant le score de chaque catégorie (donc de 0 à 18).

En bonne santé
CDR = 0
Démence douteuse
CDR = 0,5
Démence discrète
CDR = 1
Démence modérée
CDR = 2
Démence sévère
CDR = 3
Mémoire Pas de déficit mnésique ou oublis inconstants et discrets Oublis modérés, souvenir incomplet des événements, oublis bénins Déficit mnésique modéré prédominant sur les faits récents et retentissant sur les activités quotidiennes Déficit mnésique sévère ne préservant que ce qui a été appris depuis longtemps ; les acquisitions récentes sont rapidement oubliées Déficit mnésique sévère : persistance de quelques îlots de mémorisation
Orientation Normale Normale Quelques difficultés dans les relations temporelles :
sait l’endroit où il se trouve mais peut avoir une désorientation géographique
Difficultés sévères dans la perception du temps
Habituellement désorienté dans le temps, souvent dans l’espace
Désorienté dans le temps et dans l’espace
Orienté seulement par rapport aux personnes
Jugement et résolution de problèmes Résout bien les problèmes quotidiens, gère bien ses affaires professionnelles et financières ; jugement préservé en relation avec les performances antérieures Perturbations discrètes dans la gestion des problèmes, des similitudes et des différences Difficultés modérées dans la gestion des problèmes des similitudes et des différences ; jugement social habituellement préservé Perturbations importantes de la gestion, des problèmes, des similitudes et des différences, jugement social habituellement perturbé Incapable de formuler des jugements et de résoudre des problèmes
Vie sociale Indépendant dans le travail, les achats, les affaires, la gestion financière, la vie sociale Perturbations discrètes ou douteuses de ces activités Incapacité de fonctionnement indépendant dans ses activités, bien qu’un engagement partiel demeure possible ; peut apparaître normal à un examen ponctuel Ne peut avoir de fonctionnement indépendant à l’extérieur de son domicile, mais peut être emmené pour exercer des activités à l’extérieur de son domicile Ne peut avoir de fonctionnement indépendant à l’extérieur de son domicile et apparaît trop malade pour être emmené exercer des activités à l’extérieur de son domicile
Maison et passe-temps Vie à la maison, passe-temps, intérêts intellectuels bien maintenus Vie à la maison, passe-temps, intérêts intellectuels légèrement diminués Perturbations discrètes mais certaines des fonctions domestiques (les tâches les plus difficiles) sont abandonnées, les passe-temps et les centres d’intérêt les plus compliqués sont abandonnés Seules les tâches quotidiennes simples sont préservées ; les centres d’intérêts sont réduits et médiocrement maintenus Aucune activité significative à la maison
Soins personnels Normaux Normaux A parfois besoin d’être stimulé Assistance nécessaire pour l’habillage, la toilette, pour prendre soin de ses effets personnels Requiert beaucoup d’assistance pour les soins personnels, souvent incontinent

Actuellement, une surveillance neuropsychologique est sans doute la manière la plus efficace de détecter l’aggravation et l’évolution démentielle des sujets atteints de MCI : déficit croissant et efficacité décroissante de l’indiçage à un test de mémoire verbale comme le test de Gröber-Buschke, détection d’un syndrome dysexécutif (avec le Trail Making A et B), déficit de la fluence verbale. Seraient à surveiller tout particulièrement les sujets ayant un score initial au MMS inférieur à 28, un Testde l’horlogetest de l’horloge pathologique, ainsi que les sujets ayant l’allèle ɛ4 de l’apolipoprotéine E. Le suivi réadaptatif de ces malades facilite bien sûr la détection de la conversion et permet de déboucher sur un traitement anticholinestérasique. D’autres protocoles thérapeutiques destinés non au MCI transformé en Alzheimer à forme légère mais aux MCI non démentiels sont à l’étude : mais que montreront-ils si le MCI est vraiment un trouble d’étiologie composite ?

À côté du MCI ont surgi bien d’autres entités. La CIM-10 isole un « Troublecognitif légertrouble cognitif léger » défini de manière vague comme « une altération du fonctionnement cognitif, pouvant se manifester par une altération de la mémoire, des difficultés de concentration, s’accompagnant habituellement de certaines anomalies aux tests » et d’une sévérité insuffisante pour justifier un diagnostic de démence. Un tel trouble peut compliquer des affections somatiques très diverses, cérébrales et générales, et le trouble disparaît alors si le malaise physique s’éteint.

Par ailleurs, le MDI (Multiple Domain slightly Impairment (MDI)Multiple Domain slightly Impairment) désigne des sujets ayant des déficits cognitifs ne se limitant pas à la mémoire qu’il s’agisse de maladie d’Alzheimer ou de démences vasculaires débutantes, la caractérisation de ces sujets comme déments dépendant de la durée des troubles et du retentissement sur la vie quotidienne. Quant au Single Non Memory Dysfunction Impairment (SDI)SDI (Single Non Memory Dysfunction Impairment), il désigne des déficits cognitifs limités à une fonction autre que la mémoire – comme un syndrome dysexécutif, un trouble du langage, des perturbations apraxiques ou encore visuospatiales – et qui renverraient selon les cas à une atrophie lobaire, à une démence fronto-temporale, à une démence parkinsonienne, à une maladie à corps de Lewy, voire à un mode d’entrée dans une maladie d’Alzheimer.



Examens complémentaires et diagnostic des syndromes démentiels



Les tests psychométriques


La nécessité d’estimer au lit du malade et au cabinet de consultation l’existence d’un déficit cognitif a entraîné la mise au point d’instruments d’évaluation rapide des fonctions intellectuelles dont le plus répandu est le Mini Mental State (MMS)Mini Mental State (MMS) de Folstein. Sur le plan statistique, ce test est construit afin que la grande majorité de la population normale soit groupée sur les scores les plus élevés, ce qui donne une courbe en « J ». Cette procédure conduit à un choix difficile entre sensibilité et spécificité. Le MMS permet donc de repérer un déficit cognitif en sachant que le test peut être pris en défaut chez les sujets à fort niveau culturel et doit être interprété avec prudence chez les sujets à très faible niveau d’éducation. Le MMS ne dispense donc ni de la recherche des critères diagnostiques de démence ni d’investigations neuropsychologiques plus élaborées, inspirées de la description séméiologique du syndrome démentiel. Ces précautions étant prises, on considère habituellement qu’un score inférieur à 24 indique un Syndromedémentielsyndrome démentiel, ce score seuil baissant d’un point pour un niveau d’instruction secondaire et d’un point supplémentaire pour un niveau d’instruction primaire. L’étude de populations normales en fonction de l’âge montre un étalement des scores entre 30 (valeur maximale pour tous les âges), tandis que la borne inférieure décroît avec l’âge : 28 dans la tranche 40–49 ans, 26 dans la tranche 50–59, 25 dans la tranche 60–79, et 24 dans la tranche 80–89 ans (Fleming et al., 1995). Le score des démences légères s’étale entre 19 et 24, celui des démences modérées entre 10 et 18 et celui des démences sévères est inférieur à 10. Dans la Maladied’Alzheimermaladie d’Alzheimer, la baisse annuelle moyenne du score est de 3 ou 4 points par an, avec des extrêmes allant de 1 point pour les formes d’évolution lente à environ 7 points pour les formes plus rapidement évolutives (Derouesné et al., 1999). Le subtest du MMSMMS le plus sensible aux processus démentiels est le rappel des trois mots ; le second subtest le plus sensible aux démences est, selon les études, l’orientation dans le temps ou le dessin des deux pentagones.

L’évaluation neuropsychologique des démences doit être conçue comme une aide au diagnostic, une méthode d’approche de la sévérité, l’un des moyens de suivre l’évolution. Toute démence entraîne une détérioration de l’efficience psychométrique, c’est-à-dire une baisse des performances du sujet par comparaison à ce qu’elles étaient avant le début des troubles, une fois soustrait ce qui revient à la baisse physiologique des performances en rapport avec le vieillissement. La difficulté tient à ce que les performances intellectuelles antérieures à la maladie ne peuvent être que supputées en comparant les scores du sujet à des tests « résistants » et à des tests « sensibles » au vieillissement physiologique et aux lésions organiques de cerveau. Les premières explorent plutôt la composante dite « Intelligencecristalliséecristallisée » (renvoyant plutôt à l’expérience et à des connaissances didactiques comme les subtests de vocabulaire et d’information de la WAIS ou encore le test des automatismes verbaux de Beauregard), les secondes explorent la composante dite « Intelligencefluidefluide » (explorant l’adaptation aux situations nouvelles, ce qui est le cas des subtests de Codecode ou de Cubecubes de la WAISWAIS). Les premières sont très liées au Niveau culturelniveau culturel alors que les secondes sont plus indépendantes du niveau culturel. Le concept de détérioration est ainsi inféré sur une base probabiliste. L’existence d’une détérioration ne donne toutefois pas d’indication sur sa cause qui peut relever de toute atteinte organique cérébrale mais aussi d’un état dépressif ou d’un syndrome psychotique. La recherche d’une détérioration peut être complétée par la mise en évidence, lors de certains tests, d’erreurs typiquement observées dans les lésions organiques du cerveau, ce qui peut être objectivé par exemple par le Testde rétention visuelle de Bentontest de rétention visuelle de Benton ou par la Testde la figure complexe de Reyfigure complexe de Rey.

L’évaluation des diverses facettes des fonctions cognitives peut aussi être évaluée dans une démarche plus étroitement liée à la séméiologie neuropsychologique des démences : Testde mémoire comme les mots de Reytests de mémoire comme les mots de Rey, le Testde Gröber-Buschketest de Gröber-Buschke ou le Testd’apprentissageverbal de Californietest d’apprentissage verbal de Californie (voir chapitre 14) ; examen du langage par les Testde fluencetests de fluence et Testde dénominationde dénomination ; examen des gnosies visuelles, examen des capacités visuoconstructives (dessins et Figurede Reyfigure de Rey) et visuospatiales ; examen des capacités d’abstraction (à travers par exemple le subtest des Similitudesimilitudes de la WAISWAIS) et des Fonctionexécutivefonctions dites exécutives.


Les examens électrophysiologiques


La place de l’Électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme a reculé depuis l’essor de l’imagerie mais il serait dommage de négliger l’aide que peut fournir cet examen : un foyer delta frontal unilatéral écarte une Démencefrontaledémence frontale pour orienter vers une lésion focale, notamment tumorale ; la Maladiede Creutzfeldt-Jakobmaladie de Creutzfeldt-Jakob induit une activité paroxystique périodique d’abord intermittente puis permanente ; et l’EEG peut fournir des indications précieuses en faveur d’une encéphalopathie métabolique ou d’un état de mal non convulsivant.

Les Potentielévoquéde longue latencepotentiels évoqués (par exemple auditifs) de longue latence sont formés de composantes exogènes apparaissant quelle que soit la valeur informative du signal ; il s’agit des ondes N100 et P200. L’introduction dans le protocole de recueil d’une tâche nécessitant attention et traitement de l’information, comme compter des sons aigus répartis aléatoirement au sein de sons graves, fait surgir desPotentielévoquécognitifpotentiels évoqués cognitifs dont les plus étudiés sont les ondes N200 et P300. Les démences corticales entraînent un allongement de la latence des ondes N200 et P300, alors que les démences sous-corticales entraînent en outre un allongement des ondes N100 et P200.


L’imagerie


L’Imageriestatiqueimagerie statique (tomodensitométrie, Résonance magnétique nucléairerésonance magnétique nucléaire) peut fournir des arguments en faveur de certaines causes de syndromes démentiels : séquelles d’infarctus, Leucoaraïoseleucoaraïose, tumeur, Hématome sous-duralhématome sous-dural, Hydrocéphalienormopressivehydrocéphalie normopressive. Dans la maladie d’Alzheimer, l’imagerie peut être normale ou peut montrer une atrophie cortico-sous-corticale qui intéresse électivement les régions temporales internes. Dans les démences frontales, l’imagerie peut être non contributive ou peut montrer une atrophie frontale avec ou sans ballonisation des cornes frontales et disparition de l’empreinte des noyaux caudés dans les cornes frontales (Pasquier et Lebert, 1995).

L’Imageriefonctionnelleisotopiqueimagerie fonctionnelle isotopique (à l’Imagerieà l’HMPAOHMPAO ou au neurolite) montre des hypoperfusions plutôt postérieures dans la démence d’Alzheimer et des hypoperfusions plutôt frontales dans les démences frontales et dans la Paralysiesupranucléaireprogressiveparalysie supranucléaire progressive. Les travaux de recherche en cours indiquent que la visualisation des dépôts d’amyloïde est possible en tomographie à émission de positrons, et peut-être bientôt en scintigraphie monophotonique.


Les examens biologiques


Ils peuvent mettre rapidement sur la piste étiologique d’un syndrome démentiel ou confusionnel : il s’agit en particulier de l’ionogramme, de la créatinine, de la glycémie, de la calcémie, de l’hormonémie thyroïdienne ; les sérologies de la Syphilissyphilis et du VIHVIH sont à demander au moindre doute. La NFS (numération-formule sanguine) et la VS (vitesse de sédimentation) peuvent mettre sur la piste d’une maladie générale.

Des recherches encore balbutiantes explorent de possibles marqueurs des démences dégénératives et notamment de la Maladied’Alzheimermaladie d’Alzheimer (voir infra).


Une distinction syndromique : démences sous-corticales et corticales


Ce sont les maladies du Systèmeextrapyramidalsystème extrapyramidal, donc les processus lésionnels des Noyaugrisnoyaux gris centraux, qui ont initialement permis de bâtir le concept de démence sous-corticale, ensuite étendu à certaines Démencevasculairedémences vasculaires et tout particulièrement aux Étatlacunaireétats lacunaires, puis à la pathologie de la substance blanche et tout particulièrement aux Leucoaraïoseleucoaraïoses et à la Scléroseen plaquessclérose en plaques. Ces démences ont pour caractère essentiel d’épargner le cortex cérébral, les perturbations cognitives étant imputées à une désafférentation du cortex frontal, privé de ses connexions sous-corticales soit au niveau de leurs trajets (dans la substance blanche), soit au niveau de leurs cibles (dans les noyaux gris centraux). Ces démences sont donc caractérisées par une lenteur de l’idéation (consacrant ainsi la réalité cognitive de la Bradyphréniebradyphrénie parkinsonienne), une difficulté d’évoquer les souvenirs sans perturbation significative de l’apprentissage (expliquant la préservation de la Mémoireindicéemémoire indicée), une Apathieapathie, et fréquemment une Dépressiondépression, l’absence d’Aphasieaphasie et d’Agnosieagnosie. Il peut cependant exister des perturbations visuospatiales (tout au moins dans la Maladiede Parkinsonmaladie de Parkinson) et la présence de troubles des Fonctionexécutivefonctions dites exécutives (capacités de Planificationplanification, Résolution de problèmesrésolution de problèmes) caractérisant un déficit de type « frontal » : elles réalisent donc des Démencefronto-sous-corticaledémences fronto-sous-corticales et certaines d’entre elles perturberaient la Mémoireprocéduralemémoire procédurale (voir chapitre 14). Ces démences sont, compte tenu des sites lésionnels impliqués, souvent accompagnées de désordres moteurs. Elles s’opposent aux Démencecorticaledémences corticales et en particulier à la Démenced’Alzheimerdémence d’Alzheimer dont les troubles de la mémoire traduisent un déficit de l’apprentissage et qui comporte des signes d’atteinte corticale : Aphasieaphasie, Agnosieagnosie et Acalculieacalculie.


Étiologie


Il est donc devenu habituel d’inclure dans la liste étiologique des démences un nombre impressionnant d’affections dont les manifestations pourraient selon les cas être désignées sous le nom de Syndromedémentielsyndrome démentiel ou Syndromepseudo-démentielpseudo-démentiel ou de Syndromepsycho-organiquesyndrome psycho-organique ou encore de confusion subaiguë ou chronique voire de syndrome confuso-démentiel.


Les encéphalopathies médicamenteuses


Un historique médicamenteux doit être pratiqué en présence de tout syndrome confusionnel ou démentiel. Il est difficile de fournir une liste exhaustive de tous les médicaments en cause : Anticholinergiqueanticholinergiques, tout particulièrement chez le parkinsonien, Antidépresseurtricycliqueantidépresseurs tricycliques en raison non seulement de leur effet anticholinergique, mais aussi en raison d’Hyponatrémiehyponatrémie induite par sécrétion inappropriée d’ADH, Antiépileptiqueantiépileptiques, Neuroleptiqueneuroleptiques, Diurétiquediurétiques qui peuvent entraîner une hyponatrémie, Hypoglycémianthypoglycémiants.


Les processus expansifs de présentation pseudo-démentielle


Ce sont surtout les Tumeurfrontaletumeurs frontales qui peuvent en imposer pour un affaiblissement démentiel car le comportement peut être centré sur une Indifférenceindifférence, une Apathieapathie, des troubles mnésiques, une désorganisation des comportements sphinctériens. Les Tumeurtemporaletumeurs temporales droites peuvent aussi entraîner une confusion d’évolution subaiguë. Et il reste l’Hématome sous-duralchroniquehématome sous-dural chronique qui représente un piège diagnostique fréquent chez le sujet âgé, quand le traumatisme crânien a été bénin voire oublié : on doit évoquer cette hypothèse quand la confusion est fluctuante, et quand il existe des signes de localisation même s’ils sont discrets. La tomodensitométrie permet généralement le diagnostic en sachant se méfier des formes isodenses et des formes dont la bilatéralité abolit le déplacement des structures médianes.


Les encéphalopathies carentielles


Elles sont souvent dues à l’Alcoolismealcoolisme, mais elles peuvent aussi relever d’états de Dénutritiondénutrition en rapport avec des vomissements, des anorexies sévères, des syndromes de malabsorption intestinale.



Le syndrome de Korsakoff


Le Syndromede Korsakoffsyndrome de Korsakoff peut accompagner l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke ou s’installer isolément et progressivement : la thérapeutique est identique.


La maladie de Marchiafava-Bignami


La maladie de Marchiafava-Bignami (nécrose du Corpscalleuxcorps calleux) n’intéresse pratiquement que des alcooliques : elle peut avoir une présentation de démence progressive accompagnée d’Hypertonieoppositionnistehypertonie oppositionniste, d’Astasie–abasieastasie–abasie, de dysarthrie, voire de signes de Disconnexioncalleusedisconnexion calleuse.


Les démences alcooliques


Les démences alcooliques menacent les alcoolismes invétérés et prolongés ; elles surviennent donc essentiellement chez des alcooliques âgés mais de manière plus précoce chez la femme que chez l’homme. Elles atteindraient moins de 5 % des alcooliques si l’on s’en tient aux seules démences caractérisées mais un nombre important d’alcooliques présente un déficit cognitif prouvé par les tests psychométriques. La Tomodensitométrietomodensitométrie peut objectiver une Atrophiesous-corticaleatrophie cortico-sous-corticale. Il faut y ajouter les facteurs psychologiques et sociaux qui contribuent aussi à la déchéance de l’alcoolique et dont la prise en compte est, avec la suspension de l’intoxication, le seul moyen d’espérer une régression au moins partielle des troubles.


Les encéphalopathies carentielles par carences vitaminiques autres que celles liées à l’alcoolisme


Les encéphalopathies carentielles par carences vitaminiques autres que celles liées à l’alcoolisme sont essentiellement dues à des déficits alimentaires en vitamine B12 et en acide folique parfois favorisés par un syndrome de malabsorption, une gastrectomie. Il existe aussi chez le sujet âgé des gastrites atrophiques occultes avec achlorhydrie et absence de facteur intrinsèque expliquant la relative fréquence des carences en vitamine B12. En présence d’une Démenceséniledémence sénile, il reste préférable de contrôler ces dosages vitaminiques.


Les encéphalopathies métaboliques et endocriniennes


Le contexte de l’Encéphalopathiehépatiqueencéphalopathie hépatique est trop particulier pour créer des difficultés diagnostiques. Il en est de même de l’encéphalopathie, de l’insuffisance rénale et de l’Encéphalopathiedes dialysésencéphalopathie des dialysés. En revanche, les encéphalopathies hypoglycémiques peuvent se présenter sous un mode chronique et se manifester par des symptômes d’allure névrotique, des troubles du caractère, une détérioration intellectuelle, une rigidité voire des mouvements choréo-athétosiques.

Une confusion mentale, une lenteur de l’idéation peuvent compliquer l’insuffisance respiratoire.


L’Hypothyroïdiehypothyroïdie, outre une ataxie cérébelleuse, entraîne souvent des troubles de la mémoire et une apathie. L’Insuffisance hypophysaireinsuffisance hypophysaire peut aussi donner une encéphalopathie de séméiologie très voisine.


Syndromes démentiels et cancers


L’Encéphalitelimbiqueencéphalite limbique est un syndrome paranéoplasique dont les manifestations sont centrées sur des troubles mnésiques auxquels peuvent s’associer un état dépressif et des crises d’épilepsie. La Leucoencéphalopathiemultifocale progressiveleucoencéphalopathie multifocale progressive est une infection à Papovaviruspapovavirus (virus JC) qui accompagne des cancers et des états d’immunodépression. Les foyers de démyélinisation sont mis en évidence par la Tomodensitométrietomodensitométrie. Aucun traitement ne peut être opposé à cette maladie.

La radiothérapie du névraxe peut se compliquer d’une Leucoencéphalopathieleucoencéphalopathie insidieuse donnant un tableau de Démencesous-corticaledémence sous-corticale à forme pseudo-dépressive et apathique.


Syndromes démentiels et collagénoses


Ils donnent un Syndromepsycho-organiquesyndrome psycho-organique avec Dépressiondépression. Le contexte, les autres manifestations neurologiques (Syndromechoréiquesyndrome choréique, syndromes focaux en rapport avec un infarctus, une hémorragie ou une Thrombophlébite cérébralethrombophlébite cérébrale) facilitent le diagnostic. L’imagerie, la ponction lombaire (pléiocytose lymphocytaire) attestent du substratum vasculaire et inflammatoire des troubles.


Les démences post-traumatiques


Les Démencepost-traumatiquedémences post-traumatiques sont facilement reliées à leur cause. La Démencepugilistiquedémence pugilistique survient chez des boxeurs ayant participé à de multiples combats et qui installent progressivement une dysarthrie, un tremblement, une ataxie cérébelleuse avec des signes extrapyramidaux de type parkinsonien et parfois des signes pyramidaux, voire des crises épileptiques. Ces désordres moteurs s’accompagnent d’abord de troubles de l’attention, puis de troubles de la mémoire avec ralentissement idéomoteur et troubles dysexécutifs qui évoluent tardivement, en 10 à 20 ans, vers une démence (Mendez, 1995). Il est exceptionnel que la présentation soit celle d’une démence sans signes moteurs (Naccache et al., 1999). L’Électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme montre un ralentissement du rythme de fond et une surcharge lente diffuse. La Tomodensitométrietomodensitométrie montre une atrophie cortico-sous-corticale et souvent un Kystedu septum pellucidumkyste du septum pellucidum. Les lésions histologiques se singularisent par l’abondance de la dégénérescence neurofibrillaire dans les neurones corticaux et la rareté des plaques séniles.


Les démences infectieuses



La paralysie générale


La paralysie générale ou Méningo-encéphalite syphilitiqueméningo-encéphalite syphilitique est devenue rarissime : la démence s’accompagne volontiers d’idées délirantes et tout particulièrement d’un délire de grandeur, d’une Dysarthriedysarthrie, d’un frémissement ou de mouvements saccadés de la langue (mouvement de trombone). Le liquide céphalo-rachidien est inflammatoire. Avant la pénicilline, l’évolution était inexorable.


La démence liée à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)


Son substratum histologique est représenté essentiellement par l’encéphalite subaiguë (avec cellules géantes multinucléés) et par la Leucoencéphalopathiedu VIHleucoencéphalopathie du VIH. Les troubles pourraient relever d’une neurotoxicité directe du virus sur le névraxe ou de la production par la microglie infectée d’agents inflammatoires comme le tumor necrosis factor générant un stress oxydatif neuronal. C’est une Démencesous-corticaledémence sous-corticale avec troubles de la mémoire, Apathieapathie, Lenteurpsychomotricelenteur psychomotrice, voire manifestations dépressives. Les troubles de la mémoire verbale et non verbale intéressent la récupération des souvenirs et s’accompagnent de troubles de l’attention et d’un Syndromedysexécutifsyndrome dysexécutif (encadré 16.2). On peut aussi observer une Confusionmentaleconfusion mentale ou un Syndromepsychotiquesyndrome psychotique avec Hallucinationhallucinations et excitation maniaque. La démence (dénommée aussi complexe démentiel du sida) s’associe volontiers à une Dysarthriedysarthrie, des troubles de la coordination, un Graspinggrasping, des Myocloniemyoclonies, des signes de myélopathie. La démence peut révéler le Sidasida. Le liquide céphalo-rachidien peut montrer une élévation de la protéinorachie (< 1 g/L), une petite pléiocytose (jusqu’à une cinquantaine d’éléments) et des antigènes viraux. L’Imageriepar résonance magnétique nucléaireimagerie par résonance magnétique nucléaire peut objectiver une atrophie cortico-sous-corticale et des plages de démyélinisation (Maruf et al., 1994; Gray, 1998). La durée moyenne de survie est de quelques mois. Les thérapies antirétrovirales pourraient retarder ou stabiliser ou améliorer les troubles démentiels (Zheng, 1997). Certaines formes restent stables ou se détériorent lentement, ce qui pourrait relever du statut immunitaire ou des traitements antirétroviraux.

Encadré 16.2
Arguments (en plus de la séropositivité) au diagnostic de complexe démentiel lié au sida






□ Déclin progressif cognitif et comportemental avec Apathieapathie, déficit mnésique, Lenteuridéatoirelenteur idéatoire.


□ Examen neurologique : signes d’atteinte diffuse du système nerveux incluant un ralentissement moteur des membres ou des mouvements oculaires, une exagération des réflexes, une hypertonie, un Réflexede préhensionréflexe de préhension forcée ou Réflexede succionde succion.


□ Évaluation neuropsychologique : détérioration progressive à des tests espacés dans le temps et intéressant au moins deux domaines cognitifs dont les fonctions frontales, la Vitesse motricevitesse motrice et la mémoire non verbale.


□ Anomalies du liquide céphalo-rachidien et de l’imagerie.


□ Absence de trouble psychiatrique majeur, d’intoxication, de perturbations métaboliques, et de tout signe témoignant d’une pathologie opportuniste du système nerveux.

(d’après McArthur et Harrison. Current Neurologie 1994 ; 14 : 275-320)

On peut observer au cours de l’infection par le VIH, et en particulier aux stades les plus précoces de l’infection, des troubles cognitifs légers. Ils peuvent être mis en évidence (Villa et al., 1996) par les tests explorant la vitesse idéomotrice (comme le Trail MakingTrail Making) et par les tests de mémoire explorant la Mémoirede travailmémoire de travail (en particulier mémoire de chiffres en ordre inverse), ainsi que l’apprentissage et la récupération des informations (comme les Motde Reymots de Rey qui objectivent le déficit de l’évocation). Il n’est pas sûr que ces troubles cognitifs légers soient régulièrement prédictifs d’une évolution démentielle.

Le sida peut aussi se compliquer d’une Leucoencéphalopathiemultifocale progressiveleucoencéphalopathie multifocale progressive (voir supra : syndromes démentiels et cancers).


Les encéphalopathies spongiformes transmissibles


Elles sont représentées chez l’homme par le Kurukuru, l’Insomnie fatale familialeinsomnie fatale familiale, le Syndromede Gerstmann-Strausser-Scheinkersyndrome de Gerstmann-Strausser-Scheinker et surtout par la Maladiede Creutzfeldt-Jakobmaladie de Creutzfeldt-Jakob. Elles s’observent aussi chez l’animal où elles réalisent notamment la Tremblante du moutontremblante du mouton ou Scrapiescrapie, l’Encéphalopathiedu visonencéphalopathie du vison et l’Encéphalopathiespongiformebovineencéphalopathie spongiforme bovine révélée au grand public sous le nom de Maladiede la vache follemaladie de la vache folle : on sait que cette affection a décimé les bovins anglais et que les arguments tendant à craindre sa transmissibilité à l’être humain ont constitué et constituent encore un enjeu de santé publique. Elles sont liées à des agents transmissibles non conventionnels longtemps dénommés Virus lentvirus lents et caractérisés par leur résistance aux procédés inactivant les virus, par une longue incubation et par l’absence de réaction immunitaire de l’organisme. L’agent infectieux serait en fait une protéine (PrPPrP ou Protéine-prionprotéine-prion) dont il existe deux formes, une forme normale (La PrPc ou cellulaire) et une forme pathogène qui n’en diffère que par sa configuration spatiale : sa multiplication, sa résistance aux protéases et donc son accumulation seraient responsables de l’encéphalopathie. Sur le plan neuropathologique, les lésions associent une Spongiosespongiose, une gliose astrocytaire, une dépopulation neuronale et parfois des plaques amyloïdes extracellulaires reconnues par les anticorps antiprotéine prion. La maladie de Creutzfeldt-Jakob a une répartition ubiquitaire, une incidence d’un à deux cas par million d’habitants. Elle survient le plus souvent entre 50 et 60 ans. Quinze pour cent sont des formes familiales, ce qui suggère la transmission d’une susceptibilité génétique à la contamination. Le mode de contamination est le plus souvent obscur mais a pu être exceptionnellement retrouvé : greffe d’une cornée prélevée chez un sujet décédé de Creutzfeldt-Jakob, intervention chirurgicale avec du matériel contaminé. Le Prionprion est inactivé par l’eau de Javel pendant une heure à une concentration d’au moins 2 % de chlore libre ou par passage à l’autoclave (à au moins 134 degrés pendant au moins 30 minutes). Dans l’attente d’un mode d’identification des « porteurs » de l’affection, il est prudent de proscrire le don de sang de tout sujet suspect de détérioration et de souhaiter la pratique d’un bilan psychométrique chez tout donneur après la cinquantaine. Sur le plan clinique, les signes de démence, d’aggravation rapidement progressive, s’associent à des Myocloniemyoclonies, à une Hypertonieoppositionnellehypertonie oppositionnelle, à des signes pyramidaux ou cérébelleux. L’Électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme montre, quand il est typique, une activité paroxystique périodique d’abord intermittente puis permanente. La mort survient en général en moins d’un an. Il existe des formes « amaurotiques », débutant par une cécité corticale, des formes cérébelleuses (en particulier la forme des sujets jeunes liée à l’administration d’Hormone de croissancehormone de croissance quand elle était d’origine extractive) et des formes avec amyotrophie par atteinte de la corne antérieure de la moelle. Aucun traitement ne peut aujourd’hui être opposé à cette maladie. La forme qualifiée de nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob survient chez des sujets jeunes (entre 16 ans et la quarantaine), se révèle le plus souvent sur un mode psychiatrique avec des troubles du comportement associés à une ataxie, ne modifie pas l’électroencéphalogramme et pourrait exprimer la transmission à l’être humain de l’encéphalopathie spongiforme bovine.


La maladie de Whipple


Elle peut se compliquer d’une démence ou même se révéler par une démence qui peut s’accompagner d’une uvéite, de paralysies oculomotrices de fonction, de Myocloniemyoclonies qui peuvent être localisées aux yeux et aux muscles masticateurs. L’Imageriepar résonance magnétique nucléaireimagerie par résonance magnétique nucléaire peut montrer des hypersignaux hypothalamiques et temporaux. La biopsie jéjunale permet en règle générale le diagnostic. L’évolution de l’affection peut être jugulée par l’antibiothérapie.


La maladie de Lyme, la brucellose


Elles peuvent aussi se compliquer d’une démence.


Les hydrocéphalies dites à pression normale


Elles ont permis de créer le concept de Démencechirurgicalement curabledémence chirurgicalement curable. Leur séméiologie, d’installation progressive, associe (Triade d’Hakim et Adamstriade d’Hakim et Adams) des troubles de la marche (ataxie avec rétropulsion, apraxie de la marche), avec signe de Babinski bilatéral, une incontinence sphinctérienne et tout particulièrement urinaire, une détérioration cognitive avec Apathieapathie, Lenteurde l’idéationlenteur de l’idéation, Troublede la mémoiretroubles de la mémoire, Euphorieeuphorie et tendance dépressive. Ces hydrocéphalies sont liées à un trouble de la circulation et de la résorption du liquide céphalo-rachidien dans des espaces sous-arachnoïdiens fibrosés, l’absence d’hypertension intracrânienne s’expliquant par la constitution d’altérations épendymaires permettant la création de nouvelles voies de résorption (transépendymaire et transcérébrale) du liquide céphalo-rachidien. Ces hydrocéphalies peuvent ainsi compliquer une hémorragie méningée, un traumatisme crânien, une méningite mais, une fois sur deux, aucun antécédent ni aucune cause précise ne sont retrouvés. La Tomodensitométrietomodensitométrie montre la dilatation ventriculaire contrastant avec des sillons corticaux normaux et associée à une hypodensité périventriculaire traduisant la résorption de liquide céphalo-rachidien. La soustraction de liquide céphalo-rachidien permet une régression plus ou moins durable des troubles et peut en tout cas constituer un test diagnostique préludant à la mise en place d’une dérivation ventriculo-cardiaque ou ventriculo-péritonéale.


Les démences vasculaires



Les démences par hypodébit chronique


Les démences par hypodébit chronique comme celles qui peuvent compliquer des sténoses carotidiennes bilatérales très serrées sont rares et doivent s’améliorer après restauration chirurgicale du flux carotidien.


Les chutes aiguës du débit cardiaque


Les chutes aiguës du débit cardiaque peuvent entraîner une succession d’infarctus situés aux confins des territoires artériels (derniers prés) et répartis de manière arciforme à la partie supérieure de la face externe des hémisphères cérébraux : les signes associent, en proportions variables, un déficit brachial, des troubles du langage, de la mémoire et visuospatiaux, ainsi qu’un Syndromefrontalsyndrome frontal, le tout pouvant constituer un état démentiel.

Certains infarctus uniques, situés dans des régions stratégiques, peuvent d’emblée se compliquer d’un état démentiel comme les Infarctusbithalamiqueinfarctus bithalamiques qui, outre des troubles mnésiques massifs, entraînent un Apragmatismeapragmatisme ; une Apathieapathie, une Indifférenceindifférence, et les Infarctusde la tête du noyau caudéinfarctus de la tête du noyau caudé qui entraînent aussi une Désafférentation frontaledésafférentation frontale.


Les démences par infarctus multiples


Les démences par infarctus multiples s’installent à l’ombre d’accidents ischémiques répétitifs : elles s’aggravent donc par à-coups successifs, et s’accompagnent, à l’examen clinique, de signes neurologiques de localisation. Leur diagnostic peut être aidé par le calcul d’un Score ischémiquescore ischémique (tableau 16.II). Il est difficile d’accepter le diagnostic sans constater la présence, à la Tomodensitométrietomodensitométrie, d’au moins un infarctus. Les démences peuvent être de type cortical ou sous-cortical en fonction de la topographie des infarctus.

















































































Tableau 16.II Les scores ischémiques
*Symptôme désigne une manifestation subjective (exemple : paresthésies), signe désigne une constatation clinique
**Critères de cotation proposés par Blass, d’après le score de Hachinski modifié
Signes cliniques Score de Hachinski Score de Hachinski modifié par Rosen Score de Hachinski modifié par Loeb
Début brutal 2 2 2
Aggravation en marches d’escalier 1 1
Évolution fluctuante 2
Confusion nocturne 1
Préservation relative de la personnalité 1
Dépression 1 1
Plaintes somatiques 1
Labilité émotionnelle 1 1
Antécédents ou existence d’une hypertension artérielle 1 1
Antécédents d’ictus 2 2 1
Autres signes d’athérosclérose 1
Symptômes neurologiques focaux* 2 2 2
Signes neurologiques focaux* 2 2 2
Hypodensité TDM isolée
2
Hypodensité TDM multiples
3
Score maximal
Démence artériopathique
Démence dégénérative primaire
18
> 7
< 4
12
> 6**
< 3**
10
> 5
< 2


L’état lacunaire de Pierre Marie


L’état lacunaire de Pierre Marie est la conséquence de lacunes multiples du Thalamusthalamus, de la Substanceblanchesous-corticalesubstance blanche sous-corticale, de la Capsule internecapsule interne, de la protubérance. Ainsi, après des ictus répétitifs, s’installe un déficit cognitif avec Marche à petits pasmarche à petits pas, signe de Babinski bilatéral, Syndromepseudo-bulbairesyndrome pseudo-bulbaire associant troubles de la déglutition et Dysarthriedysarthrie. L’atteinte pyramidale rend compte aussi de la vivacité du Massétérinmassétérin, et de la parésie faciale bilatérale qui donne au faciès un aspect atone, hébété, mais souvent dramatiquement mobilisé par des accès de Rirespasmodiquerire et de Pleurer spasmodiquepleurer spasmodiques.


La leucoencéphalopathie vasculaire (leucoaraïose)


La leucoencéphalopathie vasculaire (leucoaraïose) témoigne d’une démyélinisation de la Substanceblanchepériventriculairesubstance blanche périventriculaire et sous-corticale par une ischémie chronique. La tomodensitométrie a montré sa fréquence en objectivant des hypodensités plus ou moins étendues des régions périventriculaires jouxtant les cornes frontales et occipitales et des centres ovales. Elle intéresse surtout les sujets âgés et hypertendus.


L’encéphalopathie sous-corticale de Binswanger


L’encéphalopathie sous-corticale de Binswanger est caractérisée par la survenue d’accidents lacunaires répétitifs compliqués de Démencedémence, chez des hypertendus. La tomodensitométrie montre l’association d’une leucoencéphalopathie et d’hypodensités lacunaires.



Le syndrome des anticorps antiphospholipides


Le syndrome des anticorps antiphospholipides mérite une attention particulière : observé surtout chez les sujets jeunes, il peut entraîner une démence par infarctus multiples (voir supra) mais il peut exceptionnellement se compliquer d’une démence progressive qui pourrait être en rapport soit avec des micro-infarctus par obstructions fibrino-plaquettaires ou vascularite, soit avec un mécanisme immunitaire.


Les hémorragies cérébrales et l’angiopathie amyloïde


Les hémorragies cérébrales peuvent aussi participer à l’éclosion d’un Syndromedémentielsyndrome démentiel : l’hypertendu artériel est menacé d’hémorragie cérébrale, de lacunes, mais aussi d’Infarctuscérébralinfarctus cérébraux, l’Hypertensionartériellehypertension étant un facteur de risque de l’Athéroscléroseathérosclérose. Les hémorragies répétitives sont surtout le fait de l’Angiopathie amyloïdeangiopathie amyloïde qui se manifeste par des plages d’hypodensité (tomodensitométrie) ou des plages d’hypersignal T2 (imagerie par résonance magnétique nucléaire) de la substance blanche des hémisphères cérébraux.


May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Neuropsychologie des démences

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