Éléments de neuropsychologie développementale

Le terme de troubles développementaux du langage (TDL) désigne des perturbations durables de la fonction langagière qui sont liées à des perturbations des acquisitions ne relevant ni de malformations des organes phonatoires, ni d’une encéphalopathie caractérisée, ni d’une lésion cérébrale focale, ni d’une déficience mentale, ni d’un trouble envahissant du développement, ni de problèmes sensoriels ou moteurs, ni d’un contexte social qui n’a pas permis l’apprentissage. On distingue les Dysphasiedéveloppementaledysphasies et les Dyslexiedéveloppementaledyslexies du développement dont l’évocation diagnostique doit faire l’objet d’un diagnostic différentiel rigoureux. La fréquence des TDL serait de 5 % des enfants abordant la scolarité.



Les dysphasies développementales


Les Dysphasiedéveloppementaledysphasies développementales concernent donc le langage parlé. L’attention de la famille est attirée par l’absence d’installation du langage ou encore par la pauvreté ou le caractère laborieux de l’expression verbale. Ailleurs, il peut s’agir d’un échec de scolarisation ou mêmes de troubles du comportement déclenchés par la scolarisation. C’est donc dire l’importance d’un examen neurologique normal, de l’exclusion d’un Autismeautisme comme aussi de troubles de l’acquisition verbale secondaires à une Surditésurdité. Un nombre important d’arguments suggère que les troubles développementaux du langage (comme ceux d’autres fonctions cognitives) sont d’origine prénatale et qu’un rôle non négligeable doit être attribué à des facteurs génétiques. La classification des dysphasies a été inspirée par les hypothèses neurolinguistiques générées par l’observation des désorganisations aphasiques du langage. L’écart entre le Quotient intellectuelQuotient intellectuel et le niveau de lecture, l’écart entre le déficit de l’échelle verbale de la WISCWISC par rapport à l’échelle de performance (même si des enfants dysphasiques peuvent avoir des résultats faibles à des tests non verbaux) ont certes le mérite d’attirer l’attention sur un déficit langagier mais ne constituent aujourd’hui qu’une approche aspécifique et imprécise des troubles du langage de l’enfant.

Ainsi se réfère-t-on d’abord à une structuration du langage entre un pôle réceptif assurant le décodage et l’encodage aux niveaux phonologique et sémantique, et un pôle expressif assurant l’Initiation élocutoireinitiation élocutoire, sa programmation motrice et la formulation lexicale, ces deux pôles reposant sur les interactions entre trois groupes de structures : les aires antérieures, les aires temporo-pariétales et les centres sous-corticaux, Thalamusthalamus et Noyaugrisnoyaux gris centraux (Crosson, 1985, voir p. 50). Sur le plan neurolinguistique, plusieurs niveaux de traitement fonctionnant en série et de manière parallèle peuvent être individualisés (Rapin et Allen, 1983) :


▪ le niveau phonologique concerne le décodage et l’encodage des phonèmes (voir p. 24) et il a pu être montré que, dès l’âge de 6 mois, les enfants ont appris à répondre sélectivement aux phonèmes de la langue maternelle (Kuhl, in Tallal, 1993). L’assemblage des phonèmes définit les plus petites unités de sens ou monèmes ;


▪ le niveau syntaxique concerne la mise en œuvre des règles grammaticales nécessaires à l’enchaînement des monèmes. Ce niveau nécessite d’ailleurs l’utilisation de « monèmes » auxquels est dévolue une fonction grammaticale (voir p. 24), qu’ils soient associés à un monème à fonction lexicale (Pierre chanter-a) ou qu’ils soient autonomes (mots dits de classe fermée : articles, prépositions, etc.) ;


▪ le niveau sémantique traite du sens des mots (eux-mêmes constitués d’un ou plusieurs monèmes) contenus dans un lexique. Outre les régions rétrosylviennes de l’Hémisphèregauchehémisphère gauche, l’Imageriedynamiqueimagerie dynamique a pu montrer que l’interprétation du langage entraîne aussi une activation préfrontale plus marquée à gauche (Ingvar, in Tallal, 1993), ce qui renvoie probablement au rôle joué par la Mémoirede travailmémoire de travail dans la tâche séquentielle que représente aussi la compréhension du langage ;


▪ le niveau Pragmatiquepragmatique concerne l’utilisation du langage dans la communication interhumaine et en particulier la prosodie linguistique et émotionnelle (voir p. 23 et 35), l’adaptation du langage au contexte environnemental et l’activité mimique et gestuelle accompagnant la verbalisation.


Classification des dysphasies


La classification de Rapin et Allen s’inspire des modèles neurolinguistiques d’organisation du langage autour des pôles expressif et réceptif, tandis que la classification de Gérard (1997) prend pour appui le modèle de Crosson (voir p. 50).


Les syndromes uniquement expressifs


Les troubles de la compréhension y sont nuls ou modérés. Les enfants parlent tardivement et avec d’importantes difficultés expressives. Il peut s’associer des troubles de la motricité oro-faciale avec bavage et des difficultés de contrôle des mouvements complexes de la langue. Deux variétés peuvent être distinguées.

La dyspraxie verbale, avec une Réductionde la fluenceréduction massive de la fluence, comporte une expression nulle ou réduite à quelques mots mal articulés, sans structure grammaticale et répond à un trouble de l’organisation motrice de la parole entravant la Réalisationphonétiqueréalisation phonétique.

Le déficit de la programmation phonémique est la variété fluente, les perturbations du choix et de l’agencement des phonèmes pouvant aboutir à un Jargonjargon avec une conscience du trouble qui se manifeste par des Conduited’approcheconduites d’approche et des tentatives d’Autocorrectionautocorrection. Ce syndrome correspond au trouble de la Productionphonologiqueproduction phonologique (conçu comme un trouble du Contrôlephonologiquecontrôle phonologique dans la classification de Gérard).


Les syndromes mixtes réceptifs–expressifs


À la différence de l’adulte, le Langagede l’enfantlangage de l’enfant étant en cours d’acquisition, les troubles réceptifs s’accompagnent toujours de troubles expressifs et ils représentent les variétés les plus fréquentes de Troublede l’acquisitiondu langagetroubles de l’acquisition du langage.

L’agnosie auditivoverbale (Dysphasieréceptivedysphasies réceptives dans la classification de Gérard) est liée à l’incapacité d’effectuer le Décodagephonologiquedécodage phonologique, ce qui altère gravement la Compréhensionauditivecompréhension auditive et compromet l’expression du langage qui se fait de manière retardée avec langage non fluent, Manque du motmanque du mot, Paraphasiephonémiqueparaphasies phonémiques et Paraphasieverbaleverbales. Une Agnosieauditiveagnosie auditive pour les bruits familiers non verbaux peut y être associée. La Compréhensionvisuellecompréhension visuelle est préservée et la Lecturelabialelecture labiale est aussi un moyen de facilitation de la communication.

Le syndrome phonologico-syntaxique (le plus fréquent) est considéré comme une variante peu sévère de la précédente alors que, pour Gérard, il résulte d’un trouble au niveau de la jonction formulation lexicale–programmation motrice. La compréhension est moins perturbée que l’Expressionverbaleexpression verbale, le langage est peu fluent et agrammatique avec des distorsions phonémiques et un appauvrissement du stock lexical. Il existe toutefois une préservation de la Consciencesyntaxiqueconscience syntaxique comme le montrent le Jugementde grammaticalitéjugement de grammaticalité et une tendance à surmonter leur déficit d’intelligibilité par un recours aux gestes et aux mimiques.


Les syndromes lexico-sémantiques


Le syndrome lexico-syntaxique est centré sur un manque du mot. L’articulation verbale est normale, le langage fluent mais les difficultés de l’évocation verbale génèrent un pseudo-bégaiement et des paraphasies verbales qui intéressent aussi les mots grammaticaux, expliquant la Dyssyntaxiedyssyntaxie. L’enfant est tout à fait conscient de ses difficultés. Ce syndrome, dénommé aussi Dysphasiemnésiquedysphasie mnésique dans la classification de Gérard, renvoie, pour cet auteur, à un trouble du système de contrôle sémantique.

Le syndrome sémantique–pragmatique permet une expression verbale dont la fluidité, l’absence de troubles phonologiques et syntaxiques masquent le déficit linguistique : et pourtant en situation conversationnelle, le discours, émaillé de paraphasies verbales « étranges », voire de Néologismenéologismes, est incohérent et inadapté aux circonstances sans que l’enfant ne paraisse réaliser l’inadéquation de son discours, ce qui peut le rendre perplexe quand les réactions de son interlocuteur ne lui paraissent pas conformes à ce qu’il attend. Ce syndrome, selon Rapin et Allen, est plus fréquemment observé chez les autistes de bon potentiel intellectuel (Syndromed’Aspergersyndrome d’Asperger) que chez ceux atteints d’une dysphasie pure. Selon Gérard, la Dysphasiesémantique–pragmatiquedysphasie sémantique–pragmatique serait liée à l’atteinte de la fonction de formulation.


Le diagnostic différentiel




Tous les Troublede l’acquisitiondu langagetroubles de l’acquisition du langage, quelle que soit leur gravité, nécessitent la recherche d’une Surditésurdité (Potentielévoquéauditif du tronc cérébralpotentiels évoqués auditifs du tronc cérébral, Audiogrammeaudiogramme).

Les retards mentaux peuvent se présenter comme des retards d’acquisition du langage même s’il est vrai que les retards mentaux les plus importants sont précédés et accompagnés d’un retard des différentes acquisitions psychomotrices. Les Testpsychométriquetests psychométriques démontrent typiquement que le déficit n’atteint pas que la fonction langagière et qu’il n’existe pas d’écart important entre la baisse de l’Intelligenceverbaleintelligence verbale et la baisse de l’intelligence non verbale, ce qui s’oppose au profil des dysphasiques (voir supra).

L’autisme (ou Troubleenvahissant du développementtrouble envahissant du développement, selon la terminologie du DSM IV, Rapin, 1997), décrit par Kanner en 1943, entraîne très habituellement des troubles du langage qui peuvent réaliser un Syndromesémantique–pragmatiquesyndrome sémantique–pragmatique, mais qui peuvent aussi réaliser un Syndromemixteauditif–réceptifsyndrome mixte auditif–réceptif ou un Troublede la production phonologiquetrouble de la production phonologique indissociable de ce qui est observé dans la Dysphasiedéveloppementaledysphasie développementale. Toutefois le déficit linguistique est associé à un déficit des Interaction sociale précoceinteractions sociales précoces : pauvreté des capacités de jouer (donc de l’imagination), difficultés d’imitation des gestes d’autrui, perturbations des comportements relationnels non verbaux, existence de comportements moteurs répétitifs et stéréotypés, difficultés ou incapacité d’attribuer aux autres des sentiments ou des pensées (Théorie de l’espritthéorie de l’esprit). Trois enfants sur quatre ont un retard mental et, sauf dans le Syndromed’Aspergersyndrome d’Asperger, les tests non verbaux sont supérieurs aux tests verbaux. L’autisme s’accompagne assez souvent (16 à 35 % des cas) de crises épileptiques. Il peut compliquer des Encéphalopathieépileptiqueencéphalopathies épileptiques comme le Syndromede Westsyndrome de West (Spasmeen flexionspasmes en flexion) ou le Syndromede Lennox-Gastautsyndrome de Lennox-Gastaut. Une fois sur dix environ, il révèle un Syndromede Landau-Kleffnersyndrome de Landau-Kleffner ou un Syndromede pointes-ondes continues du sommeilsyndrome de pointe-ondes continues du sommeil (voir p. 52). Au total, dans un cas sur trois environ, l’Autismeautisme accompagne un état pathologique qui peut aussi être un Syndromede l’X fragilesyndrome de l’X fragile, une Trisomie 21trisomie 21, une Sclérosetubéreusesclérose tubéreuse, un Syndromede Rettsyndrome de Rett (encadré 23.1), sans que cette liste ne soit exhaustive. La majorité reste des autismes « primitifs » pour lesquels une susceptibilité génétique est évoquée et pourrait relever d’une anomalie développementale de l’organisation neuronale. L’Imagerieimagerie peut objectiver une hypoplasie cérébelleuse vermienne et calleuse tandis que, sur le plan histologique, a pu être observé un faible nombre de Cellule de Purkinjecellules de Purkinje et de cellules granulaires cérébelleuses. L’Imageriedynamiqueimagerie dynamique n’a pas fourni, malgré le nombre important des études réalisées, de résultats cohérents. On a pu constater l’importance de l’EEG. Sur le plan biochimique, on a pu incriminer un dysfonctionnement des systèmes dopaminergique mésolimbique, opioïdes endogènes et sérotoninergique. De multiples traitements symptomatiques ont été proposés : leur but ne peut être que l’amélioration des manifestations cliniques les plus invalidantes (qui sont, selon les cas, l’agressivité, l’anxiété, les stéréotypies motrices, l’instabilité psychomotrice et les troubles de l’attention qui l’accompagnent, les crises épileptiques) mais il est clair qu’il n’existe pas de médicament actif sur l’autisme lui-même et l’essentiel reste les programmes éducatifs visant les troubles de la communication et du comportement. Les parents doivent être aidés, conseillés et déculpabilisés. C’est aujourd’hui à ce prix que le pronostic de l’autisme pourra être quelque peu amélioré.

Encadré 23.1
Le syndrome de Rett et le syndrome de l’X fragile



Le Syndromede Rettsyndrome de Rett est une affection génétique dominante liée à l’X, létale chez les garçons, et se manifestant chez des filles dont la naissance et le développement psychomoteur initial ont été normaux. Les troubles débutent entre 5 et 48 mois et associent un ralentissement de la croissance de la tête, une perte des mouvements adaptés des mains qui sont en proie à des mouvements stéréotypés, une détérioration cognitive, une ataxie, parfois des crises épileptiques ou encore un bruxisme. L’Imagerieimagerie peut montrer une discrète atrophie cérébrale. Le traitement est symptomatique.

Le Syndromede l’X fragilesyndrome de l’X fragile lié à la mutation du gène FMR 1 est la cause la plus fréquente de retard mental héréditaire dont l’incidence est de 1 sur 4000 chez les hommes, 1 sur 7000 chez les femmes. Les troubles neuropsychologiques s’accompagnent d’une dysmorphie, avec allongement du visage, un large front, des oreilles de grande taille et une macro-orchidie. On peut constater un retard mental, un Syndromeautistiquesyndrome autistique, un Troublede l’attentiontrouble de l’attention avec Syndromed’hyperactivitésyndrome d’hyperactivité. Le traitement n’est que symptomatique.


Les bases de l’examen neuropsychologique du langage de l’enfant


Le langage doit être examiné dans son expression spontanée et dans son expression induite par des épreuves visant à analyser, aussi rigoureusement que possible, les différents niveaux de compréhension et d’expression du langage. Rappelons que l’enfant utilise des mots isolés de 18 à 24 mois et qu’il commence à faire des phrases entre 24 et 30 mois.

La compréhension sur le plan phonologique est étudiée par une Épreuvede discrimination phonémiqueépreuve de discrimination phonémique (comme celle d’Autesserre et al., 1988). La Compréhensionverbalecompréhension verbale et Compréhensionsyntaxiquesyntaxique peut être examinée par le Token Test et la version française du Northwestern Syntax Screening Test (NSST) (Weil-Halpern et al., 1981).

L’expression doit analyser les Capacitéphonologiquecapacités phonologiques, Capacitémorpho-syntaxiquemorpho-syntaxiques et Capacitélexico-sémantiquelexico-sémantiques. On peut ainsi utiliser les épreuves de l’Examendu langage de l’enfantexamen du langage de l’enfant de Chevrie-Muller et al. (1981), le Testde construction de phrasestest de construction de phrases de Murphy et al. (1990), le Testde closure grammaticaletest de closure grammaticale de Deltour (1991), le Testde vocabulairetest de vocabulaire de Deltour et Hupkens (1979), le Testde fluenceet d’associationstest de fluence et d’associations de Gérard (1990). La fonction de formulation est étudiée à travers l’entretien et par des instruments comme l’adaptation française du Testdu Reportertest du Reporter de Renzi et al. (1979). L’Échellede dysphasieéchelle de dysphasie de Gerard (1988) permet de quantifier les troubles linguistiques en se fondant sur l’interrogatoire et de suivre leur évolution.

Bien entendu, l’examen du langage doit être intégré dans un examen plus global analysant notamment les diverses facettes de l’efficience cognitive (en particulier les performances visuoconstructives), et le traitement des informations auditives (Mémoireauditivoverbalemémoire auditivoverbale, reconnaissance des sons non verbaux).


Les hypothèses étiologiques et les données des examens complémentaires


L’étiologie exacte des dysphasies reste à ce jour inconnue. L’existence de facteurs génétiques est étayée par la surreprésentation des garçons et l’incidence familiale élevée des dysphasies à forme expressive. L’Imagerieimagerie statique est en principe normale et les quelques anomalies constatées en IRMIRM (notamment au niveau des régions périsylviennes) ne sont guère spécifiques. L’Imageriefonctionnelleimagerie fonctionnelle a pu montrer des hypoperfusions de topographie variable en fonction du type de dysphasie : par exemple, temporale gauche en cas d’agnosie auditivoverbale, préfrontale gauche en cas de dysphasie expressive. On a pu évoquer une difficulté du traitement des informations auditives et verbales, altérant ainsi la perception et la production du langage. La constatation de figures épileptiques est fréquente, tout particulièrement pendant le sommeil (voir supra). Le rôle des carences éducatives et affectives est imprécis.


La conduite thérapeutique


Le traitement est d’abord fondé sur la rééducation orthophonique. Elle vise à la fois à stimuler les conduites déficitaires (sans toutefois engloutir l’enfant dans un sentiment d’échec) et à les contourner. Le travail doit aussi porter, chaque fois que nécessaire, sur l’attention et la mémoire. Mais il faut aussi apprendre à dépister et à gérer les bouleversements émotionnels qui pourront être suscités par l’échec scolaire et les difficultés qu’il peut générer dans le cadre familial (parents et fratrie). Voilà pourquoi le recours à une psychothérapie est parfois nécessaire. Le maintien dans le cursus scolaire usuel est laborieux, avec des redoublements et un passage vers des classes d’adaptation. L’idéal serait sans doute le maintien dans un cursus scolaire normal dans des classes à petit effectif. L’orientation ultérieure vers des métiers non centrés sur les capacités verbales peut permettre de rejoindre un cursus de formation universel (comme la préparation d’un certificat d’aptitude professionnelle).


Les dyslexies développementales



Sur le plan clinique, l’hypothèse d’une dyslexie doit être envisagée quand il existe un décalage des capacités de 18 mois à 2 ans à des Testde lecturetests de lecture étalonnés. Le trouble peut se manifester dès l’âge de 7 ans mais il peut se révéler soit plus tôt (6 ans) soit quelques années plus tard. Mais le dyslexique n’est pas un mauvais lecteur, que l’on considérerait comme un sujet présentant un simple retard de l’acquisition de la lecture. Du moins doit-on penser qu’il n’est pas qu’un mauvais lecteur mais qu’il présente une altération spécifique des mécanismes d’acquisition de la lecture responsable d’erreurs analogues à celles observées au cours des dyslexies « acquises » de l’adulte.


Classification des dyslexies développementales


Par analogie avec les dyslexies acquises (voir chapitre 4, p. 75), l’analyse des erreurs de lecture des enfants ayant un trouble de l’acquisition de la lecture a permis d’isoler deux grands types de dyslexies.

Les dyslexies phonologiques (encore appelées Dyslexiedysphonétiquedysphonétiques), les plus fréquentes (deux tiers des cas environ), sont typiquement caractérisées par une préservation de la lecture des mots, réguliers ou irréguliers, alors que les Logatomelogatomes (ou « Non-motnon-mots » ou « Pseudo-motspseudo-mots ») comme tapulo ou prali ne peuvent être correctement déchiffrés, de même d’ailleurs que les mots appartenant au lexique mais inconnus du sujet. La lecture, lente, hachée, laborieuse, est d’autant plus difficile que les logatomes comportent plus de lettres. Il existe en particulier :


▪ des paralexiesParalexiephonémique phonémiques, bouleversant plus ou moins la structure phonologique des logatomes ou des mots non familiers (tuprilu → turlipu) ;


▪ des Erreurde lexicalisationerreurs de lexicalisation, convertissant les logatomes en mots (trulipo → tulipe) ;


▪ des Substitution verbalesubstitutions verbales : certaines correspondent à des erreurs visuelles entraînant la production d’un mot morphologiquement proche du mot cible (Paralexievisuelleparalexie visuelle comme voiture pour toiture), d’autres à des erreurs morphologiques (comme jardin pour jardinier).

Il est tentant d’attribuer ce type de dyslexie à une atteinte de la Voiephonologiquede la lecturevoie phonologique de la lecture empêchant la conversion des lettres (Graphèmegraphèmes) en sons (Phonèmephonèmes). Quand, en sus des troubles ci-dessus décrits, la lecture des mots concrets que l’on peut facilement imager (cheval, marteau) est meilleure que celle des mots abstraits (tristesse, joie), et quand l’enfant produit des erreurs sémantiques (comme bébé pour enfant ou mouton pour chèvre), on a pu, par analogie avec les dyslexies acquises, classer le trouble comme Dyslexieprofondedéveloppementaledyslexie profonde développementale (Valdois, 1996).

Sur le plan orthographique, les difficultés sont bien moindres pour les mots familiers que pour les mots non familiers et sont aussi fonction de la longueur des mots. Les difficultés de transcription des Logatomelogatomes sont bien sûr majeures.

Les Dyslexiedéveloppementalede surfacedyslexies développementales de surface (dites Dyslexiedysédéitiquedysédéitiques) se caractérisent par une préservation au moins relative de la lecture des Motréguliermots réguliers et des Logatomelogatomes, alors que la lecture des Motirréguliermots irréguliers est très difficile, l’enfant manifestant une tendance à la Régularisationrégularisation par application stricte des règles de Conversiongraphème–phonèmeconversion graphème–phonème (ainsi oignon est lu « oi/nion » et non « o/nion »). Sur le plan de l’écriture, de même qu’il a tendance à prononcer tous les phonèmes, l’enfant écrit les mots comme ils se prononcent. Ce type de dyslexie suggère la préservation du traitement phonologique et l’atteinte de la « Voielexico-sémantiquede la lecturevoie » lexico-sémantique de la lecture.


Diagnostic et évaluation


Le motif de consultation susceptible d’aboutir au diagnostic de dyslexie est d’abord la conjonction d’un retard d’acquisition de la lecture et de perturbations de la lecture, lente, difficile, qui rappellent les erreurs de lecture de normolecteurs plus jeunes. C’est en tout cas, en pratique quotidienne, la constatation, par des tests de lecture, d’un décalage de 18 mois à 2 ans, exprimé en niveau d’âge ou en niveau scolaire, qui suggère le diagnostic. Les paramètres étudiés sont la vitesse et la correction de la lecture pour Émile, René et Marie de Burion (1960) ou L’Alouette de Lefavrais (1967). On peut ensuite analyser qualitativement les erreurs produites : omissions, additions, substitutions, confusions de lettres, de sons, de parties de mots. Certaines confusions peuvent être classées comme auditives (« d » pour « t ») ou morphologiques (« c » pour « e ») ou en miroir (« b » pour « d »). Il est nécessaire aussi d’évaluer la Compréhensiondes textes luscompréhension des textes lus, ce que permet le Jeannot et Georges de Hermabessière et Sax (1972) et surtout les Testd’évaluationde la compétence en lecturetests d’évaluation de la compétence en lecture de Khomsi (1990 et 1994, in Grégoire et Piérart). Ces derniers étudient d’abord l’identification des mots sans imposer de lecture à voix haute : le sujet, examinant des paires d’étiquettes et d’images, doit dire si le mot écrit est « le bon mot » en distinguant les paires totalement exactes (comme le mot champignon avec l’image correspondante), les pseudo-synonymes de champ sémantique proche (comme le mot chat avec l’image d’une vache), les Pseudo-logatomepseudo-logatomes écrits (comme le mot téléqhone avec l’image du téléphone), les Homophonehomophones (comme brossadan avec l’image de la brosse à dents). La seconde épreuve évalue la compréhension, en demandant au sujet de choisir, dans une série de choix multiple de quatre images, celle qui correspond à un texte écrit. D’autres tests s’intéressent exclusivement à laconscience phonologique, comme les Testde jugementtests de jugement ou de Création de rimescréation de rimes, ou encore de création de mots par substitution ou adjonction de phonèmes.

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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Éléments de neuropsychologie développementale

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