Les troubles du schéma corporel ou asomatognosies

Même les yeux fermés, nous avons conscience des limites de notre corps, de son volume dans l’espace, de nos postures et de nos mouvements. Cette expérience de notre corps constitue une « référence égocentrique » nous permettant d’agir dans l’espace qui nous environne. La représentation mentale du corps, dénommée « Schéma corporelschéma corporel », s’élabore progressivement grâce aux afférences sensitives en lien étroit, dès le début de la vie, avec la motricité : ainsi se construit l’image de notre corps qui devient ensuite relativement indépendante des processus qui ont permis son élaboration, c’est ce dont témoigne par exemple l’expérience du Membre fantômedes amputésmembre fantôme des amputés ou Membre fantômedes lésions médullairesdes lésions médullaires. Le Lobepariétallobe pariétal joue un rôle central dans l’édification et le maintien de l’image du corps dont les perturbations peuvent s’exprimer de manière unilatérale ou bilatérale.



Les perturbations unilatérales de la somatognosie


Elles accompagnent habituellement une Hémiplégiehémiplégie et elles peuvent se présenter sous trois aspects. L’anosodiaphorie désigne l’indifférence du malade à l’égard de son hémiplégie. L’anosognosie (terme désignant la négation d’une « maladie » au sens large du terme comme une Aphasiede Wernickeaphasie de Wernicke, une Hémianopsiehémianopsie, une Cécitécorticalecécité corticale) s’applique ici à l’Hémiplégiehémiplégie, le malade n’admettant pas qu’il a un hémicorps paralysé et se refusant à admettre l’évidence, même quand on porte devant ses yeux sa main inerte en lui demandant s’il peut la bouger (Syndromed’Anton-Babinskisyndrome d’Anton-Babinski). Le malade admet parfois une « faiblesse » de la main, du bras ou du membre inférieur mais se refuse à admettre que cette faiblesse est la cause de son handicap. L’hémiasomatognosie désigne le sentiment d’étrangeté, de non-appartenance de l’hémicorps et tout particulièrement de la main que le malade ne reconnaît pas sienne ; parfois le malade attribue l’hémicorps et tout particulièrement son membre supérieur et sa main, vécus de façon hallucinatoire comme surnuméraires, comme appartenant à quelqu’un d’autre, comme étrangers. Il s’agit là (voir chapitre 5) de l’un des types séméiologiques de « Mainétrangèremain étrangère » (ainsi un agriculteur devenu hémiplégique priait de téléphoner à son épouse qui avait oublié sa main dans son lit et qui devait lui faire défaut car son épouse « était seule pour s’occuper des travaux de la maison et de la ferme »). Dans quelques cas, l’hémicorps paralysé est l’objet d’une personnification. Le malade exprime à l’égard de son hémicorps des sentiments de colère ou de haine (misoplégie) ou lui fait des reproches qui peuvent être exprimés de manière plus ou moins humoristique (une dame hémiplégique disait : « je n’ai jamais aimé ma main gauche, car elle a toujours été paresseuse et même pas gentille avec moi »). On peut parfois observer une alloesthésie (le malade disant qu’il est touché sur l’hémicorps ipsilatéral à la lésion quand on le touche du côté opposé à la lésion). Quand on prie le patient de mouvoir le bras paralysé, on peut observer soit une mobilisation du membre homolatéral (Allokinésieallokinésie), soit l’affirmation du malade selon laquelle il a exécuté l’ordre, ce qui peut être considéré comme une hallucination kinesthésique.

Les perturbations somatognosiques s’associent fréquemment à une Héminégligencehéminégligence spatiale, à une Hémianopsiehémianopsie latérale homonyme, à une déviation de la tête et des yeux, à des troubles sensitifs de l’hémicorps, à une Apraxieconstructiveapraxie constructive, à une Apraxiede l’habillageapraxie de l’habillage, à des troubles de la vigilance, à une Confusionmentaleconfusion mentale, à une indifférence comme à un Étatdépressifétat dépressif mais ces associations ne sont pas constantes et l’anosognosie peut exister de manière pure, accompagnant l’hémiplégie. Les lésions intéressent très préférentiellement l’Hémisphèredroithémisphère droit : le Lobepariétallobe pariétal (tout particulièrement le Lobule pariétalinférieurlobule pariétal inférieur) mais aussi les structures sous-corticales (Thalamusthalamus, Noyaugrisnoyaux gris centraux).

Il apparaît difficile de faire de l’anosognosie une conséquence des troubles sensitifs, d’une confusion mentale, d’un trouble antérieur de la personnalité, d’une Disconnexiondisconnexion des aires du langage qui, en raison de la lésion hémisphérique droite, ne reçoivent plus d’informations proprioceptives et visuelles en provenance de l’hémicorps et de l’hémichamp visuel gauches car, dans ce cas, l’anosognosie devrait disparaître quand l’examinateur porte le bras du malade dans son hémichamp visuel droit. Il a été envisagé d’en faire un trouble de type attentionnel ou intentionnel à l’égard de l’hémicorps, l’absence d’information sensitive ne permettant pas au système intentionnel de détecter la non-mobilisation du membre. Il reste donc toujours plausible de considérer les troubles comme secondaires à l’atteinte de la fonction somatognosique, sous-tendue par le schéma corporel et organisée au niveau de l’Hémisphèremineurhémisphère mineur.

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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Les troubles du schéma corporel ou asomatognosies

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