Les surdités corticales et les agnosies auditives

À l’instar de la Cécitécorticalecécité corticale et des Agnosievisuelleagnosies visuelles, peut répondre une systématisation des désordres de l’identification auditive qui distingue d’abord les déficits sensoriels liés à un déficit de la réception corticale des messages sensoriels auditifs (et qui correspondrait à la surdité corticale, équivalent de la cécité corticale) et les déficits du traitement perceptif et associatif des sensations élémentaires (et qui correspondraient aux agnosies auditives). Si la distinction entre surdité corticale et agnosie auditive n’est pas toujours aisée, l’essentiel est d’affirmer l’intégrité de l’oreille interne, des nerfs auditifs et des voies auditives du tronc cérébral : l’Audiogrammeaudiogramme tonal est parfois perturbé ou d’interprétation difficile mais les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral et le réflexe stapédien sont normaux.


L’absence d’identification des sons alors que l’audition est possible (et donc que les messages auditifs parviennent de l’oreille au cortex auditif primaire) définit donc l’Agnosieauditiveagnosie auditive. Ce terme peut être utilisé pour désigner l’incapacité à reconnaître soit toutes les classes de sons (verbaux et non verbaux), soit les seuls sons non verbaux (musique et bruits), soit les seuls bruits, ce qui revient alors à distinguer la surdité verbale pure, l’amusie et l’agnosie auditive ou Agnosiepour les bruitsagnosie pour les bruits. Encore faudrait-il y ajouter les troubles de l’identification de la Prosodieémotionnelleprosodie émotionnelle du langage parlé.


Rappels neurophysiologique et neuropsychologique des voies auditives1



Les ondes sonores transmises par voie aérienne sont transmises à la cochlée où elles stimulent les cellules ciliées sensorielles de l’Organe de Cortiorgane de Corti (figure 11.1). Les messages sont ensuite transmis au nerf auditif qui parcourt le conduit auditif interne, puis l’Angle ponto-cérébelleuxangle ponto-cérébelleux jusqu’à son entrée dans le tronc cérébral au niveau du sillon bulbo-protubérantiel. Les fibres auditives aboutissent ainsi aux noyaux cochléaires où naissent les axones du deuxième neurone. La partie la plus importante croise la ligne médiane, constituant le lemnisque latéral ou ruban de Reil latéral qui monte dans le tronc cérébral, fait relais ou non dans les tubercules quadrijumeaux postérieurs (Colliculusinférieurcolliculus inférieur) et passe dans les corps genouillés internes (Corpsgéniculé médialcorps géniculé médial). Des corps genouillés internes naissent les Radiationauditiveradiations auditives (Voiegéniculo-temporalevoie géniculo-temporale) qui traversent le secteur sous-lenticulaire de la Capsule internecapsule interne et rejoignent les aires de réception auditive constituées au niveau de T1 (Gyrustemporalsupérieurgyrus temporal supérieur) par les Circonvolutiontransverse de Heschl circonvolutions transverses de Heschl (Aire41aires 41 et Aire4242 de Brodmann, constituant respectivement les Aireauditiveprimaireaires auditives primaire et Aireauditivesecondairesecondaire), au-dessus de l’Aire22aire 22 dont on connaît le rôle dans le décodage du langage.








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Figure 11.1
Schéma simplifié des voies auditives.

(d’après Gardner)

Chaque cochlée se projetant sur les deux hémisphères, il s’ensuit qu’une lésion hémisphérique unilatérale n’abolit pas l’audition de l’oreille opposée. En outre, un hémisphère dont le Gyrusde Heschlgyrus de Heschl est lésé peut recevoir, par le Corpscalleuxcorps calleux, des informations auditives de l’autre hémisphère. Le déficit auditif d’un hémisphère peut seulement être détecté par le test d’écoute dichotique qui consiste à présenter à chaque oreille, par l’intermédiaire d’un casque stéréophonique, des messages auditifs simultanés et différents. Dans cette situation, chaque hémisphère n’écoute que l’oreille opposée, la voie croisée neutralisant la voie ipsilatérale. Il s’ensuit que les messages venus de l’oreille opposée à l’hémisphère lésé ne sont pas entendus : c’est l’Hémianacousiehémianacousie.

Par ailleurs, le test d’écoute dichotique reflète l’asymétrie fonctionnelle des hémisphères et montre la dominance perceptive de l’Hémisphèregauchehémisphère gauche pour le matériel verbal et de l’Hémisphèredroithémisphère droit pour le matériel non verbal (mélodies, bruits familiers, intonation).


L’hémianacousie et la surdité corticale


L’hémianacousie est à l’audition ce que l’Hémianopsiehémianopsie est à la vision. Toutefois, les voies auditives venues de chaque oreille se projetant essentiellement sur l’hémisphère hétérolatéral et accessoirement sur l’hémisphère homolatéral (voir supra), l’hémianacousie ne peut être détectée cliniquement et nécessite l’artifice du test d’écoute dichotique qui consiste à présenter simultanément à chaque oreille un stimulus auditif différent (sous forme de paires de stimulus, phonèmes ou mots). Une hémianacousie ne peut être affirmée que si l’audition des sons présentés de manière monaurale est normale et si elle se caractérise par l’extinction des stimulations en provenance d’une oreille. Les hémianacousies relèvent le plus souvent de lésions hémisphériques controlatérales à l’oreille « défaillante », temporales (Cortexauditifprimairecortex auditif primaire, Aire41aires 41 et Aire4242) ou périsylviennes, et s’accompagnent d’une abolition ou d’une asymétrie des Potentielévoquéauditifpotentiels évoqués auditifs de latence moyenne sur l’hémisphère malade. Toutefois une hémianacousie gauche peut survenir en cas de Disconnexiontemporo-temporaledisconnexion temporo-temporale, qu’il s’agisse d’une lésion du Corpscalleuxcorps calleux lui-même ou de lésions profondes de la substance blanche perturbant, à droite l’entrée, à gauche la sortie des messages qui doivent franchir le corps calleux. En effet, les messages auditifs parvenant au cerveau droit doivent être transférés à l’autre hémisphère pour que le sujet puisse verbaliser les stimulations auditives qu’il a entendues (voir figure 11.1).

La surdité corticale peut être conçue comme une double hémianacousie et nécessite donc des lésions bilatérales du cortex auditif primaire temporal ou des lésions interrompant les Voiegéniculo-temporalevoies géniculo-temporales. Mais il est vrai qu’elle peut être difficile à distinguer des Agnosieauditiveagnosies auditives globales aperceptives. La surdité intéresse en principe tous les types de sons, verbaux et non verbaux. Liée habituellement à des lésions vasculaires, elle s’installe le plus souvent de manière soudaine chez un sujet qui a eu un premier ictus. Typiquement, le sujet se plaint d’une surdité et les Potentielévoquéauditifpotentiels évoqués auditifs (Pa) de moyenne latence sont abolis, mais ces faits ne sont pas constants. En effet, les surdités peuvent ne pas être complètes et il est fréquent qu’une surdité initiale évolue plus ou moins rapidement vers une agnosie.


Les agnosies auditives


Elles peuvent être classées selon le niveau, aperceptif ou associatif, du déficit du traitement des informations visuelles et aussi selon les registres de sons dont la reconnaissance est altérée.


Les agnosies auditives aperceptive et associative


Elles peuvent donc s’installer d’emblée ou représenter le stade évolutif d’une surdité corticale : il peut donc exister une Inattentionauditiveinattention auditive et quelques perturbations de l’audition mais ces troubles sont insuffisants pour expliquer l’incapacité d’identification des sons. Les bruits (de cloche, de voiture, tout comme les cris d’animaux) ne sont ni distingués ni reconnus sauf pour ce qui concerne leur intensité ; l’Épreuvedu loto sonoreépreuve du loto sonore (Nathan éditeur) montre que les malades ne peuvent ni dire ce qu’ils entendent ni désigner l’origine du bruit dans un choix d’images. Ils ont aussi une surdité pour le langage et donc ne peuvent pas comprendre ce qu’on leur dit ; ils ne reconnaissent pas les mélodies, les instruments de musique qu’on leur fait entendre, de même que les rythmes. Les malades peuvent reconnaître ou non s’ils entendent leur langue ou une langue étrangère ; ils peuvent ou non reconnaître le sexe du locuteur et identifier la personne qui parle (Phonoagnosiephonoagnosie) ou la tessiture émotionnelle de ce qui se dit (Agnosieauditiveaffectiveagnosie auditive affective, voir infra). Le déficit peut initialement ou secondairement prédominer sur tel ou tel type de sons, la dichotomie la plus habituelle s’effectuant entre les sons verbaux d’une part, les sons non verbaux d’autre part. Une Aphasiede Wernickeaphasie de Wernicke plus ou moins sévère peut s’y associer. Les lésions intéressent le plus souvent les deux lobes temporaux, impliquant le Gyrustemporalsupérieurgyrus temporal supérieur, c’est-à-dire les connexions efférentes du Gyrusde Heschlgyrus de Heschl. Une atteinte bilatérale sous-corticale a pu être observée.

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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Les surdités corticales et les agnosies auditives

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