L’alexie désigne traditionnellement la perturbation (pouvant aller jusqu’à l’incapacité totale) de la compréhension du langage écrit. Dans son sens le plus restrictif, le déficit est langagier, en sachant que l’étape initiale du traitement est visuelle et que les lettres et les mots doivent d’abord être reconnus comme tels ; mais la Compréhensiond’un textecompréhension d’un texte dépend aussi de son balayage visuospatial ; ainsi une Héminégligencehéminégligence altère la compréhension d’un texte à cause du caractère parcellaire de son exploration : on parle parfois d’Alexiespatialealexie spatiale ou d’Alexiepar négligencealexie par négligence.
Les alexies proprement dites (réalisant dans leurs formes extrêmes une cécité verbale) ont été diversement classées. Toutefois il n’est pas d’usage de dénommer alexie une perturbation de la lecture à haute voix sans atteinte de la compréhension : une Désintégration phonétiquedésintégration phonétique altère la lecture à haute voix comme toute expression verbale et, malgré d’abondantes Paraphasieparaphasies (dénommées Paralexieparalexies car suscitées par la lecture), la compréhension d’un texte lu au cours d’une Aphasiede conductionaphasie de conduction peut être bonne ou peu perturbée (encadré 4.1).
Encadré 4.1
1. Compréhension d’ordres écrits et correspondance texte–action (le texte écrit doit être affecté à l’image correspondante présentée en choix multiple).
2. Lecture à haute voix d’un texte et évaluation de sa compréhension. Rechercher l’effet de stratégies vicariantes (lecture par épellation ; lecture en suivant le contour des lettres avec le doigt).
3. Lecture de lettres.
4. Lecture de Logatomelogatomes, de mots réguliers et irréguliers.
Le terme de dyslexie, qui était autrefois réservé aux désordres de l’apprentissage de la lecture, tend à remplacer le terme d’alexie, en opposant les dyslexies acquises et les dyslexies développementales.
On peut distinguer les alexies périphériques liées à un déficit du traitement visuel de l’information écrite (alexie pure ou agnosique et alexie par négligence) et les alexies centrales liées à un déficit spécifiquement linguistique.
On peut aussi classer les alexies de manière anatomoclinique.
Les variétés anatomocliniques d’alexie
Trois types d’alexie peuvent être individualisés : l’alexie sans agraphie, l’alexie avec agraphie et l’alexie frontale.
L’Alexiesans agraphiealexie sans agraphie ou Alexiepurealexie « pure » ou Alexieagnosiquealexie « agnosique » ou Alexiepostérieurealexie « postérieure » se caractérise par le contraste existant entre l’incapacité de la lecture et le caractère (presque) correct de l’écriture, le patient ne pouvant alors pas relire ce qu’il vient d’écrire, alors qu’il n’existe pas de troubles du langage, sauf parfois un léger Manque du motmanque du mot. L’alexie peut intéresser les lettres (Alexielittéralealexie littérale), les mots (Alexieverbalealexie verbale), la phrase (alors que les mots isolés sont assez bien identifiés) ou être globale (la lecture des chiffres et des nombres restant préservée). En cas d’alexie littérale, le malade ne peut pas lire par épellation, les difficultés croissant avec la longueur des mots par un effet de Simultagnosiesimultagnosie : les premières lettres sont ainsi bien identifiées et les dernières syllabes sont inventées car supposées plausibles (« incohérent » est lu « incognito ») ; un mot peut être ainsi remplacé par un autre mot qui a une forme graphique voisine, mais parfois par un autre mot lié sémantiquement. Les mots du lexique sont beaucoup mieux lus que les mots grammaticaux ou les logatomes. En règle générale, et contrairement à ce que l’on observe dans les aphasies, l’alexie verbale l’emporte sur l’alexie littérale, le malade déchiffrant alors les mots de manière analytique, en les épelant (Alexieavec épellationalexie avec épellation), ce qui l’expose d’ailleurs à des erreurs. Les Logatomelogatomes sont bien lus mais la compréhension du langage écrit reste laborieuse et seuls les ordres simples sont exécutés. C’est surtout quand l’alexie est globale, intéressant lettres et mots, que le malade utilise, pour reconnaître les lettres, ses afférences kinesthésiques en en suivant le contour avec le doigt.
L’Alexiepurealexie pure s’associe généralement à une Hémianopsielatérale homonymehémianopsie latérale homonyme droite, parfois à une Agnosievisuelleagnosie visuelle (ou à une Anomiepour les couleursanomie pour les couleurs), à une Aphasieoptiqueaphasie optique et plus rarement à une Agnosiepour les imagesagnosie pour les images et les Agnosiepour les objetsobjets. La lésion responsable est le plus souvent un Infarctusde l’artèrecérébrale postérieureinfarctus de l’artère cérébrale postérieure gauche lésant le Lobeoccipitallobe occipital et le Spléniumdu corps calleuxsplénium du corps calleux : les informations visuelles n’atteignent que le seul hémisphère droit et la lésion calleuse empêche le transfert des informations graphiques vers les aires du langage (Alexiesplénio-occipitalealexie splénio-occipitale). Toutefois l’atteinte du corps calleux peut manquer, les connexions entre le lobe occipital droit et la région pariéto-temporale gauche pouvant être interrompues au niveau de la substance blanche de la jonction temporo-pariéto-occipitale : il s’agirait dans tous les cas d’une Disconnexiondisconnexion ; cependant l’Alexieavec épellationalexie avec épellation a pu aussi être interprétée comme un déficit de l’analyse de la forme visuelle des mots ou encore comme un déficit de type simultagnosique. Il existe en langue japonaise des cas d’alexie intéressant les systèmes Kanji (idéographique) et Kana (alphabétique) soit de manière globale (pour les lésions occipitales) soit de manière dissociée, ce qui plaide pour la dualité anatomique des structures assurant le traitement des informations en Kanji et en Kana.