80: Précarité et périnatalité

Chapitre 80 Précarité et périnatalité



I. Giami*,



Problématique générale


Le faible niveau social et économique est un facteur globalement pénalisant et identifié depuis des décennies déjà pour son impact sur la santé et sur les indices en périnatalité en particulier. Ainsi, l’enquête nationale périnatale réalisée en 2003 confirme l’effet déterminant des inégalités sociales en matière de santé périnatale. D’ailleurs le problème est clairement identifié comme une priorité de santé publique en France, puisque le nouveau plan périnatalité 2005-2007 préconise « un soutien renforcé aux femmes et aux couples en situation de précarité ».


La difficulté à traiter la problématique santé-précarité réside dans le fait qu’elle dépasse largement le champ du médical et du soin. En effet, elle oblige à engager simultanément une réflexion sur l’accès aux droits et à une aide sociale. Le suivi prénatal de ces grossesses est souvent insuffisant. De plus, les intervenants impliqués dans ce suivi sont multiples, ce qui pose un problème de cohérence et de concertation (médecin et sage-femme de protection maternelle, généraliste de proximité du domicile, personnel de maternité, travailleurs sociaux). Cela entraîne aussi un dépistage peu satisfaisant des femmes présentant des grossesses à risque, pourtant plus fréquentes, encore plus difficile s’il est cumulé avec un manque d’examens paracliniques comme c’est le cas chez les femmes de milieux sociaux défavorisés. D’autant que ces femmes enceintes présentent des conditions de vie, en particulier financières et d’hébergement, souvent incompatibles avec une évolution normale de la grossesse. Il en résulte aussi une prise en charge difficilement optimale du nouveau-né, souvent fragilisé par une naissance marquée par un faible poids et une prématurité.



Pauvreté, précarité, exclusion : évaluation démographique du problème


En général, les statistiques chiffrent globalement le taux de la pauvreté mais pas de la grande pauvreté. Or, le phénomène de la précarité et de l’exclusion ne cesse de s’aggraver [1]. Cependant, sa mesure exacte paraît difficilement évaluable compte tenu de la spécificité des conditions de vie des populations concernées : femmes de nationalité étrangère, en situation administrative délicate (sans titre légal de séjour en France), femmes aux conditions d’hébergement instables, etc.


Le manque d’évaluation du problème résulte aussi probablement du manque de précision des définitions du problème1 :


– pauvreté : « État d’une personne qui manque de moyens matériels, d’argent ; insuffisance de ressources ». Elle regroupe des populations en grande à très grande difficulté sociale (absence de ressource, perte d’emploi) connues et prises en charge par le service municipal d’aide sociale, qui peut organiser un secours financier ou alimentaire (bons alimentaires, etc.) et une solution stable d’hébergement (foyers) ;

– précarité : « Caractère ou état de ce qui est précaire » ;

– précaire : « Dont l’avenir, la durée, ne sont pas assurés ». Il s’agit d’une frange de la population qu’une crise a précarisée : crise économique (perte de ressource stable due au chômage d’un des deux conjoints ou des deux), ou crise sociale (d’où un relatif isolement social, femmes réfugiées politiques ou familles issues d’une immigration récente, femmes mineures françaises en rupture avec leur famille). Cette population de plus en plus nombreuse, en voie de précarisation, peut glisser vers l’exclusion ;

– exclusion : « Action d’exclure quelqu’un (en le chassant d’un endroit où il avait précédemment sa place, ou en le privant de certains droits) ». Socialement, psychologiquement et économiquement désinsérés, les exclus cumulent le plus souvent un dénuement de ressources et de moyens :
– absence d’emploi donc de ressources financières disponibles

– absence de logement, donc situations d’hébergement inappropriées pour la constitution d’une famille et des liens parentaux

Ainsi, un phénomène de désocialisation progressif s’installe (femme sans domicile fixe et/ou dislocation familiale), qui constitue un facteur d’isolement social, facteur fragilisant supplémentaire sur le plan de la santé mentale de ces futures mères.


Les exclus échappent « au filet de la protection sociale », trop exigeant sur le plan administratif et, de fait, se heurtent à de réels obstacles pour accéder à leurs droits comme aux soins, malgré l’action considérable d’organisations humanitaires. Ainsi nombre de femmes enceintes se trouvent souvent privées d’informations primordiales concernant une prise en charge adéquate et accessible de la grossesse comme la gratuité des consultations prénatales, indépendamment de leur domiciliation et statut administratif, assurées par les services de PMI, offertes par de nombreux départements (le développement de ces services dépendant des choix en ce domaine du Conseil général de chaque département).



Commentaire


Pour les femmes enceintes en situation précaire, le suivi prénatal constitue une dépense trop élevée, compte tenu des informations à leur disposition, d’autant qu’il n’est pas identifié comme prioritaire dans leur problématique de survie.


Ces situations sont aggravées en cas d’absence de couverture sociale [2] (de fait ou par méconnaissance de leurs droits), ou en raison d’une situation financière ne permettant pas l’accès à une couverture sociale complémentaire, mais non compatible avec l’accès à la CMU.


Dans ce contexte, les conséquences indiquées dans le tableau 80.1 en matière d’accès aux soins peuvent être retrouvées.


Tableau 80.1 Précarité et conséquences sur l’accès aux soins maternels.














Situation sociale Causes Conséquences
Absence de couverture sociale
De fait

Par méconnaissance des droits
– Facturation de tous les soins

– Facturation du ticket modérateur et du forfait

journalier (jusqu’au 5e mois)

→ refus d’hospitalisation

– Facturation des frais médicamenteux tout ou en partie (jusqu’au 5e mois)

→ non-observance du traitement

– Facturation des frais des examens complémentaires tout ou en partie (ex : sérologies, échographies obstétricales)

→ non-réalisation

→ absence de dépistage prénatal
ou de qualité insuffisante
Protection sociale insuffisante (pas de couverture sociale complémentaire)
Ressources financières insuffisantes

Ressources financières précaires mais supérieures au seuil d’accès à la CMU


Précarité : causes et conséquences sur la périnatalité


Globalement, les études démontrent les causes et effets recensés dans le tableau 80.2.


Tableau 80.2 Précarité et pathologies périnatales.









Causes Pathologies périnatales retrouvées
Grossesse peu, mal ou non suivie en consultations spécialisées [3 ; 4] (moins de 3 consultations prénatales au total)
– ↗ Taux de complications de suites de couches et/ou hospitalisation de la mère prolongée [4]

– Globalement ↗ taux de naissances d’enfants de petit poids dont :

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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 80: Précarité et périnatalité

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