Chapitre 56 Accouchement avec un utérus cicatriciel
L’accouchement avec un utérus cicatriciel est considéré comme un accouchement à haut risque en raison de la morbidité et la mortalité maternofœtales induites principalement par la rupture utérine. Pour cette raison, il justifie une attention particulière et une grande prudence que ce soit en termes de décision du mode d’accouchement ou de surveillance lors du travail. Cette mise en garde est d’autant plus essentielle que les dernières études mettent en lumière l’augmentation du risque de mort périnatale [1] quand la voie basse est préférée à la césarienne élective. En conséquence, afin de garantir aux patientes présentant un antécédent de césarienne une sécurité maximale lors de la naissance de leur enfant, le choix du mode d’accouchement doit reposer sur une analyse rigoureuse et approfondie de leurs caractéristiques générales et obstétricales permettant d’évaluer d’une part le risque de rupture utérine [2] et d’autre part la probabilité de succès de l’accouchement par voie basse.
Définition
Épidémiologie
En France, la prévalence de l’utérus cicatriciel est de l’ordre de 10 %. Les cicatrices d’origine obstétricales sont les plus fréquentes et en particulier, les cicatrices consécutives à une césarienne puisqu’elles représentent 90 à 95 % des cas. Dans le rapport d’une enquête en 2005, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) [3] souligne la croissance du taux des césariennes qui est passé de 17,5 % en 1998 à 20 % en 2003. Cette évolution reflète l’augmentation des césariennes pratiquées chez les femmes primipares dont le taux estimé est passé de 18 % en 1995 à 19,6 % en 1998 et à 23,5 % en 2003, tandis que celles pratiquées chez les femmes qui ont déjà eu une césarienne sont restées quasiment stables.
La prévalence de la rupture utérine dans les pays développés est d’environ 1 % chez les femmes présentant un utérus unicicatriciel, et inférieure à 1 pour 10 000 chez les patientes porteuses d’un utérus sain [4]. La déhiscence est plus fréquente. Les taux rapportés dans la littérature varient entre 0,4 et 4,6 %.
Évaluation du risque de rupture utérine
Qualité de la cicatrice
Avec un taux de 1 % (28 ruptures utérines sur 2 912), les hystérotomies segmentaires transversales sont les cicatrices de césarienne les plus solides [5]. Les cicatrices segmentaires verticales, quant à elles, sont habituellement résistantes (0,8 % de ruptures sur 377) et ne constituent pas de contre-indications à la voie basse. En revanche, les hystérotomies corporéales entraînent un risque de rupture de 12 % et une césarienne dans une telle situation doit être réalisée [6].
L’intérêt de l’échographie pour évaluer l’épaisseur et en conséquence la solidité de la cicatrice a été étudié [7]. Le risque de cicatrice fragilisée était directement corrélé au degré de minceur du segment inférieur vers 37 SA. Avec un seuil de 3,5 mm, la sensibilité de la mesure était de 88 %, la spécificité de 73,2 %, la valeur prédictive positive de 11,8 % et la valeur prédictive négative de 99,3 %. La faible valeur prédictive positive indique qu’un segment inférieur mince n’est pas nécessairement anormal alors que la valeur prédictive négative élevée de l’examen permet de proposer aux patientes une voie basse lorsque l’épaisseur du segment inférieur est supérieure à 3,5 mm. Cette étude souffre d’un manque d’évaluation de la reproductibilité de la mesure, toutes les échographies ayant été réalisées par le même opérateur.
Âge maternel
On a montré que le risque de rupture utérine était augmenté (p = 0,02) chez les femmes âgées de 30 ans ou plus comparé à celui chez les femmes âgées de moins de 30 ans (1,4 % vs 0,5 % ; OR 3,2 ; IC95 % : 1,2-8,4) [8].
Antécédent d’accouchement voie basse
Zelop a constaté un risque 5 fois moins élevé de rupture utérine parmi les femmes ayant un antécédent d’accouchement par voie basse (1,1 % vs 0,2 % ; OR 0,2, IC95 % : 0,04-0,8]) [9]. Dans le cas d’utérus pluricicatriciel, le taux de ruptures utérines était de 3,9 % (4/103) chez les femmes sans antécédent d’accouchement voie basse versus 2,5 % (1/40).
Intervalle intergrossesse
Shipp a montré que les femmes dont l’intervalle intergrossesse était inférieur ou égal à 18 mois avaient un risque de rupture utérine multiplié par 3 (IC95 % : 1,2-7,2) [5]. Le taux de rupture utérine était de 1,05 % pour un intervalle supérieur à 19 mois versus 2,25 %. Bujold confirme ce résultat en montrant une relation linéaire entre la durée de l’intervalle entre les deux grossesses et le risque de rupture utérine. Dans son étude, le taux de rupture utérine était de 4,8 % parmi les patientes dont l’intervalle était inférieur ou égal à 12 mois, de 2,7 % parmi les patientes dont l’intervalle allait de 13 à 24 mois, et de 0,9 % parmi les patientes dont l’intervalle était supérieur à 25 mois (p = 0,04).
Utérus bicicatriciel [10]
Le risque de rupture utérine en cas d’utérus pluricicatriciel a été évalué par plusieurs auteurs. En particulier Caughey a comparé l’issue de l’épreuve du travail sur utérus uni (n = 3 757 patientes) et bicicatriciel (n = 134 patientes). Le taux de ruptures était de 0,8 % et 3,7 % respectivement (p = 0,001) avec un risque de rupture utérine 5 fois plus important en cas d’utérus bicicatriciel.