56: Accouchement avec un utérus cicatriciel

Chapitre 56 Accouchement avec un utérus cicatriciel



L’accouchement avec un utérus cicatriciel est considéré comme un accouchement à haut risque en raison de la morbidité et la mortalité maternofœtales induites principalement par la rupture utérine. Pour cette raison, il justifie une attention particulière et une grande prudence que ce soit en termes de décision du mode d’accouchement ou de surveillance lors du travail. Cette mise en garde est d’autant plus essentielle que les dernières études mettent en lumière l’augmentation du risque de mort périnatale [1] quand la voie basse est préférée à la césarienne élective. En conséquence, afin de garantir aux patientes présentant un antécédent de césarienne une sécurité maximale lors de la naissance de leur enfant, le choix du mode d’accouchement doit reposer sur une analyse rigoureuse et approfondie de leurs caractéristiques générales et obstétricales permettant d’évaluer d’une part le risque de rupture utérine [2] et d’autre part la probabilité de succès de l’accouchement par voie basse.



Définition



Utérus cicatriciel


L’utérus cicatriciel se définit comme un utérus portant à un endroit quelconque du corps ou de l’isthme une ou plusieurs cicatrices dont l’origine est principalement obstétricale. On distingue les cicatrices segmentaires transversales qui correspondent à une hystérotomie au niveau du segment inférieur, plus rarement sont décrites les cicatrices corporéales longitudinales avec une extension plus ou moins longue sur le segment inférieur. Cette cicatrice appelée également cicatrice corporéale verticale ou segmentocorporéale est une incision sagittale verticale du corps utérin. Les cicatrices de minicésariennes effectuées lors d’avortements tardifs ainsi que des cicatrices mixtes en forme de T inversé, c’est-à-dire transversale segmentaire et verticale corporéale, sont très exceptionnelles. Enfin quelques rares cas de cicatrices de césarienne vaginales et des cicatrices issues de rupture utérine spontanée touchant en général des utérus malformés ont été décrits dans la littérature.


Les césariennes pratiquées très tôt pendant la grossesse (entre 25 et 32 semaines) sont de plus en plus fréquentes. Elles ne sont pas segmentaires, même si elles sont transversales ; leur solidité ultérieure est donc pour l’instant sujette à caution.


Les cicatrices d’origine gynécologique ont été consécutives pendant des décennies exclusivement à des laparotomies pour l’ablation de myomes utérins ou des chirurgies plastiques permettant la réparation des anomalies congénitales (cloison utérine) ou acquises (synéchies) de l’utérus. Depuis quelques années, les gestes hystéroscopiques et laparoscopiques contribuent à l’avènement de « nouvelles cicatrices utérines » qu’il va falloir mieux connaître. Quelques cas de ruptures dramatiques, avant travail, ont été constatés à la suite de myomectomies par voies cœlioscopiques ou d’hystéroscopies opératoires. Ces interventions ont en commun d’utiliser des courants électriques parfois monopolaires qui peuvent induire des nécroses tissulaires à distance. Les cicatrices de myomectomies effectuées par laparotomie sont en revanche bien connues et leur solidité avérée.


Enfin, même si elles sont rares, il convient d’évoquer les cicatrices utérines traumatiques qui sont souvent le fait de perforations utérines lors de curetage utérin ou lors d’une intervention exploratoire.




Épidémiologie


En France, la prévalence de l’utérus cicatriciel est de l’ordre de 10 %. Les cicatrices d’origine obstétricales sont les plus fréquentes et en particulier, les cicatrices consécutives à une césarienne puisqu’elles représentent 90 à 95 % des cas. Dans le rapport d’une enquête en 2005, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) [3] souligne la croissance du taux des césariennes qui est passé de 17,5 % en 1998 à 20 % en 2003. Cette évolution reflète l’augmentation des césariennes pratiquées chez les femmes primipares dont le taux estimé est passé de 18 % en 1995 à 19,6 % en 1998 et à 23,5 % en 2003, tandis que celles pratiquées chez les femmes qui ont déjà eu une césarienne sont restées quasiment stables.


La prévalence de la rupture utérine dans les pays développés est d’environ 1 % chez les femmes présentant un utérus unicicatriciel, et inférieure à 1 pour 10 000 chez les patientes porteuses d’un utérus sain [4]. La déhiscence est plus fréquente. Les taux rapportés dans la littérature varient entre 0,4 et 4,6 %.



Évaluation du risque de rupture utérine



Qualité de la cicatrice


Si les phénomènes de rupture peuvent s’expliquer par une fragilité de la zone cicatricielle liée à sa perte de qualité extensible et contractile propre aux fibres musculaires, il n’existe actuellement aucun élément objectif qui permet de juger directement de la solidité de la cicatrice. Son évaluation repose sur deux paramètres : le type de la cicatrice et son épaisseur.


Avec un taux de 1 % (28 ruptures utérines sur 2 912), les hystérotomies segmentaires transversales sont les cicatrices de césarienne les plus solides [5]. Les cicatrices segmentaires verticales, quant à elles, sont habituellement résistantes (0,8 % de ruptures sur 377) et ne constituent pas de contre-indications à la voie basse. En revanche, les hystérotomies corporéales entraînent un risque de rupture de 12 % et une césarienne dans une telle situation doit être réalisée [6].


L’intérêt de l’échographie pour évaluer l’épaisseur et en conséquence la solidité de la cicatrice a été étudié [7]. Le risque de cicatrice fragilisée était directement corrélé au degré de minceur du segment inférieur vers 37 SA. Avec un seuil de 3,5 mm, la sensibilité de la mesure était de 88 %, la spécificité de 73,2 %, la valeur prédictive positive de 11,8 % et la valeur prédictive négative de 99,3 %. La faible valeur prédictive positive indique qu’un segment inférieur mince n’est pas nécessairement anormal alors que la valeur prédictive négative élevée de l’examen permet de proposer aux patientes une voie basse lorsque l’épaisseur du segment inférieur est supérieure à 3,5 mm. Cette étude souffre d’un manque d’évaluation de la reproductibilité de la mesure, toutes les échographies ayant été réalisées par le même opérateur.





Antécédent d’accouchement voie basse


Zelop a constaté un risque 5 fois moins élevé de rupture utérine parmi les femmes ayant un antécédent d’accouchement par voie basse (1,1 % vs 0,2 % ; OR 0,2, IC95 % : 0,04-0,8]) [9]. Dans le cas d’utérus pluricicatriciel, le taux de ruptures utérines était de 3,9 % (4/103) chez les femmes sans antécédent d’accouchement voie basse versus 2,5 % (1/40).



Intervalle intergrossesse


Shipp a montré que les femmes dont l’intervalle intergrossesse était inférieur ou égal à 18 mois avaient un risque de rupture utérine multiplié par 3 (IC95 % : 1,2-7,2) [5]. Le taux de rupture utérine était de 1,05 % pour un intervalle supérieur à 19 mois versus 2,25 %. Bujold confirme ce résultat en montrant une relation linéaire entre la durée de l’intervalle entre les deux grossesses et le risque de rupture utérine. Dans son étude, le taux de rupture utérine était de 4,8 % parmi les patientes dont l’intervalle était inférieur ou égal à 12 mois, de 2,7 % parmi les patientes dont l’intervalle allait de 13 à 24 mois, et de 0,9 % parmi les patientes dont l’intervalle était supérieur à 25 mois (p = 0,04).


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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 56: Accouchement avec un utérus cicatriciel

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