60: Extractions instrumentales

Chapitre 60 Extractions instrumentales



Ventouse obstétricale



La ventouse obstétricale, vacuum extractor, est utilisée pour aider à l’accouchement par les voies naturelles. Le choix de l’instrument, forceps, spatules, ventouses a longtemps été affaire d’école. Certains ne faisaient que des forceps, d’autres que des spatules, d’autres encore, les moins nombreux, que des ventouses. Les grandes maisons françaises obstétricales ont été sévères vis-à-vis de la ventouse, ce qui a pu retarder sa diffusion. Merger dans son ouvrage écrivait « ne pas être convaincu » ou bien encore ne trouver « aucun avantage sur le forceps ». Actuellement, la ventouse en France est l’objet d’un regain d’intérêt sous l’impulsion notamment des obstétriciens formés dans l’Est et le Nord-Est.


Si l’on veut bien admettre que chaque instrument a ses qualités propres mais aussi ses défauts, il faut donc savoir choisir le bon dans la bonne situation.





Indications et contre-indication


L’aide à l’accouchement peut se révéler nécessaire dans deux situations : l’anomalie sévère du rythme cardiaque fœtale et la non-progression de la présentation à partir de la partie moyenne du bassin maternel.


Le choix en faveur de la ventouse doit se faire d’autant plus que la présentation est défléchie, ou bien encore postérieure ou transverse. À l’inverse, une nonprogression du mobile fœtal en présentation symétrique et antérieure dans un contexte de difficulté mécanique prévisible fera préférer certainement un forceps.


La contre-indication la plus classique reste la prématurité inférieure à 34 SA en raison du risque cérébral théorique lié à la pression d’application de la cupule. Il faut préciser que les forceps n’ont pas été non plus conçus pour la taille du crâne des prématurés. Pour ces derniers, s’il faut hâter le dégagement, c’est probablement les spatules qui sont le meilleur compromis.


Les autres contre-indications de la ventouse sont bien connues : ce sont les présentations du siège, de la face, les présentations transverses, inconnues, les syndromes hémorragiques du nouveau-né (hémophilie ou autres troubles de la coagulation fœtale).


L’anesthésie générale est une contre-indication relative car on peut avoir besoin de l’effort maternel. En revanche, s’il y a eu des prélèvements au scalp ou bien une électrode céphalique, cela n’est pas une contre-indication, de même qu’une bosse sérosanguine.



Technique d’application [3]


Comme pour toute extraction instrumentale, les membranes doivent être rompues, la présentation doit être certainement connue et certainement engagée, la dilatation doit être complète.


La cupule est poussée le plus loin possible vers l’occiput fœtal, sur la suture sagittale. Une dépression minime (200 mbar) est exercée dans un premier temps ; on vérifie ensuite que les parties molles maternelles (col et parois vaginales) n’ont pas été prises par la cupule. On peut ensuite compléter la dépression jusqu’à 600-800 mbar.


La traction est continue, pendant la contraction et l’effort de poussée. Sa direction est d’abord celle de la flexion, ensuite celle de la descente, puis celle du dégagement. Le tracteur doit toujours être perpendiculaire au plan de la cupule. Les mouvements de « godilles » sont interdits, ils sont inutiles et pourraient être à l’origine de traumatismes fœtaux.


La bonne position de l’opérateur est la position assise basse. S’il est droitier, c’est la main droite qui tient la poignée, les doigts de la main gauche restent au contact du scalp pour vérifier la bonne tenue de la ventouse et la descente du mobile fœtal. Lors de l’expulsion, il peut être intéressant de changer de main pour contrôler le périnée avec la main droite.


Il est très utile, si la présentation est postérieure, de repérer l’occiput par le point d’implantation du tuyau d’aspiration s’il y en a un ou bien par la marque sur la ventouse Kiwi. On peut ainsi suivre la rotation qui se fait spontanément dans la majorité des cas.


Plus la durée d’application est longue, plus les lésions du scalp sont importantes. Une dizaine de minutes semble raisonnable, correspondant à 3 à 5 contractions utérines, 6 à 10 efforts expulsifs.





Atteintes du scalp


La bosse sérosanguine est constante, parfois véritable hématome source d’anémie et d’ictère néonatals. Les excoriations ne sont pas exceptionnelles (12 %) et parfois douloureuses. L’hématome sous-périosté (céphalhématome) (figure 60.2) est plus ennuyeux. Il ne chevauche pas les sutures et il est bien limité en périphérie (figure 60.3, voir cahier couleur en fin d’ouvrage). Cette tuméfaction fluctuante est de résorption très lente (plusieurs semaines) ; elle peut être associée à une fracture du crâne.



L’hématome sous-cutané diffus du cuir chevelu est une complication rare (1,26 % ventouses) mais d’une extrême gravité (mortalité = 25 %). C’est lui qui a pu contribuer à la réticence de certains à utiliser la ventouse. Le saignement se répand de façon insidieuse et sans obstacle entre périoste et aponévrose. En quelques heures, le périmètre crânien augmente de 3 à 4 cm. Il n’y a pas d’hématome visible. C’est un nouveau-né en état de choc hypovolémique dont l’extrémité céphalique devient méconnaissable qu’il faut prendre en charge de toute urgence. Les suites sont longues avec surinfection, ictère, exsanguinotransfusion, débridements chirurgicaux. La physiopathologie est complexe mais on sait que les ventouses difficiles et longues sont plus souvent en cause.


Un trouble de la coagulation doit aussi être recherché de même qu’une fracture du crâne.


Les hémorragies rétiniennes sont plus fréquentes après ventouses ainsi que les ictères. Aucune séquelle n’est rapportée [5] à long terme.





Forceps et spatules



Depuis l’avènement, au cours du XVIIe siècle, du forceps dans la pratique obstétricale, de vives polémiques émaillent l’histoire de la pratique obstétricale.


Outil salvateur pour certains, instrument parfois dangereux pour d’autres, il nous semble qu’au début de ce XXIe siècle, certains principes doivent être énoncés ou rappelés :





Un long compagnonnage attentif s’avère indispensable pour acquérir une maîtrise prudente et sereine des divers forceps.


Au cours du XXe siècle, les progrès réalisés dans les techniques chirurgicales, les procédures anesthésiques, les thérapeutiques anti-infectieuses et transfusionnelles permettent maintenant d’éviter raisonnablement le recours aux extractions scabreuses pour la mère et périlleuses pour l’enfant.


Certes, l’accouchement est un événement spontané naturel, mais parfois l’aide instrumentale s’avère encore nécessaire pour une naissance heureuse.


En France, 12 % des naissances se font par extraction instrumentale, 5,2 % par forceps, 2,4 % par spatules, 4 % par ventouses.


Durant sa formation, le futur chirurgien accoucheur devra apprendre à utiliser divers instruments (forceps, ventouses, spatules) et appliquer dans sa pratique future, sur une présentation profondément engagée, le forceps le plus indiqué et qu’il maîtrise le mieux.



Description des instruments


Les forceps utilisés aujourd’hui dans le monde sont encore très variés, mais ils ne sont pas équivalents en termes d’efficacité, d’innocuité et de possibilités de pose et de rotation.


Tarnier et Demelin sont sans doute les accoucheurs qui ont mené le plus à terme leur réflexion sur la mécanique de l’extraction par forceps et les résultats de leurs études se sont concrétisés dans les instruments qui portent leur nom. Ils sont les seuls à proposer une application de la force de traction au plus près du centre de rotation de la tête et la possibilité malgré une bonne préhension de laisser à cette dernière la possibilité de s’orienter naturellement sur les reliefs osseux et musculaires de l’excavation, au fur et à mesure de sa progression sous l’effet de la traction.



Forceps à branches croisées


Les forceps à branches croisées sont caractérisés par un point d’articulation unique situé au niveau de leur entablure.


Le forceps de Tarnier est un des forceps à branches croisées, composé de deux branches et d’un tracteur (figure 60.4). Chaque branche (longueur 41 cm) comporte une cuillère (largeur 4,5 cm), une entablure et un manche.



La cuillère constitue la partie essentielle du forceps. Elle est formée d’une spatule évidée appelée fenêtre.


La fenêtre est constituée d’une branche antérieure, la jumelle antérieure, et d’une jumelle postérieure réunies en avant au niveau du bec.


La cuillère présente deux courbures :




À la base de la cuillère existe un œillet dans lequel s’adapte le bouton (G pour branche gauche, D pour droite) d’une tigelle qui, avec celle de l’autre branche, permet l’articulation au tracteur.


L’entablure fait suite à la cuillère, elle n’existe que dans les forceps croisés et permet l’articulation des branches.


L’articulation se fait par vis. La branche gauche est toujours la branche dite mâle porteuse du pivot à vis. La branche droite dite femelle est porteuse de l’encoche recevant le système d’articulation.


Le manche présente à son extrémité distale un crochet dirigé vers l’extérieur pour empêcher les mains de glisser et faciliter la prise lors de son introduction.


Sur le manche se trouve une vis dite de pression dont l’ailette située sur la branche gauche est reçue dans une mortaise incluse dans la branche droite. Cette vis dont la fonction est d’assurer un contact étroit entre les cuillères et la tête ne doit être que fixée et non serrée.


Le système de traction comporte trois parties :





La tige horizontale s’articule avec la tige verticale, laquelle est articulée avec le palonnier. Toutes les articulations de ces pièces sont mobiles, laissant le jeu des branches indépendant de la traction.


La tête enserrée par les cuillères leur imprime ses propres mouvements. Les manches jouent alors un rôle d’indicateur de l’orientation de la tête fœtale.


Grâce aux articulations, la direction du tracteur peut rester indépendante de celle de la tête.


La traction sur le palonnier ne provoque donc pas d’orientation particulière de la tête qui reste soumise aux seuls impératifs des guides pelviens maternels, osseux et musculaires.


Pour que l’application de la force de traction garde une direction cohérente par rapport à l’orientation de la tête fœtale, on guidera le tracteur pendant la traction de sorte que les tigelles restent à 2 travers de doigts sous les branches.


« Il faut faire exécuter à la tête tous les mouvements qu’elle exécuterait spontanément si l’accouchement était normal » (Tarnier).


Étant donné qu’il va falloir tirer là où le fœtus était poussé, il faut pouvoir saisir la tête, la faire progresser vers l’extérieur en lui faisant suivre les axes du pelvis avec flexion, rotation, déflexion.


Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 60: Extractions instrumentales

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