Chapitre 33 Pathologies hématologiques et grossesse
Anémie
Anémie carentielle
Fer
La prévalence de l’anémie par carence en fer varie de 12 à 43 % à travers le monde. Elle est la conséquence d’un stock initial insuffisant chez la mère et de besoins accrus pendant la grossesse et dans le post-partum. En effet, une alimentation normale n’apporte en moyenne que 20 mg de fer journalier dont seuls 10 % sont absorbés alors que les besoins totaux en fer avoisinent 850 m g en moyenne pour une grossesse. Une augmentation physiologique des capacités d’absorption intestinale du fer héminique et minéral est cependant observée pour répondre à la diminution des réserves maternelles. Les grossesses rapprochées, la multiparité, les grossesses multiples, le jeune âge, le bas niveau socioéconomique et les infections parasitaires chroniques favorisent la survenue de ces anémies ferriprives.
Folates
Dès 1950, l’administration d’acide folique per os a été proposée pour traiter l’anémie mégaloblastique (5 mg/jour jusqu’à correction de l’anémie) puis à partir de 1990, des travaux ont mis en valeur l’intérêt de la supplémentation systématique préconceptionnelle (0,4 mg/jour 4 semaines avant et 8 semaines après la conception) dans la prévention des défauts de fermeture du tube neural (NP1). Cette supplémentation entraîne également une diminution significative des malformations fœtales urinaires et cardiaques (NP1). En cas d’antécédents d’anomalie de fermeture du tube neural, la supplémentation nécessite 4 à 5 mg/jour pendant 4 semaines avant et 8 semaines après la conception. Chez des femmes débutant leur grossesse avec des réserves insuffisantes, le déficit en folates peut être prévenu par des apports équivalents à 0,2 mg/jour d’acide folique. Des études récentes attribuent aux folates des propriétés concernant les fonctions de reproduction et de lactation et, auraient constaté un accroissement du taux de grossesses multiples en cas de supplémentation systématique.
Pathologies plaquettaires
Une thrombopénie généralement modérée (entre 75 et 150 G/L) est observée chez 6 à 15 % des femmes en fin de grossesse. Plusieurs études ont montré une élévation progressive de la consommation plaquettaire compensée par une augmentation physiologique de la thrombopoïèse pendant la grossesse. Il en résulte des chiffres stables avec cependant de grandes variations interindividuelles. Le diagnostic différentiel entre une thrombopénie gestationnelle la plus commune et un purpura thrombopénique idiopathi- que (PTI) est essentiel en raison du risque de thrombopé- nie néonatale dans le PTI, mais il reste difficile. En dehors des antécédents de PTI connu, il se fait principalement sur la sévérité de la thrombopénie, le terme de la grossesse au moment du diagnostic et l’évolution dans le post-par- tum. Une thrombopénie de la grossesse peut s’associer à des pathologies spécifiques ou non de la grossesse qu’il convient de rechercher (pré-éclampsie, HELLP syndrome, stéatose aiguë gravidique, lupus érythémateux disséminé, coagulation intravasculaire disséminée, purpura thromboti- que thrombocytopénique ou syndrome hémolytique et uré- mique). Les investigations concernent les thrombopénies préexistantes à la grossesse, celles des 1er et 2e trimestres, celles du 3e trimestre avec un nombre de plaquettes inférieur à 75 G/L et celles qui sont associées à d’autres complications de la grossesse (tableau 33.1).
Thrombopénie gestationnelle [1]
Elle est dite idiopathique et se définit par une thrombopé- nie isolée supérieure à 75 G/L de découverte fortuite au 3e trimestre, de résolution spontanée dans le post-partum et ne touchant pas le fœtus. Elle justifie un minimum d’explorations (tableau 33.1) et des contrôles hebdomadaires jusqu’à l’accouchement. L’accouchement par voie basse est autorisé. Les plaquettes du nouveau-né sont contrôlées par un prélèvement de sang au cordon et un contrôle maternel est indispensable 3 mois après l’accouchement afin d’éliminer une pathologie hématologique en l’absence de normalisation.
Purpura thrombopénique idiopathique
Diagnostic
Souvent, le PTI est connu avant la grossesse. Parfois, il s’agit d’une thrombopénie périphérique découverte fortuitement pendant la grossesse ou révélée par un syndrome hémorragique cutanéomuqueux. Le caractère isolé de cette thrombopénie sévère (< 75 G/L) ou modérée (< 100 G/L) apparue dès le 1er trimestre oriente vers le PTI qui reste un diagnostic d’exclusion. Il représente la cause la plus fréquente de thrombopénie pendant les 6 premiers mois de la grossesse.