8: Imagerie du pied

Chapitre 8 Imagerie du pied



P. Mathieu, V. Vuillemin-Bodaghi, G. Morvan, M. Wybier, J. Busson




Entorses de l’articulation tarso-métatarsienne (de lisfranc)


À l’inverse des luxations tarso-métatarsiennes dont le diagnostic est toujours évident dans un contexte traumatique important, les entorses tarso-métatarsiennes (de Lisfranc) sont souvent initialement méconnues ou négligées.


Trois types de mécanisme traumatique sont rencontrés et parfois intriqués : il peut s’agir d’un traumatisme en torsion (chute de cheval, le pied du cavalier restant pris dans l’étrier), d’une hyperflexion plantaire (réception de saut en volley-ball, gymnastique, parachutisme) [28, 58] ou d’un choc direct sur le dos du pied (chute d’un autre joueur de basket ou de volley-ball sur le dos du pied).


Dans ces différents cas, les clichés simples sont souvent normaux. L’étude attentive et comparative des classiques incidences spécifiques des os cunéiformes peut parfois mettre en évidence le bâillement d’un interligne ou un arrachement osseux. Toutefois, la majeure partie des lésions passe inaperçue sur les clichés simples et c’est l’examen tomodensitométrique qui met en évidence des arrachements osseux aux dépens des facettes latérales, médiales ou plantaires de la base des métatarsiens et/ou des cunéiformes, ainsi qu’une infiltration fibro-œdémateuse de la graisse située sous la face plantaire des métatarsiens, faisant disparaître l’hypodensité graisseuse normale de cette région (fig. 8.1).



Il faut aussi particulièrement bien étudier et comparer l’épaisseur des interlignes intercunéens et intermétatarsiens afin de rechercher un écart anormal, notamment entre les deux premières colonnes où il existe une zone de faiblesse plus marquée [24].


L’IRM est plus sensible que le scanner pour la mise en évidence précoce des remaniements du signal de l’os spongieux se traduisant par un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2. En revanche, les arrachements osseux et même parfois les fractures peuvent y être méconnus (fig. 8.2).




Entorses de la première articulation métatarso-phalangienne


Les entorses métatarso-phalangiennes sont peu fréquentes et souvent méconnues ou négligées. La première articulation métatarso-phalangienne est la plus souvent atteinte, décrite pour la première fois par Bowers et Martin en 1976 [8] sous le terme « turf toe injury » ; le traumatisme en hyperextension de la première articulation métatarso-phalangienne est à présent bien connu des médecins sportifs ainsi que des athlètes et des entraîneurs. Ce type de traumatisme provoque des lésions d’intensité croissante sur le complexe anatomique capsulo-ligamento-sésamoïdien pouvant amener à des problèmes fonctionnels importants, surtout lorsque le diagnostic est tardif. Cette entorse survient principalement chez des sportifs pratiquant leur activité sur un terrain artificiel (football américain, tennis, basket, hockey sur gazon). Elle a aussi été décrite chez les danseurs de ballet et chez les surfeurs. Le mécanisme typique est une brutale hyperextension de la première articulation métatarso-phalangienne survenant sur un pied fixé au sol et accompagnée d’une projection en avant du centre de gravité du sujet. Chez le footballeur professionnel, il a été constaté une nette accentuation de la fréquence de ces entorses ces dernières années, probablement en rapport avec le développement des terrains synthétiques et la plus grande flexibilité des chaussures favorisant l’hyperextension de l’articulation. Les lésions d’entorse surviennent principalement en hyperextension (85 % des cas) [50]; mais on observe aussi des traumatismes en varus ou en valgus forcés, voire plus rarement en flexion plantaire. Ces entorses provoquent des lésions des ligaments latéraux [1, 17] ou des lésions de la plaque plantaire [61].


Les radiographies standard permettent de rechercher un arrachement osseux ou un diastasis anormal (fig. 8.3).



Il est important d’analyser la position des sésamoïdes sur un cliché en charge de profil comparatif afin de rechercher une migration proximale des sésamoïdes qui est un signe de rupture du complexe plantaire. L’IRM peut objectiver des lésions ligamentaires ou de la plaque plantaire [3, 16]. Donnelly et al. [16] ont décrit en IRM des lésions, plus rares, du tendon extenseur de l’hallux et de son retinaculum de fixation à la première tête métatarsienne lors de manœuvres d’hyperextension forcée chez les surfeurs.



Fractures traumatiques de l’avant-pied


De nombreux sports peuvent être à l’origine de fractures de l’avant-pied. Ces lésions diffèrent selon le type de sport et les gestes techniques spécifiques réalisés. Les fractures peuvent être la conséquence d’un traumatisme direct lié au geste (arts martiaux), d’une réception de saut (volley-ball, basket-ball, danse classique, athlétisme) ou de la retombée d’un joueur sur le pied d’un autre (volley-ball, basket-ball, football, rugby).



Fractures des métatarsiens


On peut les classer en quatre catégories.









Fractures De fatigue de l’avant-pied


Les fractures de fatigue (stress fracture des Anglo-Saxons) sont la conséquence d’une inadéquation entre la résistance de l’os et les contraintes auxquelles il est soumis [11]. Les fractures de fatigue observées chez le sportif résultent de sollicitations mécaniques répétées et/ou intenses appliquées sur un os normal. Ces fractures se rencontrent, par exemple, chez le sujet sportif confirmé qui intensifie son activité en vue d’une compétition ou, à l’inverse, chez un sujet non entraîné soumis à une activité physique intense ou la reprise du sport chez un homme de la soixantaine ; la jeune recrue militaire en était l’exemple parfait. D’ailleurs, les grandes séries de fracture de fatigue rapportées dans la littérature sont issues de cette population. Les troubles de la statique constitutionnels ou secondaires et le surpoids sont aussi des facteurs favorisants.



Caractères généraux


Cliniquement, le maître symptôme est la douleur. Elle est en général localisée, initialement modérée, survenant au décours d’une activité physique intense et/ou inhabituelle. Elle apparaît dès l’appui, cède au repos et s’accompagne d’un œdème en regard. À ce stade, la mise en décharge permet une guérison en 4 semaines. La négligence de cette douleur va entraîner une aggravation des symptômes avec une douleur plus aiguë, insomniante et parfois une impotence fonctionnelle majeure. Au stade tardif, on peut palper un cal osseux, témoin d’une réparation osseuse exubérante.


Au niveau du pied, on distingue trois types de fracture [32] : les fractures corticales, de l’os spongieux et cortico-spongieuses.



Fractures corticales


Elles touchent essentiellement les os longs (les métatarsiens). Les premiers signes radiographiques n’apparaissent que 10 à 15 jours après la douleur. La visualisation de la fissure corticale est très inconstante, mais caractéristique, donnant un diagnostic de certitude. La réaction périostée (apposition périostée unilamellaire régulière, parallèle à la corticale) est constante mais parfois visible sur une seule incidence au début. À un stade plus avancé, l’apposition devient évidente et circonférentielle puis forme un cal osseux. Lorsque l’os n’est pas mis au repos, ce cal osseux peut devenir hypertrophique, masquer le trait de fracture et en imposer pour une lésion infectieuse ou tumorale. La scintigraphie est positive dès les premiers jours en montrant une hyperfixation initialement modérée puis intense, mais toujours bien limitée. Cette hyperfixation est aspécifique, ne traduisant qu’une agression osseuse. Elle est plus caractéristique lorsqu’elle réalise une bande perpendiculaire aux corticales osseuses (diaphyses des métatarsiens) ou linéaire dans l’axe de l’os long concerné (fracture longitudinale du tibia). La scintigraphie joue un rôle important dans le diagnostic négatif car elle est rarement prise en défaut.


L’IRM est, comme la scintigraphie, précocement positive. Toutes deux ont une sensibilité voisine de 100 % dès le début des douleurs [20, 21]. L’IRM montre essentiellement, dans ce type de fracture corticale, l’œdème réactionnel de l’os spongieux et des parties molles périphériques sous la forme d’un hyposignal T1 et d’un hypersignal T2. Le trait de fracture n’est pas toujours visible car son signal contraste peu avec celui de la corticale. Dans ce cas, il est préférable de réaliser une étude multiplanaire pour obtenir des coupes perpendiculaires au trait de fracture. L’injection intraveineuse de gadolinium peut améliorer la détection d’une telle fracture lorsqu’elle provoque un rehaussement du signal dans le trait de fracture. Après injection intraveineuse de gadolinium, les anomalies du signal de l’os spongieux se normalisent (rehaussement global lié à l’injection).


Dans ce type de fracture corticale, le scanner est performant en montrant précocement la solution de continuité corticale ainsi que le cal osseux débutant. C’est pourquoi nous préférons le scanner à l’IRM dans ce type de fracture corticale.


En scanner, l’œdème osseux réactionnel du spongieux n’est habituellement pas visible ; en revanche, l’épaississement des parties molles périphériques l’est. Plusieurs auteurs [7, 22, 33] ont montré que l’échographie objectivait précocement un hématome sous-périosté, hypo-échogène accolé à la corticale fracturée alors que le bilan radiographique était encore négatif. Cet hématome correspond à l’épaississement focal des parties molles que l’on peut aussi observer en IRM et en scanner dans les fractures corticales.





Particularités des fractures de fatigue selon leur topographie au pied



Os naviculaire


Cette fracture est fréquente chez les coureurs et les sauteurs (athlétisme, course, basket-ball, volley-ball). Il s’agit d’une fracture sagittale légèrement oblique de la corticale antérieure de l’os naviculaire, débutant au bord dorsal de la surface articulaire talo-naviculaire. En l’absence de traitement orthopédique, cette fracture peut évoluer vers un clivage progressif de l’os naviculaire en deux parties.


Au début de l’évolution, les clichés simples sont toujours normaux. Plus tardivement, l’os se condense (fig. 8.6).



Le scanner est précocement positif car c’est une fracture initialement corticale. Il montre une image pathognomonique que certains d’entre nous ont appelé le « signe de la cible fendue » [39]. Ce signe correspond à une solution de continuité verticale barrant une image de cible donnée par une coupe vertico-frontale, passant par l’interligne courbe de l’articulation talo-naviculaire (fig. 8.7).



Dans ce type de fracture corticale, l’IRM est précocement positive mais montre essentiellement l’œdème spongieux : la fracture y est rarement visible. La scintigraphie fixe dès les premiers jours.




Os peroneum


Il s’agit d’une fracture de contrainte rare, peu connue et peu décrite dans la littérature [14, 43, 51]. Le tendon long fibulaire contourne la face latérale de l’os cuboïde. Dans ce virage, le tendon long fibulaire présente un renflement fibro-cartilagineux qui est remplacé par un os sésamoïde appelé « os peroneum ». Il est présent chez 20 % des patients asymptomatiques. De profil et de trois quarts, l’os peroneum se projette en regard de l’interligne calcanéo-cuboïdien. Cet os peut se condenser, se fissurer puis s’aplatir et se fragmenter sous la pression de contraintes inhabituelles. Les radiographies simples, au besoin comparatives, objectivent les modifications de texture et de forme de l’os peroneum qui serait au mieux confirmé par le scanner (fracture cortico-spongieuse). La fracture de l’os peroneum est parfois difficile à distinguer de la forme multipartite de l’os peroneum rencontrée dans 25 % des cas, asymptomatique. Le caractère régulier, sans perte de hauteur de l’os et corticalisé sur toute sa circonférence, plaide en faveur de la normalité (fig. 8.8).




Métatarsiens


On en connaît trois types : ces fractures ont surtout été décrites au niveau des 2e et 3e métatarsiens, les plus longs et les plus sollicités.



Fracture de la base des métatarsiens

Bien que réputées rares, les fractures de fatigue de la base du 2e métatarsien (M2) sont relativement fréquentes chez les danseurs professionnels. O’Malley et al. [45] considèrent que ce sont les plus fréquentes des fractures de fatigue du pied dans cette population (64 sur 86 fractures de fatigue situées sous le genou siégeaient à la base de M2 dans sa série). Cette fracture de la base de M2 chez le danseur est la conséquence d’un conflit entre la partie latérale de la base de M1 et la base du deuxième métatarsien lors de la montée en pointe. Il s’agit d’une forme cortico-spongieuse responsable d’une bande de condensation perpendiculaire aux lignes de force, parfois centrée par une solution de continuité, partant de la berge médiale de la base de M2 à la jonction entre la métaphyse et la diaphyse, se dirigeant obliquement en arrière et en dehors, avec une nette prédominance plantaire [38]. Les clichés simples sont souvent négatifs. La scintigraphie est toujours positive, mais non spécifique. La tomodensitométrie met en évidence le trait de fracture stéréotypé décrit précédemment. L’IRM est précocement positive, mais montre essentiellement un œdème de l’os spongieux de la base de M2 au sein duquel on perçoit rarement le trait de fracture [38] (fig. 8.9).




Fracture de la diaphyse et du col

Il s’agit de la localisation la plus fréquente, la plus classique, la plus connue et la première décrite [27]. La lésion intéresse le plus souvent les 2e ou 3e métatarsiens qui supportent le plus de contraintes mécaniques, notamment en cas de brièveté du premier rayon. La fracture siège classiquement dans le tiers distal, souvent au niveau du col, parfois dans la diaphyse. Il s’agit d’une forme corticale typique. Les clichés simples demeurent normaux pendant 10 à 15 jours, puis apparaît une discrète apposition périostée qui se transforme progressivement en un cal osseux parfois exubérant. Dans les 15 premiers jours, au stade infraradiologique, le diagnostic peut être fait précocement par la scintigraphie ou le scanner. À noter que l’échographie montre pratiquement d’emblée [7, 22, 33], dès le début des douleurs, un hématome sous-périosté, suffisamment évocateur pour porter le diagnostic précocement et se dispenser du classique contrôle radiographique à 15 jours (fig. 8.10).




Fracture de la tête métatarsienne

C’est une localisation rare et/ou souvent méconnue. Il s’agit d’une fracture-impaction sous-chondrale en os spongieux (comme au niveau de la tête du fémur). Elle a été décrite essentiellement chez des patients au-delà de 50 ans [11], plutôt dans un contexte d’insuffisance osseuse que sportif. Sur les radiographies simples, on constate une condensation osseuse sous-chondrale distale de la tête métatarsienne, dans l’os spongieux que l’on détecte mieux en la comparant à la tête métatarsienne voisine ou controlatérale ; il s’y associe souvent des appositions périostées sur le col métatarsien correspondant. Ces dernières sont souvent plus faciles à détecter que la fracture elle-même (fig. 8.11).



Dans les 15 premiers jours, les radiographies sont normales, mais la scintigraphie ou l’IRM sont positives ; l’échographie montre précocement un épanchement articulaire (fig. 8.12).



Cette fracture entraîne peu de déformation de la sphéricité de la tête, à l’inverse de l’ostéochondrose de Freiberg qui, elle, est liée à une nécrose ischémique de la tête métatarsienne provoquée par des microtraumatismes répétés touchant préférentiellement la jeune fille entre 13 et 18 ans.



Os sésamoïde de l’hallux


Il s’agit de la fracture de contrainte la plus rare au membre inférieur objectivée dans seulement 0,9 % des cas dans une analyse portant sur 320 athlètes explorés par scintigraphie osseuse [29]. Un surmenage fonctionnel d’origine sportive ou professionnelle est fréquemment retrouvé ainsi qu’un morphotype prédisposant (varus du premier métatarsien, hypoplasie de la crête centrale de la première tête métatarsienne, rotation axiale du premier métatarsien, pied creux interne). Ce type de lésion se retrouve particulièrement chez les danseuses de ballet, les sauteurs en longueur, les gymnastes et les coureurs [6]. Le bilan radiographique se révèle le plus souvent normal dans un premier temps et souvent seule la scintigraphie et l’IRM permettent d’établir un diagnostic précoce en montrant une hyperfixation ou un hypersignal en T2. Cette fracture de contrainte peut toucher l’un ou l’autre des sésamoïdes, mais plus fréquemment le sésamoïde médial. Elle se traduit par une solution de continuité anfractueuse et irrégulière souvent associée à une ostéocondensation, puis apparaissent une fragmentation et enfin un aplatissement progressif du sésamoïde (fig. 8.13).


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 8: Imagerie du pied

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