8. Diplopie

Chapitre 8. Diplopie


DiplopieLa diplopie est un des symptômes les plus fréquents dans la pratique ophtalmologique courante. Afin de comprendre la nature d’une diplopie, il est très utile de poser au patient quelques questions essentielles :




• Est-ce que la vision double disparaît à l’occlusion d’un œil (diplopie monoculaire ou diplopie monoculaire)?


• Est-ce que la vision double est la même dans toutes les directions du regard (comitanteDiplopiecomitante) ou alors est-ce qu’elle varie avec la direction du regard (incomitanteDiplopieincomitante)?


• Est-ce que la vision double est horizontale, verticale ou oblique?


• Dans quelle mesure est-ce que la diplopie est constante, intermittente, ou variable?


Histoire de la maladie


Diplopiehistoire de la maladieLe patient qui souffre d’une anomalie d’alignement des axes visuels peut accuser une vision double ou alors, de manière moins précise, mentionner une «vision floue». La cause de cette vision floue peut souvent être comprise en demandant au patient de fermer un œil; la disparition du flou visuel oriente vers un problème de défaut d’alignement des axes visuels (diplopie binoculaire). À l’inverse, une diplopie monoculaire est habituellement d’origine optique, mais peut parfois être confondue avec des métamorphopsies secondaires à une maculopathie.

Il est utile de déterminer si la vision double est plus gênante dans le regard de loin ou dans le regard de près, ou alors dans une position précise du regard. L’interrogatoire permet souvent de préciser des éléments d’accompagnement (douleurs oculaires, paresthésies, œdème palpébral ou rougeurs oculaires, autres symptômes neurologiques) qui peuvent fournir des renseignements sur la localisation des causes qui provoquent la diplopie (orbite, sinus caverneux, système nerveux central). Une histoire d’antécédents de traumatisme, de pathologie thyroïdienne, ou de faiblesse généralisée sont très utiles pour établir la liste des diagnostics différentiels d’une diplopie.


Examen clinique


Diplopieexamen cliniqueLa capacité de maintenir l’alignement des axes visuels dépend de la coordination des mouvements des globes oculaires. L’examen clinique peut révéler des causes évidentes de cette diplopie, en particulier en présence d’une exophtalmie ou d’une rougeur oculaire. Les mouvements oculaires doivent être évalués de manière individuelle (ductionsDuction) et de manière conjuguée (versionsVersions). Les mouvements oculaires doivent être évaluées dans toutes les positions du regard avec, à chaque point, une comparaison entre la vision de loin et la vision de près.

Un des buts de l’examen clinique est d’établir si le défaut d’alignement est comitant ou incomitant. Un trouble comitant (même défaut d’alignement dans toutes les directions du regard) est rencontré dans un strabisme congénital alors qu’un trouble incomitant oriente vers une cause acquise. L’évaluation d’une diplopie se fait par une stratégie d’examens en plusieurs étapes. Les ductions anormales sont souvent reconnues par le simple examen clinique, mais, dans beaucoup de cas, le test d’occlusion alternéeOcclusion alternée, test d’ (en incluant une quantification du défaut d’alignement) est réalisé dans les neuf positions du regard, afin de définir s’il s’agit d’une diplopie comitante ou incomitante.

Lorsque le patient est coopérant, l’utilisation de la baguette de MaddoxMaddox, baguette de permet de révéler des atteintes oculomotrices plus limitées ou subtiles. L’examen se déroule de la manière suivante : le patient doit regarder une source lumineuse à travers un cylindre de Maddox, la ligne visualisée par le patient étant perpendiculaire à l’orientation du cylindre. Par convention, le cylindre de Maddox rouge est placé devant l’œil droit qui produit la visualisation d’une ligne rouge alors que l’œil gauche regarde la lumière blanche. La visualisation séparée des images par chaque œil permet souvent au patient d’évaluer le défaut d’alignement des globes oculaires. L’utilisation d’un verre rouge pour déterminer le ou les muscles oculomoteurs atteints est également possible. Cependant, la visualisation de la lumière rouge peut être plus large et plus diffuse, rendant la perception des deux images plus difficile. Ces tests qui dissocient les deux globes oculaires peuvent provoquer la sensation d’une diplopie chez des patients ayant simplement une phorie. C’est pour cette raison qu’il est souvent utile de combiner les résultats subjectifs d’un test au cylindre de Maddox avec les résultats plus objectifs d’un test d’occlusion alternée, en notant le type de diplopie dans toutes les neuf positions du regard. Dans tous les cas, le test du cylindre de Maddox est une méthode sensible pour obtenir une information quantitative du degré et du type de défauts d’alignement de l’axe visuel (fig. 8-1). Ailleurs, un examen coordimétrique de type Hess Lancaster est préféré à ces méthodes*.





La détection qualitative d’une cyclotropie relative s’effectue par l’utilisation d’une barre métallique droite. Un prisme vertical est placé devant un œil afin de dissocier les deux yeux et que deux lignes verticales soient ainsi visibles; on demande au patient si les deux lignes sont parallèles (comme deux lignes de voie ferrée) ou alors si elles convergent dans une direction. Une paralysie de la quatrième paire crânienne est typiquement associée à la convergence des deux lignes vers le côté de la paralysie.

D’autres données de l’examen clinique peuvent servir à l’examen d’une diplopie. Ainsi, un port vicieux de la tête (torticolis) doit être recherché, y compris en se servant d’anciennes photographies (comme celle sur le permis de conduire) du patient qui n’a pas toujours conscience de ce trouble.


Diplopie monoculaire


DiplopiemonoculaireDes aberrations optiques monoculaires peuvent être décrites par les patients comme source de vision double. La diplopie monoculaire est habituellement le résultat d’anomalies des milieux réfractifs (astigmatisme élevé; irrégularité cornéenne, dont kératocône; et opacité cornéenne). Cette diplopie monoculaire disparaît typiquement lors de l’interposition d’un trou sténopéique. Plus rarement, une diplopie monoculaire peut être le résultat d’une pathologie rétinienne (par exemple une maculopathie avec une déformation de la rétine due au fluide sous-rétinien, à une hémorragie ou à une fibrose sous-rétinienne); une diplopie cérébrale monoculaire ou une polyopie sont exceptionnellement à l’origine de ce symptôme. À l’inverse, une diplopie binoculaire est supprimée par la fermeture d’un œil puisque la diplopie résulte d’un défaut d’alignement des axes visuels. Parfois, les deux symptômes peuvent coexister chez le même patient. Une diplopie purement monoculaire ne nécessite pas une évaluation neurologique.


Différencier une diplopie d’origine neurogène d’une diplopie d’origine restrictive


Diplopied’origineneurogèneDiplopied’originerestrictiveUne restriction des mouvements oculaires est habituellement suspectée lorsqu’il existe des antécédents de traumatisme orbitaire, de chirurgie oculaire, ou encore, en cas de pathologie orbitaire évidente comme lors d’une exophtalmie ou d’une énophtalmie associées. L’orbitopathie dysthyroïdienne et les traumatismes orbitaires constituent les causes les plus fréquentes de restriction des muscles oculomoteurs; il existe fréquemment, dans ces cas, des signes orbitaires associés. Ailleurs, l’origine des mouvements oculaires anormaux peut être à la fois neurogène et restrictive, notamment après un traumatisme orbitaire et cérébral.

Le test de duction forcéeDuctionforcée, test de, diplopie et (fig. 8-3) permet de faire la différence entre un syndrome paralytique neurogène et un syndrome restrictif. L’examinateur évalue la motilité oculaire en effectuant une traction du globe oculaire en se servant d’une pince ou d’une tige en coton, après application d’une anesthésie topique. Si l’examinateur ressent une limitation mécanique en mobilisant le globe oculaire dans le champ d’action d’un muscle oculomoteur, il s’agit d’une cause restrictive. Ce test a cependant une valeur limitée en cas de lésions neurogènes paralytiques anciennes, qui peuvent s’accompagner après une durée prolongée d’une limitation mécanique. Ainsi, lors d’une paralysie très ancienne de la sixième paire crânienne, s’associant à une forte ésodéviation, le droit médial devient avec le temps «tendu» (provoquant une restriction), ce qui se traduit par une limitation de l’abduction de l’œil. Un test de duction forcée peut faire croire à tort, dans ce cas, à une cause restrictive du déficit de l’abduction.


La restriction oculaire peut également être évaluée par la mesure de la pression intraoculaire en position primaire et en position excentrique de l’œil. Cela est particulièrement intéressant lors d’une orbitopathie dysthyroïdienne. Une élévation pressionnelle qui dépasse les 5 mmHg dans le regard vers le haut suggère la possibilité d’une restriction de l’excursion du globe oculaire vers le haut par un muscle droit inférieur fibrotique, qui empêche l’excursion du globe vers le haut.


Déviations comitantes et incomitantes


DéviationscomitantesDéviationsincomitantesDiplopiedéviations comitantes et incomitantesLes déviations comitantes sont retrouvées classiquement chez des patients ayant des strabismes congénitaux ou installés tôt dans la vie. Ces patients n’accusent habituellement pas de diplopie à cause du phénomène de suppression, ce qui correspond à un processus adaptatif des neurones visuels occipitaux par rapport à l’information visuelle reçue à partir d’un œil. La suppression est souvent associée à une amblyopie mais peut également être rencontrée chez des patients avec une acuité visuelle normale dans les deux yeux, en particulier chez patients avec une exodéviation alternante. Il n’est pas impossible que des patients avec des antécédents de strabisme pendant l’enfance accusent une diplopie plus tard dans la vie, lors d’une aggravation du défaut d’alignement oculaire. Ainsi, des patients avec une exophorie de longue date peuvent présenter une diplopie horizontale après la cinquantaine lors d’une diminution de leur capacité d’accommodation et de convergence.

À l’inverse, une déviation incomitante de longue date peut devenir comitante avec le passage du temps. Cette évolution est en rapport avec des processus adaptatifs de l’innervation des muscles agonistes de chaque œil. Ce processus, qui paraît comme une entorse à la loi de Hering, est probablement médié au niveau cérébelleux afin de produire un ajustement du gain du signal neuronal dans les muscles extraoculaires. Le passage d’une incomitance à la comitance peut apparaître à la fois après une déviation restrictive ou paréthique, en particulier lors d’une paralysie de la quatrième paire crânienne.

Un strabisme incomitant est le plus souvent acquis et provoque habituellement une diplopie (fig. 8-4). Si la déviation est de petite envergure, le maintien d’une fusion des deux images peut supprimer la diplopie. Des défauts d’alignement de faible amplitude peuvent provoquer une vision trouble et non pas une perception claire d’une vision dédoublée de la même image. Des patients avec une acuité visuelle subnormale peuvent méconnaître une diplopie ou peuvent avoir des difficultés pour décrire leurs troubles perceptifs dans les différentes positions du regard. Les déviations oculaires incomitantes congénitales, telles qu’une hyperaction des obliques inférieurs, ne provoquent pas de diplopie, même lorsque le strabisme est évident. Il est très difficile de distinguer avec certitude à l’aide de l’observation clinique seule si des ductions subnormales sont secondaires à un processus neurogène ou à un processus restrictif.



Localisation


Diplopielocalisation de l’atteinteLe clinicien doit localiser le site de l’atteinte qui provoque un trouble de la motricité oculaire. Cette localisation conditionne l’évaluation ultérieure du patient à la fois en termes de diagnostic différentiel et de modalités d’imagerie. Il est important de connaître les voies anatomiques des différents nerfs crâniens qui peuvent être impliquées dans les désordres oculomoteurs (fig. 8-5). Ce «diagramme de connexion» prend en considération les faisceaux nerveux supranucléaires, internucléaires, nucléaires et oculomoteurs qui se situent dans le tronc cérébral avant de traverser l’espace sous-arachnoïdien, le sinus caverneux, la fissure orbitaire supérieure et l’orbite, et de finir leur course dans la jonction neuromusculaire du muscle extraoculaire. Une lésion qui affecte les nerfs crâniens oculomoteurs dans leur portion intra-axiale, dans le tronc cérébral, affecte également d’autres structures, telles que la voie corticospinale ou spinothalamique, ce qui provoque d’autres lésions neurologiques qu’une ophtalmoplégie. Des techniques de neuro-imagerie peuvent révéler des atteintes cliniquement isolées (sans autres déficits cliniquement décelables) impliquant la sixième ou la troisième paire crânienne au sein du tronc cérébral. Cependant, de telles neuropathies crâniennes isolées constituent une exception.








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Figure 8-5

(Reproduit avec l’autorisation de Yanoff M, Duker JS, eds Ophthalmology 2nd ed. St Louis : Mosby; 2004, fig. 199-1.)

Parfois, le «diagramme des connexions» des nerfs crâniens oculomoteurs ne permet pas une explication claire des troubles oculomoteurs constatés. Dans ces cas, il peut être utile de réfléchir en termes de structure anatomique, une lésion de celle-ci pouvant provoquer l’atteinte de plusieurs nerfs oculomoteurs (comme un processus dural ou lors d’une pathologie métabolique), ou en termes d’association de symptômes (par exemple un syndrome de Wernicke associe une ophtalmoplégie, une ataxie et des troubles confusionnels). En général, il est aisé d’identifier des modes stéréotypés d’alignement oculaire qui concernent des lésions nucléaires, infranucléaires ou internucléaires. Le praticien ne doit pas oublier cependant que d’autres processus peuvent simuler une atteinte neurogène, en particulier des lésions restrictives orbitaires, ou myopathiques, ou encore affectant la jonction neuromusculaire (par exemple, lors d’une myasthénie oculaire).


Causes supranucléaires de diplopie


Diplopiecauses desupranucléairesLes voies supranucléaires qui contrôlent les mouvements oculaires incluent les voies afférentes vers les noyaux des nerfs crâniens oculomoteurs (III, IV, VI). Les voies supranucléaires les plus importantes sont celles qui dirigent les mouvements oculaires volontaires – les voies corticobulbaires sont utilisées par exemple pour exécuter la commande «regarder vers la droite» – et les informations vestibulaires qui servent à l’ajustement de la position relative des yeux dans l’orbite. Les afférences vestibulaires modifient les mouvements oculaires par rapport aux mouvements du corps, mais aussi par rapport à la position de la tête lorsque le mouvement oculaire est initié. Ainsi, lorsqu’un sujet effectue des saccades vers la droite pour fixer une cible à 45° sur la droite, la distance parcourue par les yeux dépend de leur position initiale, et elle est ainsi plus courte si les yeux étaient initialement en position primaire que s’ils regardaient dans une autre direction. Les mouvements oculaires horizontaux sont contrôlés par une population neuronale particulière localisée dans la formation réticulée pontique paramédiane (FRPP). Le système vestibulaire analyse la position relative de la tête et la direction de la cible visuelle vers laquelle les yeux doivent se destiner, et effectue un choix adapté des neurones à activer pour la réalisation des saccades.

Typiquement, une atteinte des voies supranucléaires provoque une limitation des mouvements des deux globes oculaires. Dans ce cadre, habituellement, les patients ne présentent pas une diplopie. Un exemple d’une atteinte supranucléaire est le syndrome de Parinaud : aucun des deux yeux n’est capable de regarder vers le haut (limitation conjuguée du regard vers le haut). Cependant, certaines lésions supranucléaires peuvent provoquer un défaut d’alignement oculaire et une diplopie (tableau 8-1).






Tableau 8-1 Lésions oculomotrices supranucléaires qui provoquent un strabisme et une diplopie



Skew deviation


Skew deviation alternante


Réaction de torsion oculaire


Ésodéviation thalamique


Insuffisance de convergence ou spasme en convergence


Insuffisance de divergence


Skew deviation


Skew deviationDiplopieskew deviation etLa skew deviation est un défaut acquis de l’alignement vertical des deux globes oculaires, qui résulte d’un déséquilibre supranucléaire des influx provenant des organes otolithiques (l’utricule et le saccule de l’oreille interne). Les organes contenant les otolites (qui sont des petits cristaux de carbonate de calcium) sont sensibles aux mouvements linéaires et à la torsion statique de la tête, et transmettent cette information vers des motoneurones oculaires qui régissent les mouvements oculaires verticaux. Des informations sont également transmises des organes otolithiques aux noyaux interstitiels de CajalNoyau(x)interstitiel de Cajalskew deviation et, situés dans le mésencéphale.

Une skew deviation peut être provoquée à la fois par des lésions centrales et périphériques. Les lésions centrales d’une skew deviation sont plus habituelles et peuvent survenir sur les trajets des voies provenant des organes otolithiques dans la fosse postérieure (tronc cérébral et cervelet). Une skew deviation peut être comitante ou incomitante, pouvant s’accompagner d’une torsion oculaire. Il est parfois difficile de faire la différence entre une skew deviation et une paralysie de la quatrième paire crânienne, et une utilisation appropriée de la manœuvre de Parks-Bielchowsky (voir plus loin) est essentielle (positive dans une paralysie du nerf trochléaire). Une skew deviation provoque souvent une diplopie et constitue une exception importante à la règle générale qui affirme que des lésions supranucléaires ne provoquent pas une vision double.

Une skew deviation alternante dans le regard latéralSkew deviationalternante en regard latéral se manifeste habituellement par une hypertropie en abduction (c’est-à-dire une hypertropie droite dans le regard vers la droite) qui change lorsque le regard est orienté du côté opposé (devient une hypertropie gauche dans le regard vers la gauche). Les lésions responsables de ce tableau oculomoteur sont localisées dans le cervelet, dans la jonction cervicomédullaire, ou dans le mésencéphale. Ce type de trouble oculomoteur doit être différencié d’une paralysie bilatérale de la quatrième paire crânienne. Dans cette dernière pathologie, une hypertropie augmente dans le regard vers le côté opposé (par exemple une hypertropie droite est plus grande dans le regard vers la gauche). De même, dans une atteinte paralytique du IV, il existe habituellement une excyclotorsion, rare ou absente dans une skew deviation.

La réaction de torsion oculaireTorsion oculaire, réaction de provoque une triade associant une skew deviation, un torticolis et des anomalies cyclotorsionnelles des deux yeux qui existent de manière tonique ou plus rarement de manière paroxystique. Ce syndrome survient généralement après une perte des informations otolithiques vers le noyau interstitiel de Cajal, à la suite d’une lésion centrale (qui peut se situer au niveau médullaire, dans le pont ou dans le mésencéphale). Une telle lésion peut affecter la perception de la ligne verticale vraie par un patient qui, en réponse à ce déficit, tourne la tête et les yeux du même côté par compensation (voir chapitre 7, fig. 7-1).

Lors d’une réaction de torsion oculaire, l’inclinaison de la tête vers la gauche provoque une hypertropie de l’œil droit et les pôles supérieurs des deux globes oculaires tournent vers l’oreille (située le plus bas). Lorsque la tête est inclinée vers la droite, on obtient une réponse inverse. Il est important de distinguer les modifications de la position de la tête et des globes oculaires dans une réaction de torsion oculaire par rapport à une réaction normale lors de l’inclinaison de la tête ou encore lors d’une paralysie de la quatrième paire crânienne. La réaction réflexe oculaire normale face à une inclinaison de la tête provoque une rotation des deux globes oculaires vers l’oreille qui se situe le plus haut. À l’inverse, dans une réaction de torsion oculaire, la rotation des globes oculaires se fait, de manière pathologique, du côté opposé vers l’oreille située plus bas. Lors d’une paralysie du IV, l’inclinaison compensatrice de la tête est typiquement controlatérale au côté de l’hypertropie (de manière similaire à une réaction de torsion oculaire), mais, l’œil plus haut est en cyclotorsion – à l’inverse d’une réaction de torsion oculaire. En conclusion, le diagnostic d’une réaction de torsion oculaire nécessite une évaluation à la fois de la position de la tête et de la cyclotorsion oculaire.

Une skew deviation périodique alternée est une affection rare qui provoque une hypertropie alternée, avec une périodicité de 30 à 60 secondes, indiquant une lésion du mésencéphale.

Donahue SP, Lavin PJ, Hamed LM. Tonic ocular tilt reaction simulating a superior oblique palsy : diagnostic confusion with the 3-step test. Arch Ophthalmol. 1999; 117(3) : 347–352.


Ésodéviation thalamique


Diplopieésodéviation thalamique etÉsodéviation thalamiqueL’ésodéviation thalamique est un strabisme horizontal acquis qui peut être constaté chez des patients porteurs de lésions à proximité de la jonction du diencéphale avec le mésencéphale; il s’agit le plus souvent d’une hémorragie au niveau thalamique. L’ésodéviation peut apparaître de manière progressive ou brutale, en fonction de la lésion sous-jacente. Il est important de diagnostiquer une telle lésion du système nerveux central chez des enfants qui sont adressés pour la première fois pour l’évaluation chirurgicale d’un strabisme.


Anomalies de la vergence


Voir «Anomalies de la vergence», au chapitre 7.


Causes nucléaires de diplopie


Diplopiecauses denucléairesLe noyau de la troisième paire crânienne est en réalité un complexe nucléaire qui contient plusieurs sous-noyaux destinés à innerver de chaque côté les quatre muscles extraoculaires (le droit supérieur, le droit inférieur, le droit médial et l’oblique inférieur). Un seul sous-noyau est destiné à innerver le releveur des deux paupières supérieures (le noyau caudé central), alors que le sphincter de la pupille est innervé par deux paires de sous-noyaux qui constituent le complexe Edinger-Westphal (voir chapitre 1). Du fait que l’unique noyau caudé central contrôle les releveurs des paupières des deux côtés et que les fibres nerveuses destinées aux deux droits supérieurs décussent la ligne médiane, juste après leur émergence de leur sous-noyau respectif, les lésions nucléaires du III affectent la motricité palpébrale (ptosis) et peuvent affecter de manière bilatérale les deux muscles droits supérieurs. Les lésions isolées du complexe nucléaire du III sont rares, mais peuvent survenir après un déficit de perfusion vasculaire dans le territoire d’un vaisseau perforant paramédian de faible calibre, qui peut provoquer des lésions d’un complexe nucléaire. Ces lésions sont souvent asymétriques, et affectent les fibres nerveuses oculomotrices d’un côté, en plus de l’atteinte nucléaire.

Les lésions intra-axiales ou nucléaires de la quatrième paire crânienne (du noyau ou des fibres intra-axiales) sont très rares, ce qui s’explique par le parcours très court de ce nerf au sein du tronc cérébral. Cliniquement, il n’y a pas de différence de manifestation entre une lésion nucléaire de la quatrième paire crânienne ou une lésion fasciculaire intra-axiale. Les lésions microvasculaires ou inflammatoires sont les plus habituelles dans ce type de situation. Parfois, une atteinte centrale de la quatrième paire crânienne peut s’accompagner d’un syndrome de Claude Bernard-Horner controlatéral par une atteinte du premier neurone. En effet, la voie sympathique descendante est située à proximité du noyau de la quatrième paire crânienne dont les fibres émergentes vont ensuite croiser la ligne médiane.

Une lésion sélective du noyau de la sixième paire crânienne provoque une paralysie horizontale du regard (abduction déficitaire de l’œil ipsilatéral et adduction déficitaire de l’œil controlatéral). Du fait qu’il s’agit d’une paralysie conjuguée, le patient peut ne pas accuser une diplopie, puisqu’il existe une atteinte des deux globes oculaires. Le noyau de la sixième paire crânienne contient deux types de populations neuronales : 1) des neurones qui innervent le droit latéral ipsilatéral, et 2) des motoneurones internucléaires dont les axones croisent la ligne médiane et s’acheminent à travers le faisceau longitudinal médian controlatéral vers le muscle droit médial controlatéral, après avoir fait un relais dans le complexe nucléaire de la troisième paire crânienne dans le mésencéphale.


Causes internucléaires de diplopie


Diplopiecauses deinternucléairesUne lésion «internucléaire» affecte par définition le faisceau longitudinal médianFaisceau(x)longitudinal médian (FLM) qui est un regroupement de fibres qui connectent le noyau du sixième nerf crânien d’un côté au niveau du pont avec le sous-noyau du droit médial (au sein du noyau du troisième nerf crânien) de l’autre côté du tronc cérébral (voir chapitre 1, fig. 1-29). Ce type de lésion produit une ophtalmoplégie internucléaireOphtalmoplégieinternucléaire (OIN).

Le trait principal d’une OIN unilatérale est un ralentissement de la vitesse de la saccade d’adduction d’un œil. Ce déficit est habituellement associé à un nystagmus de l’autre œil, en abduction. Le ralentissement des vitesses des saccades en adduction s’associe à un degré variable de limitation de l’amplitude des mouvements de l’œil en adduction (fig. 8-6). La convergence peut être limitée ou au contraire conservée. Cette anomalie peut s’associer à une skew deviation, souvent avec une hyperdéviation de l’œil ipsilatéral à la lésion. Par convention, le côté de l’OIN est défini par rapport au côté de l’adduction déficitaire. Par exemple, une OIN droite résulte d’une lésion du FLM du côté droit du tronc cérébral et provoque une limitation de l’adduction de l’œil droit. Bien que les patients avec une OIN puissent présenter une diplopie horizontale, ils peuvent également ressentir une diplopie verticale ou oblique, due à une skew deviation associée. Si la lésion est partielle, les patients peuvent également relater l’existence d’une diplopie épisodique et une difficulté à suivre les objets en mouvement (par exemple lors d’un jeu de tennis) à cause de la discordance des vitesses des saccades entre les deux yeux.

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May 12, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 8. Diplopie

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