12. Céphalées, douleurs oculaires et faciales

Chapitre 12. Céphalées, douleurs oculaires et faciales



Évaluation d’une céphalée


CéphaléeévaluationLa céphalée est une plainte fréquente des patients qui consultent en ophtalmologie. Quand la douleur s’étend à l’orbite, il est légitime de penser que l’œil peut en être la cause. Souvent, le patient craint, sans l’exprimer, d’avoir une tumeur cérébrale.

L’historique (tableau 12-1) est l’élément le plus important dans l’évaluation d’une céphalée, car l’examen oculaire est normal dans la grande majorité des cas.






Tableau 12-1 Éléments cliniques importants dans l’interrogatoire d’un patient céphalalgique



Nature de la céphalée (intensité, pulsatile ou non, en étau)


Horaire de la céphalée (maximale le matin ou plus tard dans la journée, insomniante)


Topographie de la céphalée (uni- ou bilatérale, localisée ou diffuse)


Phénomènes associés (scotome scintillant, photopsies, nausées ou vomissements, vertiges, ptosis, larmoiement, paresthésies, faiblesse musculaire)


Éléments déclenchants ou soulageants (position couchée, procubitus, toux, aliments)


Caractères généraux (date de début, périodicité, modification récente)


Antécédents familiaux de céphalées

En plus d’un examen ophtalmologique complet, l’examen clinique doit être systématique et mesurer la pression artérielle, le pouls, rechercher des signes méningés (raideur de nuque), repérer les points douloureux; les fonctions des nerfs crâniens et les fonctions motrices doivent être testées. Toute plainte d’anomalie visuelle demande que soit effectué rapidement un examen du champ visuel.

En 1988, l’International Headache Society (Société internationale des céphalées) a publié une classification des céphalées qui comprend les céphalées primairesCéphaléeprimaire (migraines, céphalées de tension et algies vasculaires) et les céphalées secondairesCéphaléesecondaire (céphalées résultant d’une autre cause). En 2004, cette classification a été révisée pour incorporer des concepts plus récents concernant les céphalées primaires et inclure une nouvelle catégorie, la migraine chroniqueMigrainechronique, qui concerne les patients présentant une migraine plus de 15 jours par mois.

Headache Classification Subcommittee of the International Headache Society. The International Classification of Headache Disorders. 2nd edition. Cephalalgia. 2004; 24(suppl 1) : 9–160.

Certains éléments cliniques demandent que soient réalisées une imagerie et des explorations complémentaires :




• la survenue brutale d’une céphalée sévère;


• la modification inexpliquée des caractères d’une céphalée;


• une céphalée ne répondant pas aux traitements habituels;


• les céphalées augmentées par l’exercice physique ou les changements de position;


• les céphalées d’apparition récente après 50 ans;


• les céphalées récentes chez un patient atteint d’un cancer ou d’immunosuppression;


• les céphalées accompagnées de signes ou de symptômes neurologiques focaux (incluant l’œdème papillaire et l’hémianopsie latérale homonyme);


• les céphalées survenant dans un contexte de fièvre, de raideur de nuque ou de modification du comportement.

Medina LS, D’Souza B, Vasconcellos E. Adults and children with headache : evidence-based diagnostic evaluation. Neuroimaging Clin N Am. 2003; 13(2) : 225–235.

Chez les patients de plus de 50 ans avec des céphalées d’apparition récente, il faut éliminer une artérite gigantocellulaireArtérite gigantocellulaire (artérite temporale). Les autres symptômes de cette maladie sont : la claudication de la mâchoire, une fièvre, une perte de poids, une hyperesthésie du cuir chevelu, des polymyalgies, une fatigue et des signes visuels. Un dosage de la vitesse de sédimentation et de la protéine C réactive est indispensable dans l’exploration de ces patients, mais une vitesse de sédimentation normale n’exclut pas le diagnostic (voir chapitre 14). L’existence d’une hypersensibilité au niveau de l’artère temporale (particulièrement si l’artère est élargie ou nodulaire) peut majorer la suspicion clinique.

Les céphalées en rapport avec une augmentation de la pression intracrânienne, que celle-ci soit secondaire à un processus intracrânien ou qu’il s’agisse d’une hypertension intracrânienneHypertension intracrâniennecéphalée causée par une idiopathique, sont typiquement diffuses, constantes et plus marquées le matin. Elles sont également majorées par les mouvements de la tête, le fait de se pencher vers l’avant et par les manœuvres de Valsalva comme la toux et l’hyperpression. Des vomissements peuvent survenir même sans nausée. D’autres signes focaux non localisateurs comme une paralysie du VI ou un œdème papillaire peuvent être présents. Les céphalées insomniantes ont plus fréquemment une signification pathologique.

Une céphalée sévère et de survenue brutale avec une raideur de la nuque, une modification du comportement ou des signes neurologiques focaux est en faveur d’une hémorragie intracrânienne. Dans ces cas, un examen de neuro-imagerie doit être réalisé en urgence. Une céphalée secondaire à une méningite peut être chronique et sans déficit neurologique. Une raideur de la nuque, une douleur à la flexion, une céphalée postérieure, une douleur lors des mouvements oculaires et une photophobie peuvent traduire une inflammation méningée.

Diamond ML, Solomon GD, eds. Diamond and Dalessio’s The Practicing Physician’s Approach to Headache. 6th ed. Philadelphia : Saunders; 1999.

Silberstein SD, Lipton RB, Dodick DW, eds. Wolff’s Headache and Other Head Pain. 8th ed. New York : Oxford University Press; 2007.


Migraine et céphalées de tension


MigraineCéphaléede tensionLa migraine est une affection qui se traduit par des accès répétés de céphalées. Plus fréquente chez la femme que chez l’homme, elle est extrêmement commune et peut être la cause de nombreux épisodes de maux de la tête. Il existe souvent un contexte familial et le patient peut rapporter desépisodes dans l’enfance. Le début survient habituellement à la puberté ou chez l’adulte jeune et les céphalées peuvent diminuer après la ménopause. Il peut y avoir des variations en fonction du contexte hormonal. Le caractère unilatéral, pulsatile, l’association à des nausées ou des vomissements, l’existence d’une photophobie et l’aggravation avec l’exercice physique sont des éléments en faveur du diagnostic de migraine. Celle-ci peut être exacerbée par le cycle menstruel, la grossesse, la faim, le stress, certains aliments (chocolat, vin, etc.) et le manque de sommeil.

Spector RH. Migraine. Focal Points : Clinical Modules for Ophthalmologists. San Francisco : American Academy of Ophthalmology; 2000, module 1.


Migraine avec aura


Migraineavec auraAuparavant nommée migraine classique, la migraine avec aura (30 % des migraines) est annoncée par des symptômes neurologiques qui sont habituellement visuels. Le tableau s’installe progressivement avec des phénomènes positifs qui sont souvent mouvants. Les classiques fortificationsMigraineavec aurafortifications et commencent avec un petit scotome près du point de fixation qui s’étend progressivement (fig. 12-1). Le scotome est bordé par une image en zigzag, brillante, colorée ou argentée qui se déplace vers la périphérie et ensuite se fragmente. Une perte visuelle peut survenir (voir chapitre 5), le plus souvent hémianopsique mais volontiers perçue par le patient comme monoculaire (dans l’œil homolatéral à l’hémianopsie). L’aura dure habituellement moins de 45 minutes et est typiquement suivie par une hémicrânie pulsatile controlatérale. La plupart des patients rapportent des nausées, une photophobie et une phonophobie associée. Lorsque les crises ne sont pas traitées, elles durent habituellement de 4 à 72 heures.


La migraine de type basilaireMigrainede type basilaire (auparavant classée comme migraine compliquée) est considérée comme étant le résultat d’une ischémie transitoire dans le territoire du tronc basilaire et peut être accompagnée par une baisse visuelle bilatérale, une diplopie, des vertiges, une dysarthrie, une ataxie et une perte de connaissance.

Les études concernant la physiopathologie de la migraine ont mis en évidence un dysfonctionnement primaire touchant les neurones afférents sensitifs du nerf trijumeau et ont souligné des facteurs génétiques avec une incidence familiale significative (la migraine hémiplégique familiale, une forme rare, autosomique dominante, de migraine a été reliée au chromosome 19). L’activation du noyau caudal trigéminal serait la cause du relargage de chémokines vasoactives au niveau des terminaisons périvasculaires du nerf trijumeau. On pense que ces neuropeptides causent une dilatation des artères piales, augmentent la perméabilité vasculaire et induisent une réponse inflammatoire qui active les afférences du trijumeau au niveau des parois des vaisseaux sanguins.

Il a été suggéré que la migraine est une forme de canalopathie dans laquelle il existe une hyperexcitabilité neuronale. Ce mécanisme peut sous-tendre la dépression corticale propagée dans la région occipitale qui est considérée comme étant responsable de l’aura visuelle et des changements au niveau des vaisseaux sanguins, ayant comme conséquence la douleur et les autres symptômes de la migraine de type basilaire. Ces études ont également servi de base au développement de la famille des triptans qui fonctionnent en inhibant le relargage de neuromédiateurs vasoactifs.

La migraine typique dure plusieurs heures. Dans la migraine de type basilaire, un déficit neurologique focal peut faire partie de l’aura, ou peut survenir avec la céphalée et alors persister. Ce déficit est habituellement transitoire, mais des déficits permanents reliés à un infarctus intracrânien peuvent survenir.

Hupp SL, Kline LB, Corbett JJ. Visual disturbances of migraine. Surv Ophthalmol. 1989; 33(4) : 221–236.


Migraine sans aura


Migrainesans auraAutrefois appelée migraine commune, la migraine sans aura (65 % des migraines) ne comporte aucun symptôme neurologique avant la céphalée. Celle-ci peut être globale, pas strictement unilatérale, et peut durer de plusieurs heures à plusieurs jours. La distinction entre ce type de céphalées et les céphalées de tension communes est souvent assez difficile (voir plus loin dans ce chapitre).


Aura migraineuse sans céphalée


Aura migraineuse sans céphaléeCertains patients peuvent rapporter une symptomatologie visuelle à type d’aura migraineuse sans aucune céphalée associée. La survenue de symptômes visuels de migraine sans céphalée (migraine sans céphaléeMigrainesans céphalée, 5 % des migraines) doit être différenciée d’un accident ischémique transitoire (AIT). Les équivalents migraineux visuels comprennent des scotomes scintillants, une hémianopsie homonyme transitoire sans phénomène visuel positif, une constriction périphérique du champ visuel progressant vers une vision tunnellaire ou une perte visuelle complète, une perte visuelle monoculaire transitoire et une diplopie transitoire (habituellement verticale et accompagnée d’autres symptômes neurologiques). Les symptômes durent classiquement moins de 60 minutes et tendent à s’installer puis diminuer progressivement au cours du temps. Une histoire familiale ou personnelle de migraine avec aura est utile au diagnostic, comme l’est la description du déficit. Le scotome scintillant classique avec des lignes de fortification est en faveur de la migraine. Un déficit résiduel du champ visuel peut suggérer un autre processus sous-jacent, comme une anomalie vasculaire cérébrale ou une malformation vasculaire.

Souvent attribué à la migraine, le vasospasmeVasospasme peut de façon moins fréquente affecter seulement un œil (parfois considéré comme une migraine rétinienneMigrainerétinienne), entraînant une perte visuelle monoculaire. Un rétrécissement transitoire des artérioles rétiniennes peut être vu pendant les épisodes symptomatiques chez certains patients.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 12, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 12. Céphalées, douleurs oculaires et faciales

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access