10. Anomalies pupillaires

Chapitre 10. Anomalies pupillaires


Pupille(s)anomaliesL’étude des pupilles est un point important dans l’examen clinique des patients présentant une baisse d’acuité visuelle et/ou atteints d’une maladie neurologique. Chez certains, une anomalie pupillaire peut être le seul signe objectif d’un dysfonctionnement visuel organique; chez d’autres, elle peut révéler une tumeur ou un anévrisme cérébral menaçant la fonction vitale. La présence d’une anomalie pupillaire afférente ou efférente peut rapidement être mise en évidence par l’évaluation de la taille et de la réactivité des pupilles. L’anatomie et l’innervation pupillaires sont exposées au chapitre 1, et la recherche d’un déficit pupillaire afférent relatif est décrite au chapitre 3. Ce chapitre passe en revue l’approche clinique des patients avec des anomalies pupillaires, en incluant les pupilles irrégulières, l’anisocorie, et la dissociation entre contraction pupillaire à la lumière et l’accommodation-convergence.


Histoire de la maladie


Pupille(s)anomalieshistoire de la maladieLes patients ayant des anomalies pupillaires peuvent ne pas en avoir conscience, en particulier s’il s’agit d’une anisocorie ou s’ils ont un iris pigmenté. Souvent, c’est l’époux(se), un(e) ami(e) ou le praticien qui révèle l’anomalie pupillaire au patient.

L’histoire médicale peut permettre de trouver la signification de l’anomalie de taille ou de forme de la pupille. Des antécédents d’infection (par exemple un zona), de traumatisme, de chirurgie (surtout de chirurgie oculaire) ou de migraine peuvent suggérer une cause, de même que la nature du métier du patient. Un fermier ou un jardinier peut être en contact avec des plantes ou des pesticides responsables d’une dilatation ou d’une contraction pupillaire par contact local. Un professionnel de santé peut utiliser ou avoir accès à des agents topiques pouvant causer des changements dans la taille et/ou la réactivité pupillaire.

Les symptômes rapportés par les patients avec des anomalies pupillaires sont très variables, et ils sont souvent asymptomatiques. S’il existe des signes fonctionnels, il peut s’agir d’une photophobie, d’une difficulté de mise au point lors des changements d’ambiance lumineuse, et d’un flou visuel.


Examen des pupilles


Pupille(s)anomaliesexamenDater l’anomalie pupillaire peut être facilité par l’examen de photographies anciennes. Il est ainsi possible de regarder le permis de conduire ou tout autre document officiel comportant une photographie. On peut aussi demander au patient de revenir avec des photographies s’étendant sur plusieurs années («biopsie de l’album de famille»).

L’examen clinique soigneux des pupilles demande peu de matériel : une source lumineuse intense portable; un gabarit permettant de mesurer la taille des pupilles, de préférence gradué en demi-millimètres; des filtres neutres de densité 0,3, 0,6 et 0,9 unité logarithmique pour quantifier le déficit pupillaire afférent relatif; et une pièce d’examen dans laquelle on peut faire varier la lumière. Pour la mesure du déficit pupillaire afférent relatif, voir le chapitre 3.

Lors de l’évaluation de la taille des pupilles, la lampe portable doit être dirigée obliquement sous le nez du patient pour éclairer les pupilles de façon indirecte et apprécier leur diamètre à la fois dans l’obscurité et dans une pièce éclairée. Pour supprimer le myosis accommodatif, ondemandera de fixer une cible à distance, et l’examinateur doit être très attentif à ne pas stimuler la fixation. Les pupilles sont mesurées 5 à 10 secondes après le changement de l’intensité lumineuse de la pièce afin de supprimer les fluctuations pupillaires. Il faut se souvenir qu’à tout moment de nombreux facteurs peuvent influencer la taille et la réactivité pupillaires; la pupille est physiologiquement dans un état permanent d’agitation.

L’éclairage monoculaire cause une contraction égale des deux pupilles chez un sujet sain. La réaction pupillaire de l’œil éclairé est appelée la réponse directeRéponse pupillaire à la lumièredirecte, et la réaction de l’œil controlatéral est la réponse consensuelleRéponse pupillaire à la lumièreconsensuelle. L’existence d’une hémidécussation des fibres pupillaires afférentes au niveau du chiasma et d’une seconde hémidécussation des fibres pupillomotrices au niveau du tronc cérébral explique l’égalité des réponses pupillaires directe et consensuelle. Si un œil est aveugle, tous les influx arrivant au centre pupillaire du tronc cérébral viennent de l’autre œil, mais la double hémidécussation assure une innervation pupillaire égale de chaque côté et évite une inégalité de taille des pupilles (anisocorie).

La réponse pupillaire à la convergence doit être examinée dans une pièce modérément éclairée de façon à ce que les pupilles du patient aient une taille moyenne et que l’objet situé à proximité soit clairement visible. Cet objet doit comporter des détails fins pour stimuler l’accommodation. La contraction pupillaire lors de l’accommodation-convergence est habituellement déclenchée par la vision d’une image floue, mais elle a une composante volontaire et il faut encourager le patient. Souvent, une bonne réponse à l’accommodation-convergence est obtenue au bout de trois ou quatre essais et parfois on obtiendra une meilleure réponse si d’autres stimuli sensoriels sont ajoutés, voire en utilisant une cible proprioceptive comme le pouce du patient. Une absence de réponse est le plus souvent en rapport avec un effort insuffisant du patient (ou de son médecin).

L’examen à la lampe à fente du segment antérieur est essentiel pour caractériser une anomalie pupillaire. Ainsi, la découverte d’une ulcération cornéenne ou d’une inflammation de la chambre antérieure peut expliquer une petite pupille dans le cadre d’une réaction ciliaire. Il est nécessaire de pratiquer une gonioscopie pour examiner l’angle iridocornéen chez un patient avec une pupille dilatée, en particulier si l’on a la notion d’une douleur ou d’un œil rouge dans les antécédents. L’évaluation irienne doit comprendre non seulement une inspection de l’intégrité du sphincter, mais également une transillumination de l’iris à la recherche de dommages antérieurs traumatiques, infectieux ou inflammatoires. Il est également possible d’examiner le réflexe de contraction à la lumière de chaque secteur en plaçant un éclairage large au niveau d’un secteur, et en variant la lumière en éclairant et en éteignant en alternance; on recherche ainsi des déficits segmentaires comme ceux qui existent dans les yeux porteurs de pupilles toniques d’Adie ou lors d’une régénération aberrante séquellaire d’une paralysie du III.

Normalement, la pupille est sombre, mais dans certains cas elle peut apparaître blanche. Une leucocorie (pupille blanche) a plusieurs causes, parmi lesquelles l’existence d’anomalies au niveau du segment postérieur réfléchissant la lumière de façon anormale. Chez le jeune enfant, la leucocorie peut être le témoin d’une tumeur maligne comme le rétinoblastome. Les autres causes incluent la persistance d’un vitré primitif hyperplasique, la rétinopathie des prématurés et la cataracte.

Des agents pharmacologiques peuvent être utilisés pour évaluer la réactivité pupillaire et peuvent confirmer un syndrome de Claude Bernard-Horner, une pupille tonique ou une mydriase pharmacologique. Cependant, il faut se rappeler que les tests pharmacologiques ne sont pas infaillibles et que des faux positifs et des faux négatifs peuvent exister. Les résultats des tests doivent donc être interprétés en fonction de l’examen et du contexte individuel.


Taille de la pupille au repos


Pupille(s)taille au reposLa taille de la pupille au repos est influencée par de nombreux facteurs; les plus importants sont l’intensité de la lumière ambiante, le statut d’adaptation de la rétine, le niveau d’éveil et l’âge du patient. En règle, les pupilles deviennent plus petites avec l’âge. Lors du sommeil, il existe unediminution de l’activité sympathique et les pupilles sont plus petites. L’éveil, l’excitation ou la peur augmentent la taille de la pupille. Une augmentation de la pression intraoculaire peut entraîner un élargissement de la pupille, peut-être par le biais d’une ischémie de l’iris. Les pupilles sont habituellement dilatées après les crises de grand mal.

De très petites pupilles évoquent habituellement une hémorragie pontine, une intoxication par des narcotiques ou l’utilisation de pilocarpine. De très grandes pupilles sont en faveur d’un blocage pharmacologique de la voie parasympathique par un agent administré de façon locale ou par voie systémique.


Irrégularité pupillaire


Pupille(s)irrégularitéPupille(s)anomaliesirrégularitéTout désordre endommageant la compliance mécanique de l’iris ou la musculature irienne peut avoir comme conséquence une pupille irrégulière. Une contusionPupille(s)contusion etContusion, irrégularité pupillaire et oculaire peut créer des déchirures focales du sphincter de l’iris. Une iridodialyseIridodialyse, irrégularité pupillaire et survient lorsque la marge externe de l’iris est désinsérée de son attache ciliaire. L’inflammation intraoculaireInflammationintraoculaire peut léser l’iris ou créer des adhérences au cristallin ou à la cornée (synéchieSynéchie, irrégularité pupillaire et). L’existence d’une néovascularisationNéovascularisation, irrégularité pupillaire et peut également déformer l’iris et diminuer la réactivité pupillaire. Les malformations iriennesIrismalformations, irrégularité pupillaire et comme le colobome et l’aniridie vont affecter la taille et la fonction pupillaires. Chez l’adulte, la principale cause de déformation de la pupille est probablement la chirurgie de la cataracteCataracteirrégularité pupillaire et, mais n’importe quelle procédure chirurgicale au niveau du segment antérieur peut avoir des résultats identiques. Afin d’éviter un bilan neurologique extensif et inutile, il est important de connaître l’existence de telles anomalies pupillaires touchant la taille, la forme et la réactivité de la pupille.

Les deux affections suivantes, qui sont rares, peuvent causer une irrégularité pupillaire par le biais d’altération de l’innervation irienne.




Pupille en têtardPupille(s)en têtard (tadpole pupil). Cette anomalie est toujours bénigne et arrive chez des sujets en bonne santé ayant souvent des antécédents de migraine. La pupille est le siège de dilatations sectorielles durant quelques minutes avant un retour à la normale. Ce phénomène peut survenir plusieurs fois sur plusieurs jours voire une semaine puis disparaître. Elle est considérée comme étant la conséquence de spasmes segmentaires du dilatateur de l’iris. (Voir : http://library.med.utah.edu/NOVEL/.)


Correctopie par atteinte mésencéphaliqueCorrectopie par atteinte mésencéphalique. Dans de rares cas, des pupilles ovales ou excentrées sont retrouvées chez des patients avec une atteinte mésencéphalique dorsale. Cette anomalie est probablement la conséquence d’une atteinte partielle des fibres pupillaires entraînant une inhibition sélective du tonus du sphincter.

Selhorst JB, Hoyt DH, Feinsod M, Hosobuchi Y. Midbrain correctopia. Arch Neurol. 1976; 33(3) : 193–195.

Thompson HS, Zackon DH, Czarnecki JS. Tadpole-shaped pupils caused by segmental spasm of the iris dilator muscle. Am J Ophthalmol. 1983; 96(4) : 467–477.


Anisocorie


AnisocorieLes anomalies des voies pupillaires efférentes sont en général unilatérales et produisent une inégalité de diamètre des deux pupilles. Cette affection est appelée anisocorie. Il est important de rechercher une anisocorie lors de l’examen des pupilles; cependant, sa présence n’est pas toujours pathologique. L’évaluation d’un patient avec une anisocorie isolée est schématisée dans l’approche systématique de la figure 10-1. Dans un certain nombre de cas, l’anisocorie est physiologique.



Anisocorie physiologique


AnisocoriephysiologiqueL’anisocorie physiologique (également appelée anisocorie simple ou essentielle) est la cause la plus fréquente d’une différence de taille entre les deux pupilles de 0,4 mm ou plus. À n’importe quel moment de la vie, environ 20 % des individus ont une différence notable de diamètre entre les deux pupilles. Habituellement, cette différence est inférieure à 1,0 mm. L’importance de l’anisocorie chez un individu donné peut varier d’un jour à l’autre.

L’anisocorie physiologique est parfois plus marquée en ambiance mésopique qu’avec une lumière vive, simulant un syndrome de Claude Bernard-Horner. Un ptosis congénital ou acquis du côté de la plus petite pupille peut alors entraîner des difficultés diagnostiques. Lorsque la question se pose, un test pharmacologique avec un collyre à la cocaïne montrera une dilatation symétrique des deux pupilles chez les patients porteurs d’une anisocorie physiologique.

Lam BL, Thompson HS, Corbett JJ. The prevalence of simple anisocoria. Am J Ophthalmol. 1987; 104(1) : 69–73.

Thompson BM, Corbett JJ, Kline LB, Thompson HS. Pseudo-Horner’s syndrome. Arch Neurol. 1982; 39(2) : 108–111.


Anisocorie non modifiée par l’éclairage


Anisocorienon modifiée par l’éclairageUne anisocorie qui est identique avec un éclairage faible et plus marqué indique qu’il n’y a pas de différence dans la fonction relative du sphincter et du dilatateur de l’iris. Ce tableau est celui d’une anisocorie physiologique et le patient peut être rassuré.


Anisocorie plus marquée à l’obscurité


Anisocoriephysiologiqueà l’obscuritéDans certaines conditions, comme celles qui vont être décrites ci-après, l’anisocorie devient plus apparente à l’obscurité.

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May 12, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 10. Anomalies pupillaires

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