Chapitre 75 Accouchement sous le secret
L’objectif de ce chapitre est de procurer aux équipes des services de gynécologie-obstétrique et en particulier à l’encadrement sage-femme et aux sages-femmes praticiennes les bases juridiques qui sont le support indispensable à l’élaboration des « procédures qualités » internes liées à la prise en charge de cette catégorie de patientes particulièrement vulnérables.
Rappel historique
En effet, jusqu’à ces dates, quasiment rien n’avait changé pour les femmes depuis le Moyen-Âge.
Du Moyen-Âge à la fin du xixe siècle
À partir du xviiie siècle, des « tours » furent placés aux portes de certains hospices pour recueillir anonymement des nouveau-nés. Le principe du « tour » qui fonctionne nuit et jour, à la porte de chaque hospice, est un cylindre de bois muni d’une fenêtre. Le bébé est déposé dans le tour et récupéré à l’intérieur de l’établissement, préservant ainsi l’anonymat maternel. Sous le pontificat de Clément XIV, l’Église elle-même reconnut la maternité secrète en 1774 [1].
Sous la Révolution, la convention institua le premier cadre législatif organisant spécifiquement la règle du secret de la grossesse et de l’accouchement et la prise en charge des parturientes qui le demandaient. Le décret- loi du 28 juin 1793 faisait obligation à la Nation de se charger de « l’éducation physique et morale des enfants connus sous le nom d’enfants abandonnés », obligeait chaque district à se doter d’une maison où « la fille enceinte pourrait se retirer secrètement pour faire ses couches ». Il garantissait la prise en charge matérielle de la mère (« frais de gésine et tous besoins ») pendant son séjour, qui devait durer jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement rétablie, et exigeait que « le secret le plus inviolable soit conservé sur tout ce qui la concerne » [1].
Au xxe siècle
Entre 1922 et 1924, Paul Strauss, devenu ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale, permit la légalisation des refuges maternels secrets. Ces refuges ont été le support de la création par le décret-loi du 29 juillet 1939 des maisons maternelles [1].
La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 dans son article 27 introduira la modification du code civil avec un article 341-1 ainsi rédigé : « Lors de l’accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé. » [2, 3]
Par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 art. 2, art. 3 publiée au Journal officiel du 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet 2006, cet article (rédigé à l’identique) est devenu l’article 326 de l’actuel code civil [4].
Quelques chiffres
Cette estimation trouvait son écho au début des années soixante-dix, dans le chiffre des avortements clandestins avancé par les sociologues et les médecins, lui aussi estimé à 300 000 par an (dont 40 000 à 80 000 pratiqués par des médecins) [1].
Le nombre d’enfants aujourd’hui admis comme pupilles de l’État, dont la majorité sont des enfants nés sous X, était de 560 enfants en 1999 et ce chiffre aujourd’hui ne semble plus vouloir régresser puisqu’en 2004, 560 femmes ont accouché sous X en France [1, 5].
Aspect législatif
Il faut savoir que ce mode d’accouchement ne permet pas d’établir de lien de filiation entre la mère et l’enfant.
La mère a droit au secret le plus absolu, l’enfant ne pourra pas la retrouver.
L’essentiel de ce que nous dit la loi figure dans les parties législatives et réglementaires du code de l’action sociale et des familles, en particulier à l’article L. 222-6 et a pour fondement l’article 2 de la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 paru au Journal officiel du 23 janvier 2002 [6, 7].
Par la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002, le législateur français s’est efforcé de réaliser un compromis entre les droits de la mère au secret (droit au respect de la vie privée visé à article 8 de la convention des Droits de l’homme) et le droit à chaque enfant de connaître ses parents et d’accéder à ses origines comme le prévoit la convention internationale des Droits de l’enfant [8].
En créant le Conseil national pour l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État pour mettre en œuvre le montage juridique du respect du secret avec cependant une possibilité sous conditions de pouvoir le lever, le législateur a souhaité donner un cadre administratif et juridictionnel défini pour permettre à l’accès des personnes à leurs origines [6, 9, 10].
La grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans son arrêt du 13 février 2003 prononcé dans l’affaire Françoise-Pascale Odièvre (jeune femme qui, devant le refus des juridictions françaises, s’était adressée aux juridictions européennes pour obtenir la levée du secret sur l’identité de ses parents), l’a jugé en ces termes : « Par la loi du 22 janvier 2002, qui s’efforce d’assurer équitablement la conciliation entre la protection du secret de la mère et la demande légitime de l’enfant concernant ses origines, la France n’a pas excédé sa marge d’appréciation qui doit lui être reconnue en raison du caractère complexe et délicat de la question qui soulève le secret des origines au regard du droit de chacun à son histoire, du choix des parents biologiques, du lien familial. » [11]