Chapitre 73 L’interruption volontaire de grossesse
« Parce qu’en face d’une femme décidée à interrompre sa grossesse, ils (médecins, personnels sociaux, citoyens) savent qu’en refusant leur conseil et leur soutien, ils la rejettent dans la solitude et l’angoisse d’un acte perpétré dans les pires conditions, qui risque de la laisser mutilée à jamais. »
Discours de Mme Simone Veil, Assemblée nationale, 26 novembre 1974
Ce chapitre a pour objet d’étudier l’évolution de la législation sur l’avortement à partir du XIXe jusqu’à la période actuelle :
La legislation de l’avortement en France : évolution chronologique
La seconde moitié du XXe siècle et l’évolution des idées et des lois
En 1953, le Dr M.A. Lagroua-Weil-Hallé, gynécologue, sensibilise le corps médical aux conséquences dramatiques observées à la suite d’avortements clandestins et fonde en 1955, avec la sociologue E. Sullerot et A.M. Dourlen Rollier, La Maternité Heureuse, dont les objectifs sont « de lutter contre les avortements clandestins, assurer l’équilibre psychologique du couple, améliorer la santé des mères et des enfants. »
En 1974, Valery Giscard d’Estaing, nouvellement élu président de la république, confie à sa ministre de la santé, Simone Veil la préparation d’un projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Grâce au courage et à la ténacité de cette dernière, en dépit de l’hostilité de l’Église catholique et des mouvements pro-natalistes (dont « Laissez-les vivres » fondés par Jérôme Lejeune en 1970), et à l’issue de débats houleux à l’Assemblée nationale et au Sénat (dépassant largement les clivages droite/ gauche), la loi est finalement adoptée le 29 novembre (par 284 voix contre 189). Les opposants saisissent le Conseil constitutionnel au motif que cette loi serait contraire au préambule de la Constitution qui proclame les droits sacrés et indéniables de la personne humaine : ce recours est rejeté et la loi est promulguée le 17 janvier 1975 (loi 75-17, encadré 73.1) en suspendant partiellement l’article 317 du code pénal pour une durée de 5 ans. Loi de compromis et d’encadrement médical, elle n’abroge cependant pas les lois de 1920 et de 1923 : l’IVG, en dehors des strictes conditions de terme, d’âge, de nationalité, de lieu, constitue toujours un délit passible de sanctions pénales. Elle affirme le respect de l’être humain dès le commencement de la vie et invoque la clause de conscience des professionnels de santé. Elle distingue les dispositions de l’IVG avant la fin de la 10e semaine et celle de l’IVG pour motif thérapeutique et précise l’obligation d’information sur la régulation des naissances.