26: Retard de croissance in utero

Chapitre 26 Retard de croissance in utero




Définitions


Le retard de croissance in utero sous-entend la notion d’une restriction ou d’une insuffisance de croissance du fœtus in utero. Cette entité est par définition pathologique et s’associe à un excès de morbidité ou de mortalité périnatale. À la naissance, une restriction de croissance in utero peut être évoquée lorsque le poids du nouveau-né est inférieur à celui qui était attendu. Il existe pour cela des courbes de références de poids de naissance pour le terme et pour le sexe établies à partir des données AUDIPOG issues d’un échantillon de plus de 100 000 naissances réparties sur l’ensemble du territoire français pour repérer les éventuels nouveau-nés à risque [1].


En pratique, il faut dire « faible poids de naissance ou hypotrophie » lorsque le nouveau-né a un poids de naissance inférieur au 10e percentile pour le terme et pour le sexe, mais ceci est insuffisant pour définir une véritable « restriction de croissance in utero ». De la même manière, un nouveau-né de poids de naissance adéquat pour le terme ne signifie pas pour autant que ce nouveau-né n’a pas subi de restriction de croissance in utero. On sait que la majorité (70 %) des nouveau-nés de faible poids de naissance était programmée pour avoir un tel poids ; il s’agit de petit poids constitutionnel qui signifie nouveau-né en bonne santé. Le poids de naissance est en effet dépendant de nombreux paramètres maternels tels que le poids et la taille maternels, la prise de poids au cours de la grossesse, la parité et l’origine ethnique. Ainsi, une femme de petite taille ou d’indice de masse corporelle bas donnera habituellement naissance à un nouveau-né de poids modeste.


Alors comment dépister in utero ou à la naissance une véritable restriction de croissance ? Certains auteurs ont proposé l’intégration de plusieurs paramètres maternels. Ces formules qui permettent de personnaliser plus finement une prise de poids adéquat prennent en compte un certain nombre de paramètres comme le poids, la taille et l’âge maternel ainsi que la parité. Elles ne sont actuellement pas appliquées en pratique clinique et la restriction de croissance in utero peut être suspectée a posteriori à partir d’un certain nombre de critères. Une restriction de croissance in utero est d’autant plus probable lorsque le poids de naissance constaté est très inférieur au poids attendu. On peut parler d’hypotrophie sévère lorsque le poids de naissance est inférieur au 3e percentile pour le terme et pour le sexe. Une restriction de croissance in utero peut être fortement suspectée dans ce contexte lorsqu’il s’y associe certaines complications telles qu’une hypoxie perpartum, une inhalation méconiale, une hypoglycémie ou une hypocalcémie qui témoignent d’une grande fragilité ou de défauts de réserves de ce nouveau-né.


La médecine néonatale a pour objectif majeur d’identifier correctement à la naissance les nouveau-nés qui ont subi une véritable restriction de croissance in utero afin de mettre en place une prise en charge pédiatrique spécifique à court mais aussi à plus long terme. Mais le retard de croissance in utero est avant tout une pathologie fœtale qui fait appel au diagnostic prénatal et à la médecine fœtale. Nous verrons successivement dans ce chapitre les méthodes de dépistage, les principales étiologies, et la prise en charge anténatale du retard de croissance in utero.




Dépistage


Le prérequis indispensable pour dépister correctement un RCIU est de connaître précisément le terme de la grossesse. La biométrie de datation représente actuellement la meilleure méthode pour le définir puisqu’elle est supérieure au calcul du terme dit « théorique » basé sur la date des dernières règles et la durée des cycles. Il est recommandé la pratique de trois échographies en France dont celle du 1er trimestre idéalement réalisée entre 11 et 13 SA + 6 jours. La longueur craniocaudale est le meilleur paramètre biométrique entre 7 et 12 SA pour estimer l’âge gestationnel avec une précision de ± 3 jours. La mesure de la longueur craniocaudale s’effectue sur une coupe longitudinale stricte allant du vertex à la pointe du pôle caudal en évitant d’y inclure la vésicule vitelline. Entre 12 et 13 SA + 6 jours, la mesure du diamètre bipariétal donne la meilleure précision à ± 5 jours car à partir de ce terme, l’embryon s’incurve et rend la mesure de la longueur craniocaudale plus imprécise.


Le dépistage du RCIU fait appel essentiellement à la mesure de la hauteur utérine et à l’échographie obstétricale. La mesure de la HU consiste à mesurer à l’aide d’un mètre couturier la plus grande mesure verticale de l’utérus allant du bord supérieur de la symphyse pubienne au fond utérin. On considère que la HU s’accroît de 1 cm/ semaine jusqu’au terme de 32 SA pour ne prendre qu’un centimètre toutes les 2 semaines à partir de ce terme. En pratique, une insuffisance de croissance du fœtus peut être suspectée lorsque la HU est inférieure ou égale au terme en semaines d’aménorrhées moins 4 entre 18 et 32 SA. Au-delà de 32 SA, c’est la notion de stagnation de la HU qui doit attirer l’attention. La mesure de la HU présente de nombreuses insuffisances liées aux difficultés rencontrées pour repérer correctement le fond utérin et pour apprécier réellement la croissance fœtale en cas d’obésité maternelle et de grossesses multiples par exemple. Elle reste globalement performante pour dépister les hypotrophies fœtales sévères avant 32 SA pour peu que les conditions de mesures soient bonnes.


L’échographie obstétricale permet d’avoir ponctuellement une idée de la biométrie fœtale en effectuant certaines mesures standardisées par le Collège français d’échographie fœtale [2]. Les biométries fœtales utilisées sont représentées par les mesures du diamètre biparié- tal (BIP), du périmètre crânien, du diamètre abdominal transverse (DAT), du périmètre abdominal et de la 1 on- gueur fémorale (LF). Le BIP et le PC sont mesurés sur le même plan horizontal (coupe transversale) passant par le septum pellucidum, le 3e ventricule, les thalami et les cornes postérieures des ventricules latéraux. Les marqueurs sont placés au milieu de l’épaisseur osseuse. Le DAT et le PA sont mesurés sur une coupe transversale perpendiculaire au rachis intéressant la portion moyenne de la veine ombilicale et les surrénales avec le plus souvent l’estomac. Les marqueurs incluent le plan graisseux sous-cutané et le plan cutané. Le fémur est abordé perpendiculairement de manière à ce que le fût diaphysaire apparaisse horizontalement à l’écran. Les marqueurs sont positionnés aux deux extrémités du fût diaphysaire. De la même manière, le Collège français d’échographie fœtale a établi des courbes de croissance à partir de 35 456 examens pratiqués chez 10 043 patientes par 38 opérateurs entraînés des secteurs public et privé exerçant sur l’ensemble du territoire français [2]. Sur une première feuille quadrillée sont représentées les courbes du fémur, du diamètre bipariétal, et du périmètre abdominal et sur une deuxième feuille quadrillée les courbes du diamètre bipariétal et du périmètre crânien en précisant pour chaque paramètre les 3e, 10e, 50e, 90e, et 97e percentiles (figures 26.1 et 26.2).




En population générale, c’est-à-dire non à risque prévisible de RCIU, l’évaluation de la croissance fœtale sera au mieux déterminée à l’aide de la mesure mensuelle de la hauteur utérine et par la réalisation ponctuelle de deux échographies obstétricales réalisées aux termes respectifs de 22 et 32–34 SA (il s’agit là d’une recommandation française). Au cours de ces deux écho- graphies de routine ne seront réalisées que les mesures des paramètres biométriques cités ci-dessus. En effet, il est inutile de pratiquer de manière systématique une exploration des Doppler du fœtus (artère ombilicale) et de la mère (artères utérines) pour améliorer le dépistage ou le pronostic du RCIU en population générale [3, 4]. La mesure de la HU présente l’avantage de proposer une surveillance dynamique de la croissance fœtale et de représenter un paramètre clinique non coûteux intégré aux consultations prénatales. À l’inverse, l’échographie obstétricale de 32 SA est un examen complémentaire coûteux qui n’a pas fait la preuve de son intérêt dans le dépistage du RCIU en population générale comparativement à la seule mesure de la HU [5].


Il existe par ailleurs certaines situations à risque de RCIU qui amènent à proposer une surveillance échographique renforcée de manière à identifier précocement l’éventuelle apparition d’un RCIU. Ces situations sont représentées par un antécédent de pré-éclampsie et de RCIU, l’hypertension artérielle chronique, le diabète insulinodépendant, le lupus et le syndrome des antiphospholipides, la pré-éclampsie, la grossesse multiple, une faible hauteur utérine, et une faible biométrie à l’échographie obstétricale de dépistage. Cette surveillance renforcée consiste à augmenter le nombre des échographies afin d’ obtenir une cinétique des paramètres biométriques (cités plus haut) au cours du temps. L’intervalle des échographies ne doit pas être trop court car il pourrait faussement inquiéter la patiente et le médecin en faisant croire à une éventuelle insuffisance de croissance. En pratique, une surveillance de la croissance fœtale doit être répétée toutes les 3 à 4 semaines avec idéalement le même appareil d’ échographie et le même opérateur pour limiter les erreurs de mesures ou les problèmes d’ interprétation de ces mesures. Dans les situations à risque prévisible de RCIU, il peut être utile d’étudier les Doppler de l’artère ombilicale et des artères utérines. Le Doppler des artères utérines permet d’explorer la vascularisation utéro- placentaire pour objectiver un éventuel défaut d’invasion trophoblastique. La vascularisation utéroplacentaire est un système à basse résistance objectivé par un index de résistance bas (S/D < 0,69 à 22 SA par exemple) et l’absence d’incisure protodiastolique ou Notch (figure 26.3). L’index de résistance bas et l’absence d’incisure protodiastolique témoignent d’un flux persistant élevé en diastole du fait d’une compliance élevée des artères utérines. L’artère ombilicale reflète le bon fonctionnement placentaire et son analyse Doppler est également à basse résistance (témoignant d’une bonne perfusion) avec une diastole élevée. La surveillance du Doppler ombilical est utile dans ce contexte de grossesses à risque car elle permet l’ identification de fœtus à risque augmenté de mortalité périnatale et d’améliorer le pronostic périnatal [6].


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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 26: Retard de croissance in utero

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