Chapitre 7 Être mère en prison Comme le souligne Quibel [1], le Code de Procédure Pénale ne prévoit pas de régime spécifique pour les femmes détenues, à l’exception des femmes enceintes et des mères incarcérées avec leur enfant, qui doivent, en principe, bénéficier d’un régime de détention et de soins appropriés (Article D. 400 du Code de Procédure Pénale). L’article D. 401 du Code de Procédure Pénale prévoit que les femmes détenues peuvent garder leur enfant en détention jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de 18 mois. Aucune autorisation du juge d’instruction pour les prévenues ou du juge de l’application des peines ou du chef d’établissement pour les condamnées n’est nécessaire. Cette limite peut être reculée par décision du directeur régional des services pénitentiaires suite à la demande de la mère et après avis d’une commission régionale consultative (Articles D. 401-1 et D. 402-2 du Code de Procédure Pénale). Comme le précise Céré [2], La loi du 18 janvier 1994 prévoit pour les détenus un accès aux soins le plus proche possible de ce qui peut être proposé à toute personne en milieu ouvert, dans les limites de l’offre de soins proposés par l’UCSA et le SMPR. De même, en dehors de “l’enceinte” carcérale, la prise en charge sanitaire des femmes enceintes incarcérées doit se dérouler selon les dispositions légales du suivi de grossesse proposé à toute femme enceinte en France. Peut-on pour autant envisager un seul instant qu’accompagner une femme enceinte en maternité et en prison revient au même ? L’intérêt de ce protocole se trouve également dans la désignation de professionnels référents de la maternité pour la prise en charge de ces femmes, professionnels sensibilisés à la particularité de leur situation. En effet, comme le souligne Pinto da Rocha [3], face à la prise en charge des femmes enceintes détenues, les professionnels de l’hôpital public doivent repenser l’hôpital comme lieu pouvant accueillir une autre institution avec ses règles sécuritaires, escorte et garde tactique. De plus, la présence permanente de policiers aux côtés de ces femmes peut accentuer différentes représentations sociales négatives envers elles, liées à des fantasmes et des craintes autour de la prison ou du crime. Cette tension ressentie par les soignants, le personnel de l’administration pénitentiaire, la police, a conduit à des attitudes sécuritaires inadéquates pendant les escortes policières au sein de la maternité, comme la traversée de la maternité des femmes détenues enceintes menottées ou encore la présence de la police pendant les examens médicaux ou l’accouchement. Ces situations de stigmatisation voire d’humiliation, dénoncées par des organismes internationaux comme Amnistie Internationale [4], ont pu provoquer d’importantes angoisses chez ces femmes allant jusqu’à refuser l’extraction de la prison vers l’hôpital ou en maternité, en anticipation de ce vécu négatif. L’intérêt d’un protocole préalable permet aux professionnels de rester dans le champ de compétence et d’éviter des situations préjudiciables pour la santé de la future mère, pour le bon déroulement de la grossesse et pour la qualité des interactions en construction. Selon les résultats de l’étude de Rouillon et al. [5], la population des femmes incarcérées en France constitue en soi une population à risque. En effet, 37 % d’entre elles ont un niveau éducatif très faible, 18 % ont déjà été suivies par un juge pour enfants, une sur cinq a fait l’objet d’une mesure de placement en foyer ou en famille d’accueil. Quarante pourcent d’entre elles ont déclaré avoir subi des maltraitances de nature physique, psychologique ou sexuelle. Selon la même étude, 70 % présentent au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité cumulant plusieurs troubles (troubles anxieux : 54 %, troubles thymiques : 51 %, abus de substances illicites ou d’alcool) et un quart des femmes détenues présenteraient un trouble psychotique. Cette précarité sociale, éducative et psychique est également observée par Hotelling [4] chez les femmes enceintes incarcérées aux États-Unis, justifiant que la grossesse en prison devrait systématiquement être considérée comme étant à risque. La grossesse et l’accouchement constituent des “événements physiologiques” pour une femme mais représentent aussi de véritables épreuves physiques et psychiques. La grossesse peut constituer une crise identitaire pour la femme avec des troubles psychiques transitoires, tels qu’une labilité émotionnelle, des moments d’anxiété et d’irritabilité, un vécu dépressif sans forcement de manifestations cliniques de dépression [6]. Ces moments ont une valeur d’adaptation, a priori, non pathologique pour elle. C’est leur intensité qui va définir la valeur pathologique et donc la gravité potentielle pour les premières relations mère-enfant. Un premier épisode de troubles psychotiques ou une décompensation de troubles psychotiques chroniques sont rares pendant la grossesse. Il est même classique de dire que la grossesse « joue un rôle protecteur » et constitue une sorte de temps de latence avant l’accouchement et la naissance [6, 7]. Il demeure, fort heureusement, rare de rencontrer des femmes schizophrènes enceintes en milieu carcéral. Néanmoins, leur grossesse doit être surveillée car la symptomatologie peut, dans certains cas, s’aggraver à cause de l’incarcération et entraîner des difficultés d’investissement du bébé, ou encore elle peut bénéficier d’une certaine amélioration, suscitant ainsi une probable suspension du traitement, ce qui aggrave la vulnérabilité de ces femmes pendant le post-partum immédiat, période difficile en soi pour les mères schizophrènes [8].
Le cadre légal
Le suivi de la grossesse
La prise en charge de la femme enceinte détenue
Antécédents des femmes détenues
Mères détenues et troubles psychiques
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