65: Dépression postnatale

Chapitre 65 Dépression postnatale




Épidémiologie



Prévalence – Incidence


Les taux fournis par la majorité des études sont des prévalences. Ces chiffres de prévalence des dépressions postnatales (DPN) varient suivant la population étudiée (pays d’origine, rurale, urbaine, etc.), le type de méthode d’évaluation (auto ou hétéro-évaluation, critériologique ou symptomatologique, spécifique ou non) et la durée de la période considérée comme étant le post-partum.


Selon les méta-analyses existantes, la DPN [1, 2] aurait des taux de prévalence sur la première année de post-partum entre 10 et 15 % et une incidence de 14,5 % pour la dépression majeure ou mineure, durant les 3 premiers mois du post-partum (PP).


En ce qui concerne la DPN, l’une des questions cruciales est de savoir si sa prévalence et/ou son incidence est différente de celle de la dépression à d’autres moments de la vie. Le risque de trouble de l’humeur avec caractéristiques psychotiques (psychoses puerpérales) est extrêmement majoré en suites de couche (risque d’hospitalisation pour un trouble psychotique 20 à 30 fois supérieur en PP). En revanche, il semble qu’il n’en est pas de même pour les dépressions majeures ou mineures non psychotiques, pour lesquelles les taux de prévalence en pays développés ne diffèrent pas de manière significative durant la première année du PP comparativement au reste de la vie. Notons tout de même que la seule étude comparant directement l’incidence de la dépression à 5 semaines PP à un groupe contrôle trouve que les femmes en post-partum voient leur risque de dépression (majeure ou mineure) multiplié par 3.





Diagnostic



Difficultés nosographiques


Le terme de « dépression postnatale » a été largement utilisé pour décrire le panel des symptômes de la lignée dépressive qui ont pu être relevés chez les femmes après une naissance. Pourtant, toutes les femmes qui ressentent des émotions tristes à cette période de leur vie ne présentent pas toutes un épisode dépressif, tel que défini par la nosographie internationale.


Ainsi, le diagnostic d’épisode dépressif majeur (EDM), selon les critères DSM, nécessite la présence d’au moins cinq symptômes, pendant une durée minimale de 15 jours.


En fait, de nombreuses femmes présentent une partie des symptômes nécessaires au diagnostic d’épisode dépressif majeur, mais pas la globalité. Pour ces patientes, différentes catégories nosographiques ont pu être proposées, comme l’épisode dépressif mineur ou les troubles de l’adaptation avec humeur dépressive.


Par ailleurs, la période considérée comme étant le post- partum dans les classifications internationales, est pour le DSM de 4 semaines après la naissance, et pour la CIM de 6 semaines. Pourtant, la très grande majorité des études ne se soumettent pas à ces définitions limitatives, et considèrent comme postnatals des épisodes dépressifs pouvant survenir jusqu’à un an après une naissance. Malgré tout, la littérature révèle que la majorité des épisodes se déclenchent dans les 3 premiers mois suivant la naissance, et qu’un nombre important de ces épisodes apparaîtrait dans les 5-6 premières semaines du post-partum.


En fait, à l’heure actuelle, il existe un consensus permettant de dire que « l e terme “DPN” est utile pour décrire tout trouble dépressif sans caractéristiques psychotiques survenant dans l’année suivant la naissance ».



Sémiologie


« L’atypicité » du tableau clinique explique en partie que les DPN passent souvent inaperçues. De plus, la forte culpabilité qui accompagne toute dépression est majorée à cette période de la vie où les femmes et leur entourage estiment quelles n’ont vraiment aucune raison d’être « malheureuses ». C’est ainsi que 80 % des femmes présentant un épisode de ce type ne seraient pas diagnostiquées.


En effet, la DPN est un trouble dépressif d’intensité légère à modérée, sans caractéristiques psychotiques, à bien différencier des psychoses puerpérales, rares (0,10,2 %), qui sont, elles, majoritairement des épisodes de trouble de l’humeur de type bipolaire avec caractéristiques psychotiques.


Les symptômes des DPN sont d’intensité modérée, et les idéations suicidaires rares. L’humeur est labile, plus altérée en soirée. Elle est caractérisée par un découragement, un sentiment d’incapacité et des inquiétudes centrées sur les soins à donner au nourrisson. En plus de la tristesse, des troubles de la concentration, des troubles du sommeil qui sont majorés dans les DPN, de par les éveils nocturnes liés à l’enfant, ce sont des symptômes tels l’anxiété, l’irritabilité, des plaintes somatiques inhabituelles (céphalées, douleurs abdominales, etc.) qui dominent. Il semblerait qu’il y ait une comorbidité plus importante avec les troubles anxieux à cette période (agoraphobie, attaques de panique), et que le niveau de détresse associé à la symptomatologie soit plus importante, en termes d’intensité des symptômes et de difficultés d’adaptation sociales, et notamment conjugales en PP. Enfin, les DPN dureraient plus longtemps que les autres dépressions, et les femmes qui feraient un épisode de DPN auraient 2 fois plus de risques de présenter un nouvel épisode dans les 5 ans qui suivent, comparativement aux femmes dont le premier épisode survient à un autre moment de la vie.



Méthodes d’évaluation


L’un des principaux problèmes méthodologiques en matière d’évaluation de la DPN est le type de méthode d’évaluation utilisée. En effet, les taux de prévalence varient de 2 % en moyenne, selon qu’il s’agit d’une autoévaluation (12 %) ou d’une hétéro-évaluation (14 %).


D’autre part, se pose la question de la spécificité de l’instrument utilisé. De nombreuses méthodes d’évaluation standardisées des dépressions ont été utilisées dans le cadre des études sur les DPN. Ainsi, le SADS (Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia) et le SCID (Structured Clinical Interview for DSM-III-R) sont retrouvés le plus fréquemment. L’utilisation de telles méthodes non spécifiques pose la question de leur validité dans cette période si particulière, où des critères comme le poids et le sommeil par exemple sont à évaluer de façon pondérée.


Il existe une échelle de dépistage spécifique de la DPN, l’ Edinburgh Postnatal Dépression Scale, qui est d’utilisation facile en clinique quotidienne.


Il s’agit d’une échelle se présentant sous la forme d’un auto-questionnaire qui comporte 10 items, et sa durée de passation est de quelques minutes. Les items sont côtés de 0 à 3, 0 pour l’absence de symptôme et 3 pour une symptomatologie sévère. La note finale est la somme des scores de chaque item. La formulation des items est simple, d’une précision discriminante optimum et d’une bonne acceptabilité.


Cette échelle a été traduite et validée en français en 1995 et les résultats de la validation française permettent de recommander d’utiliser un seuil supérieur à 12 en recherche, et supérieur à 11 dans un but de dépistage. Notons que cet instrument a une bonne cohésion interne, avec un coefficient de Cronbach de 0,87 pour la validation anglaise initiale et de 0,76 pour la validation française.


Les instruments majoritairement utilisés dans les travaux sur la DPN (EPDS, Post-Partum Screening Scale et Beck Depression Inventory) [3] identifient la DPN, mais plus facilement les épisodes dépressifs majeurs que les épisodes mineurs ou les symptômes infranosographi- ques, et soulignent que leur sensibilité reste relativement faible. Cela pose un vrai problème dans la démarche de recherche concernant la DPN, car en clinique, le risque de faux négatifs est plus préoccupant que le risque de faux positifs.

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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 65: Dépression postnatale

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