Chapitre 63 Suites de couches immédiates et plus lointaines
Suites de couches normales et pathologiques
Les suites de couches débutent 2 heures après l’accouchement, durent environ 6 semaines en se terminant par le retour de couches (retour des menstruations). Leur prise en charge initiale s’effectue généralement en maternité.
Suites de couches normales
Elles sont marquées par des bouleversements physiques et biologiques [1].
Modifications anatomiques
L’involution utérine se fait en plusieurs phases : une très rapide pendant les 2 premières semaines, puis une plus lente permettant de retrouver la taille d’un utérus prégravide au bout de 2 mois. Le segment inférieur réintègre la zone corps-col au bout de 2 jours. Le col retrouve sa longueur et se ferme à l’orifice interne en une semaine, il reste perméable à l’orifice externe jusqu’à 20 jours. Un ectropion peut persister 6 mois à 1 an. L’endomètre évolue en quatre phases :
Les lochies sont un écoulement vulvaire sérosanglant peu abondant et jamais purulent.
L’ovulation est possible à partir du 40e jour.
La congestion périnéale disparaît rapidement. La tonicité périnéale est progressivement retrouvée et corrélée à la réalisation d’une épisiotomie et à la qualité de réparation de déchirures périnéales.
La montée laiteuse se produit à partir de 48 heures postaccouchement par l’effondrement des hormones sexuelles et l’effet de la prolactine.
Modifications biologiques
Les œstrogènes, après s’être effondrés le lendemain de l’accouchement, réaugmentent à partir du 25e jour en l’absence d’allaitement, vers les 35-45e jours en cas d’allaitement.
La progestérone baisse pendant 10 jours et réaugmente à partir du 40e jour.
La prolactine augmente d’autant plus que la femme allaite, puis diminue à partir de 15 jours.
Glucose et lipides se normalisent dans les 3 mois suivant l’accouchement. Pendant les 15 premiers jours, il existe une tendance à l’hypercoagulabilité avec augmentation du fibrinogène et du complexe prothrombinique. La C réactive protéine est physiologiquement élevée jusqu’à un facteur 10.
Physiologie de l’allaitement
L’allaitement est traité séparément, dans un autre chapitre. Pour inhiber la sécrétion lactée, on utilise fréquemment en France un agoniste dopaminergique dérivé de l’ergot de seigle comme la bromocriptine (Bromo-Kin). Par son action hypothalamo-hypophysaire, il freine la sécrétion hypophysaire de prolactine. Ce produit est contre-indiqué en cas d’hypertension artérielle maternelle ou de prise associée d’autres dérivés de l’ergot de seigle. Les vertiges, maux de tête et diplopie doivent faire interrompre le traitement immédiatement. En l’absence d’effets indésirables, la durée de celui-ci est de 2 semaines et sa posologie de 2 comprimés par jour.
L’ensemble des éléments à surveiller dans le post-par- tum immédiat est regroupé dans l’encadré 63.1.
Suites de couches pathologiques
Complications hémorragique [2]
Complications précoces (dans les premières 48 heures)
C’est essentiellement l’inertie utérine et la rétention placentaire. Cette hémorragie précoce peut succéder à une hémorragie de la délivrance que l’on pensait maîtrisée. Elle survient donc dans les premières heures du postpartum. Elle est favorisée par la multiparité, l’accouchement dystocique, la surdistension utérine (macrosomie, hydramnios, gémellarité). L’utérus est mal involué et mou. Il faut bien sûr s’assurer qu’il est vide par une révision utérine et traiter par utérotoniques (Syntocinon ou Nalador). Il existe un traitement préventif à ces inerties utérines secondaires que l’on peut instituer si l’on a mis en évidence des facteurs de risques : garder plus longtemps ces femmes en salle de travail, laisser en place plus de 2 heures une perfusion d’ocytociques et peut-être dans l’avenir utiliser des ocytociques à action prolongée.
Le thrombus vaginal est plus rare ; il s’agit de collections sanguines des tissus cellulaires de la vulve, du vagin ou du paramètre, ayant tendance à diffuser, qui se constituent dans les suites immédiates du dégagement. Le plus souvent diagnostiqué en salle de naissance, le thrombus est en général extrêmement douloureux. La patiente se plaint d’envies de pousser. Il peut parfois être découvert en suites de couches… à la condition de soulever les draps. S’il est volumineux, très douloureux, extensif ou responsable d’une déglobulisation, il impose un traitement chirurgical. L’hématome est évacué, un saignement actif est recherché pour en réaliser l’hémostase. L’embolisation, lorsqu’on en dispose, a sa place en préopératoire. En fin d’intervention, un drainage est laissé en place 48 heures ainsi qu’un tamponnement et un traitement antibiotique.
Complications tardives
Endométrite émorragique
Le tableau clinique est le même que celui d’une endométrite simple (cf. infra) mais associé à des saignements supérieurs à la normale. En plus du traitement antibiotique habituel, les utérotoniques s’imposent.
Rétention placentaire
Il s’agit le plus souvent d’une rétention de débris placentaires plus que de débris membranaires. Les saignements sont supérieurs à la normale ou peuvent durer au-delà de 10 à 15 jours ; ils sont plus ou moins associés à des douleurs ou à des signes cliniques d’infection en cas de diagnostic retardé (fièvre, lochies malodorantes). L’échographie pelvienne est indispensable afin de confirmer l’absence de vacuité utérine et de définir l’importance de la rétention. Le traitement chirurgical étant pourvoyeur de nombreuses complications (perforations utérines, infections ou syné- chies utérines), il n’est envisagé qu’en cas d’échec d’un traitement médical par utérotoniques ou d’une rétention très volumineuse. Il consiste en l’évacuation utérine au doigt ou à la curette mousse sous contrôle échographique en limitant au maximum l’usage de l’aspiration.
Retour de couches hémorragique
Il s’agit d’un diagnostic d’élimination ; en effet, on recherche avant tout des signes en faveur d’une endométrite ou d’une rétention placentaire. L’examen clinique est normal en dehors de saignements abondants. La prescription d’une contraception hormonale comprenant des œstrogènes, en l’absence de contre-indications, améliore le plus souvent ce symptôme en diminuant l’atrophie endomé- triale responsable.
Des anomalies de la coagulation qu’elles soient acquises ou constitutionnelles (maladie de Willebrandt) peuvent aggraver ces complications hémorragiques.
Complications infectieuses [3]
Endométrite
Il s’agit de la première cause de fièvre dans le post-partum. Elle est favorisée par la rupture prolongée des membranes et le travail long, la chorioamniotite, les manœuvres endo-utérines (délivrance artificielle et révision utérine), l’accouchement dystocique et surtout la césarienne.
Les germes les plus fréquemment en cause sont les streptocoques (notamment le B responsable de 20 % à lui seul), les staphylocoques et les colibacilles.
Le diagnostic est clinique. Les signes d’appel sont des douleurs pelviennes modérées associées à des lochies abondantes malodorantes apparaissant vers les 4-5e jours et une température supérieure à 38,5 °C. On réalise une numération formule sanguine et des hémocultures (si la température dépasse 38,5 °C). À l’examen, l’utérus est mal involué et douloureux, le col est béant. Un prélèvement vaginal est réalisé afin d’identifier le germe responsable.
La patiente est hospitalisée. Une antibiothérapie à large spectre est instaurée en intraveineux type amoxicilline et acide clavulanique (Augmentin), adaptée secondairement aux résultats du prélèvement vaginal. Un relais per os est réalisé après 48 heures d’apyrexie.
Certains proposent l’utilisation d’utérotoniques pour favoriser la rétraction utérine (Méthergin ou Syntocinon). L’allaitement ne doit pas être interrompu.
L’évolution est généralement très rapidement favorable ; en cas contraire, il faut rechercher une rétention placentaire ou une thrombophlébite pelvienne suppurée.
Complications de l’allaitement (tableau 63.1)
La lymphangite est une inflammation du réseau lymphatique superficiel secondaire à une crevasse. Elle survient brutalement entre le 5e et le 10e jour et fait souvent suite à un engorgement mammaire (fébricule lors de la montée laiteuse à J3 associé à des douleurs mammaires bilatérales). La fièvre est à 39-40 °C, la patiente se plaint de douleurs mammaires violentes unilatérales. À l’examen, il existe un placard rouge, chaud, douloureux du sein avec parfois une traînée rosâtre vers l’aisselle et une adénopathie axillaire douloureuse. Le lait recueilli sur une compresse est propre sans pus (signe de Budin négatif). Le traitement comprend notamment une hygiène rigoureuse, des antalgiques de niveau 1 plus ou moins associés à des anti-inflammatoires. La guérison est rapide, en 24-48 heures.
La galactophorite survient généralement dans les suites d’une lymphangite vers le 10e ou 15e jour du post- partum. De début progressif, elle est révélée par une fièvre modérée à 38,5 °C et des douleurs mammaires unilatérales. À l’examen, le sein est douloureux dans son ensemble et le lait recueilli sur une compresse est souillé de pus (signe de Budin positif). L’allaitement est suspendu. Une antibiothérapie est rapidement instaurée après un bilan bactériologique.
En cas d’abcès mammaire, les douleurs mammaires sont pulsatiles et insomniantes. Une masse fluctuante est palpée. Le traitement est chirurgical et consiste en un drainage.
L’allaitement est définitivement contre-indiqué mais pas pour une grossesse ultérieure.

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