Chapitre 6 À propos du quartier disciplinaire des prisons L’isolement carcéral a longtemps pris la forme de supplices avec les cachots ou les oubliettes. Au 18e siècle, la rationalisation de la peine a été accompagnée de propositions organisationnelles. Un des objectifs était d’isoler le détenu des mauvaises influences. Grâce à l’introspection facilitée par l’isolement, il pouvait redécouvrir les valeurs morales afin d’obtenir sa rédemption [1]. Il était admis que l’isolement permettait d’éviter les effets négatifs de la promiscuité, et la « contagion » des mauvaises conduites. Ce modèle s’est développé au 19e siècle, aux États-Unis. Le système de Philadelphie prônait l’isolement de jour et de nuit, afin que le détenu fasse « pénitence », alors que le système d’Auburn à New-York n’imposait l’isolement que la nuit, le jour étant consacré au travail, dans le silence. Le système de Philadelphie a été adopté en France, sous l’influence de Tocqueville et de Beaumont [2]. Une circulaire de 1841 en précise les modalités : cellule de taille supérieure à 9 m2 permettant de travailler, promenoir individuel, parloirs cellulaires. Malgré la volonté de soumettre tous les détenus à ce régime, cette pratique se heurta à une réalité économique, les mesures d’isolement étant impossibles à mettre en œuvre partout. L’augmentation de la population carcérale en fit rapidement une mesure singulière à vocation disciplinaire. Plus récemment, Shalev, a publié de nombreux ouvrages dans lesquels elle dénonce la pratique de l’isolement carcéral [3] Actuellement, en France, les mesures d’isolement carcéral sont régulièrement critiquées par le corps médical. Lorsqu’un détenu ne respecte pas le règlement intérieur, il peut comparaître devant la commission disciplinaire («le prétoire » dans le glossaire carcéral). Le détenu y est présenté, éventuellement accompagné de son avocat. Sa version de l’événement est confrontée à celles de deux surveillants et parfois de témoins de la scène litigieuse. Le directeur de la prison fait office de juge et rend le verdict. Le décret D. 251 du CPP instaure une liste de fautes disciplinaires auxquelles correspondent des sanctions de degrés variables : avertissement, privation du droit d’achat par le système des « cantines », suspension des parloirs, retrait de la télévision, confinement en cellule individuelle ordinaire, placement en cellule disciplinaire pour 45 jours consécutifs au maximum. L’isolement au quartier disciplinaire est la mesure de référence. À titre d’exemple, en 1999 en France, il y a eu 40 000 procédures disciplinaires qui ont donné lieu à 27 500 placements en cellule disciplinaire. Cette organisation judiciaire est critiquée par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme qui considère que l’autorité pénitentiaire dispose d’une trop grande marge de manœuvre [4]. La cellule disciplinaire est un lieu de confinement d’au moins 8 m2. Les prisonniers sont seuls, séparés des autres détenus. Ils y passent généralement 22 heures par jour, soumis à une immobilité quasi permanente. Si beaucoup de progrès ont été réalisés depuis, les conditions de détention au quartier disciplinaire sont encore perfectibles. La proposition avait été faite de diminuer le nombre de jours d’isolement disciplinaire de 45 jours à 20 jours maximum [5]. Le Comité Consultatif National d’Éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé recommande, après avoir été saisi par l’OIP en 2005, d’encadrer la sanction disciplinaire « faute de quoi elle va à l’encontre de ses finalités disciplinaires en mettant en péril la santé mentale du détenu. » Il s’interroge aussi sur « la limite entre punition, traitement dégradant et torture, entre pouvoir de l’institution et protection des droits fondamentaux de la personne. » [6].
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Les mesures disciplinaires dans le dispositif pénitentiaire actuel
Description du quartier disciplinaire
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6: À propos du quartier disciplinaire des prisons
