31: Maladies infectieuses et grossesse

Chapitre 31 Maladies infectieuses et grossesse



Listériose, syphilis, tuberculose




Listériose



Biologie


Listeria monocytogenes (L. monocytogenes) est une bactérie ubiquitaire, largement répandue dans l’environnement hydrotellurique (sol, eau, plantes). Elle est détruite par la cuisson et la pasteurisation, mais résiste au froid et à la congélation à -15 °C. De plus, elle adhère facilement aux surfaces inertes et résiste à de nombreux agents chimiques et produits nettoyants. Ces caractéristiques expliquent la survie de la bactérie dans les environnements de fabrication des aliments (machines, matériel de découpe, etc.) et les réfrigérateurs.


L. monocytogenes est retrouvé dans 2 à 13 % des prélèvements de produits alimentaires à la distribution. La contamination affecte particulièrement les aliments transformés : charcuterie crue hachée (45 %), viande hachée (36 %), poissons fumés (16 %), fromages au lait cru à croûte fleurie (14 %) ou à croûte lavée (10 %) [1]. Dans 90 % des cas, la concentration en Listeria est très faible, inférieure à 100 UFC/g. Les aliments incriminés dans les épidémies survenues en France sont résumés dans le tableau 31.1.


Tableau 31.1 Aliments incriminés dans les épidémies de listériose en France.



































Année Nombre de cas Aliments incriminés
1992 279 Langue de porc en gelée, charcuterie à la coupe
1993 38 Rillettes
1995 36 Fromages à pâte molle (Brie)
1997 14 Fromages à pâte molle (Pont l’Évêque, Livarot)
1999 3 Fromages à pâte molle (Époisses)
1999 10 Rillettes
1999-2000 32 Langue de porc en gelée, charcuterie

d’après [1]



Épidémiologie et physiopathologie


La contamination humaine par l’alimentation est banale et habituellement sans conséquence. L’analyse ponctuelle d’un échantillon de selles est positive chez 1 à 4 % des sujets sains. Mais il ne s’agit pas d’un portage chronique. La répétition des examens montre que la présence de L. monocytogenes dans les selles n’excède pas en général 2 ou 3 jours. Dans certaines études, ce portage intestinal occasionnel a été retrouvé chez 70 % des sujets sains.


Après ingestion d’un aliment contaminé, les bactéries traversent la paroi intestinale et gagnent les ganglions mésentériques, puis le foie et la rate. La réponse immunitaire fait appel à l’immunité cellulaire, tandis que le rôle de l’immunité humorale est secondaire. Ce n’est que si l’inoculation est massive ou, surtout, s’il existe un terrain fragile ou immunodéprimé, que se développe une infection clinique. La listériose est exceptionnelle chez les adultes jeunes et en bonne santé. En dehors de la grossesse, plus de 70 % des cas concernent des sujets âgés ou fragilisés par un diabète, un alcoolisme, un cancer, etc. La femme enceinte fait partie de la population à risque, peut-être à cause de la diminution de son immunité cellulaire. Elle a 12 fois plus de risques de développer une listériose après consommation de produits contaminés qu’un autre adulte jeune en bonne santé. Dans cette hypothèse, le fœtus peut être contaminé par voie hématogène à la faveur d’une bactériémie maternelle.


Le tableau 31.2 présente l’évolution de l’incidence de la listériose en France depuis 1987 [2, 3]. Il montre une forte diminution des cas de listériose, dont l’incidence a été divisée par 2 à 3 en 10 ans. Cette diminution porte surtout sur les formes périnatales qui représentaient 51 % des cas en 1987 et seulement 22 % en 2000. Au total, l’incidence actuelle de la listériose est d’environ 4 cas par million d’habitants, dont une cinquantaine de cas chez des femmes enceintes.




Diagnostic et évolution



Diagnostic


La listériose chez la femme enceinte est diagnostiquée deux fois sur trois au 3e trimestre. Une fièvre comprise entre 38 et 41 °C, est présente dans 70 % des cas. Elle peut réaliser :






En revanche, les formes neurologiques sont rares chez la femme enceinte.


Dans près de 30 % des cas, il n’existe aucun symptôme maternel significatif, et la listériose est révélée a posteriori par ses conséquences fœtales et néonatales.


La sérologie, souvent demandée, est trompeuse. Elle peut rester négative chez des sujets dont la listériose est prouvée, peut-être parce que la défense contre l’infection fait essentiellement appel à l’immunité cellulaire. Inversement, les faux positifs sont fréquents en raison de réactions croisées avec d’autres germes. Le diagnostic est bactériologique par isolement de L. monocytogenes d’un site normalement stérile : sang, col utérin et vagin, plus rarement liquide amniotique, liquide céphalorachidien (LCR) ou urines. Les hémocultures sont l’examen de base et doivent être demandées chez toute femme enceinte ou parturiente présentant une fièvre inexpliquée. Mais aucun site n’est constamment positif. Dans une revue de la littérature incluant 160 cas [4], le germe a été isolé dans le sang chez 69 femmes (43 %), le vagin chez 54 femmes (34 %), le liquide amniotique chez 13 femmes (8 %), les urines chez 3 femmes (2 %) et le LCR chez 2 femmes (1 %). L’amniocentèse est parfois le seul prélèvement positif, mais elle a un deuxième intérêt potentiel. Pour certains, elle permet de guider le traitement obstétrical, car on peut douter de l’intérêt de prolonger la grossesse en cas de chorioamniotite au 3e trimestre. Après l’accouchement, le germe sera recherché dans le placenta et chez le nouveau-né (sang, peau, gorge, estomac, LCR, urines). L’examen du placenta peut montrer des abcès multiples, très évocateurs.




Traitement





Syphilis





Diagnostic


L’histoire naturelle de la syphilis comporte trois étapes :





Le dépistage sérologique est obligatoire lors de la déclaration de grossesse. Il repose sur deux tests :




Ce dépistage suffit chez la femme enceinte sans facteur de risque. Dans les groupes à haut risque (immigrés récents d’un pays endémique, prostituées, partenaires multiples, séropositives pour le VIH), un deuxième dépistage en fin de grossesse est recommandé. La posi- tivité d’un de ces deux tests impose de compléter les examens sérologiques par le FTA-Abs (Fluorescent Treponemal Antibody-Absorption), très spécifique.


Une syphilis impose une surveillance échographi- que au moins mensuelle à la recherche de signes d’atteinte fœtale : splénomégalie, hépatomégalie, intestin hyperéchogène, signes d’occlusion intestinale, anasar- que, retard de croissance intra-utérin. Leur présence est d’autant plus péjorative que le traitement administré à la mère semble peu efficace sur ces atteintes.




Tuberculose





Diagnostic et évolution


Une tuberculose doit être recherchée chez la femme enceinte en cas de sujet atteint dans l’entourage, de séropositivité pour le VIH, ou de symptômes suspects : fébricule prolongée, sueurs nocturnes, asthénie, anorexie, hémoptysie, notamment chez une femme née dans un pays du Tiers-monde.


Les examens de première intention sont l’intrader- moréaction (IDR) à la tuberculine – considérée comme positive en cas d’induration supérieure à 10 mm chez le sujet immunocompétent, et 5 mm chez les immunodé- primés – et la radiographie pulmonaire, pratiquée avec protection par un tablier de plomb. Une suspicion de tuberculose impose la recherche du BAAR dans les produits d’expectoration. Si ces prélèvements sont négatifs malgré un contexte clinique évocateur, on peut recourir au tubage gastrique ou à la fibroscopie bronchique avec aspiration des sécrétions.






Traitement


La grossesse influence peu le traitement de la tuberculose. Les antituberculeux sont tératogènes à fortes doses chez l’animal, mais aucun effet tératogène n’a été observé dans l’espèce humaine avec les posologies usuelles, et ce risque est très inférieur à celui d’une tuberculose non traitée. Les drogues utilisées sont donc similaires à celles indiquées en l’absence de grossesse : isoniazide (Rimifon 5 mg/kg/jour) et rifampicine (Rifadine 10 mg/kg/jour) pendant 9 mois, et éthambutol (Myambutol 20 mg/kg/ jour) pendant les 2 premiers mois. Aucune étude sur la tératogénicité de la pyrazinamide (Pirilène) n’a été entreprise et ce produit est donc contre-indiqué en France chez la femme enceinte. Cependant quelques publications font état de son utilisation durant la grossesse, sans majoration du risque de malformations fœtales. L’OMS recommande son adjonction pendant 2 mois dans les protocoles de traitement antituberculeux, en particulier en cas de résistance à l’isoniazide ou de rechute.


L’augmentation des besoins en pyridoxine (vitamine B6) au cours de la grossesse et la toxicité reconnue de sa carence sur le système nerveux font recommander sa prescription chez une femme enceinte recevant de l’isoniazide. La prise de rifampicine durant le 3e trimestre peut être responsable, chez la mère ou l’enfant, d’hémorragies postnatales précoces. L’administration de vitamine K1 per os à la mère pendant le dernier mois de grossesse, ainsi qu’au nouveau-né, permet de prévenir ces risques.


La prise en charge du nouveau-né dépend du statut maternel :







Streptocoque du groupe B






Épidémiologie


Le SGB est une bactérie commensale de l’intestin, du vagin, de l’urètre masculin, du périnée et des voies respiratoires. Son portage est donc fréquent.


On considère que 5 à 30 % des femmes en cours de grossesse sont colonisées par le SGB selon raffinement des techniques bactériologiques utilisées ; 30 à 40 % de leurs nouveau-nés seront colonisés.


Les données épidémiologiques internationales définissent l’IMF sur des critères bactériologiques d’hémocultures positives ou de culture de LCR, son incidence serait de 1,2 à 3,6 pour 1 000 naissances au sein desquels la fréquence du SGB est comprise entre 38 et 58 %.


Les taux varient selon la définition utilisée de l’infection. Plus particulièrement, les infections à sepsis prouvé, uniquement bactériologiquement, sous-estiment l’incidence de la maladie [4].


Il semblerait que l’incidence des infections à SGB soit variable d’un pays à l’autre.


Il est à noter que les taux d’infection varient avec le terme de la naissance (NP1) : plus la naissance est précoce, plus on retrouve d’infection maternofœtale.


La responsabilité des infections maternofœtales à SGB dans la mortalité périnatale a décru aux États-Unis entre les années 1970 et 1990 passant de 50 % à moins de 10 % (NP2).


Les données nationales du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) français permettent en 2001 de rapporter l’incidence des septicémies à SGB au nombre de naissances. Elle est comprise entre 0,79 et 0,83 %%. La mortalité associée est de 1,56 %.


Finalement, 5 à 30 % des parturientes sont colonisées par le SGB, 30 à 40 % des nouveau-nés seront colonisés dont 1 % d’entre eux développeront une IMF.



Évolution des idées


La première publication permettant aux cliniciens de prendre conscience du potentiel pathogène du SGB dans les IMF remonte à 1964 bien que le SGB ait été isolé sur des prélèvements vaginaux en 1935 et identifié pour la première fois en 1887 par Lancefield. Mais ce n’est que dans les années 1970 que le SGB est défini comme principal acteur des IMF avec un taux de mortalité néonatale variant de 20 à 50 %. Par ailleurs, le SGB est également reconnu comme un des principaux facteurs mis en cause dans les endométrites et septicémies maternelles.


Depuis, neuf sérotypes ont été identifiés à partir des structures antigéniques de la capsule. La répartition des sérotypes du SGB concernant la sphère génitale chez la femme enceinte est la suivante : 38 % Ia, 11 % Ib, 7 % II, 26 % III et 18 % V. Une répartition similaire a été mise en évidence dans le cadre des IMF (early onset), alors que dans les infections dites tardives, le sérotype III est majoritaire avec 64 %.


Après avoir identifié le SGB comme principal agent responsable des IMF dans les années 1970 avec corrélation des sérotypes, une politique de prévention est apparue comme nécessaire et indispensable dans les années 1980. Cette politique de prévention a été possible après identification des facteurs de risque de développer une IMF à SGB par l’équipe de Boyer (encadré 31.1) Ces facteurs de risque ont été validés par deux études prospectives. Ces dernières ont mis en avant le fait que tous les enfants infectés sont nés de mère ayant au moins un des facteurs de risque précédemment décrits. Pour l’American College of Obstetrics and Gynecology, le dépistage des facteurs de risque permettrait de prévoir 68,8 % des IMF à SGB… mais ignorerait plus de 30 % d’entre elles. L’idée est donc venue d’envisager un dépistage systématique qui est actuellement recommandé à 34-38 SA par prélèvement vaginal et identification bactériologique. Les tests à réponse rapide n’ont pour l’instant pas fait leur preuve.




Intérêt d’une antibiothérapie prophylactique contre le SGB et modalités d’administration [6,7,8]


L’objectif théorique de l’antibiothérapie prophylactique est de réduire la colonisation maternelle à SGB afin de diminuer le risque de contage et d’infection néonatale.


En cours de grossesse, celle-ci ne présente aucun intérêt. En revanche, en cours de travail, l’anti bioprophylaxie a fait la preuve de son efficacité avec une préférence pour un traitement guidé par le prélèvement systématique plutôt que par la détermination des facteurs de risque.


L’inflation des prescriptions d’antibiotiques expose cependant au risque de choc anaphylactique (1 cas mortel pour 100 000 administrations) et au risque de sélectionner des souches résistantes dans le groupe des bactéries gram-négatifs [9].


Les deux antibiotiques de première intention sont la pénicilline G et l’ampicilline. Le premier a l’avantage d’avoir un spectre plus étroit. Le début du traitement doit, pour être efficace, être initié 4 heures avant l’accouchement. La fréquence de colonisation du nouveau-né de mère porteuse de SGB décroît avec la durée du traitement passant de 50 % sans traitement ou dans l’heure qui précède l’accouchement, à 1,2 % avec un traitement de plus de 4 heures. Leurs posologies sont les suivantes :




En cas d’allergie, il est proposé 1 ’érythromycine ou encore la vancomycine s’il y a résistance du SGB à l’érythromycine.


De par la mise en place d’un dépistage systématique de fin de grossesse, de la connaissance des facteurs de risque d’IMF et de la prescription d’une antibiothérapie prophylactique pendant le travail, les taux d’IMF et de mortalité secondaire néonatale au SGB se sont stabilisés depuis le début du siècle (aux États-Unis 0,4/1 000 naissances avec 110 décès).





Toxoplasmose



L’infection à Toxoplasma gondii est une anthropozoo- nose ubiquitaire. Le plus souvent bénigne chez les sujets immunocompétents, elle peut provoquer une atteinte congénitale lors d’une transmission maternofœtale en cours de grossesse.


La contamination humaine est liée au cycle parasitaire qui fait intervenir un hôte définitif (le chat) chez lequel se produit une multiplication sexuée du parasite, et de nombreux hôtes intermédiaires qui peuvent l’héberger (tous les êtres à sang chaud). La contamination survient après ingestion d’aliments souillés (légumes) par les déjections de chats contenant des oocystes (issus de la multiplication sexuée) ou après ingestion de viande contenant des kystes (formes de résistance chez l’hôte intermédiaire), ce mode de transmission étant le plus fréquent.


La France est le seul pays à avoir organisé un dépistage mensuel des femmes séronégatives en cours de grossesse. La prophylaxie basée sur les recommandations alimentaires et les soins aux animaux domestiques est donc fondamentale.



Épidémiologie


En France, la séroprévalence des femmes en âge de procréer, porteuses d’anticorps, est d’environ 50 %. Le risque est plus élevé chez les femmes provenant de pays où la proportion de séronégativité est forte (Extrême-Orient, Scandinavie, etc.) [1].


La transmission maternofœtale du parasite s’effectue selon la séquence : toxoplasmose maternelle acquise, parasitémie, infection placentaire, puis parasitémie fœtale. L’infection maternelle est nécessaire à l’atteinte congénitale, mais si le placenta est un véritable réservoir avec fréquemment une placentite, la libération du parasite est inconstante [2].


Lors de la primo-infection, la dissémination hématogène conduit à une infection fœtale dans 30 % des cas environ. Le taux de transmission varie avec le terme de la grossesse : moins de 10 % au 1er trimestre, près de 40 % au 2e et plus de 70 % au 3e. Aucun traitement curatif ne permet de guérir les lésions fœtales et néonatales en cas de transmission in utero, et toutes formes confondues, le risque est évalué à 1 à 2 nouveau-nés atteints pour 1 000 naissances, soit plus de 700 cas pour 750 000 naissances annuelles [3].


La stratégie avant tout préventive vise à :





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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 31: Maladies infectieuses et grossesse

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