Chapitre 3 Prises en charge des patients présentant des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire La prise en charge des patients présentant des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire repose sur trois grands principes [1] : 1. le libre consentement du patient aux soins en prison ; 2. l’indépendance des soignants face à l’administration pénitentiaire et l’autorité judiciaire ; 3. l’intégration des soins psychiatriques dans le dispositif général du secteur psychiatrique. Le décret du 14 mars 1986 article 1 a mis en place des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire rattachés pour chacun à un établissement hospitalier public désigné par arrêté du ministre chargé de la Santé, après consultation du ministre de la Justice [2]. Les missions principales du S.M.P.R. sont les suivantes : prévention des affections mentales, diagnostics et traitements psychiatriques chez les détenus, suivi psychiatrique et psychologique post pénal, coordination et concertation des intervenants en santé mentale dans les établissements pénitentiaires, recherche épidémiologique, lutte contre les différentes addictions. Ces différentes activités de soins ne peuvent avoir lieu qu’avec le consentement du patient. Dans le cas où des soins sous contrainte sont indiqués, ils ne peuvent être dispensés qu’au sein de la prison et l’indication d’une hospitalisation d’office doit alors être discutée. Les modalités d’hospitalisation des détenus en psychiatrie sont régies par l’article D. 398 du Code de Procédure Pénale qui stipule « Les détenus atteints des troubles mentaux visés à l’article L. 342 du Code de la Santé Publique ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire. Au vu d’un certificat médical circonstancié et conformément à la législation en vigueur, il appartient à l’autorité préfectorale de faire procéder, dans les meilleurs délais, à leur hospitalisation d’office dans un établissement de santé habilité au titre de l’article L. 331 du Code de la Santé Publique. Il n’est pas fait application, à leur égard, de la règle posée au second alinéa de l’article D. 394 concernant leur garde par un personnel de police ou de gendarmerie pendant leur hospitalisation. » L’application de cet article est remise en question depuis la parution de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 10 septembre 2002 [3] qui envisage, entre autres, la construction d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour accueillir ces patients. Nous allons donc à travers ce chapitre, décrire les modalités de prise en charge de ces patients en prison et sur les secteurs de psychiatries générales. Longtemps, on a tenu cet article responsable de l’augmentation de la morbidité psychiatrique en détention par une diminution de l’utilisation de l’alinéa 1 de l’article permettant de déclarer irresponsable une personne atteinte de troubles mentaux. Mais les données montrent que cette disposition a toujours été peu utilisée et cela continue : depuis 10 ans, seulement 0,45 % des personnes mises en examen bénéficient d’une décision d’irresponsabilité [4]. En revanche, il est important de préciser que l’alinéa 2 de l’article lors de son application conduit à une augmentation de la durée des peines (alors qu’il est écrit : tient compte de cette circonstance). La politique actuelle des secteurs s’oriente vers un développement des prises en charge ambulatoire et une ouverture des services d’hospitalisation. Face à ce mouvement visant à une diminution de la stigmatisation des patients atteints de troubles mentaux, les secteurs sont moins bien équipés pour la prise en charge des patients dont la sévérité de la pathologie peut conduire à des passages à l’acte auto et/ou hétéro agressifs. Des études ont mis en évidence une augmentation de la criminalité chez les schizophrènes non pris en charge [5]. De plus, l’exclusion sociale chez ce type de patients demande une importante articulation du système de soin, du secteur social et médico-social qui est encore insuffisante. Une récente conférence de consensus sur « l’intervention du médecin en garde-à-vue » [6] a parfaitement montré combien les troubles psychiatriques étaient largement sous-diagnostiqués avant l’entrée en prison. L’hospitalisation fait partie du dispositif de soins proposés par les SMPR. L’indication de l’hospitalisation est posée par un psychiatre après libre consentement du patient. Malheureusement, les conditions d’hospitalisation s’éloignent fortement d’un séjour à temps complet au sein d’un hôpital [7]. Les chambres d’hospitalisation ne sont pourvues d’aucun équipement hospitalier traditionnel et ne diffèrent pas des cellules habituelles : aucun fluide médical, un confort spartiate, pas de sanitaires spécifiques, des lits métalliques éventuellement dangereux en cas de crise comitiale ou de malaise, parfois une sonnette (Caen, Lyon) mais pas toujours (Marseille, Fleury-Mérogis). À Bordeaux, le mode d’alerte la nuit consiste à appeler le mirador ou à laisser tomber un journal enflammé par la fenêtre. L’entretien du lieu d’hospitalisation réalisé par les détenus et non par des « agents de service hospitalier » peut créer des conditions d’hygiène douteuses. Mais la différence la plus significative, est l’absence dans la majorité des SMPR d’équipe soignante la nuit, mettant à mal les obligations de permanence et de continuité de soins faites aux services hospitaliers. Les SMPR de Fresnes et des Baumettes disposent d’un infirmier de garde, mais celui-ci doit passer par un surveillant pénitentiaire pour avoir accès au patient et ne peut ouvrir la cellule (traitement par voie orale donné sous la porte rendant impossible l’utilisation les traitements liquides ou injectables).
Introduction
Les besoins de soin en prison : pourquoi « surmorbidité psychiatrique » ?
Le système de soin en détention
L’hospitalisation
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