3. Formes particulières des dysphonies dysfonctionnelles

Chapitre 3. Formes particulières des dysphonies dysfonctionnelles


Raucité vocale infantile






Historique


D’abord considérée comme résultant d’une laryngite chronique, l’origine dysfonctionnelle de la raucité vocale infantile était déjà reconnue par Garel en 1922 (étude sur 434 cas présentée à la Société française d’ORL).

Tarneaud, en 1944, renforce ce point de vue, et critiquant le terme de laryngite chronique de l’enfance employé à l’époque, il démontre la faible importance étiologique des maladies infectieuses dans ces cas.



Clinique



Mode de début


Il est classique de dire que la dysphonie de l’enfant survient à l’occasion d’une altération passagère du larynx : laryngite banale pendant laquelle l’enfant n’a pas respecté le repos, ou tout au moins la modération vocale « qu’il aurait dû s’imposer ». Un comportement vocal d’effort en résulterait, persistant après la disparition de la laryngite. En fait, sur nos 69 cas, deux enfants seulement répondent à cette étiologie.

Classiquement encore, on incrimine l’amygdalectomie. La crispation laryngée due à la douleur pharyngée aboutirait à la constitution d’un comportement de forçage vocal. Sur nos 69 cas, nous n’en trouvons aucun répondant à cette étiologie. Dans une statistique de Cornut, 2,5 % des enfants en relèvent.

La dysphonie s’installe en général d’une façon progressive par périodes successives. Au début, l’épisode dysphonique est de quelques jours, suivi de quelques semaines de retour d’une voix normale. Puis ces épisodes se rapprochent et se prolongent de façon irrégulière au gré des périodes de vacances et de scolarité. Peu à peu, la dysphonie devient constante.


Symptomatologie



SIGNES SUBJECTIFS

Le plus souvent, l’enfant est peu conscient de sa dysphonie, et celle-ci le gêne peu. Il ne voit guère dans ce cas la nécessité que l’on s’occupe de sa voix. Les parents eux-mêmes ne sont pas toujours sensibles à la dysphonie, étant habitués au timbre vocal particulier de l’enfant. Dans ces conditions, c’est seulement l’instituteur, ou le pédiatre, ou un proche parent qui insiste pour que l’on amène l’enfant à la consultation. C’est souvent seulement à l’écoute de l’enregistrement de la voix que les parents, et – plus difficilement – l’enfant, prendront conscience de la réalité du problème vocal.

Dans certains cas cependant, l’enfant est réellement gêné et se plaint que sa voix « sort difficilement parfois ». Mais on ne rencontre pratiquement jamais chez lui les picotements, brûlures, tensions, douleurs ou oppression respiratoire rencontrés chez l’adulte. Souvent l’enfant reconnaît qu’il est gêné quand il s’agit de parler « pas fort » et quand il s’agit de lire en classe. La voix pour crier ou pour appeler au loin ne pose en général, selon lui, aucun problème.

Quant à l’insensibilité des parents à la dysphonie de l’enfant, elle n’est, bien sûr, pas générale : certains parents sont même particulièrement contrariés par l’altération de la voix de leur enfant.



SIGNES OBJECTIFS


Signes phoniques et altérations du comportement phonatoire

L’altération de la voix conversationnelle est variable et parfois considérable. Sur le plan acoustique, elle est le plus souvent caractérisée par les points suivants :





– aggravation de la tonalité ;


– modulation réduite ;


– raucité du timbre souvent très marquée ;


– finales parfois étouffées ;


– intensité généralement trop forte « dé-mesurée » alternant avec une quasiaphonie ;


– altération de l’articulation de la parole du fait de l’effort vocal.

Ces modifications acoustiques vont de pair avec un évident comportement de forçage : altération du souffle phonatoire et de la verticalité, turgescence des jugulaires, etc.

Dans d’autres cas, plus rares (enfants repliés, timides…), on observe un comportement de retenue avec voix voilée et de tonalité plutôt élevée.

Lors de l’épreuve de lecture, la voix est en général encore plus altérée que dans la voix conversationnelle.

En voix projetée (épreuve de comptage projeté), on observe à l’inverse, une amélioration souvent très importante de la voix qui peut dans certains cas, être tout à fait claire, bien que le comportement de forçage soit toujours présent.

La voix d’appel est très variable d’un essai à l’autre, des réussites inattendues alternant avec des émissions « étranglées » et des couacs.

Quant à la voix chantée, l’étendue en est limitée parfois à quelques notes dans le grave et quelques notes dans un aigu strident et éraillé. Le comportement d’effort est là encore, dans la plupart des cas, très important.


Examen de la paroi abdominale

Chez l’enfant dysphonique, et dans une proportion assez grande (7 enfants sur 10 environ), on constate une déhiscence de la ligne blanche de l’abdomen. Rappelons que la ligne blanche de l’abdomen correspond à une lame aponévrotique qui va de l’appendice xiphoïde au pubis et qui sert d’insertion antéro-interne aux trois muscles de la sangle abdominale. La déhiscence de la ligne blanche correspond chez l’enfant dysphonique à un défaut de fonctionnement des muscles de la sangle abdominale et en particulier de l’oblique externe (grand oblique). Notons qu’une telle déhiscence existe chez l’enfant non dysphonique, surtout avant 3 ans, mais sa fréquence est moindre (2 enfants sur l0).

La déhiscence de la ligne blanche de l’abdomen se met en évidence de la façon suivante : on demande à l’enfant allongé, les bras bien collés au corps, d’élever brusquement les pieds à 10 centimètres environ du divan d’examen, tout en gardant les jambes raides (fig. 6-1) : lors de cette élévation des jambes, on voit saillir entre les deux Grands Droits une tuméfaction allongée selon l’axe du corps, molle au toucher, donnant l’impression d’une faiblesse de la paroi abdominale à ce niveau. Cette saillie est d’une largeur variable : un demi à trois centimètres. Elle peut s’étendre depuis l’ombilic jusqu’à l’angle xiphoïdien ou n’intéresser qu’une portion de cette zone.







– on peut imaginer que l’enfant ne sait pas se servir de ses abdominaux lors de l’émission vocale et que ceux-ci ne se sont pas bien développés, ce qui expliquerait la faiblesse de la paroi abdominale ;


– on peut imaginer à l’inverse, que c’est la paroi abdominale qui est faible à l’origine, empêchant l’enfant de réaliser normalement le souffle abdominal.

La première hypothèse semble la plus probable.


Statique générale du corps

On a signalé chez les enfants dysphoniques l’existence de problèmes concernant la statique générale du corps se manifestant par une tendance aux chutes fréquentes. Ceci semble confirmé par des études faisant appel aux techniques de stabilométrie.


SIGNES LARYNGOSCOPIQUES

L’examen au tube droit est parfois possible mais la fibroscopie par voie nasale est en général mieux supportée.

Le larynx de l’enfant dysphonique peut se présenter d’abord comme absolument normal. Cette normalité laryngée est observée dans 63 % des cas par Cornut et dans 40 % des cas dans notre statistique personnelle (28 cas sur 69).

Dans d’autres cas, on observe des lésions plus ou moins importantes de la muqueuse des plis vocaux correspondant à des laryngopathies dysfonctionnelles (Tarneaud), c’est-à-dire consécutives au comportement de forçage.

Un aspect très classique mais relativement rare dans notre statistique personnelle (3 cas sur 69), décrit par Garel, est celui des plis vocaux en grains d’orge (fig. 6-2). Il s’agit d’une sorte de gonflement régulier des plis vocaux pouvant effectivement évoquer la forme de deux grains d’orge.


Plus souvent, on observe des nodules dont la particularité est d’être en général très antérieurs : à l’union du 1/4 antérieur et des 3/4 postérieurs du pli vocal (et non du 1/3 antérieur et des 2/3 postérieurs comme chez l’adulte). Cette localisation particulière s’explique par la taille proportionnellement plus grande chez l’enfant de l’apophyse vocale.

Dans notre statistique personnelle, nous avons observé 24 cas de nodules sur 69, auxquels on peut ajouter 4 cas d’ébauche nodulaire.

Très souvent, le nodule est bilatéral (17 cas sur 69), réalisant le classique aspect de nodules en miroir (ou « kissing nodules ») (fig. 6-3).










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Fig. 6-4


Plus rarement enfin, on peut observer des lésions telles que pseudo-kystes (et kystes muqueux).


Diagnostic différentiel


C’est essentiellement l’examen laryngoscopique qui permet de différencier la dysphonie dysfonctionnelle de l’enfant des dysphonies d’origine organique. Il est en effet impossible d’affirmer l’origine purement dysfonctionnelle ou non de la dysphonie en s’appuyant sur les seules données cliniques.

On éliminera l’origine purement dysfonctionnelle en observant au niveau des plis vocaux des lésions telles que sillon, glotte ovalaire, palmure, kyste congénital et surtout papillomes. Ces lésions seront à différencier des laryngopathies dysfonctionnelles citées plus haut (nodule, pseudo-kyste…). Bien sûr, comme nous le verrons, les caractères acoustiques de l’altération vocale peuvent permettre d’orienter parfois le diagnostic vers une dysphonie d’origine organique. Mais c’est la laryngoscopie, éventuellement suivie de l’examen histologique, qui seule, apportera une certitude.

Le diagnostic différentiel a une grande importance dans les dysphonies de l’enfant. En effet, l’existence ou non de lésions organiques à l’origine de la dysphonie, conditionne dans une large mesure, la conduite thérapeutique et le pronostic.

Faut-il rappeler à cette occasion qu’aucune rééducation vocale ne saurait être entreprise sans qu’un examen laryngoscopique n’ait été pratiqué ou prévue prochainement ?


Étiopathogénie


Comme dans toutes les dysphonies dysfonctionnelles, le trouble vocal découle de la constitution du cercle vicieux du forçage vocal. Nous avons noté plus haut qu’une laryngite ou une amygdalectomie peuvent constituer des facteurs déclenchants.

Il est certain par ailleurs, que la dysphonie est souvent en rapport avec des difficultés d’ordre psychologique, sous la dépendance de problèmes familiaux (naissance d’un petit frère) ou scolaires. Témoignent de ces difficultés l’existence fréquente de troubles parallèles tels que énurésie, bégaiement, difficultés d’adaptation scolaire, dyslexie, dysorthographie, tendance à l’anxiété qui se cache parfois sous l’exubérance du comportement.

Citons enfin la fréquence de l’imitation à l’origine de la dysphonie, qu’il s’agisse de l’imitation d’un parent dysphonique (pour Cornut, 26 % des enfants dysphoniques ont une mère dysphonique), d’une institutrice dysphonique ou d’une personne non dysphonique à laquelle l’enfant tend à s’identifier, un maître à la voix grave par exemple.


Traitement



L’information


L’information a, on le sait, une grande importance en matière de thérapeutique vocale. On peut dire que c’est le deuxième élément du traitement, le premier étant l’écoute. Cette importance de l’information est encore plus grande dans le cas de la raucité vocale infantile. Elle s’adressera aussi bien aux parents qu’à l’enfant luimême.



COMPRENDRE LA SIGNIFICATION DE LA DYSPHONIE DANS LA VIE DE L’ENFANT

Comme nous l’avons vu, la dysphonie est souvent en rapport avec des problèmes psychologiques. Il sera bon que les parents voient comment cette dysphonie se rattache au tempérament de l’enfant et à ses éventuelles difficultés familiales et scolaires.

L’augmentation de la dysphonie pourra alors leur apparaître comme un signal d’alarme indiquant que quelque chose ne va pas dans la vie de l’enfant.


ADOPTER UN COMPORTEMENT ADÉQUAT VIS-À-VIS DE LA DYSPHONIE

Les parents seront informés qu’il ne sert à rien d’interdire les cris. En effet, d’une part ce n’est pas la force de la voix qui nuit à la voix mais l’effort pour faire la voix. D’autre part, ce n’est pas en pensant à sa propre voix qu’on peut la régler correctement mais plutôt en pensant à l’effet qu’elle produit dans l’oreille de ceux qui l’entendent. Ils cesseront donc de tenir à l’enfant des propos du genre : « Ne crie pas comme ça, tu abîmes tes cordes vocales », mais ils seront par contre invités à exprimer de temps à autre comment ils ressentent l’altération vocale de leur enfant : « Ta voix me fait un peu mal aux oreilles ces temps-ci » ou « Tiens, on dirait que ta voix va un peu mieux en ce moment… ». De même, ils n’hésiteront pas à parler avec leur enfant de sa dysphonie et de la manière dont ils la ressent luimême.

Les parents devront éviter une attitude répressive vis-à-vis des activités vocales : pas d’interdiction de football, de récréations ni de piscine, même si la voix en pâtit. L’expérience prouve en effet que ces interdictions sont un poids de plus sur les épaules de l’enfant, ce qui ne hâte pas la résolution de son problème.

Quant à l’enfant, on lui donnera des explications adaptées à son âge sur le mécanisme du forçage vocal et sur les modalités des traitements éventuels.

En ce qui concerne la pratique du chant à l’école, elle devra cesser d’être obligatoire pour l’enfant.



Traitement chirurgical


Une amygdalectomie ou une adénoïdectomie pourront parfois se révéler nécessaires.

Quant à la microchirurgie laryngée, elle pourra intervenir sur un pseudo-kyste, un kyste muqueux ou même sur un nodule.

L’intervention cependant, ne sera pratiquée qu’après un traitement rééducatif et seulement si l’enfant présente après celui-ci, une gêne encore importante. Cette intervention s’imposera plus souvent dans le cas d’un enfant pour lequel la voix chantée est une activité importante (enfant faisant partie d’une maîtrise par exemple).


Traitement rééducatif



UNE CONDITION INDISPENSABLE : LA MOTIVATION DE L’ENFANT

Dans la plupart des cas, c’est la rééducation vocale qui constitue la partie la plus importante du traitement et parfois c’est le seul traitement réellement approprié. Celui-ci cependant n’est guère possible avant l’âge de six ans.

Une condition essentielle pour la réussite de la rééducation est que l’enfant soit réellement motivé et ceci implique qu’il comprenne clairement à quoi l’engage un tel traitement.

Établir la réalité de cette motivation est un problème moins simple qu’il ne paraît au premier abord. On peut bien sûr interroger l’enfant au sujet de sa voix : « Qu’est-ce que tu penses de ta voix ? Elle va bien ou elle t’embête ? Tu peux faire tout ce que tu veux avec ta voix ? Elle est tout le temps là ta voix ou elle s’en va quelquefois ? Ça t’embête qu’elle n’aille pas bien ta voix ou bien est-ce que ça t’est égal ? » Une réponse sincère n’est pas toujours possible d’emblée. En effet, l’enfant redoute souvent une sanction thérapeutique désagréable s’il reconnaît ses difficultés vocales : il ira « en rééducation au lieu d’aller jouer avec ses copains » ; « on va lui enfoncer des trucs dans la gorge » ou « lui faire des piqûres »… Peu à peu cependant, l’enfant finira par exprimer ses réels sentiments à ce sujet lorsqu’il aura senti qu’on a réellement envie de l’aider et qu’on ne lui imposera rien sans qu’il soit d’accord, malgré l’insistance, souvent, de ses parents à lui faire accepter un traitement jugé par eux indispensable : la motivation des parents ne peut en aucun cas remplacer celle de l’enfant.

Quand l’enfant a compris que l’on remet son problème vocal à sa juste place en évitant de lui donner plus d’importance qu’il n’a en réalité, il se sent protégé et l’on peut, dès lors plus facilement savoir s’il y a vraiment pour lui un problème suffisant pour justifier une intervention thérapeutique. Peut-être même, pourra-t-il admettre que maman a le droit d’avoir les oreilles agacées par sa voix et que cela constitue pour lui une source d’ennuis qu’on peut l’aider à éliminer.

En réalité ce qui se joue lors du premier contact où la mère se voit imposer, pour des raisons stratégiques, le respect de la motivation de son enfant, dépasse largement le problème de la voix et l’on agit là au niveau des relations de pouvoir : en restant dans l’épaisseur de la réalité concrète (la motivation vraie de l’enfant est réellement indispensable à la prise en charge thérapeutique) on a sans le vouloir directement, une action déterminante au niveau des rapports psychologiques entre cette mère et son enfant dans le sens de l’accession à l’autonomie de celui-ci.


Le problème est plus simple lorsque la demande de prise en charge est celle de l’école : l’établissement d’un certificat déclarant que l’on s’occupe du problème pourra suffire. Dans le même ordre d’idée, il sera parfois nécessaire de prendre contact au sujet de l’enfant, avec tel médecin ORL préoccupé d’une manière sans doute excessive de l’intégrité anatomique des plis vocaux, ayant donné des consignes de répression de la dysphonie. On sait que le résultat le plus clair de telles consignes est plutôt d’entraver le plein épanouissement de cet enfant souvent débordant de vitalité et d’énergie et dont le problème est justement parfois de ne pas trouver un espace de vie suffisamment large pour lui.


DE COURTES SÉRIES DE SÉANCES

La rééducation se traduira comme chez l’adulte par des séances bi-hebdomadaires puis hebdomadaires mais il sera préférable de préconiser des séries relativement limitées de séances.

Quel que soit le résultat (nul, incomplet ou satisfaisant), on aura rarement intérêt à dépasser les quinze ou vingt séances. Au-delà de ce nombre, la rééducation risque fort de devenir routine inefficace. La reprise de la rééducation quelques mois plus tard pour une nouvelle série éventuelle aura beaucoup plus de chances d’être profitable si l’on a su s’arrêter avant que l’enfant ne se lasse. De plus, en l’espace de six mois beaucoup de choses peuvent changer dans la vie d’un enfant, aboutissant à des conditions plus propices à la rééducation.

Les séances seront consacrées, comme chez l’adulte, à la pratique d’exercices concernant la relaxation, la maîtrise du souffle et de l’attitude verticale, puis l’émission vocale. Certains exercices particuliers concerneront le problème de la déhiscence de la ligne blanche de l’abdomen.

L’expérience montre que de meilleurs résultats sont obtenus lorsque l’un des parents assiste à chaque séance.

On a observé par contre, que la pratique régulière ou non d’exercices à la maison n’avait pas d’incidence sur le résultat final. On fera une exception cependant pour les exercices de la poupée de chiffon et de la lutte bretonne pratiqués avec la mère de temps à autre sous forme de jeu ainsi que les exercices de l‘essuie-glace et de la petite chaise en cas de déhiscence de la ligne blanche de l’abdomen.


PRATIQUE DE LA RELAXATION

Nous avons décrit une technique de relaxation chez l’enfant dans le tome 4 auquel nous renvoyons le lecteur. Il s’agit de la pompe à balancier à préférer – pour commencer – à la relaxation les yeux ouverts et à la classique poupée de chiffon.


EN CAS DE DÉHISCENCE DE LA LIGNE BLANCHE DE L’ABDOMEN

Nous proposons, en cas de déhiscence de la ligne blanche de l’abdomen, deux exercices destinés à développer les muscles obliques et transverses. Ils sont à préférer aux exercices abdominaux classiques (ciseaux avec pieds allongés en décubitus dorsal) qui ne développent guère que les Grands Droits.


L’essuie-glace (fig. 6-5)

Le sujet est étendu sur le dos, jambes allongées, bras en croix, paumes à plat sur le sol, épaules basses, cou dégagé, reins collés au sol.






1. la jambe droite s’élève à la verticale, l’autre jambe restant bien tendue ;


2. la jambe descend vers le côté gauche en se rapprochant le plus possible de la main gauche plaquée au sol, l’autre jambe restant le plus en place possible ;


3. la jambe remonte à la verticale ;


4. la jambe revient à la position de départ.

Même mouvement avec la jambe gauche qui descend en direction de la main droite.

Remarque : le temps utile de l’exercice est le 3e temps. Pour qu’il soit efficace, il convient de faire bien attention aux deux points suivants :





– éviter la cambrure ;


– obtenir que le bassin se remette en place en premier : c’est en ramenant au sol la fesse soulevée que l’enfant fait prendre à sa jambe la position verticale.

La formule de l’exercice est la suivante :




– jambe droite :

en haut/à gauche/ en haut/en bas ;


– jambe gauche :

en haut/à droite/en haut/en bas.

Deux ou trois enchaînements seront parfaitement suffisants au début de l’entraînement. Ils déterminent d’ailleurs une fatigue intense prouvant leur nécessité.


La petite chaise (fig 6–6)

Le sujet est dans la même position que dans l’exercice précédent mais il a replié ses membres inférieurs, cuisses verticales, jambes horizontales, genoux en équerre collés l’un contre l’autre. Les cuisses verticales représentent les pieds de devant de la chaise ; les jambes horizontales constituent le siège proprement dit ; les pieds (relevés) de l’enfant figurent le dossier de cette chaise dont les pieds de derrière ne sont pas matérialisés.


Le déroulement de l’exercice est le suivant :





1. les genoux sont portés légèrement à droite, les talons étant entraînés dans ce mouvement (les jambes doivent en effet rester parallèles à l’axe du corps) ;


2. les genoux sont ramenés à la position de départ ;


3. les genoux sont portés légèrement à gauche ;


4. les genoux sont ramenés à la position de départ.


Remarque : lors des mouvements de déplacements latéraux des genoux, il convient de s’assurer que l’enfant ne soulève pas alternativement chaque fesse mais que ses deux fesses restent constamment au sol, le bassin étant fixé. Ceci entraîne un léger mouvement de glissement vertical des genoux l’un par rapport à l’autre accompagnant chaque mouvement latéral. De cette façon, le plan constitué par les deux jambes (le siège) reste bien horizontal. Ceci correspond à ce qui se passe lorsqu’on s’agite sur une chaise dont les assemblages ont du jeu.

La formule de l’exercice est la suivante :




– genoux équerre :

à droite/au milieu/à gauche/au milieu/à droite/au milieu…

Ces deux exercices pourront ensuite être rythmés par la respiration. Ils seront alors exécutés plus lentement. Chaque mouvement sera effectué sur l’expiration en soufflant tranquillement par la bouche, l’inspiration se faisant par le nez pendant l’arrêt entre chaque mouvement. Cette respiration sera autant que possible abdominale.

La pratique de ces exercices permet d’obtenir la régression de la déhiscence en quelques semaines et sa disparition en quelques mois.


ENTRAÎNEMENT DU SOUFFLE

Dans le tome 4, nous avons décrit l’exercice du canard qui est une adaptation à l’enfant du souffle rythmé (2, 8, 4) exercice pratiqué en position couchée.

Quant aux exercices de souffle en position debout, on peut utiliser l’exercice du sagittaire (cf.tome 4) On évitera cependant de se lancer dans des explications détaillées comme on est souvent amené à le faire avec l’adulte. La simple imitation sera dans bien des cas suffisante, sans pour autant négliger la référence au bateau imaginaire sur la mer imaginaire qui reste, pour l’enfant comme pour l’adulte, essentielle. On pourra cependant aider grandement l’enfant au moyen de la manœuvre suivante : assis sur une chaise ou un tabouret, le rééducateur tient l’enfant de profil entre ses genoux. Il exerce au moment de chaque émission du souffle, une pression sur la paroi abdominale de l’enfant à l’aide d’une main tandis qu’il empêche le recul de son corps en plaçant l’autre main en arrière, au niveau de sa taille.


VERTICALITÉ ET STATIQUE


Quant aux problèmes concernant la statique, ils pourront faire l’objet de certains exercices tels que la lutte bretonne que l’enfant aura beaucoup de plaisir à pratiquer avec sa mère : l’occasion d’essayer de déséquilibrer sa propre mère n’est pas sans intérêt sur le plan psychologique.


La lutte bretonne

L’enfant place le bord externe de son pied droit contre le bord externe du pied droit de sa mère. Il attrape l’avant-bras droit de sa mère avec son avant-bras droit, sa mère tenant de la même façon l’avant-bras droit de l’enfant.

Le jeu consiste alors à tenter de déséquilibrer « l’adversaire » en tirant, en poussant et en imprimant des secousses latérales. On gagne dès que l’adversaire a soulevé un talon ou déplacé un pied.

Au cours de cet exercice, l’enfant apprend à utiliser correctement le contrepoids du bassin.


PRATIQUE VOCALE

Pratiquement tous les exercices vocaux que avons décrits pour l’adulte – et chacun peut en inventer d’autres – peuvent être employés chez l’enfant.

On évitera cependant le Gravollet, les voyelles ou le comptage aimable dont on ne voit guère pour lui l’intérêt. En revanche, outre la pratique du chant, trois exercices paraissent particulièrement adaptés. Il s’agit du comptage projeté, de la sirène (qui prendra pour l’enfant le nom de « le loup ») et de la lecture expressive.


La lecture expressive

Selon le goût et le niveau de lecture de l’enfant, on pourra pratiquer avec lui la lecture accompagnée et commentée ou la lecture indirecte inversée expressive.

Dans la lecture accompagnée et commentée, le rééducateur et l’enfant lisent ensemble en gardant au maximum le contact avec le sens du texte, malgré les préoccupations concernant la technique du souffle et de l’attitude qui pourront faire l’objet par moment, de quelques rectifications.

Dans la lecture indirecte inversée expressive, l’enfant commence par lire un « bout de phrase ». Le rééducateur redit le bout de phrase en question mais avec un souci d’expressivité authentique. L’enfant reprend le bout de phrase suivant et ainsi de suite. Lorsque tout va bien, l’enfant se met progressivement à adopter une lecture plus expressive. Lorsque cela n’est pas le cas, le rééducateur pourra faire remarquer à l’enfant son manque d’expressivité grâce à l’écoute de l’enregistrement et l’inciter à tâcher de lire non seulement « les mots » mais « l’histoire elle-même ».

On prendra garde à éviter une expressivité d’emprunt, ce que nous appelons le « ronron pseudo-expressif » ou la « surenchère d’émerveillement » en restant dans une expressivité authentique au plus près du réel sentiment suscité par l’histoire. Comme dans l’exercice précédent, quelques consignes seront données de temps à autre concernant l’attitude et la technique du souffle. Tout l’art du rééducateur sera de faire en sorte que ces préoccupations techniques n’altèrent pas la qualité expressive de la lecture.



Conclusion


Pour conclure, nous insisterons sur les points suivants :





– la raucité vocale de l’enfant est une affection fréquente et le plus souvent bénigne. Elle nécessite cependant l’établissement d’un diagnostic précis à la recherche, en particulier, des lésions organiques causales ;


– la rééducation est souvent très efficace, mais si elle ne l’est pas rapidement, on a intérêt à ne pas s’acharner à obtenir un résultat phonatoire parfait. De toute façon, la motivation de l’enfant vis-à-vis de la rééducation vocale est un élément indispensable à la réussite de celle-ci ;


– la raucité vocale est à replacer dans le contexte de la vie de l’enfant. Elle est souvent (mais pas obligatoirement) la traduction de difficultés d’ordre psychologique familiales ou scolaires (sonnette d’alarme) ;


– si cette dysphonie persiste malgré le traitement, l’essentiel est que celle-ci apporte le minimum de gêne à l’enfant et à son entourage. Dans cette optique, amener l’enfant et sa famille à comprendre au mieux le mécanisme et la signification de cette dysphonie est un élément primordial.


Conseils bibliographiques


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Troubles de la mue






Physiopathologie


Chez le garçon, entre 13 et 16 ans, les plis vocaux s’allongent. Cet allongement des plis vocaux est exactement contemporain de l’apparition des poils au niveau de la lèvre supérieure.

Ce brusque allongement détermine une « aggravation » de l’étendue vocale (fig. 6-7). Le sujet gagne cinq à sept tons vers le grave. Auparavant, la voix atteignait le sol2 ou le mi2 ; désormais, elle peut descendre au la1 au moins et parfois jusqu’au mi1, voire au do1 (limite extrême).


Par contre, l’étendue vocale ne perd que deux à trois tons aigus. La voix de l’homme est ainsi plus étendue que celle de l’enfant ou de la femme, du moins potentiellement.

À ce problème de l’augmentation brutale de l’étendue vocale se surajoute dans les pays occidentaux du moins, l’obligation chez l’homme d’utiliser habituellement le registre 1. L’usage du registre 2 dit de fausset ou plus exactement son usage exclusif, marginalise en effet l’homme occidental. Notons que cette relative prohibition du registre 2 est probablement d’apparition récente et n’existe guère, semble-t-il que depuis le XVIIe siècle. En revanche, ce registre est utilisé de façon parfaitement acceptée dans d’autres régions du globe, en Afrique du Nord et en Orient notamment.

On parle parfois de mue vocale chez la fille, mais s’il est vrai que la voix de celle-ci se modifie au cours de l’adolescence, cette modification n’est pas chez elle en rapport avec un allongement brutal et déstabilisant des plis vocaux. La persistance d’une voix de petite fille chez certaines femmes d’age mûr constitue parfois un problème mais il paraît abusif de l’assimiler à celui des troubles de la mue chez le garçon. Si cet allongement brutal des plis vocaux n’existait pas chez le garçon, personne n’aurait l’idée d’évoquer l’idée d’une quelconque mue vocale pour un sexe comme pour l’autre. De plus, la femme occidentale dispose d’une liberté totale quant à l’usage des registres vocaux. Elle peut s’exprimer exclusivement en voix dite de poitrine (mécanisme 1) ou en voix de tête (mécanisme 2) ou passer par moment ou continuellement de l’un à l’autre sans se trouver marginalisée pour autant. De toute manière force est d’admettre qu’en tout pays la parité en matière vocale, n’existe pas !

Chez l’enfant, on recommande parfois l’usage exclusif du registre 2. C’est le registre habituellement utilisé dans les chorales enfantines. Cette limitation est probablement assez discutable.

Chez l’homme, l’abandon du registre 2 au moment de la puberté devient un signe de virilisation. En quelque sorte, le jeune homme fait le sacrifice de sa voix de tête en échange de la reconnaissance publique de sa virilité.

L’homme utilise néanmoins de temps à autre sa voix « de tête », soit pour réaliser des imitations de voix féminines, soit spontanément dans l’excitation psychologique intense (plaisanteries, rire…).





Rappelons que le registre 1, dit de poitrine s’obtient grâce à un accolement des plis vocaux en forme de bourrelets épais (fig. 6-8a) et que le registre 2, dit léger ou de tête s’obtient grâce à un accolement des plis vocaux en forme de lames minces (fig. 6-8b). Ceci peut s’observer à l’examen tomographique (cf. chapitre 2). Le passage d’un registre à l’autre se fait grâce au « yodel » (petit accident de la voix, caractéristique de la tyrolienne).

Les troubles de la mue surviennent lorsque le sujet a du mal à s’adapter à la double exigence suivante :






– celle de sa physiologie : ses plis vocaux se sont allongés ;


– celle de la civilisation dans laquelle il vit : il ne doit plus désormais utiliser sa voix de tête, sauf de façon exceptionnelle.

Les raisons pour lesquelles cette adaptation a été manquée sont variables. Les plus habituelles sont les suivantes qui peuvent d’ailleurs s’associer :





– le sujet avait une jolie voix étant enfant et chantait en chorale. Il a résisté inconsciemment au changement anatomique en tâchant de conserver sa voix d’enfant ;


– la croissance a été rapide comme en témoigne la longueur de ses membres supérieurs (macroskélie) ; il n’a pas eu le temps de s’adapter à ce changement précipité ;


– de type introverti, il ne s’est pas intéressé à cette modification de ses possibilités vocales ;


– il n’était pas mûr psychologiquement pour ce changement ;


– sa mère a exprimé plus ou moins ouvertement son déplaisir aux premiers signes d’évolution vers la voix d’homme manifestant par là sa résistance à voir son fils grandir. Ce dernier cas de figure est évidemment le plus typique mais il faut se garder de le généraliser à tous les cas de problèmes de mue.

Signalons en outre que l’instabilité du registre vocal avec usage momentané plus ou moins prolongé de la voix de fausset se rencontre fréquemment dans certaines pathologies mentales graves comme la schizophrénie.

May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3. Formes particulières des dysphonies dysfonctionnelles

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