1. Examen de la voix et du comportement phonatoire

Chapitre 1. Examen de la voix et du comportement phonatoire




Trois remarques préliminaires fondamentales




Les critères de normalité sont aléatoires


Déterminer objectivement en quoi et dans quelle mesure une voix est pathologique n’est pas aussi aisé qu’on pourrait le croire. Il existe bien sûr des normes établies, tenant compte de l’âge, du sexe et du type de voix, mais celles-ci ne concernent guère que la tonalité (hauteur de la voix) et peu, ou pas du tout les autres caractères acoustiques de celle-ci (intensité, timbre).


La qualité de la voix varie parfois de façon considérable, selon qu’elle est émise dans telle situation ou dans telle autre. Pour bien faire, il faudrait examiner le comportement vocal dans les diverses occasions de la vie. Sans en venir là, il faudra au moins éviter de s’en tenir, comme on le fait trop souvent, à l’appréciation de la voix conversationnelle, telle qu’elle se produit dans la situation de l’examen médical. Il faudra examiner, même si cela doit rester un rien artificiel, la voix implicatrice, dite projetée (et en particulier la voix d’appel) ainsi que la voix chantée.

Cette étude doit, de plus, être « dynamique » et considérer non seulement les performances réalisées mais encore la facilité relative avec laquelle elles l’ont été : une voix d’apparence normale peut, à l’examen, se révéler pathologique du seul fait de son manque de maniabilité, mettant la fonction vocale dans l’impossibilité de s’adapter à des circonstances un peu inhabituelles.


Le comportement vocal a plus d’importance que la qualité acoustique de la voix


Par ailleurs, ainsi que le suggère le titre de ce chapitre une étude de la voix qui ne tient pas compte du comportement général du sujet (comportement phonatoire) ne peut guère apporter de conclusions valables quant à la compréhension d’une dysphonie. Ainsi l’étude des caractères acoustiques de la voix, qu’elle soit directe – à l’oreille – ou instrumentale, ne saurait suffire à apprécier valablement le caractère pathologique ou non pathologique d’une voix. Il est nécessaire d’apprécier corrélativement le comportement physique du sujet (mécanique du souffle, comportement éventuel de forçage) ainsi que sa façon d’être, globale, par rapport à la phonation (importance de la voix dans la vie professionnelle du sujet, niveau d’exigence quant à la qualité de sa voix, signification de la voix dans sa vie). Pour tout dire, il convient de comprendre comment le patient « vit » sa phonation, en se gardant bien de laisser de côté la subjectivité de celui-ci : une voix très particulière, s’écartant notablement de la norme peut être fort bien acceptée et tolérée, ne procurant aucune gêne au sujet ni à son entourage. Une voix ne s’écartant que peu ou pas de la norme peut, par contre, s’avérer pathologique simplement parce qu’elle n’est pas acceptée par son propriétaire.

C’est pourquoi, en matière de pathologie vocale, les signes les plus importants à considérer ne relèvent pas directement de l’acoustique de la voix. C’est la gêne du sujet ou de son entourage qui est le fait primordial : sa gêne ou sa souffrance. C’est elle qu’il conviendra d’évaluer avec le plus de soin.


Examen clinique 1



L’examen débute tout naturellement par l’exposé que fait le patient des troubles qu’il présente. Parfois on a intérêt à le laisser exposer spontanément ce qu’il ressent. Mais le plus souvent – et cela est très compréhensible – il en arrive à mêler les faits et les hypothèses explicatives de telle sorte que l’on clarifiera bien les choses en l’aidant de questions précises. Quoi qu’il en soit, on enregistrera toute cette séance de bilan. On pourra ainsi, outre le sens des propos tenus, étudier les caractères acoustiques de la voix et les faire constater au patient.




Signes subjectifs


Ce sont eux qui intéressent le plus le patient. Ils doivent donc être notés soigneusement. C’est à leur disparition que le patient percevra sa guérison. Ils concernent la phonation elle-même d’une part, les sensations éprouvées au niveau de l’organe vocal d’autre part.


Sensations subjectives concernant la phonation


Il est important de noter ce que pense le sujet de sa voix et de ses possibilités vocales. Souvent on remarquera une discordance entre ses impressions et la réalité.

Une première série d’appréciations concerne le timbre : le patient trouve-t-il sa voix enrouée, rauque, fatigante, désagréable, inesthétique, changée, devenue comme étrangère ?

Une autre série concerne la puissance et la résistance de la voix :




– la conversation prolongée aboutit-elle à une fatigue vocale ?


– sa voix lui parait-elle manquer de puissance ?


– appeler au loin est-il un problème ?


– parler dans le bruit est-il difficile ?


– le téléphone est-il l’occasion de difficultés particulières ?


– l’émission vocale est-elle capricieuse, incertaine ?

Une troisième série enfin concerne le réglage de la hauteur :




– la voix paraît-elle au patient trop haute, trop basse, irrégulière, incontrôlable ?


– chanter est-il possible (ou envisageable) ?


– pense-t-il chanter faux ?


– le chant, s’il est habituel, présente-t-il des difficultés particulières ?



Variation des signes subjectifs


On notera comment les troubles varient et à quelle occasion :




– avec l’usage de la voix ?


– avec l’heure de la journée ?


– avec les rhinopharyngites saisonnières ?


– avec le temps qu’il fait ?


– avec la fatigue, le surmenage ?


– avec les soucis, les ennuis, les contrariétés ?


Troubles associés


On s’enquerra en outre de l’existence de troubles associés à la dysphonie, et en particulier d’une hypoacousie ou d’un trouble de la déglutition, qui feront éventuellement l’objet d’une évaluation spécifique.


Autres renseignements importants


Le problème vocal ne saurait s’apprécier valablement, comme nous l’avons dit, sans tenir compte de la personne dans son ensemble : genre de vie, tempérament, problème de santé. Ainsi, on pourra s’enquérir des points suivants :




– quelles sont les conditions d’utilisation de la voix du patient dans sa profession ?


– quelle est sa consommation de tabac, d’alcool ?


– est-il exposé au bruit, à la poussière, aux vapeurs toxiques, au surmenage ?


– se connaît-il comme étant d’un tempérament nerveux, anxieux, « préoccupé » ?


– le sommeil est-il bon ?


– présente-t-il des antécédents médicaux tels que : troubles neurologiques, dépression nerveuse, maladie importante ayant laissé des séquelles, interventions chirurgicales, affections ayant entraîné des traitements hormonaux ou par anabolisants de synthèse (dont l’action est nette sur la voix) : troubles gynécologiques, problèmes stomatologiques, rhumatismes, troubles de la nutrition ?


– présente-t-il des problèmes médicaux faisant ou non l’objet d’un traitement ou d’une surveillance médicale ?


Auto-évaluation du handicap vocal


À l’issue de ce recueil de l’anamnèse, on pourra confier au patient le questionnaire du VHI (Voice Handicap Index) ou celui du Voice Related Quality of Life, en lui proposant de le remplir tranquillement chez lui, et de le rapporter au prochain rendez-vous pour en discuter ensemble.

Le VHI est un outil d’auto-évaluation du handicap résultant d’une déficience vocale quelle qu’en soit la cause. Le handicap se définit ici comme le désavantage ainsi créé par rapport à autrui.

Cet outil se présente sous forme d’une liste de trente affirmations comme cellesci par exemple : « Je suis à court de souffle quand je parle » ou « On me demande de répéter » ou « Ma voix me contrarie », le patient devant préciser : Jamais (0 point), Presque jamais (1 point), Presque toujours (3 points), Toujours (4 points). Ces affirmations concernent des problèmes d’ordre physique (notés P), fonctionnels (notés F), ou émotionnels (notés E). Elles sont présentées dans un ordre fixe, mêlant irrégulièrement les trois domaines concernés. Le total des points peut aller jusqu’à 120, ce chiffre correspondant au handicap maximum. Le patient peut remplir seul ce questionnaire, quelques minutes suffisent. Il peut également être rempli par le rééducateur avec le patient au cours du bilan. Dans ce cas, il peut être l’occasion d’échanges plus approfondis, susceptibles d’amorcer une relation thérapeutique plus efficace.



Examens physiques



Cet examen sera complété par un examen ORL plus ou moins approfondi, ainsi éventuellement, qu’un examen audiométrique.

Chez l’enfant, l’examen de la paroi abdominale recherchera la déhiscence de la ligne blanche fréquemment associée à la dysphonie (cf. p. 103).

D’autres examens médicaux pourront être pratiqués également selon les cas : prise de la tension artérielle, auscultation cardiaque, examen neurologique…


Examen du comportement vocal


Déjà lors de l’interrogatoire, on aura pu se faire une idée de la voix conversationnelle. Mais, comme nous l’avons dit, il convient de ne pas se limiter à l’étude de celle-ci et d’examiner aussi le comportement vocal en voix implicatrice dite projetée ainsi que nous l’envisageons plus loin.



Voix conversationnelle spontanée


On notera ses caractères acoustiques.


Intensité


Elle peut être :




– forte, faible, irrégulière, éteinte (réduite à la voix chuchotée) ;


– les « finales » peuvent éventuellement être altérées (étouffées ou éteintes).

May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 1. Examen de la voix et du comportement phonatoire

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