3. Évaluation objective de la fonction vocale

Chapitre 3. Évaluation objective de la fonction vocale



Comme nous le verrons par ailleurs, cet objectif n’est pas facile à atteindre. Pour y voir plus clair, il convient d’abord de se demander ce que selon les cas, il est intéressant d’évaluer. Est-ce la compétence des organes vocaux – celle du larynx en particulier – l’habileté du patient à s’en servir, ou les deux à la fois ? On verra que dans cette optique les divers procédés utilisables n’ont pas le même intérêt s’il s’agit de troubles vocaux d’origine organique, ou de troubles pour lesquels le facteur dysfonctionnel prédomine.

Quoi qu’il en soit, il faut bien admettre que dans la pratique, l’essentiel n’est pas que la voix se rapproche de la norme. Ce qui compte avant tout, c’est, la satisfaction du patient, la régression des signes subjectifs, la disparition de sa gêne et l’établissement d’une relation de confiance entre lui et sa voix… si particulière soit-elle.

Les procédés d’évaluation en question sont très variés. Le phonétogramme explore l’étendue et la puissance vocale. Le test S/Z, et le calcul du quotient phonatoire s’intéressent essentiellement à la dynamique du souffle phonatoire. Divers autres procédés s’appuient sur l’analyse du signal acoustique. Quant aux procédés multiparamétriques, leur ambition est de faire la synthèse des déficits ou des désordres qui sous-tendent le trouble vocal et d’en donner une image globale.


Phonétogramme 1



Décrit en 1953 par Calvet sous le nom de courbe vocale, le phonétogramme est une figure donnant une évaluation de la fonction vocale sous forme d’une aire réalisée à partir de la valeur des intensités vocales maximales et minimales susceptibles d’être produites par le sujet (Fig. 3-1). Dans l’esprit de son créateur et de beaucoup de ses utilisateurs, le phonétogramme devrait être à la phonation ce que l’audiogramme est à l’audition. En réalité, cela ne va pas de soi.





En effet, pour évaluer l’audition du sujet on propose à ses oreilles des sons sur plusieurs gammes de fréquences et à des intensités de plus en plus faibles, en lui demandant lorsqu’il entend le son de le signaler en levant le doigt. Pour évaluer sa fonction vocale, on lui demande de produire de la voix. Cela fait quelques différences.

Sauf s’il s’agit d’un enfant, lever le doigt ne pose guère de problème. Le sujet peut peutêtre hésiter ne sachant pas trop s’il entend vraiment ou s’il croit entendre seulement. Pour lever cette difficulté éventuelle, il suffit que l’examinateur dise à son patient qu’il n’hésite pas à lever le doigt même s’il n’est pas tout à fait sûr d’entendre encore et que s’il se trompe, on a la technique qui convient pour le détecter. Donner sa voix c’est une autre affaire.

On ne donne pas sa voix intégralement sans être convenablement stimulé, ce qui introduit évidemment un biais dans l’évaluation. Les sons que l’on propose aux oreilles du sujet sont parfaitement déterminés quant à leur hauteur tonale et à leur intensité. Les sons produits par le sujet dépendent de la façon dont on lui a dit ce qu’il a à faire de sa motivation, de son état d’esprit…

En pratique, on demande au sujet d’émettre la voyelle [a] à 30cm d’un micro, tout d’abord sur une note moyenne et selon l’intensité la plus faible, puis la plus forte possible. Ces intensités maximales et minimales sont portées en ordonnée sur un diagramme où les hauteurs tonales sont notées en abscisse comme on le voit sur les figures 3-2 et 3-3. On procède ensuite à la même mesure des intensités minimales et maximales en descendant, en principe, note par note jusqu’à la fréquence la plus grave que le sujet puisse émettre, puis en montant ensuite jusque dans l’extrême aigu quelle que soit la qualité du timbre. Chez le chanteur, on refait les mesures en ce qui concerne les aigus avec les voyelles [ou] et [i].



On obtient ainsi une courbe fermée délimitant une aire d’autant plus étendue que la voix est de bonne qualité. Dans les voix non-cultivées, on observe un ou deux étranglements correspondant aux notes de passage du registre, dit de poitrine (mécanisme 1), au registre, dit de tête (mécanisme 2).

Malgré les réserves formulées plus haut, le phonétogramme reste un bon instrument d’évaluation globale des possibilités vocales du sujet, dans la mesure où donner des voyelles sur un son donné ne nécessite pas en général, une implication importante. Son inconvénient principal est qu’il demande un temps de passation relativement long qui peut difficilement descendre en dessous de quinze minutes.

Il existe actuellement des logiciels permettant la réalisation automatique du phonétogramme. Celui-ci peut être fourni selon le mode dirigé (fig. 3-4) où le patient est prié comme dans le mode classique de donner successivement chaque note avec une intensité maximale, puis minimale. Il peut également être fourni selon le mode libre où le patient doit exécuter un glissando du grave à l’aigu à différentes intensités.


Il n’est pas assuré que les résultats ainsi obtenus soient équivalents à ceux obtenus par la méthode classique.


Quotient phonatoire


Le quotient phonatoire (QP) se définit comme le rapport de la capacité vitale (CV) exprimée en centimètres cube et le temps phonatoire – ou temps de phonation maximum (TMP) – exprimé en secondes selon la formule :

QP = CV/TMP

En pratique, on mesure d’abord le temps phonatoire (TMP) en demandant au sujet d’émettre la voyelle [a] sur une hauteur moyenne à une intensité confortable en prolongeant cette voyelle le plus longtemps possible. Trois essais successifs sont réalisés. La valeur normale du temps phonatoire chez l’adulte est de 15 à 20 secondes. On mesure ensuite la capacité vitale avec un spiromètre, ce qui permet de calculer le quotient phonatoire selon la formule ci-dessus.

La valeur normale du quotient phonatoire s’établit entre 120 et 190cc par seconde. Un chiffre plus élevé indique une phonation défectueuse avec déperdition du souffle (jusqu’à plus de 1 000 centimètres cube par seconde dans certaines paralysies récurrentielles).



Analyse acoustique instrumentale du signal vocal


L’émission vocale est appréciée subjectivement par l’oreille d’une manière particulièrement adéquate. Cette émission représente pour l’auditeur une source d’indices à partir desquels il peut interpréter les particularités, les intentions et pour tout dire le vécu du sujet émetteur. L’auditeur humain est pourvu d’un ordinateur cérébral très performant qui lui permet de décoder directement en termes de comportement les indices acoustiques qui parviennent à son oreille. Au-delà de la voix, l’oreille entend une personne. L’analyseur le plus sophistiqué n’entend que des sons. Il convient de prendre garde à ce que l’analyse acoustique entourée d’une certaine aura scientifique ne fasse perdre de vue l’intérêt irremplaçable de l’écoute. L’analyse acoustique risque par ailleurs de servir de base à certaines entreprises plus ou moins délibérées de mystification du patient éloignant celuici d’une compréhension simple et concrète de son problème qui tient en général beaucoup plus de son comportement phonatoire que du caractère acoustique de sa voix.

Malgré ces réserves, il est indéniable que l’analyse acoustique représente un élément important dans l’évaluation de la fonction vocale. Dans la mesure où l’on parviendra à des procédés d’analyse standardisés, on peut prévoir que son intérêt ira croissant et qu’elle permettra non seulement de suivre l’évolution d’un cas pathologique mais de faire des comparaisons utiles entre des cas différents.

L’analyse acoustique du signal vocal est souvent réalisée à partir d’un [a] tenu sur une tonalité confortable pour le patient. On la pratique également à partir d’émission de mots ou de la lecture à haute voix d’un paragraphe.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3. Évaluation objective de la fonction vocale

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