Chapitre 29 Différentes appellations ont été utilisées dans la littérature : syndrome des enfants battus, syndrome de Silverman, traumatisme(s) non accidentel(s) de l’enfant (TNA) [28]. On signalera également le syndrome du bébé secoué qui résulte, comme son nom l’indique, de secousses imprimées à un nourrisson avec ou sans intention malveillante. Les enfants maltraités sont plus souvent de jeunes enfants (56 % des enfants signalés en 2006 ont moins de 11 ans) avec un sex ratio proche de 1. La personne responsable des sévices appartient généralement à la famille proche (père dans 46 % des cas, mère dans 26 % des cas) ou à l’entourage immédiat de l’enfant [1]. Chez les enfants âgés de moins de 2 ans, un mécanisme lésionnel classique consiste à empoigner l’enfant à deux mains par le tronc et à le secouer violemment, tandis que la tête et les membres inférieurs ballottent dans le vide [20]. Ce type de mécanisme engendre des lésions cérébrales par accélération-décélération mais également des lésions osseuses costales et métaphysaires évocatrices du diagnostic (cf. infra). D’autres mécanismes lésionnels peuvent être rencontrés, directs ou indirects, entraînant des lésions osseuses de siège variable (crâne, clavicule, diaphyses des os longs, vertèbres, etc.) et/ou des lésions viscérales (intestin grêle, pancréas, etc.) [20]. Un mécanisme lésionnel invoqué par l’entourage mais incohérent avec la gravité des lésions (ex : fracture spiroïde du fémur chez un enfant qui aurait fait une simple chute de sa hauteur) doit alerter et faire pratiquer un bilan radiographique du squelette complet. La lésion élémentaire porte encore le nom de lésion classique métaphysaire (LCM). Cette fracture résulte de forces de cisaillement orientées perpendiculairement au grand axe des travées osseuses. Le trait est parallèle au cartilage de croissance, très proche de celui-ci au centre de la métaphyse mais il s’en éloigne progressivement en périphérie, individualisant un fragment osseux triangulaire lorsqu’il est de petite taille (fig. 29.1 et 29.2), en anse de seau lorsqu’il est plus volumineux (fig. 29.3) [20]. La consolidation d’une LCM non déplacée n’entraîne pas de cal osseux ni de réaction périostée. Elle cicatrise sous la forme d’une petite encoche radiotransparente sur le versant métaphysaire du cartilage de croissance (fig. 29.4), particulièrement difficile à détecter in vivo mais bien visible sur des clichés centrés effectués post-mortem [20]. En cas d’extension au périoste ou de déplacement important, la LCM consolide comme toutes les autres lésions osseuses (réaction périostée, ostéosclérose trabéculaire, cal osseux) [24, 35]. Fig. 29.1 Lésion classique métaphysaire « en coin » de l’extrémité distale des deux fémurs (flèches). Fig. 29.2 Lésion classique métaphysaire de l’extrémité distale du radius détachant un fragment osseux triangulaire (flèche) associée à une bande de condensation métaphysaire du tibia témoignant d’une autre lésion traumatique (tête de flèche). Fig. 29.3 Lésion classique métaphysaire en « anse de seau » de l’extrémité distale du radius (flèche). Elles résultent d’une compression antéropostérieure de la cage thoracique de l’enfant entre les mains d’un adulte [20]. Elles peuvent être antérieures, latérales ou postérieures. Les fractures d’arcs postérieurs font suite à un mécanisme de distraction sur le billot constitué par le processus transverse vertébral et débutent typiquement dans la concavité de l’arc postérieur, en regard de l’articulation costotransversaire (fig. 29.5) [20]. Elles peuvent également intéresser la tête de la côte (articulation costovertébrale). Les fractures des arcs antérieurs et latéraux font suite au mécanisme de compression antéropostérieure [20]. Plus rarement, certaines fractures intéressent la jonction chondro-osseuse antérieure ou postérieure, s’apparentant à une LCM [20]. Compte tenu du mécanisme lésionnel invoqué, les fractures costales sont très souvent multiples, contiguës et bilatérales. Lorsqu’elles consolident, elles s’accompagnent de la formation d’un cal osseux (à l’exception des fractures de la jonction chondro-osseuse). Elles résultent d’un impact direct (chute ou projectile) sur le crâne (fig. 29.6). Elles peuvent également survenir de manière accidentelle mais elles sont rares lorsque la hauteur de la chute n’excède pas 2 m [20]. Quelle qu’en soit la cause, les fractures du crâne consolident sans cal osseux. Les radiographies demeurent l’examen de première intention lorsqu’on suspecte des lésions osseuses secondaires à un TNA. Les techniques numériques actuelles sont très utiles à l’interprétation grâce aux possibilités de post-traitement des images (agrandissement, contraste, etc.) [2, 24]. Outre la qualité des radiographies, l’expérience du radiologue en pathologie pédiatrique est également un facteur important à prendre en compte pour l’interprétation [24]. Chez l’enfant de moins de 2 ans, un bilan radiographique du squelette complet doit être réalisé. Le babygram (cliché de face corps entier) doit être proscrit [2]. Le bilan à réaliser comprend environ une vingtaine de clichés et a été parfaitement codifié (encadré 29.1) [35]. Des clichés complémentaires de face centrés sur les chevilles peuvent être utiles en pratique pour dégager au mieux les métaphyses tibiales et fibulaires distales [6]. Un profil centré sur les zones suspectes de face complétera le bilan [2, 24]. Plus récemment, Karmazyn et al. [11] ont proposé d’ajouter à ce bilan classique des clichés de profil des os longs pour accroître la détection des LCM, notamment au tibia. Bien qu’il n’existe pas de consensus dans la littérature, certains auteurs [35] effectuent également un bilan radiographique du squelette complet chez les frères et sœurs âgés de moins de 2 ans car le TNA peut concerner l’ensemble de la fratrie (37 % des cas) ou certains membres de la fratrie (20 % des cas) [10]. Chez l’enfant âgé de plus de 5 ans, le bilan radiographique du squelette complet est moins performant [2] et peut se limiter aux zones d’intérêt, en fonction des constatations cliniques, mais il doit comprendre au moins deux incidences orthogonales [7]. Entre 2 et 5 ans, la décision d’entreprendre un bilan radiographique du squelette complet s’effectue au cas par cas [3]. En cas de doute diagnostique, des radiographies de contrôle peuvent être effectuées, environ 10 à 15 jours après le bilan radiographique initial [2, 35]. Elles ont pour but de rechercher un cal osseux, exception faite du crâne et des LCM typiques qui consolident sans cal et ne nécessitent pas de contrôle [35]. Elles peuvent permettre de détecter de nouvelles fractures, notamment aux côtes (14–61 % des cas suivant les auteurs) [7, 31, 36] et elles modifient la prise en charge de l’enfant dans 6 % des cas, en affirmant ou infirmant le TNA [36]. Elles posent cependant le problème d’une exposition accrue aux rayonnements ionisants et certaines équipes [31] ont proposé d’exclure du contrôle radiographique, en l’absence de doute diagnostique lors du premier bilan, le crâne, le rachis, le bassin et les mains car une exploration itérative de ces régions anatomiques ne permet habituellement pas de détecter de nouvelles fractures.
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