7: Maladies systémiques et vascularites

Chapitre 7


Maladies systémiques et vascularites




PLAN DU CHAPITRE



Sclérodermie systémique



Lupus érythémateux systémique



Pseudo-polyarthrite rhizomélique



Connectivite mixte



Myopathies inflammatoires idiopathiques



Fasciite à éosinophiles



Vascularite



Syndrome de Sjögren primitif



Maladie de Behçet


Sarcoïdose



Maladie de Still de l’adulte



Maladie cœliaque et autres affections intestinales



Syndromes auto-inflammatoires


Polychondrite atrophiante




Sclérodermie systémique


La sclérodermie systémique est une maladie auto-immune du tissu conjonctif caractérisée par :



Elle se caractérise cliniquement par une sclérodermie et un phénomène de Raynaud.




Étiologies/Pathogénie


Les étiologies et la pathogénie de la sclérodermie systémique restent imparfaitement élucidées car il n’existe pas de théorie uniciste permettant expliquer toutes les manifestations cliniques et anatomopathologiques de la maladie [352].




Facteurs environnementaux



Exposition environnementale

L’exposition à la poussière de silice, notamment chez les mineurs, représente le facteur de risque environnemental le plus souvent rapporté dans la sclérodermie systémique [93]. D’autres agents ont été incriminés (résine époxy, fumées de soudure, vibrations transmises aux mains et aux bras) mais leur rôle paraît plus incertain [93]. Quel que soit l’agent responsable, il s’agit d’une forme particulière de sclérodermie systémique car elle s’observe essentiellement chez l’homme.


Le chlorure de vinyle (PVC) et à moindre degré différents solvants (le benzène, le toluène, le xylène et le trichloroéthylène) sont également mis en cause et toucheraient plus la femme [119].








Classification


La sclérodermie systémique fait partie du groupe des pathologies de type sclérodermique [131, 147, 352]. Ces entités sont différenciées selon le type d’atteinte cutanée et viscérale et le type d’autoanticorps (tableau 7.1) [147].




image La sclérodermie systémique cutanée limitée est la forme la plus fréquente de sclérodermie systémique (60 % des cas). La sclérodermie est distale par rapport aux coudes et genoux. Un phénomène de Raynaud la précède le plus souvent de plusieurs semaines ou années et l’entrée dans la maladie est souvent marquée par son aggravation. Le syndrome CREST (calcinose, phénomène de Raynaud, atteinte œsophagienne, sclérodactylie et télangiectasies) en représente une variante clinique.


image La sclérodermie systémique cutanée diffuse représente 35 % des sclérodermies systémiques. Le phénomène de Raynaud, la sclérodermie s’étendant progressivement vers les cuisses et les bras, et les douleurs articulaires et tendineuses apparaissent habituellement en même temps.


image La sclérodermie systémique sans atteinte cutanée (« sine scleroderma ») est rare (5 % des cas).


image Les sclérodermies localisées affectent essentiellement les enfants. À la différence des sclérodermies systémiques, elles respectent habituellement les mains et ne s’accompagnent pas de phénomène de Raynaud ni d’atteinte viscérale significative.


image La connectivite mixte intègre les éléments cliniques de plusieurs connectivites.


image Les syndromes de chevauchement (overlap syndrome) associent plusieurs connectivites [267].


image Les affections pouvant mimer une sclérodermie sont associées à une induration de la peau mais sans phénomène de Raynaud, sans atteinte viscérale et sans autoanticorps.



Clinique


Les signes cliniques sont relativement variables mais le tableau classique est celui d’une femme jeune ou d’âge moyen présentant des signes cutanés et un phénomène de Raynaud, associés à des manifestations musculosquelettiques et digestives (tableau 7.2).




Phénomène de Raynaud


Souvent révélateur, il constitue la manifestation clinique la plus fréquente de la sclérodermie systémique (plus de 95 % des patients) [147]. Il témoigne d’une occlusion paroxystique des artères distales des doigts, orteils, nez et/ou oreilles favorisée par le froid ou un stress émotionnel, réversible à la chaleur. Il comporte trois phases : une pâleur (vasospasme), une cyanose (ischémie) et enfin parfois une rougeur (retour de la vascularisation) (fig. 7.1). Le patient perçoit des picotements ou engourdissements et parfois des douleurs à type de brûlure. À la différence du phénomène de Raynaud primitif (idiopathique) qui s’observe chez de jeunes adolescentes et ne se complique pas de phénomènes ischémiques, ce phénomène de Raynaud secondaire à la sclérodermie systémique peut se compliquer d’ulcérations digitales [319], voire de nécroses distales [127] et d’ulcères des membres inférieurs [144, 233].




Atteinte cutanée


Elle est quasi constante [32] (95 % des cas) et permet le diagnostic de l’affection. Le degré d’épaississement de la peau varie en fonction du sous-type de la maladie et de sa durée d’évolution. Précocement, une tuméfaction diffuse des doigts et des mains peut précéder l’épaississement cutané et orienter vers un diagnostic d’arthrite indifférenciée [147]. Puis, la peau devient indurée, luisante et gêne la mobilité articulaire (fig. 7.2). Elle ne peut être pincée ou déplissée. Au départ, elle affecte les mains et notamment les doigts (sclérodactylie, signe de la prière : impossibilité de mettre les mains à plat l’une contre l’autre), puis le visage (nez pincé, bouche rétractée limitant son ouverture) et le cou. Elle peut s’étendre aux avant-bras, aux pieds et aux jambes (sclérose systémique cutanée localisée) ou affecter la partie proximale des membres et le tronc (sclérose systémique cutanée diffuse).



Il existe tardivement une atrophie cutanée. On peut également observer [32, 147] :



Avec l’évolution de la maladie, des ulcérations en regard des articulations et des contractures en flexion des doigts, poignets et coudes peuvent s’observer [32].



Atteinte musculosquelettique


Fréquente et souvent invalidante, elle retentit sur la qualité de vie des patients [352]. L’atteinte articulaire, qui peut constituer le symptôme inaugural (12–66 % des cas), serait présente dans plus de la moitié des cas durant l’évolution de la maladie [257, 268, 352]. L’atteinte musculosquelettique est, cependant, très polymorphe, pouvant affecter plusieurs régions anatomiques. Les patients peuvent présenter :



image des arthralgies, le plus souvent [352] ;


image des arthrites [14] chroniques ou intermittentes, mono ou polyarticulaires. Elles seraient plus fréquentes et plus agressives dans les syndromes de chevauchement avec polyarthrite rhumatoïde (anticorps anti-CCP plus fréquents chez ces patients [206, 224]). Elles siègent essentiellement aux extrémités et surtout aux poignets ;


image des tendinopathies, voire des ruptures. Des crissements tendineux palpables et parfois audibles [257] peuvent s’observer juste en amont du poignet (tendons extenseurs et fléchisseurs), à la cheville (tendons tibial antérieur, calcanéen, fibulaires), au genou (tendon patellaire) et à l’épaule [53, 268, 343]. Ils s’observent surtout en cas de forme diffuse et à un stade précoce. Ils sont importants à rechercher car ils semblent témoigner d’une forme plus sévère de la maladie [14, 16] ;


image des myopathies proximales modérées et non évolutives. Elles s’observent fréquemment (80 % des cas) [278, 352] ;


image des myosites, moins souvent (5 % des cas) [352]. Elles sont proches sur le plan anatomopathologique de celles des dermatomyosites [241] ;


image des modifications de l’extrémité des doigts qui deviennent boudinés et raccourcis (acro-ostéolyse).




Diagnostic


L’ACR a proposé des critères diagnostiques en 1981 (tableau 7.3) [66]. Le critère majeur (sensibilité : 91 %, spécificité : > 99 %) ou deux critères mineurs doivent être présents pour retenir le diagnostic de sclérodermie.



Le diagnostic de sclérodermie systémique repose donc avant tout sur l’interrogatoire et l’examen clinique du patient. Le score cutané modifié de Rodnan (palpation de régions cutanées prédéfinies avec cotation de la souplesse dermique ressentie) possède une valeur pronostique importante car il préjuge de la gravité des atteintes viscérales, notamment rénales [174, 352]. La biopsie cutanée n’est réalisée qu’en cas de doute avec d’autres affections (fasciite de Shulman, scléromyxœdème, etc.).


La capillaroscopie unguéale permet de déterminer si le phénomène de Raynaud est primitif ou secondaire à une sclérodermie. Dans ce dernier cas, il permet d’objectiver des mégacapillaires plus ou moins nombreux associés à des zones avasculaires. Les sensibilité et spécificité de cet examen sont respectivement de 83–98 et de 89–98 % [54, 75, 178, 290].


La présence d’autoanticorps caractéristiques (jusqu’à 90 % des patients) conforte le diagnostic de sclérodermie systémique mais leur absence ne permet pas de l’éliminer [131]. On citera notamment les anticorps anticentromères (spécifiques des sclérodermies systémiques cutanées localisées), antitopo-isomérase-I (Scl-70) (plus spécifiques des sclérodermies systémiques cutanées diffuses) [33], anti-RNA-polymérase ou U3-RNP [131].



Radiographie


La traduction radiographique de la sclérodermie est souvent très évocatrice, notamment à la main. On observe, de façon variable (encadré 7.1) :




image des calcifications amorphes, globuleuses des tissus mous, témoignant de dépôts de cristaux d’apatite de calcium. Elles sont fréquentes (10 à 30 % des cas) et caractéristiques aux doigts, notamment à leurs extrémités (fig. 7.3) [26]. Elles sont de taille variable (ponctuations difficiles à repérer ou volumineux amas). Elles intéressent principalement l’hypoderme des doigts alors que les calcifications MPC ou du poignet sont essentiellement centrées sur les structures capsuloligamentaires [124, 207, 272]. Elles peuvent être plus proximales et forment parfois des amas périarticulaires très volumineux (calcinose pseudo-tumorale), notamment à la hanche (fig. 7.4), à l’épaule ou au rachis, surtout cervical (avec possible compression médullaire et radiculaire [203, 296]) (fig. 7.5). Elles peuvent également siéger dans des régions exposées à des microtraumatismes répétés (face antérieure des genoux, face postérieure des coudes) (fig. 7.6). Des érosions osseuses en regard (« de pression ») sont possibles. Les calcifications tendineuses sont plus rares ;






image une atrophie des tissus mous de l’extrémité des doigts, notamment chez les patients présentant un phénomène de Raynaud. Elle se définit par une épaisseur inférieure à 20 % du diamètre transversal de la base de la phalange distale adjacente. Cette appréciation radiographique est cependant plus délicate que l’examen clinique. Elle est volontiers associée à des calcifications et à une acro-ostéolyse [26, 124, 207] ;


image une acro-ostéolyse. Elle est fréquente (60–80 % [195] mais 20 % dans une revue de la littérature récente [352]) et caractéristique à l’extrémité des doigts où elle peut, dans les cas sévères, détruire une ou de plusieurs phalanges distales [124]. Elle intéresse habituellement l’extrémité de la phalange distale ; moins souvent, elle est un peu plus proximale (résorption en bande) (fig. 7.7 ; tableau 7.4). Il n’y a pas de raréfaction osseuse associée et les berges de la résorption sont nettes. Plusieurs phalanges sont généralement affectées. Cette ostéolyse intéresse plus rarement les phalanges intermédiaires, les orteils, les carpes, l’extrémité des os de l’avant-bras, les clavicules et les côtes (où elle est probablement secondaire à l’amyotrophie et à l’atteinte pulmonaire) et le rachis [27, 48]. À la mandibule, elle peut se traduire par une bande radiotransparente autour des dents (épaississement de la membrane périodentale), voire par une ostéolyse plus étendue [26] ;


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 7: Maladies systémiques et vascularites

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