17: Tumeurs des tissus mous

Chapitre 17


Tumeurs des tissus mous




PLAN DU CHAPITRE



Exploration d’une tumeur des tissus mous



Tumeurs et malformations vasculaires



Tumeurs et pseudo-tumeurs adipeuses



Tumeurs nerveuses



Tumeurs des cellules originaires de la crête neurale



Tumeurs et pseudo-tumeurs fibreuses



Tumeurs et pseudo-tumeurs fibrohistiocytaires



Tumeurs musculaires



Tumeurs et pseudo-tumeurs synoviales



Tumeurs et pseudo-tumeurs osseuses et cartilagineuses



Tumeurs et pseudo-tumeurs d’origine incertaine




Exploration d’une tumeur des tissus mous



Bilan de l’extension locale


C’est l’un des éléments clés de la planification opératoire et de la survie à long terme des patients. L’IRM constitue la technique de référence grâce à sa résolution en contraste élevée, sa résolution spatiale et son approche multiplanaire. Le bilan doit impérativement comporter 3 séquences (T1, T2, gadolinium) dans un même plan, habituellement le plan axial, complétées d’au moins une autre séquence dans un plan orthogonal. Il importe de préciser systématiquement les rapports anatomiques entre la lésion et :




Anatomie compartimentale


Certains tissus tels que les fascias intermusculaires, les insertions tendineuses, les capsules articulaires, le cartilage articulaire, l’os cortical et le périoste constituent des barrières naturelles à l’extension tumorale [16]. Ils délimitent ainsi divers espaces anatomiques appelés compartiments. Une tumeur intracompartimentale est une tumeur limitée à l’un de ces espaces. Elle est de meilleur pronostic qu’une lésion qui a franchi ces barrières, c’est-à-dire une tumeur extracompartimentale. Cette extension en dehors des limites du compartiment peut se produire par croissance directe de la tumeur ou par contamination à la suite d’une fracture, d’une hémorragie, d’une résection chirurgicale ou d’une biopsie percutanée mal planifiée. La graisse, le tissu aréolaire et les muscles laissent facilement passer le tissu tumoral. Certaines régions qui sont composées quasi exclusivement de ce tissu sont considérées comme extracompartimentales (tête et cou, muscles paraspinaux, creux sus-claviculaires et aisselles, aines et creux poplités, poignets et chevilles, dos de la main et du pied). Cette description compartimentale est donc un élément fondamental du compte rendu (fig. 17.1) [16].




Lésions localisées à la peau et à la graisse sous-cutanée


La peau et la graisse sous-cutanée constituent un compartiment séparé des muscles sous-jacents par un épais fascia (le fascia profond), qui forme une barrière naturelle à l’extension tumorale. Il n’existe toutefois pas de frein à l’extension longitudinale des lésions tumorales. L’IRM, le scanner mais surtout l’échographie peuvent démontrer si l’extension d’une lésion palpée est, ou non, limitée à ce compartiment. En dehors de cette situation, l’échographie et le scanner sont des examens insuffisants pour un bilan anatomique précis.


Les tumeurs malignes de ce compartiment ont tendance à se développer à proximité du fascia. Une lésion de la graisse sous-cutanée qui présente une base d’implantation large sur ce fascia a une probabilité 6 fois plus grande d’être maligne que bénigne, une tumeur qui le traverse 7 fois plus [195].






Orientation étiologique





Caractérisation tissulaire


La caractérisation histologique de la lésion n’est pas du ressort de l’imagerie médicale. La plupart des équipes considèrent que l’IRM ne permet pas d’apporter d’éléments diagnostiques permettant de différencier de façon suffisamment fiable les tumeurs bénignes des tumeurs malignes. Certes, les lésions malignes ont tendance à être hétérogènes en raison de la nécrose (croissance tumorale plus rapide que celle des suppléances vasculaires) et de taille plus importante mais des tumeurs malignes peuvent être homogènes et de petite taille alors que certaines tumeurs bénignes présentent une architecture hétérogène.


Cependant, certains signaux tissulaires permettent d’évoquer un diagnostic ou un type histologique : lipome, liposarcome de bas grade, malformation veineuse ou artérioveineuse, chondrosarcome de bas grade, myosite ossifiante, fibromatose, hématome subaigu et kyste mucoïde.



Biopsie percutanée


La biopsie percutanée à l’aiguille peut permettre un diagnostic histologique fiable d’une lésion des tissus mous, avec des réserves cependant pour les tumeurs malignes très différenciées ou polymorphes. Certaines règles doivent être respectées :



On rappellera l’intérêt d’adresser en anatomopathologie les prélèvements à l’état frais pour une étude en biologie moléculaire ou sinon dans du formol mais il importe en tout cas d’éviter le liquide de bouin.



Tumeurs et malformations vasculaires


Nous utiliserons la classification proposée par l’ISSVA (International Society for the Study of Vascular Anomalies) (tableau 17.1). Cette classification introduit le terme de malformation vasculaire (résultant d’une anomalie de la vasculogenèse avec renouvellement endothélial normal) [149, 396, 476] et réserve le suffixe « ome » aux tumeurs (impliquant une prolifération cellulaire) [586]. Les malformations vasculaires sont divisées en hémodynamiquement actives (flux rapide) et inactives (flux lent). La terminologie de l’ISSVA, fonctionnelle, se substitue aux terminologies anatomopathologiques classiques et descriptives. Le tableau 17.2 indique la correspondance entre ces entités.




Tableau 17.2


Principales correspondances des terminologies des anomalies vasculaires [115, 116, 278, 397, 398].



























Terminologie anatomopathologique classique Terminologie selon l’ISSVA
Hémangiome caverneux Malformation veineuse
Hémangiome veineux Malformation veineuse
Hémangiome intramusculaire Malformation veineuse principalement
Lymphangiome Malformation lymphatique (localisée)
Lymphangiomatose Malformation lymphatique (diffuse)
Anomalie lymphatique généralisée
Hémangiome artérioveineux Malformation artérioveineuse
Hémangiome capillaire Hémangiome infantile


Malformations vasculaires


Elles correspondent à des anomalies de la vasculogenèse avec prolifération endothéliale normale. Elles sont présentes dès la naissance mais peuvent n’être découvertes qu’à l’adolescence ou chez l’adulte [476]. Elles augmentent de taille parallèlement à celle du sujet et ne régressent habituellement pas. On distingue les malformations vasculaires à flux lent (malformation veineuse, capillaire, lymphatique) et à flux rapide (fistule et malformation artérioveineuse) (tableau 17.1) ainsi que les malformations combinées. Nous ne détaillerons que les principales.



Malformations veineuses



Généralités

Ce sont les malformations vasculaires les plus fréquentes. Elles sont sporadiques ou s’intègrent dans des syndromes héréditaires (cf. tableau 17.3). Elles sont très variables en taille et en forme (bien ou mal limitées, localisées ou étendues) [79, 476].



Les malformations veineuses sont le plus souvent superficielles et dans ce cas associées à des anomalies cutanées bleuâtres [79, 476]. Elles siègent aux extrémités (40 %), à la tête et au cou (40 %) et au tronc (20 %) [79, 150]. Elles peuvent également être profondes et atteindre n’importe quelle structure anatomique (muscle, synoviale, os, foie, etc.) [68, 79, 115, 150]. Les formes infiltratives peuvent être très étendues [79, 476].


Ces malformations veineuses sont symptomatiques (notamment lors d’exercices musculaires) ou non. Des épisodes aigus de thrombose douloureuse peuvent émailler l’évolution. Elles peuvent présenter des phases de croissance durant la puberté et la grossesse [79, 476]. Elles ne s’accompagnent pas de souffle ni de chaleur locale. Elles augmentent de taille lors de la manœuvre de Valsalva ou en déclivité et se vident à la compression [79, 150]. Une augmentation des D-dimères est un biomarqueur assez spécifique de ces malformations [143].



Anatomopathologie

Elles comportent des canaux veineux de petite (capillaires) ou grande (caverneux) taille communiquant avec le réseau veineux normal [150]. Elles peuvent contenir des thrombus, dont la minéralisation dystrophique est l’origine des phlébolithes [314]. Si des anatomopathologistes appliquent désormais la nouvelle nomenclature de l’ISSVA [68, 586], les terminologies historiques sont conservées dans la classification actuelle de l’OMS (cf. tableau 17.2) [182, 442]. Ainsi, les entités d’hémangiome caverneux, veineux ou intramusculaire correspondent dans la grande majorité à des malformations veineuses [68, 182, 442, 593]. La malformation veineuse intramusculaire, fréquente au membre inférieur (surtout à la cuisse) peut comporter un contingent adipeux fortement développé et prêter ainsi à confusion avec un lipome [593].



Radiographies – Scanner

On recherche des phlébolithes, calcifications arrondies, ovalaires ou tubulées avec un centre moins dense (fig. 17.2). Parfois présents chez le nourrisson, ils sont surtout détectés dans l’enfance ou au-delà [412, 583]. Ils témoignent essentiellement d’une stase sanguine dans les espaces veineux et constituent donc, en dehors de leur présence dans des veines, un signe spécifique de malformation veineuse [92, 611]. D’autres calcifications sont possibles (amorphes, curvilinéaires), voire même des ossifications [272, 314]. En cas de malformations étendues, des anomalies de l’articulation ou de l’os adjacent sont possibles (fig. 17.2) mais elles sont habituellement plus modérées que celles associées aux malformations artérioveineuses [135, 213, 542].



Le scanner n’est pas recommandé. Il peut confirmer les phlébolithes et une éventuelle atteinte osseuse de voisinage.



Échographie

En mode B, on objective une masse hypoéchogène hétérogène mal limitée, constituée d’espaces vasculaires tubulaires ou cavitaires compressibles, traduisant la présence de vaisseaux (fig. 17.3). En mode Doppler, ceux-ci présentent souvent un flux veineux de faible vitesse. En l’absence de signal vasculaire spontané, une compression de la masse par la sonde suivie de sa décompression peut le faire apparaître. Une thrombose est cependant possible. La présence de phlébolithes avec cône d’ombre acoustique est un bon signe confirmant la malformation veineuse [149]. D’autres aspects solides non spécifiques ont été décrits [476].




IRM

La malformation présente des contours bien ou mal limités (et alors infiltrants) mais sans véritable syndrome de masse, ce qui est évocateur. Les canaux vasculaires tubulés, serpigineux ou cavitaires sont hypo ou isointenses en T1 et fortement hyperintenses en T2 (sang stagnant) (fig. 17.4). Des thromboses sont parfois visibles en hypersignal T1. Ces structures vasculaires sont séparées et entourées de graisse, cette dernière étant d’autant plus abondante que les espaces vasculaires sont larges [73, 314]. Les séquences d’angio-IRM permettent de juger de la dynamique du flux et d’obtenir une cartographie de la malformation. La prise de contraste est lente et s’homogénéise avec le temps. Le délai entre le début du rehaussement lésionnel et le rehaussement maximal apparaît entre 50 à 100 secondes [435] ; cette étude peut donc nécessiter des acquisitions tardives [149, 540, 552]. Un rehaussement précoce s’observe parfois en cas de très petits espaces vasculaires [185, 562, 577].



La malformation peut comporter des structures hypointenses sur toutes les séquences (phlébolithes, vaisseaux thrombosés, septums fibreux, dépôts d’hémosidérine après thrombose) [540] et parfois un niveau liquide-liquide [476]. Des aspects moins spécifiques sont possibles si la lésion est formée de petits vaisseaux ou en l’absence de composante adipeuse [73, 314].


On recherchera des contacts nerveux étroits avec la malformation, pouvant modifier la prise en charge thérapeutique (sclérothérapie délicate) [49].



Traitement

Il est conservateur pour les lésions peu ou non symptomatiques : contention élastique pour les lésions des extrémités [150], traitement médical pour les douleurs (AINS, HBPM [héparine de bas poids moléculaire], aspirine au long cours) [66]. En cas de douleur significative, d’atteinte articulaire ou de problème cosmétique ou fonctionnel, le traitement fait souvent appel à la sclérothérapie percutanée (éthanol pur, Aetoxisclérol) en première intention sous échoguidage et contrôle scopique [79]. Elle peut être suivie d’une chirurgie. Le laser endovasculaire donne de bons résultats sur les formes cervicofaciales ou des muqueuses [66, 512].



Malformations artérioveineuses (MAV)



Généralités

Il existe une communication anormale entre artères et veines, c’est-à-dire une persistance de lits capillaires fœtaux. Ces malformations sont généralement sporadiques mais elles peuvent se voir dans des syndromes héréditaires. Elles touchent le plus souvent la région de la tête et du cou (y compris le cerveau), puis les membres et les organes internes [182].


Durant l’enfance, elles ne se traduisent que par une tache cutanée rouge, chaude avec des shunts artérioveineux au Doppler [198]. Elles grossissent sous influence hormonale (puberté, grossesse) ou après un traumatisme, notamment une biopsie ou une chirurgie incomplète [79, 150]. Elles sont actives hémodynamiquement, avec généralement une tuméfaction chaude, rouge, battante, un souffle systolique à l’auscultation et parfois un thrill. Les veines de drainage superficielles sont dilatées. La présence du shunt peut également être responsable d’une hypertrophie du segment de membre et d’une bradycardie réflexe après compression de la lésion (signe de Branham) [314].





Échographie

Ces MAV mal limitées ne contiennent pas ou peu de contingent tissulaire. Elles sont formées de vaisseaux tortueux juxtaposés, séparés par de la graisse hyperéchogène [150]. Les vitesses circulatoires sont accélérées en raison des nombreux shunts artérioveineux. Les artères afférentes sont nombreuses et présentent une élévation de la vitesse systolique maximale ainsi qu’un flux diastolique important (faible résistance). Le flux dans les veines de drainage est à haute vitesse et toujours artérialisé [150]. Le nidus se reconnaît par ses multiples zones vasculaires et les phénomènes d’aliasing au niveau des shunts au Doppler couleur [136].



IRM

On objective de multiples structures tubulées distendues et vides de signal (structures artérielles et veineuses) sans véritable masse tissulaire associée (fig. 17.5). Des séquences vasculaires en écho de gradient sans injection sont utiles pour cartographier les flux rapides [79, 476]. L’angio-IRM injectée confirme les flux rapides et permet une cartographie des artères nourricières, des veines de drainage et du nidus [476]. Le délai séparant le début du rehaussement lésionnel du rehaussement maximal est de 5 à 10 secondes [435]. L’artériographie n’est réalisée que si l’examen IRM est équivoque ou en cas d’intervention radiologique.




Traitement

Il est difficile car s’il est partiel, il peut induire une poussée évolutive de la malformation [66, 198]. On conseille donc généralement le suivi des formes non ou peu symptomatiques [149, 198]. Le but du traitement est l’éradication du nidus, facteur causal du shunt. Il comprend deux étapes, une embolisation préopératoire par colle biologique (Glubran, Histoacryl) et une chirurgie complète [198]. La sclérothérapie ou l’embolisation seule doit traiter le nidus. On utilise généralement l’éthanol pur [66]. Différentes voies d’abord sont possibles (microcathétérisme artériel, ponction directe percutanée, voie veineuse rétrograde) et une technique de réduction du flux est associée [79].



Malformations lymphatiques (ML)



Généralités

Elles sont classées en trois types selon la taille des cavités kystiques qui la composent : macrokystique (cavité(s)  > 1–2 cm), microkystique (cavité(s)  < 1–2 cm) ou mixte [78, 79, 102, 149, 476]. Elles ne communiquent pas avec le réseau lymphatique normal [79, 314] sauf dans des cas rapportés au rétropéritoine [94]. Elles contiennent de la lymphe claire ou un liquide chyleux [314, 476].


Elles existent à la naissance (diagnostic prénatal pour les formes macrokystiques) et sont diagnostiquées avant l’âge de 2 ans dans plus de 90 % des cas [102]. Leur évolution est variable (la moitié régresse ou disparaît spontanément durant la 1re année de vie) [66]. Elles intéressent essentiellement les régions cervicofaciale (55 %–95 %) et axillaire (20 %) notamment du côté gauche [241] mais elles peuvent affecter de multiples structures (poumon, intestin, foie, rate, etc.) et l’os [593]. Souvent macrokystiques et de grande taille, elles se traduisent par une tuméfaction molle ou rénitente bien limitée et mobile sous la peau [31, 66], en regard d’une surface cutanée normale [241]. La transillumination confirme la nature liquidienne de la masse. Les complications peuvent être une compression locale, une surinfection, une augmentation de volume brutale, douloureuse, par saignement intrakystique ou par sécrétion réactive à une infection de voisinage (ORL ou cutanée) [203, 307].


Dans la région de la tête et du cou, les formes microkystiques ont tendance à infiltrer les structures de voisinage. Elles sont plus difficiles à traiter et récidivent plus souvent. Elles sont parfois associées à une atteinte particulière de la peau (lymphangioma circumscriptum) [102, 149, 161, 476].




Échographie

On observe une masse kystique multiloculée (la taille des cavités détermine le type de ML) comportant des septums d’épaisseur variable et des plages d’aspect solide, échogènes, correspondant à des amas de structures lymphatiques (fig. 17.6). Les espaces kystiques sont le plus souvent anéchogènes ou hypoéchogènes mais des niveaux peuvent s’observer en cas de saignement, d’infection ou de liquide chyleux. Des calcifications sont parfois associées. Il n’y a pas de signal de flux dans les cavités mais les septums peuvent en contenir.




IRM

Le signal est de type kystique, avec ou sans multiples septums, vascularisés ou non (fig. 17.6 et 17.7) [99, 505]. Des zones de signal plus variable peuvent cependant être présentes (malformation veineuse associée, saignement, etc.). Il s’agit de la meilleure imagerie pour préciser l’extension exacte de la lésion, qui peut être localisée ou diffuse et très infiltrative, sans respect des plans tissulaires [476]. Des remaniements de l’os adjacent peuvent être présents (avec hyperfixation scintigraphique) [314]. Une ponction aspiration confirme la ML par analyse du liquide (et permet d’éliminer une autre tumeur kystique, notamment maligne).





Malformations capillaires


Ce sont des malformations du lit capillaire de la peau et des muqueuses. Leur diagnostic est donc essentiellement clinique, remplaçant le terme dermatologique d’angiome plan [31, 160]. Elles sont hémodynamiquement inactives. L’imagerie sera utile en cas de doute sur un faux angiome plan (MAV dormante) ou sur une malformation vasculaire combinée [33, 66, 476]. L’angiome plan est également, selon sa localisation, un marqueur de malformations associées [31, 33] (cf. tableau 17.3).



Associations particulières et syndromes


Il en existe un certain nombre (tableau 17.3). Nous n’en détaillerons que deux :



image le syndrome de Klippel-Trenaunay. Ce syndrome complexe non héréditaire affecte habituellement un seul membre inférieur mais il peut s’étendre au pelvis et au tronc. Il se définit par la triade :



image hypertrophie osseuse et des tissus mous,


image dysplasie veineuse (malformation veineuse, anomalies du réseau veineux),


image angiome plan et parfois lymphangiectasies.



image le syndrome de Parkes Weber. Sporadique, il atteint volontiers le membre inférieur (gigantisme et multiples fistules artérioveineuses) [116]. Une malformation capillaire est associée.



Hémangiome


Cette tumeur bénigne s’observe uniquement durant la toute petite enfance. On en distingue deux types.



Hémangiome infantile (ou juvénile)


C’est la tumeur vasculaire la plus fréquente de l’enfance. Son incidence est de 7–10 % chez les nouveau-nés à terme, le double en cas de prématurité [150]. L’hémangiome touche trois filles pour un garçon. Il est localisé dans 60 % des cas à la tête et au cou et est préférentiellement cutané et sous-cutané mais il peut s’observer dans d’autres localisations en particulier viscérales (foie notamment). Il est rarement multiple. Il apparaît souvent dans la 1re semaine de vie [150] avec une phase de poussée rapide (2–4 mois), une phase de stabilisation (jusqu’à un an), puis une phase de régression complète entre 2 et 10 ans [66, 150]. En macroscopie, c’est une masse généralement bien limitée, non encapsulée, correspondant en phase proliférative à une prolifération endothéliale capillaire. Ses cellules expriment spécifiquement GLUT1, ce qui peut être utilisé pour confirmer le diagnostic. Le diagnostic est clinique. L’échographie est indiquée en cas d’atypie clinique, l’IRM en cas de suspicion d’association malformative.


Étant donné sa régression, il ne bénéficie pas de traitement, sauf les 20 % ayant un risque de complication (ulcération, obstruction des voies aériennes, atteinte oculaire, localisation digestive, préjudice esthétique) [191]. Le traitement le plus efficace est le propranolol [154, 327], agissant également sur les formes hépatiques [610].


L’échographie en phase proliférative montre une masse bien délimitée, d’échogénicité variable. Il n’y a pas de calcification. À la différence des MAV, il existe un contingent tissulaire net et il n’y a généralement qu’une seule artère afférente. Le Doppler est caractéristique : lésion hypervascularisée à haute densité de vaisseaux, avec des artères à flux systolique élevé de faible résistance [136] et des veines parfois artérialisées (mais nettement moins que dans une MAV) (fig. 17.8). En phase involutive, elle devient hyperéchogène, la densité vasculaire diminue et les artères deviennent plus résistives [150].



L’IRM en phase proliférative montre une lésion hypervasculaire généralement bien délimitée, contenant des vaisseaux vides de signal et possiblement de la graisse [149]. Des plages hémorragiques hyperintenses en T1 ou des niveaux liquide-liquide ont rarement été rapportés [314, 540].




Hémangiome épithélioïde ou « hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie »


Cette tumeur bénigne vasculaire est plus fréquente chez la femme adulte [106, 182, 314]. Elle se traduit par des nodules érythémateux principalement de la face et des doigts. Des localisations profondes, y compris osseuses, sont possibles [182]. On la distingue actuellement de la maladie de Kimura, maladie inflammatoire chronique touchant l’homme jeune asiatique et avec laquelle elle partage des similitudes cliniques et anatomopathologiques [324, 459].



Tumeurs vasculaires de grade intermédiaire et malignes



Hémangioendothéliome (HE)


Ce terme est utilisé pour les tumeurs vasculaires de grade intermédiaire. Différentes entités existent, les plus importantes étant :



image l’HE kaposiforme, tumeur localement agressive du nouveau-né ou du très jeune enfant [585]. Il est surtout superficiel, formant une plaque rouge brun sensible ou un nodule, parfois recouvert de lanugo. Même s’il ne métastase pas, les formes profondes intra-abdominales sont de mauvais pronostic car difficilement curables par la chirurgie. Il peut être compliqué d’un phénomène de Kasabach-Meritt. L’imagerie aide à le différencier de l’hémangiome infantile (bords mal limités, infiltration en profondeur, zones nécrotiques et calcifications). Son échogénicité est variable mais on note des artères à haute vitesse systolique et de faible résistance [150, 192]. L’imagerie aide également au bilan d’extension préopératoire [314, 585] ;


image l’HE épithélioïde, forme rare à potentiel métastatique plus élevé (20–30 %). Il est ubiquitaire et peut être multicentrique (fig. 17.9) [69, 158]. En microscopie, il existe une prolifération endovasculaire de cellules endothéliales épithélioïdes disposées en cordons dans un stroma myxo-hyalin. Cette lésion se caractérise par une translocation t(1 ; 3)(p36 ; q23–25) [182]. Le traitement est chirurgical. La mortalité est de 15 % [182]. En imagerie, en cas d’atteinte de vaisseaux de moyen ou gros calibre, on peut objectiver une disposition très évocatrice : masse tumorale (fusiforme ou non) entourant un vaisseau, l’occluant ou non [234, 428, 591, 593, 618]. Des calcifications sont possibles [428, 593].





Angiosarcome


C’est une tumeur maligne de haut grade, affectant essentiellement les sujets âgés. Elle peut intéresser la peau (33 % des cas), les tissus mous plus profonds (24 % des cas), les organes internes ou l’os [593]. La présence d’un lymphœdème chronique constitue un facteur favorisant retrouvé dans 10 % des cas [593], notamment après mastectomie (syndrome de Stewart-Treves) [415]. L’angiosarcome est alors cutané ou sous-cutané [593]. Il peut également s’observer à la suite d’une irradiation, plus rarement à proximité d’une greffe synthétique ou de matériel étranger, exceptionnellement sur des malformations vasculaires [485]. Cliniquement, on distingue une forme cutanée (plaque rouge violacé, possiblement nodulaire) et une forme des tissus mous (masse douloureuse des membres inférieurs) [182, 376, 442]. Les métastases les plus fréquentes sont pulmonaires, puis lymphonodales, hépatiques, osseuses et des parties molles [376]. La mortalité est élevée [376, 442]. Son imagerie est décrite avec celle du sarcome de Kaposi.



Sarcome de Kaposi


Il s’agit d’une tumeur endothéliale maligne localement agressive, viro-induite (infection par le virus de type herpétique HHV8). On distingue quatre formes : classique (forme indolente du sujet âgé), endémique (sujet jeune d’Afrique équatoriale), iatrogène (dans les suites d’une transplantation d’organe ou d’un traitement immunosuppresseur), associée au sida [314]. La topographie des lésions et leur agressivité diffèrent selon la forme [475]. En cas de sarcome de Kaposi associé au sida, l’atteinte est souvent multicentrique et prédomine en cutanéomuqueux [216, 475]. Les parties molles profondes et l’os peuvent également être affectés.


En imagerie, l’atteinte cutanée par les deux tumeurs précédentes se traduit par des épaississements nodulaires et des masses des parties molles de signal non spécifique, prenant le contraste [314, 475]. Dans le sarcome de Kaposi, les lésions plus profondes (parfois nécrotiques) sont souvent situées sous une atteinte cutanée agressive ; les adénopathies sont typiquement hypervasculaires [475]. En TEP-FDG, l’angiosarcome primitif et d’éventuelles autres localisations sont hypermétaboliques. Cet examen peut donc être utilisé dans le bilan initial ou post-thérapeutique [576]. Il est également intéressant en cas de lymphœdème chronique étendu avec troubles trophiques cutanés si l’on suspecte un angiosarcome ou pour en bilanter l’extension. Une dermohypodermite compliquant un lymphœdème peut constituer un faux positif de la TEP-FDG [270, 282].



Tumeur glomique



Terrain


La tumeur glomique et ses variantes plus rares, le glomangiome (20 % des cas), le glomangiomyome (moins de 10 % des cas) et l’exceptionnelle tumeur glomique maligne [290] sont dérivées du glomus neuromyo-artériel. Il s’agit d’un organe millimétrique impliqué dans la thermorégulation par modulation du flux sanguin cutané, surtout localisé dans le derme et à l’extrémité des doigts et orteils, notamment sous l’ongle [500, 593].


La tumeur glomique est multiple dans 10–25 % des cas (glomangiomatose) [131, 500]. Elle survient le plus souvent en sous-unguéal où elle peut entraîner une érosion de l’os adjacent [146], moins souvent dans la pulpe. Elle mesure en moyenne de 3 à 6 mm (1–15 mm) [201, 207]. Les localisations extradigitales ne sont pas rares, dépassant dans certaines séries les localisations digitales [235, 500]. Il s’agit alors de petits nodules sous-cutanés des membres (1 mm – 3 cm) [332, 500], plus fréquents chez l’homme (à la différence de l’atteinte digitale) [329, 500] et précédés d’un traumatisme dans 20–30 % des cas [207, 500]. D’autres topographies plus rares ont été rapportées (intra ou intermusculaires, tendineuses, nerveuse, intra-osseuses, intraviscérales) [25, 210, 332, 463, 373].


La tumeur glomique est essentiellement observée chez l’adulte. Elle se traduit par des douleurs focales extrêmement intenses, paroxystiques, déclenchées par la pression et le froid. Un nodule bleuâtre est parfois objectivé. Cette présentation clinique très évocatrice permet de poser le diagnostic dans 90 % des cas en cas d’atteinte digitale [201]. Dans les autres localisations, la clinique est moins spécifique [329, 500]. Cette tumeur peut être objectivée par l’IRM ou l’échographie, même si elle ne mesure que 1,5 à 2 mm [420, 556]. L’exérèse doit être complète pour être efficace sur les douleurs et prévenir la récidive (4 à 20 % dans la forme subunguéale) [332, 420].



Imagerie


En radiographie, l’atteinte du doigt s’accompagne d’une érosion osseuse de la phalange distale dans environ un tiers des cas [201]. Celle-ci est bien limitée, aux bords parfois condensés, et se trouve à la face dorsale de la phalange [54].


En échographie, on peut visualiser un nodule hypoéchogène bien limité, avec renforcement postérieur, contenant souvent de petits remaniements kystiques internes, et une importante hyperhémie en mode Doppler (fig. 17.10) [207].



Le scanner sera utile dans certaines localisations atypiques intraviscérales en montrant un nodule hypervasculaire [207].


L’IRM permet de préciser la topographie de la tumeur glomique (fig. 17.11). L’exploration au doigt nécessite des coupes très fines et une excellente résolution spatiale. Un repère cutané est particulièrement important en cas de localisation extradigitale. Le signal est iso ou hypointense en T1 et fortement hyperintense en T2 [24, 314]. L’angio-IRM montre un rehaussement intense en phase artérielle avec un blush tumoral [146, 556]. Elle est parfois la seule séquence démontrant la lésion [489, 556]. Elle facilite la détection des lésions multiples. Les petites lésions se rehaussent de façon homogène tandis que les plus volumineuses sont plus hétérogènes en T2 et après contraste [207]. Le sous-type histologique de la lésion (vasculaire, solide, myxoïde) influe aussi sur son aspect en imagerie [146]. La tumeur glomique peut s’accompagner de vaisseaux périlésionnels (parfois à haut débit), témoignant de son hypervascularisaton [207].



La récidive post-chirurgicale ne présente l’aspect typique de la tumeur glomique que dans la moitié des cas [556]. En effet, elle peut être iso ou hypointense en T2 et se rehausser modérément après injection de gadolinium.


Les principaux diagnostics différentiels sont le kyste mucoïde (communication avec l’articulation IPD), la malformation veineuse, le mélanome malin, le chondrome des tissus mous, la tumeur à cellules géantes et le kyste épidermoïde [24, 146, 555, 489].



Tumeurs et pseudo-tumeurs adipeuses


Un certain nombre de tumeurs bénignes des tissus mous contiennent de la graisse. Le problème principal est de différencier le lipome du liposarcome, dont la prise en charge thérapeutique et le pronostic diffèrent.



Lipome


C’est la plus fréquente des tumeurs des tissus mous. Il s’agit d’une tumeur bénigne constituée d’un tissu adipeux mature avec des adipocytes uniformes en taille et en forme [311]. Elle est bien vascularisée mais le réseau vasculaire n’est pas vraiment discernable en microscopie et en imagerie en raison de la compression des vaisseaux par les adipocytes. Leur pathogénie est peu connue [593]. Ils présentent souvent un réarrangement du gène de remodelage de la chromatine HMGA2 situé sur le chromosome 12q15 [617].


Les lipomes ne présentent pas de transformation maligne et ne récidivent pas en cas de résection complète, ce qui peut être parfois difficile à obtenir en cas de siège profond [593]. Aux membres, le taux de récidive des lipomes ordinaires est de 1 %, celui des lipomes intramusculaires est de 12 % [617].



Lipome superficiel (sous-cutané)



Généralités

Très fréquent, il représente 16 à 50 % de toutes les tumeurs des tissus mous. Les patients sont typiquement d’âge moyen, sans prédominance de sexe lorsque le lipome est solitaire [314]. Dans 5 à 15 % des cas, les lipomes sont multiples. Il existe alors une prédominance masculine [314] avec, dans un tiers des cas, une transmission héréditaire, habituellement autosomique dominante (lipomes multiples familiaux) [593]. Ces lipomes apparaissent en général entre 30 et 50 ans dans le tissu sous-cutané des membres et du tronc, épargnant souvent le cou et les épaules. Leur nombre est très variable. Ils ne dégénèrent pas. L’aspect microscopique et l’imagerie sont identiques à ceux des lipomes solitaires [314].


Le lipome superficiel se présente comme une masse focale des tissus mous de croissance très lente, qui finit par se stabiliser. Le durcissement de la lésion après application locale de glace est utilisé par certains cliniciens comme élément sémiologique. Les lipomes sont fréquemment asymptomatiques mais de vagues douleurs, une tension ou une compression d’un nerf périphérique peuvent s’observer (un quart des cas).


La plupart des lipomes sont de petite taille, 80 % mesurant moins de 5 cm, le reste faisant typiquement moins de 10 cm. La taille constitue donc un élément sémiologique non négligeable dans la différenciation entre lipome et liposarcome. Les lipomes superficiels sont le plus souvent localisés au dos, aux épaules, au cou et à l’abdomen, suivis des bras et des cuisses. Ils sont inhabituels à la main et au pied. Ils sont bien délimités, finement encapsulés et ont une disposition lobulaire [593].



Imagerie

Les radiographies sont peu spécifiques, objectivant parfois une masse dont on peut deviner la nature graisseuse. Les calcifications de type cartilagineux ou osseux sont rares mais possibles.


Au scanner et en IRM, le lipome est caractérisé par une densité (entre – 65 et – 120 UH) et un signal identiques à ceux de la graisse sous-cutanée (fig. 17.12). Il est habituellement limité par une fine capsule fibreuse hypointense et hypodense. Cette capsule est observée en IRM dans près de la moitié des lipomes superficiels et peut mesurer jusqu’à 3 mm d’épaisseur. Dans l’autre moitié, le lipome se fond de manière progressive avec la graisse sous-cutanée adjacente, sans masse individualisable. Un marqueur permettant de repérer la tuméfaction est alors utile, de même qu’une comparaison avec le côté controlatéral. Le lipome peut contenir de fins septums internes (< 2 mm d’épaisseur), ne prenant pas ou peu le contraste. La capsule peut légèrement se rehausser après injection [402, 578].



En échographie, les lipomes superficiels sont lenticulaires, plus rarement ovoïdes et leur grand axe est toujours parallèle à celui de la peau (fig. 17.13). Leur échogénicité peut varier (hyper, iso ou hypoéchogénicité) par rapport au muscle. Ils ont un aspect hétérogène interne avec de fines lignes échogènes parallèles à la peau. Ils ne présentent pas de renforcement postérieur et sont compressibles [5]. Ils peuvent être bien ou mal délimités et leur capsule peut être incomplète [261, 569]. Ils ne sont pas hypervascularisés en mode Doppler énergie [569]. En fait, lorsqu’un lipome superficiel est suspecté à l’examen clinique, l’identification d’une masse lenticulaire au grand axe parallèle à la peau et contenant de fines lignes échogènes perpendiculaires au faisceau ultrasonore permet de confirmer le diagnostic [5, 465].


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 17: Tumeurs des tissus mous

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