12: Infections ostéoarticulaires extra-rachidiennes

Chapitre 12


Infections ostéoarticulaires extra-rachidiennes





Ostéomyélites et ostéites


L’ostéomyélite est une infection de l’os spongieux. Elle est essentiellement d’origine hématogène mais elle peut également être secondaire à l’implantation directe d’un micro-organisme (infection postopératoire par exemple). On réserve le terme d’ostéite aux infections limitées initialement à la corticale. Celle-ci se fait par contiguïté (ulcères diabétiques par exemple) ou par embole septique dans les vaisseaux périostés. En pratique, ces deux termes sont souvent employés indifféremment.



Épidémiologie


L’ostéomyélite est habituellement une maladie pédiatrique mais elle peut s’observer à tout âge. Elle affecte plus volontiers les sujets de sexe masculin, sauf chez les nourrissons (sex ratio de 1). Elle est généralement monobactérienne. S. aureus est omniprésent quel que soit l’âge (tableau 12.1). On assiste aujourd’hui, notamment aux États-Unis, à l’émergence de souches communautaires de S. aureus résistantes à la méticilline, fréquemment sécrétrices d’une toxine, la leucocidine de Panton Valentine (LPV). Celle-ci est responsable de tableaux particulièrement sévères (choc septique, atteinte plurifocale, fasciite, myosite nécrosante, thrombophlébite, pneumonie associée) [31, 81]. Les infections à Kingella kingae sont majoritaires chez l’enfant de moins de 3 ans [81]. K. kingae est un commensal de l’oropharynx qui peut diffuser par voie hématogène à la faveur d’une altération de la barrière muqueuse (infection respiratoire haute, gingivostomatite) [47]. Les infections à K. kingae se caractérisent par une hyperthermie peu élevée, voire absente, un syndrome inflammatoire biologique modéré et une évolution favorable sous antibiothérapie, sans séquelle. La mise en évidence de K. kingae est difficile et nécessite une mise en culture du liquide articulaire dans des flacons d’hémoculture et des techniques de biologie moléculaire (PCR) [47]. Chez le nouveau-né (0–3 mois), il s’agit essentiellement de bactéries d’infections maternofœtales. Haemophilus influenzae b a quasiment disparu grâce à la vaccination mais il peut toucher le nouveau-né non protégé par les anticorps maternels. Dans un tiers des cas, le micro-organisme en cause n’est pas mis en évidence.



Certains micro-organismes s’observent plus volontiers sur des terrains de prédilection : interventions endovasculaires ou chirurgicales et staphylocoques, affections génito-urinaires et digestives et bacilles à Gram négatif, morsure animale (chien ou chat) et Pasteurella multocida, toxicomanie par voie intraveineuse et Pseudomonas spp, Klebsiella spp, Serratia spp et Candida spp, drépanocytose et salmonelles. L’ostéomyélite peut enfin être d’origine tuberculeuse.



Pathogénie


Les différentes voies de contaminations sont la voie hématogène, l’infection par contiguïté et l’implantation directe du micro-organisme.



Voie hématogène


La physiopathologie des ostéomyélites repose sur la théorie décrite par Trueta en 1959 [138]. Elle nécessite une bactériémie dont la source peut être génito-urinaire, digestive, buccodentaire, respiratoire, cutanée ou un geste endovasculaire. Le micro-organisme emprunte le réseau artériel avant de se fixer dans un os.





Chez le nourrisson

L’organisation vasculaire fœtale permet en revanche aux rameaux diaphysaires de traverser le cartilage de croissance. Cette organisation, qui peut persister jusqu’à l’âge d’un an et demi, explique la plus grande fréquence des arthrites secondaires aux ostéomyélites au cours de la 1re année de vie.






Ostéomyélite bactérienne



Ostéomyélite aiguë


Le diagnostic est avant tout clinique ; il est confirmé par l’isolement du micro-organisme. Le traitement devrait intervenir avant l’apparition des signes radiologiques.


Dans sa forme typique, l’ostéomyélite aiguë se caractérise par un début brutal avec des douleurs importantes, des signes inflammatoires locaux, une impotence fonctionnelle et un tableau septique général. Cependant, la présentation clinique est parfois plus insidieuse, notamment chez le nourrisson. Dans tous les cas, un traitement antibiotique à l’aveugle tend à rendre la symptomatologie clinique torpide. Biologiquement, la CRP est le meilleur marqueur ; elle est élevée dans plus de 90 % des cas [82]. La VS apparaît aussi sensible mais moins spécifique. La polynucléose est, en revanche, peu informative car normale dans plus de 2/3 des cas.


Les atteintes peuvent être uni ou multifocales. Elles sont volontiers multifocales chez le nourrisson, sauf dans le cas d’infection par un streptocoque du groupe B qui atteint typiquement un seul os et plus spécifiquement l’humérus. Chez l’enfant, les os longs le plus souvent affectés sont le fémur, le tibia et l’humérus [75]. Chez l’adulte, en dehors des localisations rachidiennes (les plus fréquentes), les ostéomyélites sont plutôt observées au bassin et aux os courts.



Radiographie

Les radiographies constituent l’imagerie de première intention, à réaliser en urgence. Elles sont systématiques, même si elles sont normales au début [93]. Les modifications les plus précoces sont extra-osseuses. Elles sont peu spécifiques et se limitent à :



Les anomalies osseuses n’apparaissent qu’au bout d’une à 2 semaines, quand la densité osseuse a diminué de 30 à 50 %. On observe alors :




Échographie

L’échographie est utile, surtout chez les jeunes patients [93], pour rechercher :



image une anomalie des tissus mous adjacents à l’ostéomyélite : tuméfaction des muscles et des plans graisseux, abcès ;


image un épaississement du périoste, volontiers hypervascularisé [141] ;


image un décollement périosté avec collection sous-périostée [61], qui peut être visualisé très précocement (rapporté dès 24 heures après le début de l’hyperthermie) (fig. 12.2) [141]. Sa mise en évidence est importante car elle peut inciter à une prise en charge chirurgicale ;



image une rupture corticale permettant, le cas échéant, d’observer une collection sous-périostée communiquant avec l’os spongieux, comme le montrent les mouvements liquidiens décelables si l’on exerce une pression modérée avec la sonde échographique ;


image un épanchement articulaire, en cas d’arthrite associée.




IRM

Elle constitue l’imagerie de choix (meilleures résolution spatiale et spécificité que la scintigraphie osseuse) mais elle est rarement nécessaire. Elle est surtout utile pour l’étude du rachis, du bassin, en cas de suspicion d’atteinte du cartilage de croissance ou en cas de non-réponse clinique à 48 heures d’antibiothérapie, pour rechercher une complication potentiellement chirurgicale (abcès) (cf. infra Traitement) [11]. Sa sensibilité est élevée, estimée entre 82 et 100 %, et les signes sont précoces, visibles dès 3 à 5 jours [91, 110]. L’os spongieux présente un hyposignal en T1 (inconstant au stade initial), un hypersignal en T2 et se rehausse après injection de gadolinium (fig. 12.3). Le signal est homogène au début, puis hétérogène en raison de la constitution progressive d’abcès (fig. 12.4). Chez l’enfant, la mise en évidence d’anomalies de signal traversant le cartilage de croissance de façon focale est très évocatrice du diagnostic, notamment pour la différenciation avec une affection maligne (fig. 12.4 et 12.5). L’IRM permet, en outre, d’objectiver l’atteinte corticale, la réaction périostée et l’extension dans les tissus mous. Le soulèvement périosté par une lame liquidienne purulente peut être objectivé (fig. 12.6).






Chez les sujets jeunes, la distinction entre une ostéomyélite et de la moelle hématopoïétique normale est parfois difficile mais l’ostéomyélite est en général davantage hyperintense en T2 et STIR que la moelle saine [72]. La comparaison avec une métaphyse adjacente saine est également utile.



Imagerie nucléaire

L’ostéomyélite est responsable, dès le 3e jour, d’une hyperfixation aux trois phases de la scintigraphie osseuse au technétium 99 m [93]. La sensibilité de cet examen est similaire à celle de l’IRM [12]. La scintigraphie peut être utilisée en cas de radiographie et d’échographie normales et lorsqu’il n’existe pas de point d’appel clinique permettant d’orienter une IRM [11]. Sa spécificité est néanmoins moyenne et des faux négatifs sont possibles. Au stade aigu, certains cas peuvent se présenter sous forme d’hypofixations secondaires à des thromboses vasculaires liées à l’hyperpression intramédullaire. Cet examen présente l’avantage de mettre en évidence les éventuelles autres localisations. Dans le cadre d’un bilan d’extension (emboles septiques d’une endocardite par exemple), des examens scintigraphiques plus spécifiques d’infection sont volontiers réalisés, tels qu’une scintigraphie aux leucocytes marqués, une scintigraphie au gallium 67 ou une TEP au 18 F-FDG.



Traitement

L’ostéomyélite aiguë est une urgence thérapeutique n’autorisant qu’un délai limité à la documentation bactériologique (hémocultures systématiques, positives dans la moitié des cas, biopsie osseuse chirurgicale) [67]. L’urgence antibiotique est surtout liée à la fréquence des bactériémies concomitantes au moment du diagnostic et est donc habituellement dirigée contre une bactériémie d’origine communautaire (ex : association céfotaxime et gentamycine). L’antibiothérapie est ensuite adaptée à l’antibiogramme. Le relais oral est réalisé après 4 à 7 jours de traitement en cas d’infection contrôlée (diminution franche des douleurs, de la fièvre et du syndrome inflammatoire biologique) et il est prolongé pendant 2 à 4 semaines [81]. La mise en évidence d’un décollement périosté peut nécessiter un drainage chirurgical.





Ostéomyélite subaiguë


Cette forme circonscrite se traduit par un tableau infectieux peu marqué et des signes locaux discrets, responsables d’un retard diagnostique habituel. Le syndrome inflammatoire biologique est souvent absent. L’abcès de Brodie en est la principale forme radiologique mais il s’observe également dans les ostéomyélites chroniques [56, 72]. L’ostéomyélite subaiguë, de plus en plus souvent observée, résulte d’un équilibre entre le micro-organisme et les défenses immunitaires de l’hôte qui circonscrivent le processus infectieux. Son extension limitée (1 à 4 cm) s’expliquerait par une résistance accrue de l’hôte, une virulence réduite du micro-organisme ou l’administration « à l’aveugle » d’antibiotiques. Il s’observe surtout chez le garçon et dans les infections à staphylocoques. Chez l’enfant, il siège essentiellement aux métaphyses proximale et distale du tibia mais il peut siéger ailleurs (diaphyse, os plats). Chez le nourrisson, il peut affecter les épiphyses et les os du carpe et du tarse [115]. Chez l’adolescent ou l’adulte, il est souvent épiphysaire [71].



Radiographie et scanner

Excentré ou non, l’abcès de Brodie se traduit en radiographie par une ostéolyse métaphysaire arrondie ou plus souvent ovalaire, allongée dans l’axe de l’os, bien circonscrite, entourée d’une ostéocondensation réactionnelle (fig. 12.7). Il est associé à des appositions périostées de type subaigu (en voie d’incorporation) ou chronique (incorporées à la corticale) [56]. L’abcès traverse parfois le cartilage de croissance et atteint l’épiphyse (fig. 12.7) [11]. Des bulles gazeuses peuvent être retrouvées en cas d’infection à Escherichia coli, Serratia spp, S. aureus et anaérobies stricts [111].




IRM

L’abcès de Brodie présente un aspect caractéristique en cible. Le centre en hyposignal T1 et en hypersignal T2, de type liquidien, est entouré d’un tissu de granulation en discret hypersignal T1 et en hypersignal T2, qui se rehausse après injection de gadolinium (fig. 12.8) [11]. La présence de ce liseré en hypersignal relatif en T1, appelé signe de la pénombre, est évocatrice mais non pathognomonique d’abcès [92]. Le rehaussement de la lésion est parfois global lorsque la cavité est comblée par du tissu de granulation plutôt que par du pus [71]. À la périphérie du liseré, il existe une zone de sclérose en hyposignal dans toutes les pondérations [56, 72]. Une quatrième zone périphérique correspond à une plage d’œdème médullaire de limites floues. L’abcès de Brodie peut s’étendre vers la diaphyse ou l’épiphyse par un trajet sinueux qui perfore parfois le cartilage de croissance ; ce signe est alors très évocateur du diagnostic d’infection.




Traitement

Une biopsie est nécessaire afin de confirmer le diagnostic et d’identifier le micro-organisme, avant la mise en route de l’antibiothérapie qui doit être prolongée pendant 6 à 8 semaines, associée à une immobilisation [120]. Le traitement chirurgical consiste en un curetage éventuellement complété par un comblement pour les lésions supérieures à 3 cm [100, 130]. Le traitement chirurgical est systématique pour certains, réservé aux lésions agressives pour d’autres [120].



Ostéomyélite chronique


Elle est devenue rare dans les pays développés en dehors des contextes postopératoires ou post-traumatiques (implantation directe du micro-organisme). On parle d’ostéomyélite chronique au bout de 2 semaines d’évolution, que ce soit par découverte tardive de l’infection ou après une phase aiguë chez un patient ayant bénéficié d’un traitement antibiotique inadapté [72, 115, 137].



Radiographie

L’os est élargi et remodelé. On note essentiellement une ostéocondensation en raison de l’augmentation du nombre et de l’épaisseur des travées osseuses et la présence d’appositions périostées épaisses et irrégulières circonscrivant l’os (fig. 12.9). Quelques plages radiotransparentes sont également objectivées [11, 72, 115]. Après fracture ouverte, le tableau est fréquemment celui d’une pseudarthrose. Les signes en faveur d’une infection active sont :




Une forme particulière est l’ostéomyélite sclérosante de Garré qui affecte surtout la mandibule : l’os devient alors très dense et ses contours irréguliers. Il peut s’y associer quelques modifications kystiques, sans séquestre.




IRM

Elle permet la recherche :



image d’abcès intraosseux qui présentent un rehaussement annulaire périphérique tandis que la partie centrale, purulente, ne se rehausse pas (fig. 12.9) ;


image de séquestres osseux hypointenses en T1 et en T2 et ne se rehaussant pas après injection de gadolinium (fig. 12.11). Ils sont toutefois moins bien étudiés qu’en TDM [122] ;



image de sinus de décharge et d’abcès des parties molles, mieux visualisés après injection de gadolinium en raison du rehaussement fréquent de leurs berges (fig. 12.9) ;


image de signe d’activité de l’infection. Le caractère actif ou inactif de l’ostéomyélite chronique est parfois difficile à affirmer. Un hypersignal T2 et une prise de contraste de la moelle osseuse ne sont pas pathognomoniques d’une infection active et peuvent correspondre à du tissu de granulation postopératoire ou post-infection [110]. La présence de séquestres et d’abcès intra-osseux ou des tissus mous témoigne d’une infection résiduelle. Lors du processus de guérison, la moelle osseuse peut être remplacée par du tissu graisseux. L’hypersignal T1 signe donc l’absence d’activité infectieuse (fig. 12.12).





Imagerie nucléaire

La scintigraphie est peu utilisée en pratique courante. La TEP au 18-FDG est la meilleure technique pour rechercher des signes d’activité [133] : une sensibilité de 100 % et une spécificité d’environ 85 % ont été rapportées, avec des résultats supérieurs pour le squelette axial que pour le squelette appendiculaire [39]. Une scintigraphie au gallium 67 ou aux leucocytes marqués peut également être réalisée (fig. 12.15). L’abcès de Brodie est une cause de faux négatif des scintigraphies aux leucocytes marqués réalisées précocement. En effet, du fait de son enkystement, la fixation des leucocytes marqués n’est visible qu’à la 24e heure.




Traitement

L’ostéomyélite chronique ne constitue pas une urgence thérapeutique. La première étape est d’établir un bilan lésionnel à la recherche d’abcès ou de séquestres (indiquant un nettoyage chirurgical) et parfois un bilan vasculaire (séquelles d’un traumatisme grave, artériopathie). Dans tous les cas, une intervention chirurgicale est nécessaire car dans ce contexte, seuls les prélèvements profonds, osseux, sont considérés comme fiables. En cas d’antibiothérapie probabiliste intempestive, le plus souvent due à une errance diagnostique, une fenêtre thérapeutique prolongée, d’une durée de 3 à 4 semaines, doit être respectée avant les prélèvements osseux. Le traitement ne sera débuté qu’une fois les résultats de l’antibiogramme obtenus et durera entre 3 et 6 mois.



Complications

Il s’agit :



image de la dégénérescence maligne, non exceptionnelle. Il s’agit le plus souvent d’un carcinome épidermoïde qui peut être osseux ou sur le trajet d’une fistule (0,5 % des cas d’ostéomyélite chronique). Le délai de survenue est très variable (20 à 30 ans en moyenne). Cette complication doit être suspectée devant une résurgence de signes cliniques inflammatoires locaux ou de modifications radiologiques essentiellement ostéolytiques, avec syndrome de masse (fig. 12.16). D’autres affections malignes ont été décrites en association : fibrosarcome, angiosarcome, rhabdomyosarcome, lymphome histiocytique, adénocarcinome, carcinome à cellules basales et plasmocytome ;



image d’une amylose secondaire.



Ostéite corticale


Il s’agit d’une infection osseuse initialement limitée à l’os cortical. Elle est secondaire à une infection des tissus mous adjacents ou à un embole septique pyogène dans les vaisseaux périostés. En radiographie, l’ostéite corticale des os longs se traduit par une ostéolyse focale, oblongue, à grand axe vertical, d’aspect feuilleté, dont les limites sont floues au début (fig. 12.17), puis nettes lorsqu’une apposition périostée régulière s’est développée (fig. 12.18) [76]. L’aspect peut faire craindre certaines tumeurs (métastase corticale notamment) ou mimer une résorption de microcristaux d’apatite de calcium, une enthésopathie chronique ou une fracture de contrainte (encadré 12.2).





L’échographie, en début d’évolution, peut objectiver une collection sous-périostée ou des parties molles. Le scanner peut permettre la mise en évidence d’un séquestre cortical dans les formes subaiguës et chroniques (fig. 12.19). L’IRM permet de retrouver une réaction inflammatoire de l’os médullaire adjacent et des anomalies des parties molles, notamment des abcès. La scintigraphie osseuse confirme qu’il s’agit bien d’une pathologie unifocale et révèle une plage d’hyperfixation osseuse excentrée, allongée dans l’axe de l’os.




Ostéomyélite tuberculeuse


Elle représente 19 % des tuberculoses musculosquelettiques [127]. Elle est classiquement associée à une atteinte pulmonaire ou rachidienne mais la radiographie de thorax est en fait normale dans la moitié des cas [53]. Tous les os peuvent être affectés : métaphyse des os longs, notamment aux membres inférieurs, petits os de la main et du pied, os plats. Un antécédent récent de traumatisme local est rapporté dans plus de 20 % des cas. Si l’atteinte était autrefois classiquement multifocale, les localisations uniques prédominent aujourd’hui [37].



Imagerie



Radiographie et scanner

Les radiographies sont presque toujours anormales étant donné la longue indolence de la maladie mais le scanner et surtout l’IRM représentent l’imagerie de choix pour délimiter l’infection. On peut observer :



image une ostéolyse excentrée, rompant volontiers la corticale adjacente, permettant à l’infection et aux débris osseux de s’étendre dans les parties molles adjacentes (fig. 12.20) [53] ;



image une lésion osseuse centrale, moins fréquemment, dont l’aspect est plus variable : ostéolyse bien ou mal limitée, entourée ou non d’une ostéocondensation réactionnelle d’importance variable, comportant parfois des séquestres, associée à des appositions périostées, évoquant une ostéomyélite chronique (fig. 12.21) [96]. Une fracture pathologique est également possible. La littérature abonde en fait en lésions tuberculeuses mimant des pathologies très variées. Ce diagnostic doit rester présent à l’esprit dans tous les cas où le contexte est évocateur (antécédent de tuberculose, immunodéficience, hémodialyse, origine africaine ou asiatique) ;



image une ostéite corticale, rarement [115].



IRM

Elle permet d’objectiver :



image un granulome tuberculeux osseux (fig. 12.21). Celui-ci peut être homogène, hypointense en T1, hypointense ou de signal intermédiaire en T2, se rehaussant de façon homogène ou non après injection de gadolinium. Il peut également présenter une zone centrale caséeuse hypointense en T1 et de signal variable en T2 selon la liquéfaction du caséum (habituellement iso ou hypointense) et une zone périphérique modérément hyperintense en T1, de signal variable en T2 et se rehaussant après injection de gadolinium [127] ;


image un œdème de l’os spongieux adjacent, inconstant ;


image des anomalies des parties molles adjacentes : œdème, fistules, myosite et dermohypodermite, abcès juxtacorticaux (bon signe en faveur du diagnostic de tuberculose) [53].



Formes particulières



Tuberculose kystique

Elle peut intéresser un ou plusieurs os [13, 37, 112, 115]. Elle affecte :



Il n’y a habituellement pas d’apposition périostée ni d’atteinte des articulations adjacentes. L’aspect radiologique, différent selon l’âge des patients, a parfois fait utiliser les expressions de tuberculose pseudo-kystique des os chez l’enfant et de tuberculose osseuse disséminée chez l’adulte.



Dactylite tuberculeuse

Elle affecte essentiellement les enfants de moins de 5 ans et s’observe aux phalanges (typiquement P1 des 2e et 3e rayons), métacarpiens (3e et 4e) et métatarsiens [14, 25, 37, 96, 115, 150]. Chez l’enfant, l’atteinte est volontiers multifocale (25 à 35 % des cas), de façon simultanée ou successive [38].


En radiographie, on peut observer :



Des séquestres osseux, des ruptures corticales et des fistules sont parfois associées. Les principaux diagnostics différentiels de dactylite tuberculeuse sont résumés dans l’encadré 12.3.




Diaphysite tuberculeuse multiple des os longs

Elle est exceptionnelle et survient volontiers chez des enfants dénutris, anémiés, en mauvais état général [14]. Elle se traduit par une ostéosclérose et un épaississement diaphysaire bilatéral des tibias et des ulnas, sans séquestre ni lésion kystique. Le diagnostic repose sur l’étude histologique et les cultures osseuses.




Micro-organismes particuliers



Trépanomatoses



Syphilis

Les cas de syphilis vénérienne, dont l’agent pathogène est Treponema pallidum de type S, sont en recrudescence depuis une dizaine d’années en raison de la baisse de la vigilance contre les maladies sexuellement transmissibles, alors qu’ils avaient quasiment disparu dans les pays développés à la fin des années 1990 [97]. L’atteinte osseuse de la syphilis survient à la phase secondaire (du 2e mois à la 4e année) et à la phase tertiaire (2 à 10 ans après l’infection initiale).


À la phase secondaire [10], l’atteinte osseuse se manifeste par des douleurs volontiers importantes, à prédominance nocturne, affectant typiquement le tibia mais également le crâne, les clavicules, le sternum et les côtes. L’examen clinique retrouve une tuméfaction au niveau du point douloureux, traduisant une périostite syphilitique. La radiographie révèle des appositions périostées floues du crâne et des os longs (parfois seulement à leur face antérieure), plus rarement des lacunes arrondies ou ovalaires à limites floues du crâne, de la clavicule et du sternum.


À la phase tertiaire, les circonstances de découvertes sont également, le plus souvent, des douleurs, typiquement insupportables et à prédominance nocturne, intéressant essentiellement le crâne et le tibia. Plus rarement, une déformation osseuse ou une fracture pathologique peuvent révéler l’atteinte osseuse. Cliniquement, il existe une infiltration œdémateuse des tissus mous adjacents à l’os affecté. En imagerie, on peut observer :



On citera également l’ostéoarthropathie nerveuse tabétique qui survient environ 20 à 30 ans après l’infection initiale (cf. chapitre 9).


La syphilis congénitale, contractée par le fœtus au cours d’une infection maternelle, est rare mais non exceptionnelle (0,02 % des femmes enceintes ont une sérologie positive) [123]. Cliniquement, l’atteinte osseuse est le plus souvent asymptomatique ou se traduit par une impotence fonctionnelle (pseudo-paralysie de Parrot). On peut observer [115] :






Hydatidose


Cette parasitose ubiquitaire (Echinococcus granulosus) affecte rarement l’os car les parasites doivent successivement franchir les filtres hépatiques et pulmonaires avant de pouvoir atteindre le tissu osseux. Le rachis constitue la localisation osseuse la plus fréquente (44 % des cas) mais tous les os peuvent être atteints [8]. À la différence des autres localisations, le kyste hydatique osseux ne présente pas de membrane périkystique. Il se développe donc en épousant les travées osseuses qu’il détruit progressivement [8, 22]. L’usure de la face endostée de la corticale entraîne une brèche par laquelle les vésicules filles font issue au sein des tissus mous. Sur le plan clinique, le patient peut présenter une tuméfaction indolore, des douleurs peu intenses ou une fracture pathologique. Une surinfection secondaire à micro-organisme banal est possible. Sur le plan biologique, on retrouve parfois une hyperéosinophilie.



Radiographie

L’hydatidose extrarachidienne se manifeste par des lacunes métaphysaires ou épiphysaires des os longs s’étendant ensuite à la diaphyse ou aux os voisins, accompagnées parfois d’opacités des tissus mous adjacents (collections) [22]. La morphologie de l’os est le plus souvent respectée, même lorsque la corticale est atteinte. Il n’y a classiquement pas d’apposition périostée ou d’ostéocondensation périphérique et l’interligne articulaire adjacent reste longtemps bien conservé [83]. Les calcifications sont rares, contrairement aux kystes hydatiques extra-osseux [128]. D’autres formes sont moins classiques : l’hydatidose peut prendre soit un aspect d’ostéomyélite chronique associant plages d’ostéolyse de contours flous, ostéocondensation périphérique, réaction périostée et extension aux tissus mous, soit un aspect pseudo-tumoral avec déformation et expansion osseuse.







Mycoses



Mycétomes

Les mycétomes sont des pseudo-tumeurs inflammatoires dont les agents pathogènes sont des agents fongiques (eumycétomes) (40 % des cas) ou des bactéries filamenteuses de la classe des actinomycètes (actinomycétomes) (60 % des cas) [107]. Ces agents vivent sur le sol et les végétaux épineux sous des climats chauds et humides ou semi-désertiques, et sont inoculés à l’homme lors de traumatismes [54, 55]. Cette maladie frappe essentiellement les adultes d’origine rurale. La localisation au pied est classique, réalisant le pied de « Madura », du nom d’une région indienne où cette maladie est endémique. Elle se traduit cliniquement par une tuméfaction chronique indolente polyfistulisée laissant échapper des grains de taille et de couleur variables. L’apparition de douleurs fait évoquer une surinfection ou une atteinte osseuse [54]. L’atteinte osseuse se fait par contiguïté et survient dans environ 50 % des cas, alors que les tendons et les nerfs sont généralement résistants. Le diagnostic de certitude repose sur l’examen direct du pus, la culture et l’histologie. La couleur des grains est d’une grande importance : les grains noirs sont toujours fongiques (Madurella mycetomatis, Leptosphaeria senegalensis), les grains rouges sont toujours actinomycosiques (Actinomadura madurae), les grains blancs ou jaunes sont fongiques (Pseudallecheria boydi) ou actinomycosiques (Nocardia spp) [40, 65].



image En radiographie, l’atteinte osseuse de contiguïté se traduit par l’association d’érosions corticales, de lacunes, de condensations osseuses et de réactions périostées [2]. Les lacunes peuvent être de grande taille (mycétomes fongiques à gros grains) ou de plus petite taille et plus nombreuses (actinomycétomes à petits grains). À un stade avancé, la confluence des images donne un aspect de « dentelle osseuse ».


image L’échographie aide au diagnostic positif en montrant de nombreuses logettes contenant de multiples échos hyperéchogènes, correspondant aux grains de mycétomes (fig. 12.23). Cet aspect est bien visible en cas de mycétomes à gros grains, moins net en cas d’ actinomycétomes [65].



image Le scanner est plus sensible que les radiographies dans la recherche de petites érosions débutantes. Les mycétomes ont une densité spontanée proche de celle du muscle et contiennent parfois des zones nodulaires discrètement hyperdenses. Le rehaussement après injection est modéré et hétérogène.


image L’IRM est l’examen le plus contributif, permettant de faire le bilan d’extension. L’aspect caractéristique est celui d’une masse infiltrante en hyposignal T1 et constituée de multiples nodules en hypersignal T2 (granulomes séparés par un tissu fibreux en hyposignal T2) (fig. 12.23). Certains nodules présentent un point central en hyposignal T2, correspondant à un amas mycélien (fig. 12.23). Après injection de gadolinium, les granulomes présentent un rehaussement marqué. L’ensemble réalise un aspect appelé Dot-in-Circle, considéré comme pathognomonique de mycétome et, pour certains, très en faveur de son origine fongique (mycétome à gros grains) (fig. 12.23) [73, 107].


Le traitement médical par antibiothérapie permet en général d’obtenir la guérison des actinomycétomes. Le traitement chirurgical est le plus souvent nécessaire pour les mycétomes fongiques, dont le pronostic est médiocre. La prophylaxie se résume à la désinfection des plaies et au port de chaussures.



Coccidioïdomycose

Coccidioides immitis, champignon saprophyte de la terre, est surtout rencontré dans le sud-ouest des États-Unis, au Mexique et en Amérique du Sud. Il affecte essentiellement le poumon mais les formes disséminées peuvent être à l’origine d’une ostéomyélite [135]. Les lésions du squelette appendiculaire intéressent la métaphyse des os longs, la diaphyse des petits os tubulaires des mains et des pieds et les apophyses (trochanters, tubercules, etc.). Les radiographies montrent des lacunes bien ou mal limitées, parfois associées à des appositions périostées. À la phase chronique, une sclérose s’observe autour des lésions, témoignant de la réaction de l’hôte. Les lésions ne présentent pas de caractère spécifique en IRM. La coccidioïdomycose peut aussi être responsable d’une arthrite polyarticulaire et symétrique (touchant surtout les chevilles) de nature immunitaire (desert rheumatism), d’une arthrite septique prenant l’aspect d’une infection granulomateuse ou encore d’une masse aspécifique des tissus mous. Le traitement est long est difficile, à la fois médical et chirurgical, avec un risque prolongé de récurrence.




Infections virales


L’hyperostose corticale infantile, appelée également maladie de Caffey, est désormais considérée comme une affection congénitale, autosomique dominante à pénétrance variable [126]. Elle sera donc traitée dans le chapitre des maladies osseuses constitutionnelles.


La rubéole congénitale et les infections congénitales à cytomégalovirus ou à Herpès virus peuvent se traduire par des bandes claires métaphysaires symétriques, des irrégularités des cartilages de croissance et/ou un aspect strié longitudinal avec alternance de bandes claires et denses [115].


La variole donne des tableaux d’arthrite et d’ostéomyélite mimant celui des infections à micro-organismes banals mais leur caractère symétrique et la prédilection pour les coudes sont évocateurs du diagnostic [115].



Arthrites septiques



Épidémiologie


Les arthrites septiques hématogènes présentent un pic de fréquence chez les enfants et les adultes jeunes mais elles peuvent s’observer à tout âge. Les garçons sont deux fois plus fréquemment affectés que les filles. L’atteinte est le plus souvent monoarticulaire (80 % des cas) [122]. Une arthrite septique peut aussi être secondaire à l’intrusion directe du micro-organisme par plaie ou geste médicochirurgical (environ 1 % des arthroplasties). Les rhumatismes inflammatoires chroniques, le lupus érythémateux disséminé et les lymphœdèmes secondaires ou primitifs (maladie de Milroy) constituent des terrains prédisposants.


Staphylococcus aureus et Kingella kingae sont le plus souvent en cause mais le type de micro-organisme varie en fait selon l’âge du patient, comme pour les ostéomyélites (cf. tableau 12.1) [47, 81] :


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 12: Infections ostéoarticulaires extra-rachidiennes

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