19: Délivrance normale et pathologique

Chapitre 19 Délivrance normale et pathologique




Physiologie de la délivrance


La délivrance est la troisième phase du travail, après la dilatation cervicale et l’accouchement. C’est un moment très important du travail, de par les complications graves pouvant apparaître. La surveillance de la délivrance doit donc être rigoureuse et est exclusivement clinique, l’hémorragie de la délivrance étant une des principales causes de la mortalité maternelle.


Elle se décompose en trois temps : le décollement placentaire, la migration de celui-ci à travers la filière génitale, et la rétraction utérine.





Rétraction utérine


Elle est immédiate après la sortie du placenta et concerne aussi cette fois-ci le lit placentaire dont elle assure l’hémostase [1, 2]. En effet, cette contracture entraîne une constriction des vaisseaux perforants de la couche plexi- forme du myomètre. On parlera alors de « globe utérin de sécurité » lorsque l’utérus est tonique. L’hémostase est également obtenue par une thrombose vasculaire secondaire à l’oblitération mécanique des vaisseaux. Les facteurs de coagulation sont augmentés en fin de grossesse. La thromboplastine placentaire et tissulaire est libérée de façon massive lors de la délivrance, accélérant la throm- binoformation. Les processus fibrinolytiques sont modifiés par cette libération massive, permettant ainsi une coagulation rapide.



Définitions




Délivrance naturelle


Certains de nos gestes « anodins » et quotidiens font que la délivrance spontanée est une délivrance rare. Le décubitus dorsal, le clampage précoce du cordon ombilical (qui favorise la retenue de sang et donc, le décollement placentaire) accélèrent la délivrance [3, 4]. De la même façon, une fois le diagnostic de décollement placentaire établi, la pression sur le fond utérin par la main gauche et la traction douce avec la main droite du cordon ombilical au décours d’une poussée de la patiente facilitent l’expulsion placentaire. Enfin, lorsque le placenta est extériorisé à la vulve, la main gauche déplisse le segment inférieur en refoulant l’utérus, ce qui facilite l’expulsion des membranes.


Tous ces gestes simples accompagnent la délivrance ; on parle alors de délivrance naturelle.



Délivrance dirigée [5, 6]


Elle consiste en l’administration de drogues utérotoni- ques afin de réduire le délai de la délivrance et ainsi, limiter les pertes sanguines après l’accouchement [3]. Cette administration se fait par voie intraveineuse au moment du dégagement de l’épaule antérieure du fœtus [3, 7]. Les autres modes d’administration (intramusculaire, intramyométriale) sont à proscrire car l’effet est retardé. Les écoles anglo-saxonnes associent à cette injection une traction contrôlée et continue sur le cordon… Toute la question réside dans le terme « contrôlée », dont on ne sait trop ce qu’il peut signifier.


C’est l’utilisation d’ocytocine (Syntocinon) qui semble être la plus adéquate pour son rôle facilitant la délivrance [7]. Les différentes études s’accordent à montrer que la délivrance dirigée doit s’effectuer par l’injection de 5 UI de Syntocinon en intraveineuse lente. Cette injection nécessite une tierce personne lors de l’accouchement. Il y a deux fois moins de délivrance après 20 min [8] et une diminution d’un facteur trois du nombre d’hémorragie du post-partum [3, 4, 911]. En revanche, il n’y a pas de différence significative quant au nombre de délivrances artificielles ou de révisions utérines effectuées.


La direction de la délivrance était autrefois indiquée dans les situations à risque d’hémorragie du post-partum (macrosomie, grossesse multiple, grande multiparité, antécédent hémorragique). Mais les indications ont été progressivement étendues en raison d’une part de la multiplicité des facteurs de risque et d’autre part, des effets bénéfiques de la délivrance dirigée sur la durée de la période de la délivrance. La méta-analyse de Prendiville en 2005 montre en effet que la délivrance dirigée a eu pour bénéfice chez les patientes la diminution des pertes sanguines de 80 mL en moyenne, la diminution du temps de délivrance de 10 min et la réduction du nombre d’HDD (hémorragies de la délivrance) d’un facteur trois et ce, sans augmenter le nombre de délivrances artificielles. La systématisation de la délivrance dirigée au sein des équipes obstétricales permettrait ainsi une parfaite maîtrise d’une technique simple mais importante dans le bon déroulement de la délivrance [12]. Enfin, la délivrance dirigée est également indiquée lors de la réalisation d’une césarienne [12, 13].



Délivrance artificielle


Elle correspond à l’extraction manuelle du placenta hors de l’utérus. Elle est nécessaire en cas de non-décollement placentaire 30 min après l’accouchement [14] mais également en cas d’hémorragie.


Ce geste doit être réalisé dans une totale asepsie : port d’un masque et d’une coiffe, badigeonnage du périnée, disposition de champs stériles, lavage chirurgical des mains et port de gants stériles. L’antibioprophylaxie n’est pas indiquée de façon systématique lors de ce geste, ce qui renforce le rôle de l’asepsie rigoureuse. La délivrance artificielle doit également être accompagnée d’une bonne analgésie (analgésie péridurale si déjà présente ou anesthésie générale). En revanche, dans un contexte d’urgence extrême, elle peut être effectuée immédiatement, même en l’absence d’une quelconque analgésie.


La délivrance artificielle (figure 19.1) consiste, après les différents temps précédents, en l’introduction de la main dominante de l’opérateur dans la filière génitale le long du cordon ombilical. L’autre main empaume le fond utérin et l’amène vers le bas et le centre de l’abdomen. L’opérateur doit alors décoller progressivement le placenta au contact de la paroi utérine par le bord cubital de sa main, puis il saisit le placenta et l’extrait en un geste doux des voies génitales. Après une nouvelle désinfection de son gant et du périnée, il effectue une révision utérine afin de s’assurer de la totale vacuité de l’utérus.




Examen du placenta (figures 19.2 et 19.3, voir cahier couleur en fin d’ouvrage)


Parfois oublié et trop souvent négligé, l’examen du placenta est un temps important. Ne nécessitant que quelques instants, il doit être méthodique et réalisé aussitôt la délivrance effectuée. Il pourra jouer un rôle important dans l’explication d’événements anté, per ou post-partum [15].


Le placenta doit être disposé sur un plan dur et propre, sous un bon éclairage. Il doit être ensuite débarrassé des caillots présents à l’aide de compresses.


Dans un premier temps, il faut réaliser l’examen des membranes en les déplissant pour vérifier leur intégrité. Le placenta peut dans certains cas être dénué de membranes et on parlera ainsi de placenta « découronné », une révision utérine étant alors nécessaire immédiatement. Ensuite, l’examen vérifie que les membranes sont vierges de tout vaisseau. Si un vaisseau est visualisé, il faut alors voir s’il n’est pas interrompu. Si c’est le cas, cela signifierait qu’un cotylédon aberrant est resté dans la cavité utérine. Une nouvelle fois, la révision utérine est nécessaire. Rarement, il peut y avoir du tissu placentaire sur les membranes : on parle de placenta « circum vallata ». On peut également observer la présence de petits nodules blanc gris de 2 à 3 mm de diamètre, proches de l’insertion du cordon : on parle d’« amnios nodosum ». Il faut être attentif à la distance entre le bord membranaire et le placenta car si celle-ci est inférieure à 10 cm, l’on suspecte un placenta bas inséré. Il est nécessaire d’être attentif aussi tout simplement à la coloration des membranes et à l’odeur placentaire car l’association de membranes colorées (coloration méconiale) à une odeur placentaire nauséabonde fera évoquer une chorioamniotite. Enfin, l’examen des membranes a également un intérêt dans le diagnostic de chorionicité des grossesses multiples.


Dans un deuxième temps, l’examen du cordon est nécessaire, en le mesurant tout d’abord (50 à 70 cm). Trop court ou trop long, il aura pu avoir des conséquences au niveau de l’accouchement (défaut de progression du mobile fœtal, anomalie du rythme cardiaque fœtal, circulaires du cordon). Il faut aussi observer son insertion, qu’elle soit centrale, paracentrale ou en raquette en fonction de sa position par rapport au placenta, en allant du centre aux bords de celui-ci. Si son insertion se fait sur les membranes, on parle d’insertion vélamenteuse, ce qui peut être très dangereux (syndrome de Benkiser). Enfin, il faut vérifier qu’il est bien composé de deux artères et d’une veine. En cas d’artère ombilicale unique, il faut rechercher une anomalie fœtale (anomalie génito-urinaire, cardiovasculaire, musculosque- lettique, chromosomique, fente palatine, RCIU).


Dans un dernier temps, on retourne le placenta et on examine sa face maternelle. La galette placentaire doit être complète, intègre et la moindre suspicion de cotylédon manquant doit entraîner une révision utérine. Plus rarement, un hématome rétroplacentaire est visualisé sur cette face placentaire. On peut aussi retrouver des caillots au pôle inférieur du placenta : on évoque alors une rupture du sinus marginal, à l’origine de métrorragies du 3e trimestre. On peut observer des zones d’infarctus au niveau du placenta, infarctus récents ou anciens en fonction de leur coloration.


Une fois l’examen du placenta terminé, il faut encore le peser (un sixième du poids fœtal).

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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 19: Délivrance normale et pathologique

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