16: Pseudo-tumeurs des tissus mous

Chapitre 16


Pseudo-tumeurs des tissus mous




La découverte d’une masse des tissus mous par un patient ou son médecin est une situation fréquente. L’échographie, en raison de ses progrès dans le diagnostic des lésions musculosquelettiques, est devenue la modalité d’imagerie de première intention dans le diagnostic d’une tuméfaction. Elle porte ainsi une responsabilité déterminante dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients. L’absence de diagnostic précis et toute suspicion d’une tumeur des tissus mous doivent conduire à la réalisation d’une IRM sans délai. La probabilité qu’une masse des tissus mous soit bénigne est très élevée, de l’ordre de 99 %. Les lésions malignes sont donc très rares mais leur pronostic est d’autant plus défavorable que le diagnostic est retardé.


La première et principale étape de l’évaluation échographique consiste à distinguer un véritable processus tumoral d’une pseudo-tumeur. La définition d’une pseudo-tumeur varie considérablement dans la littérature. Nous ne traiterons ici que les lésions qui se traduisent par un syndrome de masse clinique et/ou en imagerie et ne faisant pas partie de la nouvelle classification de WHO des tumeurs des tissus mous.


Certaines pseudo-tumeurs sont pathologiques, d’autres comme les muscles accessoires ne le sont pas forcément. Leur identification permet de rassurer le patient. La majorité des pseudo-tumeurs sont accessibles au diagnostic échographique en toute confiance. Toutefois, certaines de ces pseudo-tumeurs cachent de dangereux pièges diagnostiques. Les hématomes intramusculaires et les abcès des tissus mous nécessitent à la fois prudence et surveillance en raison de leur aspect sarcome-like.



Muscles et faisceaux musculaires accessoires


Les muscles et faisceaux musculaires accessoires sont des variations anatomiques que l’on peut observer avec une fréquence variable chez l’individu. Certains muscles accessoires peuvent se manifester par une tuméfaction visible et palpable, rarement symptomatique [14, 21]. Il s’agit soit d’un simple faisceau musculaire surnuméraire inclus dans le muscle d’origine (ex : semi-membraneux, gastrocnémien médial, soléaire, fléchisseur de l’hallux), soit d’un véritable muscle surnuméraire (ex : extensor manu brevis). Le diagnostic clinique le plus souvent évoqué est celui de masse kystique (kyste poplité pour le semi-membraneux accessoire, kyste dorsal du poignet pour le muscle extensor manu brevis).


L’échographie statique et dynamique démontre que la masse est constituée d’un tissu musculaire normal contractile, d’aspect penniforme sur les coupes longitudinales et punctiforme sur les coupes perpendiculaires au grand axe du muscle (fig. 16.1) [21]. Elle étudie ses rapports avec les organes de voisinage et recherche une éventuelle compression vasculaire (thrombose veineuse poplitée compliquant un muscle semi-membraneux accessoire).




Hématome intramusculaire


Cette lésion fréquente et banale constitue un piège redoutable pour l’imageur et nécessite une attention particulière. La sémiologie échographique des hématomes est variable et parfois complexe en raison de composants internes de nature et d’âge variables : œdème, sang frais, caillots, fibrine, fibres musculaires rompues, ossification (fig. 16.2). Elle varie également en fonction du mécanisme et de la localisation de la lésion. La similitude avec un sarcome des tissus mous en phase hémorragique doit inciter à la plus grande prudence et faire rechercher les facteurs péjoratifs suivants :




image l’absence de contexte particulier (traumatisme, trouble de la coagulation). Le caractère imprécis ou mineur du traumatisme relaté doit inquiéter, surtout si l’hématome est de taille importante [22] ;


image l’âge du patient : les hématomes post-traumatiques chez l’enfant et l’adolescent sont très rares en dehors de la population restreinte des sportifs de haut niveau ;


image l’absence de douleur et la rapidité d’évolution. Les hématomes se développent typiquement en quelques heures et sont douloureux. Les sarcomes augmentent lentement de taille et ils sont habituellement non douloureux initialement. On signalera cependant deux exceptions : l’hématome spontané pouvant révéler un sarcome de haut grade et les hématomes chroniques expansifs, qui sont rares et dont le diagnostic est confirmé par la biopsie [3, 11, 17] ;


image l’aspect de la lésion et son siège, s’ils ne répondent pas à une sémiologie classique. Une lésion ovalaire ou arrondie siégeant en dehors des muscles habituellement traumatisés ou en dehors des zones habituellement traumatisées au sein d’un muscle doit être considérée comme suspecte ;


image la présence d’un flux vasculaire intralésionnel en mode Doppler. Il n’existe aucune vascularisation dans un hématome post-traumatique récent. Seuls des pédicules vasculaires intermusculaires et quelques grosses veines musculaires peuvent être identifiables. La détection d’un flux intralésionnel devra inquiéter jusqu’à preuve du contraire. On signalera la possibilité rare de sarcomes des tissus mous sans flux détectable en échographie [22] ;


image l’existence d’éléments calcifiés ou ossifiés en dehors du contexte de myosite ossifiante ou d’ostéome secondaire à une contusion (atteignant le plus souvent le vaste intermédiaire).


En l’absence de doute significatif, un contrôle échographique systématique réalisé au cours des 3 semaines suivant le traumatisme permet de constater la régression objective de la lésion (fig. 16.3). Le moindre doute ou un aspect échographique inquiétant doit faire poursuivre les investigations par une IRM et/ou une geste biopsique en milieu spécialisé.



En IRM, l’hématome aigu (0 à 2 jours), qui contient de la déoxyhémoglobine intracellulaire, est en isosignal T1 et hyposignal T2 (fig. 16.4) [2]. En cas d’hématome subaigu (2–7 jours), la déoxyhémoglobine se transforme en méthémoglobine intracellulaire à sa périphérie (halo hyperintense en T1 et hypointense en T2). À la phase subaiguë tardive (1–4 semaines), la méthémoglobine devient extracellulaire (hématome en hypersignal T1 et T2) (fig. 16.4). Lors de la phase chronique, le produit de dégradation final, l’hémosidérine, se forme en périphérie, à l’origine d’un hyposignal sur toutes les séquences. Un œdème est fréquemment observé autour de l’hématome aux stades aigus et subaigus mais il se résorbe par la suite. Au stade chronique, un niveau liquide-liquide (séparation des éléments cellulaires et liquidiens du sang) peut s’observer.


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 16: Pseudo-tumeurs des tissus mous

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