11: Prise en charge socio-éducative en Service Médico-Psychologique Régional: Articulation soins et projets éducatifs, préparation à la sortie

Chapitre 11


Prise en charge socio-éducative en Service Médico-Psychologique Régional


Articulation soins et projets éducatifs, préparation à la sortie



La population carcérale est une population particulièrement touchée par la précarité sociale, les carences éducatives et l’exclusion. Les quelques études réalisées dans les prisons en France ont mis en évidence un faible niveau socio-éducatif chez 80 % des détenus [1] (équivalent certificat d’études). Moins de 40 % des détenus avaient une activité rémunérée avant leur incarcération [2]. Une étude de l’administration pénitentiaire [3] réalisée à la sortie de détention montre le faible recours des sortants de détention aux organismes d’aide à l’emploi malgré un taux de chômage de 60 %. En effet, 25 % des sortants au chômage étaient inscrits à l’ANPE et un sur cinq était inscrit aux ASSEDIC (pour obtenir l’allocation d’insertion qui existe pour les détenus sortants de prison). Le RMI n’avait été sollicité que par 14 % des détenus sortants éligibles. Ces résultats qui traduisent des difficultés d’accès à l’aide sociale justifient qu’il y ait un accompagnement éducatif et social des détenus dans un objectif de réinsertion et d’accès aux minima sociaux. Il s’agit de la mission du SPIP créé en 1999. Cependant, la prévalence considérable des troubles psychiatriques et des addictions en prison rend la tâche des SPIP particulièrement difficile. D’une part, les SPIP connaissent mal l’organisation des soins en psychiatrie et d’autre part, le travail psychiatrique ne peut pas se faire sans un accompagnement éducatif et social de ces patients psychiatriques précaires. La précarité sociale et médicale associée aux troubles mentaux et aux addictions chez les patients détenus montrent la nécessité d’une intervention socio-éducative en SMPR.



Accompagnement social des détenus


Chaque détenu se voit attribuer comme référent un membre du SPIP. Il s’agit de conseillers d’insertion et de probation ainsi que d’assistants sociaux et d’éducateurs spécialisés qui travaillent pour le ministère de la Justice. C’est à eux de faire le lien entre le détenu et le monde extérieur (magistrat, avocat, famille, employeur, bailleur…). Ils préparent également les différentes commissions qui ont lieu pendant l’incarcération (indigence, CAP, débat contradictoire). Ils sont compétents pour demander l’aide juridictionnelle pour les détenus ainsi que la CMU à leur sortie de prison. En outre, ils ont pour mission de les orienter sur les démarches à suivre et les aides dont ils peuvent bénéficier à la sortie d’incarcération. La limite de leur mission est la pathologie mentale qui est un obstacle au traitement judiciaire de l’accompagnement social.




La place du travailleur social au SMPR


Le travailleur social fait partie d’une équipe pluridisciplinaire, médicale et paramédicale. Il est donc soumis au secret professionnel comme toute l’équipe du SMPR. Il bénéficie d’une place reconnue par l’équipe, située entre soins et réinsertion.


L’éducateur et l’assistant social élaborent et mettent en œuvre, avec le patient, un projet individualisé de soins via différents supports : les entretiens individuels, le travail de groupe, le développement et l’entretien du réseau partenarial associatif et institutionnel, intra et extra-muros, l’orientation et la coordination avec les membres de l’équipe pluridisciplinaire.


La particularité des missions des travailleurs sociaux en SMPR est le rapport à la loi qui est constant de par le cadre de leur intervention. Les patients sont souvent dans le « tout, tout de suite et maintenant », cela nécessite un travail sur la notion de l’espace et du temps. Le rapport à l’autre est perturbé par les règles de l’incarcération et par la pathologie mentale sous-jacente. La mission de re-socialisation des patients détenus nécessite de reprendre certains apprentissages de base comme la gestion de l’argent, jusqu’à la demande auprès d’un juge des tutelles de la mise en place de mesure de protection des biens. Le travailleur social a toute sa place dans l’apprentissage des règles de base hygiéno-diététiques et a souvent un rôle clé pour permettre à un patient d’accéder aux soins. La représentation négative de la psychiatrie qui existe dans la société existe aussi en incarcération et rend difficile la rencontre avec les soignants. En effet, l’étiquette “SMPR” rend le patient vulnérable vis-à-vis des autres détenus. Ainsi, le travailleur social fait un travail de démystification de la psychiatrie jusqu’à la sortie de détention et ainsi amène certains patients à consulter en service de psychiatrie, ce qui leur paraissait impossible auparavant.


L’un des objectifs de l’accompagnement éducatif est le développement de l’autonomie. Il s’agit de rendre le patient acteur de son projet de soins, son projet social et son projet éducatif, tous trois intimement liés. Le premier outil est l’entretien individuel, qui permet à l’éducateur et au patient de revenir sur son histoire personnelle, son histoire avec les soins et avec les produits et avec la société. L’éducateur a aussi pour mission de lutter contre l’effet désocialisant de la détention. Il s’agit dans un premier temps de préserver les acquis extra-muros : maintien du logement/hébergement, de l’emploi/de la formation, des droits, des liens familiaux, du réseau social. Dans un deuxième temps, il s’agit de préparer la sortie de détention en orientant le patient vers les associations et institutions partenaires, médicales et sociales, de préparer son retour à la vie sociale et citoyenne. Cette mission est assurée par un suivi individualisé régulier et un travail d’équipe qui permet d’évaluer et développer les aptitudes relationnelles des patients.


Il est important de souligner le rôle que peut jouer la famille dans le parcours de réinsertion du patient. Même s’il y a eu des ruptures, il sera nécessaire de s’efforcer à rétablir ou maintenir les liens familiaux. De plus, il convient pour l’éducateur de lutter contre les représentations sociales dont peut être victime le détenu afin de réduire et d’éviter l’exclusion et la marginalisation. Cette mission peut se réaliser au travers des entretiens et du développement du partenariat associatif et institutionnel, de l’accueil et de l’accompagnement de stagiaires, de la participation aux réunions et rencontres partenariales, aux formations et lors de l’accompagnement de patients en permission extérieure.


Enfin, l’éducateur a une mission d’information et de prévention des conduites à risque par une réflexion, en individuel et en groupe, sur le cadre légal, social, moral (sans jugement de valeurs) dans lequel évolue le patient, intra et extra-muros et les limites qu’il se fixe. Ces objectifs et outils doivent permettre au patient de développer de nouvelles stratégies de soins et de réinsertion dans le respect de ses propres valeurs et en tenant compte des modèles de socialisation auxquels il a été confronté.


Enfin, pour les travailleurs sociaux des CSAPA, les missions sont définies par la loi sur la lutte contre la toxicomanie (notamment, tout patient sous méthadone doit avoir un encadrement socio-éducatif). Ils doivent informer, prévenir et orienter en particulier les patients toxicomanes, mais également tous les patients psychiatriques présentant des comorbidités addictives.


Nous insisterons ici sur le fonctionnement particulier d’une antenne du Dispositif de Soins Psychiatriques au centre de détention de Loos. En effet, au troisième étage de la détention se situent des bureaux de consultations de psychologues et d’éducateurs permettant un contact direct, sans rendez-vous, avec les patients.

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Jun 2, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 11: Prise en charge socio-éducative en Service Médico-Psychologique Régional: Articulation soins et projets éducatifs, préparation à la sortie

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