11. Anomalies palpébrales et faciales

Chapitre 11. Anomalies palpébrales et faciales


PaupièresanomaliesLes patients avec des anomalies des paupières ou de la face se présentent souvent à l’ophtalmologiste. Certains se plaignent de difficultés visuelles (par exemple une baisse d’acuité visuelle secondaire à un ptosis) ou de douleurs (par exemple une kératite d’exposition liée à une paralysie faciale), et la plupart ont conscience d’une anomalie de position des paupières. Parfois, ils attribuent leur problème au côté sain, prenant un ptosis pour une rétraction palpébrale controlatérale ou un élargissement de la fente palpébrale pour un ptosis controlatéral. Beaucoup de ces problèmes palpébraux et faciaux sont d’origine neurologique. Dans leur évaluation, il faut rechercher la date de début et la durée des symptômes, mais également l’existence d’éléments associés; on recherchera une variabilité, une fatigabilité et des symptômes comme une faiblesse, une dysarthrie ou une difficulté à avaler. Un ptosis congénital peut être confirmé par l’examen de photographies anciennes. Les antécédents de diabète, d’anomalie thyroïdienne, d’hypertension artérielle, de sarcoïdose et de faiblesse musculaire localisée doivent être notés. Il faut examiner la fonction des paupières et les mouvements de la face. Le diagnostic et la prise en charge des anomalies palpébrales sont développés dans la Section 7 du BCSC, Orbit, Eyelids, and Lacrimal System (Orbite, paupières et système lacrymal).


Techniques d’examen


Paupièresanomalies examenL’examen des paupières commence par l’inspection de la courbure palpébrale, de leur aspect (une courbure en S peut indiquer une neurofibromatose [fig. 11-1; voir aussi chapitre 14] ou une pathologie touchant la glande lacrymale); on notera la fréquence du clignement (diminuée dans la maladie de Parkinson et augmentée dans le blépharospasme), et l’existence de mouvements anormaux (syncinésie avec d’autres muscles faciaux). L’ouverture de la fente palpébrale doit être mesurée en position primaire (la normale chez un adulte est de 9 à 10 mm, avec recouvrement de 1 mm du limbe supérieur par la paupière supérieure, la paupière inférieure touchant le limbe inférieur) (fig. 11-2). S’il existe un ptosis unilatéral, l’examinateur devra vérifier qu’il ne s’agit pas d’un faux ptosis lié à un strabisme vertical (hypotropie) (fig. 11-3) ou controlatéral à une rétraction palpébrale. Les paupières doivent être éversées pour éliminer une cause locale de ptosis comme la capture d’une lentille de contact ou une conjonctivite gigantopapillaire. Si le ptosis est asymétrique – et en particulier si la paupière la plus haute paraît rétractée –, il faudra manuellement soulager la paupière ptosée et regarder si l’autre paupière redescend vers une nouvelle position (fig. 11-4).





Pour évaluer la fonction du releveur, on mesure l’excursion totale du bord palpébral, depuis le regard vers le bas jusqu’au regard vers le haut, en bloquant fermement le sourcil pour empêcher l’action du muscle frontal. L’excursion normale de la paupière supérieure va de 12 à 16 mm (fig. 11-5). Il faudra également mesurer la distance entre le bord libre de la paupière supérieure et le reflet cornéen (fig. 11-6), et le bord libre de la paupière supérieure et le pli palpébral (fig. 11-7).




Il faut observer le mouvement de la paupière lors de la poursuite d’une cible du haut vers le bas. Normalement, ce mouvement se fait sans à-coup, mais il peut exister un retard de la paupière chez les patients porteurs d’une dysthyroïdie (fig. 11-8; voir aussi chapitre 14) ou en cas de régénération aberrante d’une paralysie du nerf crânien III (voir aussi chapitre 8 sur la diplopie).


Dans les cas où, devant un ptosis variable, on suspecte une myasthénie, il faut demander au patient de fixer la main de l’examinateur, située en hauteur, afin de positionner le regard en position extrême vers le haut. Le clinicien recherche l’apparition d’un ptosis progressif alors que le patient essaie de tenir cette position. Un patient indemne de myasthénie peut maintenir la position sans développer de ptosis. Le signe de Cogan (lid-twitch sign) est mis en évidence en demandant au patient de fixer pendant quelques secondes vers le bas et de revenir ensuite en position primaire. Ce signe se traduit par un mouvement excessif d’élévation de la paupière supérieure suivi d’une détente progressive alors que cette paupière revient à la position initiale.

L’appréciation de la fonction motrice du facial comprend l’évaluation de la force des orbiculaires et des autres muscles faciaux. La fermeture palpébrale doit être évaluée pour déterminer si elle est incomplète (lagophtalmie). Des phénomènes de réinnervation comme des syncinésies avec fermeture palpébrale et tics faciaux peuvent témoigner d’une atteinte ancienne du nerf facial (voir fig. 11-11). L’examinateur notera la présence d’une exophtalmie (maladie thyroïdienne, abordée dans le chapitre 14) ou d’une énophtalmie. L’énophtalmie peut avoir comme conséquence un faux ptosis et un rétrécissement de la fente palpébrale car les paupières suivent les contours de l’œil lorsque celui-ci se rétracte dans l’orbite. Une anisocorie (traitée au chapitre 10) peut traduire une atteinte du système sympathique ou parasympathique, toutes deux modifiant la position des paupières. Enfin, les nerfs crâniens «voisins» doivent être évalués. Si le ptosis est en rapport avec une faiblesse du nerf oculomoteur (III), la fonction des nerfs IV, V et VI doit être évaluée. On devra rechercher une atteinte discrète de l’oculomotricité. De la même façon, s’il existe une atteinte du nerf facial (VII), la sensibilité faciale et l’audition doivent être évaluées.


Ptosis



Ptosis congénital


PtosisPtosiscongénitalIl est admis que la forme la plus fréquente de ptosis congénital résulte d’un développement dystrophique du releveur de la paupière supérieure sans anomalie innervationnelle. Le ptosis congénital (fig. 11-9) peut être uni- ou bilatéral et peut être associé à d’autres anomalies oculaires ou orbitaires congénitales, incluant le syndrome de blépharophimosis, la fibrose congénitale des muscles extraoculaires, une faiblesse du droit supérieur et le syndrome de syncinésie mandibulopalpébrale de Marcus-Gunn (fig. 11-10). Ce dernier phénomène est un mouvement de syncinésie de la paupière associé à un mouvement de la mâchoire. Dans la forme de ce syndrome où il existe une syncinésie entre le muscle ptérygoïdien latéral et le releveur de la paupière supérieure, la paupière se rétracte lors du mouvement de la mâchoire inférieure vers le côté opposé, de la protrusion de la mâchoire ou de l’ouverture large de la bouche. Dans la forme syncinésie du muscle ptérygoïdien médial–releveur de la paupiére superieure, la paupière se rétracte lorsque les dents sont serrées. Chez certains patients avec une syncinésie mandibulopalpébrale de Marcus-Gunn, le ptosis peut être aggravé lors des mouvements de la mâchoire, bien que cela ne soit pas habituel. Certaines tumeurs congénitales comme les hémangiomes ou les neurofibromes peuvent également entraîner un ptosis congénital. Ces tumeurs sont habituellement associées à une masse palpable. Quelle que soit l’origine d’un ptosis congénital chez un enfant, l’ophtalmologiste doit être conscient du risque d’amblyopie secondaire à l’occlusion ou à une anisométropie.










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Figure 11-11
Anatomie du nerf facial et diagnostic topographique des lésions. GNPS : grand nerf pétreux superficiel.


1. Paralysie faciale supranucléaire : paralysie controlatérale des deux tiers inférieurs de la face avec faiblesse de l’orbiculaire et dissociation automatico-volontaire.


2. Paralysie faciale nucléaire : monoplégie faciale (si congénitale) avec une atteinte du noyau du VI (paralysie de la latéralité homolatérale), une ataxie fréquente et parfois un syndrome de Claude Bernard-Horner.

Les lésions périphériques du nerf facial se traduisent par une monoplégie faciale incluant les muscles orbiculaire et frontal à laquelle s’ajoutent :


3. Au niveau de l’angle pontocérébelleux : diminution du larmoiement, dysgueusie, perte de la sécrétion salivaire, perte du goût au niveau des deux tiers antérieurs de la langue, diminution de l’audition, vertige, ataxie et atteinte des nerfs crâniens adjacents (V, VI).


4. En cas d’inflammation du ganglion géniculé (syndrome de Ramsay Hunt, zona) : mêmes anomalies mais pas d’atteinte du tronc cérébral ni des autres nerfs crâniens.


5. En cas d’atteinte du nerf vidien ou du ganglion sphénopalatin, on retrouvera un déficit lacrymal unilatéral isolé (accompagné d’une paralysie du VI en cas d’atteinte du sinus caverneux).


6. Au niveau du canal de Fallope : atteinte du nerf du muscle stapédien, dysacousie, atteinte de la corde du tympan, perte du goût des deux tiers antérieurs de la langue, diminution de la sécrétion salivaire.


7. En aval de la corde du tympan : paralysie isolée des muscles de la face.


8. En aval de la division du nerf facial, après la sortie du foramen stylomastoïdien : l’atteinte touche seulement certaines branches du facial (atteinte faciale localisée; de plus, une diplégie faciale peut être due à une faiblesse).
Enfin, une paralysie faciale bilatérale peut être la conséquence d’anomalies congénitales (syndrome de Möbius), d’une sarcoïdose, d’un syndrome de Guillain-Barré, ou d’une neurofibromatose de type 2 (neurinome de l’acoustique bilatéral).

(Adapté avec autorisation de Kline LB, Bajandas FJ. Neuro-Ophthalmology Review Manual. 5th ed. Thorofare, New Jersey : Slack; 2000.)


Ptosis acquis


PtosisacquisLe tableau 11-1 résume les causes les plus fréquentes de ptosis acquis. Devant un ptosis neurogène, il faut examiner attentivement la taille de la pupille et rechercher des anomalies oculomotrices associées. Le ptosis cérébral fait référence au ptosis associé à une lésion d’un hémisphère cérébral (souvent le droit). Le ptosis peut être uni- ou bilatéral et est transitoire dans la majorité des cas.






Tableau 11-1 Causes des ptosis acquis



Neurogènes




Paralysie du nerf III


Syndrome de Claude Bernard-Horner


Migraine ophtalmoplégique


Apraxie d’ouverture des paupières


Syndrome de Miller-Fisher


Myogènes




Ophtalmoplégie chronique progressive


Myopathie cortisonique


Dystrophie myotonique


Neuromusculaires


Myasthénie


Botulisme


Aponévrotiques




Désinsertion


Distension


Traumatiques




Plaie palpébrale


Ptosis postchirurgical


Corps étranger


Mécaniques




Chalazion


Cicatrice

Averbuch-Heller L, Leigh RJ, Mermelstein V, Zagalsky L, Streifler JY. Ptosis in patients with hemispheric strokes. Neurology. 2002; 58 : 620–624.

Si l’on suspecte une maladie systémique comme une myasthénieMyasthénieptosis et, une ophtalmoplégie externe progressiveOphtalmoplégieexterne progressiveptosis et ou une dystrophie myotoniqueDystrophiedes cônesptosis et (traitée dans le chapitre 14), il faut interroger le patient sur ses antécédents familiaux, sa force physique, et rechercher l’existence d’une fatigabilité. Le botulismeBotulisme, ptosis et entraîne un ptosis bilatéral associé à une ophtalmoplégie et des pupilles peu réactives. Les patients ont également une paralysie faciale et une faiblesse des muscles proximaux associée. L’aréflexie, l’ataxie et l’ophtalmoplégie sont caractéristiques du syndrome de Miller-FisherMiller-Fisher, syndrome de, une variante du syndrome de Guillain-Barré (abordé plus loin dans le chapitre). En plus d’un ptosis bilatéral, ces patients peuvent également avoir une diplégie faciale et des difficultés respiratoires et de déglutition. L’utilisation chronique de collyres corticoïdes pourrait entraîner un ptosis par le biais d’une myopathie localisée du releveur de la paupière supérieure.

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May 12, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 11. Anomalies palpébrales et faciales

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