Chapitre 1 Prologue
Être psychiatre en milieu pénitentiaire
La fonction de psychiatre
Maladie mentale préexistante
Monsieur X. est suivi pour un syndrome dépressif majeur. Il faudra plusieurs semaines au soignant pour comprendre que ce patient est régulièrement violé par son co-détenu et beaucoup de persuasion pour l’amener à changer immédiatement de cellule.
Trahir son patient ou se mettre hors-la-loi ? La crainte de représailles est constante chez les détenus malades mentaux doublement vulnérables. Combien d’entre eux ne se sont-ils pas faits « corrigés » du fait de troubles du comportement ou d’hallucinations proférées à haute voix ? Devons-nous les isoler, les hospitaliser d’office en espérant que les quelques jours (inférieurs à une semaine) qui leur seront accordés dans certains services seront suffisants. Que ceux qui soignent la psychose en express n’hésitent pas à postuler dans les SMPR…
Un patient au délire « de guerre » particulièrement floride voit sa pathologie vivement renforcée par les conditions de détention. Il est prisonnier, ce qui renforce ses convictions délirantes, sa fin est proche pense-t-il du fait de tous ces hommes en uniformes détenteurs de clés qui l’entourent. Dans un sursaut de survie, il s’agite de manière désespérée. L’hospitalisation d’office est diligentée, à la vue des surveillants qui vont l’emmener menotté, il s’agenouille et salue « le peloton d’exécution »…
Monsieur Y. est suivi dans le cadre d’une psychothérapie de soutien. Ses troubles de la personnalité, de type psychopathique, ne font aucun doute. Il faudra là une année pour comprendre que cet homme jeune vit avec sa mère, qui l’a abandonné lorsqu’elle-même était adolescente et qu’ « unis désormais par les liens de l’amour », ils ont ensemble deux jeunes enfants. Il pense que ce n’est pas « bien »… mais cherche confirmation… Une année pour que les yeux du thérapeute se dessillent et que celui-ci puisse comprendre ce qui lui est dit.
Notre héritage théorique a beau ne pouvoir se passer d’Œdipe, de là à lui serrer la main…
Monsieur Z., 65 ans, arrive d’un autre établissement. Il mettra une heure à parvenir au service médical, demandant son chemin et obtenant des renseignements qu’il n’intègre pas. Une fois assis, au-delà du syndrome anxieux apparaît une pathologie démentielle évidente. Incarcéré pour uxoricide aux modalités laissant objectivement perplexe, celui-ci a quand même été jugé et avait au total patienté quatre années avant d’obtenir un transfert dans un établissement pour peines. Ne quittant jamais sa cellule, le tableau était passé inaperçu dans l’établissement initial, c’est le changement de repères qui a permis de mettre en lumière les éléments cliniques d’une démence.
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1: Prologue: Être psychiatre en milieu pénitentiaire
