21. Traitement du diabète sucré
Chapitre révisé pour cette édition par:
Valérie Sautou-Miranda
Praticien hospitalier, pharmacien des hôpitaux, maître de conférences, pharmacie clinique
Jean Chopineau
Praticien hospitalier, pharmacien des hôpitaux, chef de service, professeur, pharmacie clinique
Frédéric Somda
Médecin chef de clinique, assistant des universités endocrinologie, diabète et maladies métaboliques
Igor Tauveron
Médecin praticien hospitalier, professeur d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques Clermont-Ferrand, France
Chapitre initialement rédigé par:
Valérie Sautou-Miranda, Jean Chopineau and Isabelle Girard-Tournilhac
Médecin nutritionniste CHU de Clermont-Ferrand, France
PLAN DU CHAPITRE
Optimisation thérapeutique427
CE QU’IL FAUT RETENIR437
ÉTUDE DE CAS CLINIQUES438
Références bibliographiques441
GÉNÉRALITÉS
PHYSIOPATHOLOGIE
– le diabète de type 1 (anciennement dénommé diabète insulinodépendant): il résulte d’une destruction autoimmune des cellules β des îlots de Langerhans. Il survient essentiellement avant 20 ans et est caractérisé par son début clinique brutal. Il entraîne une carence insulinique majeure, ce qui explique sa tendance à l’acidocétose (le glucose ne peut plus servir de combustible cellulaire et l’organisme mobilise une quantité accrue d’acides gras, d’où l’augmentation des taux sanguins des acides gras et de leurs métabolites, les corps cétoniques);
– le diabète de type 2 (anciennement dénommé diabète non insulinodépendant): il survient essentiellement après 40 ans. Il associe une insulinorésistance et une insulinopénie. La glycémie reste normale tant que les cellules β des îlots de Langerhans sont capables de faire face aux besoins accrus d’insuline. Mais après plusieurs années d’hyperinsulinisme, les cellules β défaillent, une insulinopénie apparaît et la glycémie augmente. Étant donnée la physiopathologie du diabète de type 2, le début de la maladie est insidieux et le diagnostic se fait souvent lors d’une complication ou d’un dépistage. Les principaux facteurs cliniques d’insulinorésistance sont l’obésité, la répartition androïde des graisses, la sédentarité, l’âge et les facteurs génétiques.
► Clinique
Polyurie, polydipsie, polyphagie et perte de poids sont les signes cliniques évocateurs d’une hyperglycémie franche et sont souvent révélateurs d’un diabète de type 1. Mais cette hyperglycémie n’est pas toujours symptomatique et un diabète peut se révéler par ses complications dégénératives (ce qui est souvent le cas du diabète de type 2) et métaboliques.
Complications métaboliques
Elles peuvent être de type:
– acidocétose qui complique surtout le diabète de type 1;
– coma hyperosmolaire qui complique le diabète de type 2 chez les personnes âgées. Il survient à l’occasion d’une hyperglycémie suffisante pour entraîner une déshydratation. C’est une complication relativement exceptionnelle.
Complications dégénératives
L’hyperglycémie provoque à long terme des détériorations fonctionnelles des reins, des nerfs périphériques et de la rétine, d’où les risques de néphropathies, neuropathies et rétinopathies. L’athérosclérose coronarienne et l’artérite des membres inférieurs (essentiellement distale) sont également plus fréquentes chez les diabétiques que chez les non diabétiques. Elles apparaissent de plus à un âge plus précoce.
Le déséquilibre du diabète favorise les infections. Les infections sont particulièrement redoutables au niveau du pied car les portes d’entrée des germes sont fréquentes et peuvent conduire au mal perforant plantaire, à une gangrène puis une amputation. Les infections urinaires sont relativement fréquentes et souvent asymptomatiques. Les infections sont responsables de décompensations diabétiques.
► Critères diagnostiques du diabète
Ils ont été réévalués en 1997 par les experts de l’OMS (The Expert Committee on the Diagnosis and Classification of Diabetes Mellitus, 1997). Une personne est considérée comme diabétique si elle présente un des éléments suivants:
– présence des signes cliniques du diabète et glycémie supérieure ou égale à 2 g/L (11,1mmol/L);
– glycémie à jeun (8 heures de jeûne ou plus) supérieure ou égale à 1,26 g/L (7mmol/L). Cette valeur est à confirmer par une 2e mesure un autre jour;
– glycémie 2 heures après 75 g de glucose per os supérieure ou égale à 2 g/L (la pratique de l’hyperglycémie provoquée par voie orale n’est cependant pas recommandée).
MÉDICAMENTS UTILISÉS
L’objectif prioritaire du traitement consiste à maintenir la glycémie autour de sa valeur normale. La thérapeutique vise à prévenir l’hyperglycémie symptomatique et les complications métaboliques (acidocétose, voire coma hyperosmolaire) tout en minimalisant les risques d’hypoglycémie. Les médicaments utilisés visent:
– à compenser la carence en insuline observée dans le diabète de type 1 (insulines et analogues);
– à limiter le phénomène d’insulinorésistance suivi de l’insulinopénie dans le diabète de type 2: seuls les antidiabétiques oraux seront traités dans ce chapitre. Mais, le diabète de type 2 est une maladie multifactorielle complexe nécessitant la correction des facteurs de risque de micro et macroangiopathies. Celle-ci peut nécessiter l’utilisation d’autres médicaments (antihypertenseurs, fibrates, statines, etc.) qui sont abordés dans les chapitres correspondant aux pathologies concernées.
Classification des médicaments
Les différents médicaments utilisés dans la thérapeutique antidiabétique sont d’une part les insulines et analogues, d’autre part les antidiabétiques oraux, groupe constitué par les biguanides, les sulfamides hypoglycémiants, les glinides, les glitazones, et les inhibiteurs des α-glucosidases. Les différentes spécialités commercialisées en France sont classées dans les Tableau 21.1, Tableau 21.2, Tableau 21.3, Tableau 21.4, Tableau 21.5, Tableau 21.6, Tableau 21.7, Tableau 21.8 and Tableau 21.9. Nous n’avons pas encore intégré les analogues de la GLP1 et des inhibiteurs de la DPP4, médicaments prochainement disponibles sur le marché français dont la place dans l’arsenal thérapeutique est encore mal définie.
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
insuline à séquence humaine | Actrapid | Solution injectable (10mL) | 100UI/mL |
Actrapid Penfill | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Insuman rapid | Solution injectable (5mL) | 100UI/mL | |
Insuman rapid optiset | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Insuman infusat | Cartouches de 3,15mL pour pompes | 100UI/mL | |
Umuline rapide | Solution injectable (10mL) | 100UI/mL | |
Umuline rapide | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
analogue de l’insuline | Apidra (Insuline Glulisine) | Solution injectable (10mL) | 100UI/mL |
Apidra (Insuline Glulisine) | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Humalog (insuline Lispro) | Solution injectable (10mL) | 100UI/mL | |
Apridra Solostar (Insuline Glulisine) | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Humalog (insuline Lispro) | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Humalog Pen (Insuline Lispro) | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Novorapid (Insuline Asparte) | Solution injectable (10mL) | 100UI/mL | |
Novorapid Penfill (Insuline Asparte) | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Novorapid Flexpen (Insuline Asparte) | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
insuline à séquence humaine | Insulatard NPH | Suspension injectable (10mL) | 100UI/mL |
Insulatard NPH Penfill | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Insulatard NPH Flexpen | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Insulatard NPH InnoLet | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Insuman Basal | Suspension injectable (5mL) | 100UI/mL | |
Insuman Basal Optiset | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Insuman Comb 15* | Suspension injectable (5mL) | 100UI/mL | |
Insuman Comb 15* Optiset | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Insuman Comb 25* | Suspension injectable (5mL) | 100UI/mL | |
Insuman Comb 25* Optiset | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Insuman Comb 50* | Suspension injectable (5mL) | 100UI/mL | |
Insuman Comb 50* Optiset | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Mixtard 30* | Suspension injectable (10mL) | 100UI/mL | |
Umuline Profil 30* | Suspension injectable (10mL) | 100UI/mL | |
Umuline Profil 30* | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Umuline Profil 30 Pen | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
Umuline NPH | Suspension injectable (10mL) | 100UI/mL | |
Umuline NPH | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Umuline NPH Pen | Stylo jetable prérempli (3mL) | 100UI/mL | |
analogues de l’insuline | Humalog Mix 25* | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL |
Humalog Mix Pen 25* | Stylo prérempli jetable (3mL) | 100UI/mL | |
Humalog Mix 50* | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Humalog Mix Pen 50* | Stylo prérempli jetable (3mL) | 100UI/mL | |
Novomix 30 Penfill* | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Novomix 30 Flexpen* | Stylo prérempli jetable (3mL) | 100UI/mL |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
analogues de l’insuline | Lantus | Suspension injectable (10mL) | 100UI/mL |
Lantus pour Opticlik | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Lantus Solostar | Stylo prérempli jetable (3mL) | 100UI/mL | |
Levemir Penfill | Cartouche de 3mL pour stylos | 100UI/mL | |
Levemir Flexpen | Stylo prérempli jetable (3mL) | 100UI/mL | |
Levemir Innolet | Stylo prérempli jetable (3mL) | 100UI/mL |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
metformine | Glucophage 500, 850 et 1 000mg | Comprimé pelliculé | 390, 663 et 780mg |
Merformine «génériques» 500, 850 et 1 000mg | Comprimé pelliculé | 390, 663 et 780mg | |
Diabamyl 850mg | Comprimé pelliculé | 663mg | |
Stagid 700mg | Comprimé sécable | 280mg |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
carbutamide | Glucidoral | Comprimé sécable | 500mg |
glibenclamide | Daonil | Comprimé sécable | 5mg |
Hémidaonil | Comprimé sécable | 2,5mg | |
Daonil faible | Comprimé sécable | 1,25mg | |
Euglucan | Comprimé sécable | 5mg | |
Miglucan | Comprimé sécable | 2,5mg | |
glipizide | Glibénèse | Comprimé sécable | 5mg |
Glipizide Merck | Comprimé sécable | 5mg | |
Minidiab | Comprimé sécable | 5mg | |
Ozidia | Comprimé osmotique | 5, 10mg | |
glibornuride | Glutril | Comprimé sécable | 25mg |
gliclazide | Diamicron | Comprimé sécable | 80mg |
Diamicron LP 30mg | Comprimé à libération prolongée | 30mg | |
Gliclazide génériques | Comprimé sécable | 80mg | |
glimépiride | Amarel | Comprimé | 1, 2, 3 et 4mg |
Glimépiride génériques | Comprimé | 1, 2, 3 et 4mg |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
acarbose | Glucor | Comprimé | 50 et 100mg |
miglitol | Diastabol | Comprimé | 50 et 100mg |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
répaglinide | Novonorm | Comprimé | 0,5, 1 et 2mg |
Principe actif | Nom de commercialisation | Forme galénique | Dosage |
---|---|---|---|
pioglitazone | Actos | Comprimé | 15 et 30mg |
rosiglitazone | Avandia | Comprimé | 2,4 et 8mg |
Principe actif | Nom de commercialisation | Forme galénique | Dosage |
---|---|---|---|
metformine + rosiglitazone | Avandamet | Comprimé pelliculé | 500mg + 1 ou 2mg 1 000mg + 2 ou 4mg |
metformine + glibenclamide | Glucovance | Comprimé pelliculé | 500mg + 2,5 ou 5mg |
Mécanisme d’action
► Antidiabétiques oraux
Biguanides
La metformine ne modifie pas l’insulinosécrétion. Elle agit uniquement au niveau extrapancréatique en améliorant la sensibilité des tissus cibles (muscles, foie) à l’insuline et en augmentant ainsi l’utilisation périphérique du glucose. Elle ne présente donc pas d’effet réellement hypoglycémiant mais évite l’apparition d’une hyperglycémie. Elle permet une diminution de la production hépatique de glucose et un ralentissement de l’absorption intestinale du glucose. La metformine présente également un effet hypotriglycéridémiant.
Sulfamides hypoglycémiants
Ils présentent une action hypoglycémiante par effet pancréatique (augmentation de la sécrétion d’insuline basale, surtout celle induite par le glucose et les acides aminés) et accessoirement par effet extrapancréatique (potentialisation de l’insuline au niveau du transport, de l’oxydation et du stockage du glucose). Les sulfamides hypoglycémiants diminueraient également la production hépatique du glucose principalement en freinant la néoglucogenèse.
Glinides
Leur mécanisme d’action s’apparente à celui des sulfamides hypoglycémiants. Le répaglinide stimule la sécrétion d’insuline par le pancréas par l’intermédiaire des canaux potassiques ATP dépendants des cellules β, à partir d’une protéine cible (différente de celle des autres sécrétagogues). Contrairement aux sulfamides hypoglycémiants, il préserve entre autre la biosynthèse d’insuline par les cellules pancréatiques.
Glitazones
Ce sont des agonistes des récepteurs nucléaires PPARγ. Au même titre que la metformine, elles ne sont pas insulinosécrétrices. Elles réduisent l’insulinorésistance et freinent la cinétique de réduction de l’insulinosécrétion. En augmentant la sensibilité à l’insuline du muscle, du foie et des adipocytes, elles entraînent une amélioration de l’homéostasie glucidique. Elles ont également une action favorable sur le métabolisme des lipides en provoquant une hausse du cholestérol HDL et une réduction des triglycérides.
Relation structure-activité
Insulines
Initialement obtenue par extraction de broyats de pancréas d’animaux (porc, bœuf), l’insuline a secondairement été purifiée sur colonne puis obtenue par génie génétique. Cette insuline a une structure d’insuline humaine.
Les analogues rapides de l’insuline présentent des modifications de certains acides aminés de la chaîne polypeptidique de la molécule d’insuline dans le but de diminuer le délai d’action de celle-ci. En effet les insulines in vitro s’agglomèrent sous forme d’hexamères et ne se transforment que progressivement dans le tissu sous-cutané en monomères absorbables. Les analogues rapides ne s’agglomèrent pas et sont donc absorbés plus rapidement.
Les analogues lents sont modifiés afin de stabiliser les hexamères d’insuline et augmenter ainsi le délai et la durée d’action de l’insuline.
Biguanides
Ce sont des dérivés de la guanidine. Le radical guanidine déplace le calcium (et les cations bivalents) de ses liaisons avec les membranes plasmiques et mitochondriales. Cette action sur le calcium expliquerait certains effets biologiques dont l’augmentation de l’action de l’insuline sur le foie, étroitement corrélée aux flux ioniques transmembranaires.
Sulfamides hypoglycémiants
Ce sont des aryl-sulfonylurées substituées présentant une grande homogénéité structurale. La structure chimique de base responsable de l’effet hypoglycémiant est l’aryl-sulfonylurée. Les groupements interviennent sur la lipophilie de la molécule, déterminent sa puissance et sa durée d’action.
Glinides
Le répaglinide est un dérivé de l’acide benzoïque présentant une affinité spécifique pour une protéine cible des cellules β du pancréas. L’énantiomère S constitue la forme pharmacologiquement active.
Glitazones
Ce sont des thiazolidinediones, molécules présentant une forte affinité pour les récepteurs PPARγ.
Inhibiteurs des α-glucosidases
Ce sont des pseudooligosaccharides caractérisés par une structure appelée acarviosine à laquelle est rattaché de part et d’autre un nombre variable de résidus glucose. Ils agissent par fixation sur le site actif des α-glucosidases par liaison CN entre acarviosine et α-glucosidase.
Pharmacocinétique
► Insulines
Résorption. Durée d’action
L’insuline étant détruite par les enzymes protéolytiques des sucs digestifs, elle doit être administrée par voie parentérale. La voie IV est réservée au traitement des urgences métaboliques; l’action hypoglycémiante débute en 5min environ et prend effet en moins d’une heure. Par voie sous-cutanée, les délais et durées d’action sont fonction des préparations galéniques mais également de facteurs comme: l’épaisseur du tissu cutané, le lieu d’injection, etc. Pour limiter les inconvénients liés à ces facteurs, différents conseils pourront être donnés aux diabétiques (voir «Optimisation de l’administration», p. 429).
La mise sur le marché d’analogues de l’insuline a permis de modifier les propriétés pharmacocinétiques de l’insuline. Les analogues rapides permettent l’obtention d’un pic d’action plus précoce et plus intense que les insulines humaines d’action rapide. L’avantage de ces analogues de l’insuline est de pouvoir les administrer juste avant le repas, de réduire les excursions glycémiques postprandiales et de diminuer les épisodes d’hypoglycémie postprandiale tardive. Les analogues d’action prolongée contribuent à limiter de façon significative la variabilité cinétique observée avec les insulines protaminées NPH: ils présentent une durée d’action plus longue et un profil pharmacocinétique plus régulier (il n’y a pas de pic plasmatique) permettant de limiter le risque d’hypoglycémie nocturne.
Les insulines sont réparties schématiquement en 3 groupes en fonction de leur durée d’action:
– les insulines rapides: les insulines humaines présentent un délai d’action d’environ 30min et une durée d’action d’environ 6 heures; les analogues de l’insuline agissent en 10 à 15min et leur action se maintient 3 à 5 heures;
– les insulines protaminées d’action intermédiaire ont un délai d’action moyen d’une heure et une durée d’action moyenne de 12 heures;
– les insulines lentes sont maintenant exclusivement des analogues de l’insuline. L’insuline glargine a un délai d’action d’environ 24 heures. L’insuline détémir a une durée d’action variable en fonction de la dose administrée (12 heures à 0,2UI/kg à 20 heures à 0,4UI/kg).
Métabolisme
L’insuline est dégradée essentiellement au niveau du foie, du rein et du muscle par la glutathion synthétase en métabolites inactifs.
► Biguanides
La metformine présente une résorption digestive correcte. Elle n’est pas métabolisée et la forme active est éliminée dans les urines. Sa demi-vie est de 3 heures environ, d’où l’intérêt de formes retard.
► Sulfamides hypoglycémiants
Ces médicaments sont bien absorbés par voie orale. Ils présentent une demi-vie variable selon les produits (de 3 à 7 heures pour le glipizide à environ 45 heures pour le carbutamide). Il en est de même pour leur métabolisme. Ils ont la particularité d’être fortement liés aux protéines plasmatiques d’où la nécessité d’être vigilant vis-à-vis des interactions médicamenteuses. L’élimination est urinaire. Ils passent à travers le placenta
► Glinides
L’absorption intestinale du répaglinide est rapide et complète. La concentration plasmatique maximale est atteinte dans l’heure suivant son administration. Le répaglinide présente une biodisponibilité de 63%, un faible volume de distribution. Sa fixation aux protéines plasmatiques est élevée (98%). Le répaglinide est métabolisé au niveau hépatique par le cytochrome P450 (CYP 3A4 mais surtout 2C8) et connaît une élimination principalement biliaire sous forme de métabolites inactifs. Sa demi-vie d’élimination est courte, d’environ 1 heure.
► Inhibiteurs des α-glucosidases
L’acarbose présente une résorption digestive minime, une fixation faible aux protéines plasmatiques. Il est dégradé au niveau intestinal et est éliminé sous forme de métabolite inactif par voie fécale et urinaire. Sa demi-vie est de 6 à 8 heures. Le miglitol est bien absorbé par voie orale, sa fixation aux protéines plasmatiques est négligeable. Il est éliminé sous forme inchangée presque exclusivement par voie rénale. Sa demi-vie est de 2 à 3 heures.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
CHEZ L’ADULTE
Traitement du diabète de type 1
L’insulinothérapie est adaptée à chaque malade. L’objectif du traitement est essentiellement d’obtenir un équilibre glycémique correct (hémoglobine glyquée HbA1c à 7%, Ceci permet de prévenir la microangiopathie des diabétiques ayant une espérance de vie supérieure à 15 ans. Quelques principes d’insulinothérapie permettent d’amener le malade vers cet objectif glycémique:
– le traitement doit comporter plusieurs administrations d’insulines permettant de couvrir l’ensemble du nycthémère en respectant les variations glycémiques physiologiques. Afin de se rapprocher du profil insulinique physiologique, de nombreux diabétologues préconisent le schéma d’insulinothérapie dit «basal bolus», soit 1 à 2 injections d’insuline retard (analogues à longue durée d’action ou NPH) censées couvrir les besoins de base et 3 injections d’insuline rapide permettant de gérer les hyperglycémies postprandiales. Ceci correspond en fait à des schémas à 3 ou 4 injections d’insulines par jour en utilisant des mélanges d’insulines (figure 21.1). Le mode d’administration de l’insuline par pompe permet également de se rapprocher du profil insulinique physiologique en remplaçant le bolus sous-cutané d’insuline retard par une perfusion continue d’insuline rapide de résorption plus régulière;
Figure 21.1 |
– il est important d’insister sur la régulation glycémique nocturne particulièrement difficile à gérer. L’objectif est d’obtenir au moins 5 jours sur 7 une glycémie au réveil < 1,2 g/L sans hypoglycémie nocturne. Pour ce faire, il convient parfois de retarder l’injection d’insuline retard du dîner au coucher, à 22 h et même 23 h L’utilisation des analogues lents de l’insuline permet, du fait de leur profil pharmacocinétique, de limiter les hypoglycémies nocturnes;
– le diabétique doit effectuer une autodétermination glycémique avant chaque injection afin de pouvoir réaliser un éventuel correctif des doses d’insuline d’action rapide (1 à 2 unités d’insuline), voire des délais entre injection d’insuline et début des repas.
Malgré la prise en considération de ces principes de base, le risque hypoglycémique reste toujours présent et le diabétique devra apprendre à le gérer.
En cas de microangiopathie débutante, de neuropathie douloureuse évolutive, d’infection (notamment d’ulcérations du pied), les objectifs glycémiques sont plus stricts et le malade devra donc multiplier les autocontrôles glycémiques (avant et après chaque repas ainsi qu’au coucher) afin d’adapter l’insulinothérapie de façon immédiate.
En cas de complications de microangiopathie avancées, elles deviennent alors irréversibles malgré un parfait équilibre glycémique. Par conséquent, le maintien d’un équilibre glycémique correct avec une insulinothérapie «basal bolus» reste suffisant.
Chez les personnes ayant une espérance de vie limitée, on se contente d’une insulinothérapie de confort («Traitement du diabète de la personne âgée», p. 426).
L’insulinothérapie doit toujours être associée à une alimentation équilibrée. Dans le cadre du diabète de type 1, le régime préconisé est normocalorique équilibré (55% de glucides, 30% de lipides et 15% de protides). La fragmentation des apports glucidiques est essentielle (répartition des apports en 3 repas essentiels avec des collations variables, jusqu’à 3 par jour). L’apport lipidique se fera selon une répartition équilibrée des graisses polyinsaturées, mono-insaturées et saturées et un contenu en cholestérol alimentaire inférieur à 300mg/jour.
Traitement du diabète de type 2
La Haute autorité de santé (HAS, 2006) a réactualisé les recommandations de l’ Afssaps (1999) et de l’Anaes (2000) suite à la mise sur le marché des glinides et surtout des glitazones. Les principaux messages de ces recommandations sont les suivants:
– en cas d’échec, une monothérapie par antidiabétique oral sera instaurée;
– les associations (bithérapie puis éventuellement trithérapie) feront suite à la monothérapie en cas d’échec de celle-ci;
– la place de l’insulinothérapie n’est pas encore parfaitement définie mais il semble qu’il ne faille pas retarder l’introduction de l’insuline en cas d’échec des associations d’antidiabétiques oraux.
La diététique est le premier geste thérapeutique du diabète de type 2. Associée à une activité physique et sportive régulière, elle peut améliorer voire normaliser l’équilibre glycémique. Le traitement médicamenteux sera instauré après échec du traitement diététique et ne dispense en aucun cas d’avoir une alimentation équilibrée.
Les principes alimentaires ont évolué: il ne s’agit plus aujourd’hui d’un régime hypoglucidique mais d’une alimentation normoglucidique modérément hypocalorique an cas de surcharge pondérale. La restriction calorique proposée dépend des résultats de l’enquête alimentaire. Elle vise essentiellement à réduire les boissons alcoolisées et les graisses en préférant les graisses insaturées. Un exercice physique régulier doit être associé à l’équilibre alimentaire.
Si les mesures hygiénodiététiques ne sont pas suffisantes (HbA1c > 6%) un traitement antidiabétique par voie orale est mis en œuvre. La tendance actuelle est de prescrire la metformine précocement, c’est-à-dire si l’HbA1c est comprise entre 6 et 6,5%. En cas d’intolérance à la metformine, les inhibiteurs des α-glucosidases peuvent être utilisés. Pour un taux d’HbA1c plus élevé (> 6,5%), la metformine est toujours le médicament de choix mais une monothérapie par une autre classe d’antidiabétique oral pourra être instaurée. Le choix se fait généralement en fonction des contre-indications et du poids du patient. De façon générale, les insulinosécréteurs sont parfois préférés à la metformine s’il n’y a pas de surcharge pondérale. Par contre en cas d’indice de masse corporelle supérieure à 27 kg/m2, une monothérapie par glitazone peut être instaurée. Les sulfamides hypoglycémiants et les glinides ne sont pas recommandés en cas de surcharge pondérale car ils n’agissent pas sur l’insulinorésistance et sont susceptibles d’aggraver le surpoids déjà présent chez ces patients.
Lorsque les objectifs glycémiques ne sont pas atteints par la monothérapie (HbA1c > 6,5%), une bithérapie pourra être entreprise. Le choix de la bithérapie orale est laissé à l’appréciation du clinicien à la lumière des rapports bénéfices/risques des différents médicaments. Si la bithérapie n’apporte pas les résultats escomptés (HbA1c > 7%) ou si ceux-ci s’épuisent dans le temps, une trithérapie pourra être envisagée: celle-ci associe le plus souvent un insulinosécréteur, la metformine et une glitazone. Cependant la place de la trithérapie n’est pas encore parfaitement évaluée et il peut être proposé de débuter une insulinothérapie en cas d’échec de la bithérapie ou de la trithérapie. Il est alors conseillé en première intention l’adjonction à bithérapie orale d’une insuline NPH au coucher ou d’un analogue lent. En cas d’échec, une insulinothérapie fractionnée (2 à 4 injections par jour) doit être mise en œuvre: par exemple 2 ou 3 mélanges NPH + rapide ou une basale lente + 3 rapides préprandiales. À ce stade, les insulinosécréteurs seront arrêtés. En revanche, la metformine peut être avantageusement poursuivie en l’absence d’intolérance et de contre-indication dans l’objectif de limiter la prise de poids.
Le schéma thérapeutique présentéfigure 21.2 peut être proposé dans l’état actuel des connaissances.
Figure 21.2 (d’après les recommandations de l’HAS 2006). |
CHEZ L’ENFANT
Le traitement du diabète juvénile a pour but la prévention primaire des complications à long terme (microet macroangiopathies). Il est indispensable que les enfants et les adolescents s’efforcent d’obtenir le meilleur contrôle glycémique possible depuis le début de la maladie, ce qui est évalué par les dosages de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) qui doivent approcher 7 à 7,5%.
L’insulinothérapie repose sur le même principe que pour l’adulte, la tendance étant de favoriser le schéma basalbolus. Une répartition individuelle attentive des doses est réalisée et un ajustement est effectué lors des consultations (tous les 2 mois). Pendant la puberté, il est nécessaire d’augmenter les doses jusqu’à 1,5 U/kg/j, voire plus selon les cas.
L’insulinothérapie doit toujours être associée à une alimentation normocalorique équilibrée et à une activité physique régulière.
CHEZ LA FEMME ENCEINTE
Lors d’une grossesse chez une femme diabétique, l’équilibre du diabète doit être «parfait», avec des oscillations glycémiques acceptables entre 0,6 et 1,2 g/L. Cet objectif nécessite le recours à des schémas d’insulinothérapie optimisés soit par pompe portable, soit par insulinothérapie sous-cutanée conventionnelle de type «basal-prandial». Dans le cadre du diabète de type 2, une grossesse impose l’arrêt des antidiabétiques oraux et l’insulinothérapie est mise en place selon les modalités évoquées cidessus.
L’alimentation doit bien entendu être surveillée au cours de la grossesse. Elle apporte en général 2 000 cal/j (55% de glucides, 30% de lipides et 15% de protides) mais peut être abaissée à 1 600 cal/j en cas de surcharge pondérale. Lors de l’accouchement, il convient d’assurer un équilibre glycémique si possible entre 0,6 à 1 g/L. Dans cet objectif, une perfusion continue IV d’insuline ainsi qu’une perfusion de sérum glucosé sont mises en place et la posologie de chacune est adaptée en fonction du résultat de la glycémie capillaire mesurée toutes les demi-heures.
Cas particulier du diabète gestationnel
Il est défini par l’OMS comme un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum. Cette hyperglycémie présente des risques maternofœtaux (mortalité périnatale, macrosomie et hypertension gravidique). Cependant les bénéfices d’un dépistage systématique ou même ciblé sur les populations à risque font l’objet de controverse et se traduisent donc par une grande hétérogénéité des recommandations internationales et des pratiques professionnelles. Quand le diagnostic de diabète gestationnel est posé, des mesures diététiques sont mises en place (régime équilibré: 55% de glucides, 30% de lipides et 15% de protides; l’apport calorique est de 30 cal/kg/j au premier trimestre, puis 35 à 38 cal/kg/j aux deux autres). Si le régime est insuffisant, une insulinothérapie est mise en œuvre. L’autocontrôle glycémique doit être réalisé avant et deux heures après chaque repas.
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
La prévalence du diabète augmente avec l’âge et après 70 ans, plus de 10% de la population serait diabétique. Or le sujet âgé est particulièrement concerné par les complications liées au diabète: le coma hyperosmolaire est une complication privilégiée de ces diabétiques et le risque podologique est élevé en raison de l’augmentation de la prévalence de l’artérite et de la neuropathie avec l’âge. De plus il convient d’être vigilant avec les prescriptions médicamenteuses car le risque iatrogène est important, notamment le risque d’hypoglycémie. Par conséquent chez le sujet âgé, tout traitement médicamenteux n’est justifié que dans la mesure où le bénéfice escompté est supérieur au risque iatrogène encouru. Le choix thérapeutique dépendra plus de tout ce qui n’appartient pas en propre à la maladie (comorbidité, espérance de vie, souhait du malade, contribution de l’entourage, etc.) que du niveau glycémique.