Traitement des infections respiratoires hautes bactériennes

48. Traitement des infections respiratoires hautes bactériennes

Chapitre révisé pour cette édition par: and Anne Boyer-Grand


Pharmacien, praticien attachémaître de conférences, associé pharmacie clinique, CHU de Clermont-Ferrand, France

Chapitre initialement rédigé par:, Anne Boyer-Grand and François Gimenez


Praticien hospitalier, pharmacien, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris; professeur, pharmacie clinique, faculté de pharmacie Paris-XI, Châtenay-Malabry, France

Joël Depondt


Praticien hospitalier, service ORL, hôpital Bichat Claude Bernard, Paris, France

Nous remercions and Sophie Raymond


Interne en pharmacie, département pharmaceutique, CHU de Besançon, France, pour la relecture de ce chapitre


PLAN DU CHAPITRE







Physiopathologie982




Angine982


Rhinopharyngite982


Sinusite983


Otite983


Médicaments utilisés983




Pénétration intra-amygdalienne des antibiotiques983


Diffusion auriculaire des antibiotiques983


Stratégie thérapeutique984




Dans le traitement de l’angine984




Doit-on traiter systématiquement par les antibiotiques une angine?984


Traitement antibiotique de l’angine aiguë984


Traitement de l’angine récidivante986


Traitement non antibiotique de l’angine986


Dans le traitement des rhinopharyngites986




Traitements non antibiotiques986


Traitement antibiotique des rhinopharyngites987


Dans le traitement des sinusites987




Traitement antibiotique987


Traitement non antibiotique987


Dans le traitement des otites987




Traitement antibiotique des otites moyennes aiguës987


Traitement non antibiotique des otites moyennes aiguës988


Optimisation thérapeutique988




Optimisation posologique988


Prévention de l’iatropathologie988




Dans le traitement antibiotique988


Dans le traitement non antibiotique988


Conseils au patient989


CE QU’IL FAUT RETENIR990


ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE991


Références bibliographiques992



GÉNÉRALITÉS




PHYSIOPATHOLOGIE



Angine


C’est une inflammation aiguë de l’oropharynx atteignant les amygdales et souvent les piliers du voile du palais. Selon l’aspect de la muqueuse pharyngée, sont distinguées:




– les angines érythémateuses, bactériennes ou virales;


– les angines érythématopultacées, surtout bactériennes;


– les angines ulcéromembraneuses (de type angine diph térique);


– les angines ulcéronécrotiques, fréquentes au cours des hémopathies;


– les angines vésiculeuses, herpétiques ou zostériennes, virus Coxackie.

Il faut néanmoins préciser qu’il n’existe pas de parallélisme entre l’aspect clinique d’une angine et son agent pathogène.

Seules seront considérées dans ce chapitre les angines d’origine bactérienne.


Il a été estimé qu’environ 9 millions de cas d’angines sont diagnostiqués chaque année en France et que ces angines entraînent environ 8 millions de prescriptions d’antibiotiques, sachant que 5 à 7 millions de ces prescriptions sont inutiles (Peyramond, 1997).

Les angines à streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A (SGA) qui exposent au risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA) et de glomérulonéphrite aiguë sont principalement redoutées.

La fréquence du SGA varie selon l’âge. Elle est évaluée à 21,5% entre 3 et 15 ans, à 7,5% entre 15 et 25 ans et à 9,7% chez les sujets de plus de 25 ans (Cohen, 1996).


► Diagnostic d’une angine à streptocoques β-hémolytiques du groupe A


Il existe deux moyens de diagnostiquer la cause streptococcique d’une angine:




– la culture classique d’un prélèvement pharyngé, demandant plusieurs jours, en pratique peu réalisée en France; son résultat est obtenu dans un délai de 1 à 2 jours;


– le test de diagnostic rapide (TDR) qui repose sur des méthodes immunologiques et peut être réalisé dans le cabinet du médecin en quelques minutes. Sa sensibilité est estimée à 80-90%. Elle varie selon la qualité du prélèvement, l’âge du patient, l’entraînement du médecin le pratiquant et le nombre de colonies de SGA (DIVAS, 1998).

Les tests de diagnostic rapide (TDR), réalisables par le praticien, sont recommandés.

Le principe du test est la mise en présence d’anticorps antistreptocoque A bêta-hémolytique (apportés par le test) avec des antigènes de surface (molécules spécifiques) de ce streptocoque.

Le test se déroule en 3 phases: le médecin prélève des sérosités sur une amygdale ou sur le pharynx avec un écouvillon (qui ressemble à un grand coton-tige) en faisant attention de ne pas toucher les lèvres, la langue ou les dents. Il laisse tremper l’écouvillon pendant une minute dans un tube à essai dans lequel il aura déposé quelques gouttes de réactifs. Puis, après avoir retiré l’écouvillon du tube, il y met une bandelette réactive pendant 1 min (jusqu’à l’apparition d’un trait rouge).

Si un trait bleu supplémentaire apparaît, le test est positif, il signifie que le prélèvement pharyngé contient des antigènes spécifiques d’un streptocoque A bêta-hémolytique, donc présent et responsable de l’angine.

Dans les études cliniques d’évaluation, ces tests ont une spécificité de 95% et, pour les plus récents, une sensibilité avoisinant 90%. Les résultats sont disponibles en 5 min environ.

L’indication du TDR est nuancée: chez le nourrisson et l’enfant de moins de 3 ans, la pratique de TDR est habituellement inutile, les angines observées à cet âge étant généralement d’origine virale et le streptocoque est plus rarement en cause. De plus, il n’y a pas de RAA décrit avant l’âge de 3 ans (Anonyme, 2005).

Ces tests sont disponibles aux États-Unis et depuis 2002 en France pour tous les médecins généralistes, pédiatres et otorhinolaryngologistes sur simple demande auprès de la caisse d’assurance-maladie de leur lieu d’exercice.


Rhinopharyngite


C’est une inflammation aiguë ou chronique de la muqueuse du rhinopharynx (portion haute du pharynx située au-dessus du voile du palais et en arrière des fosses nasales).

Elle est très fréquente chez l’enfant de 6 mois à 7 ans, est plus souvent d’origine virale mais se surinfecte souvent par des agents de type Haemophilus, pneumocoque, streptocoques.

Elle associe à des degrés divers: obstruction nasale, rhinorrhée, toux et fièvre.

L’évolution est le plus souvent simple, c’est-à-dire que les symptômes disparaissent spontanément dans un délai de 7 à 9 jours sans complications. Dans quelques cas (6 à 14% selon les études), des complications peuvent survenir de type convulsions fébriles ou complications locales (sinusite, otite).



Otite


C’est une inflammation aiguë ou chronique de la caisse du tympan, associant otalgie, otorrhée et hypoacousie.

La forme la plus classique est l’otite pulsatile et fébrile, complication fréquente de la rhinopharyngite chez l’enfant. Toutefois, elle peut revêtir une symptomatologie moins spécifique avec de simples fébricules, des troubles digestifs et une irritabilité.

Les germes les plus fréquemment en cause sont Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae et représentent 60 à 70% des otites moyennes aiguës (OMA). Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa peuvent être plus rarement rencontrés. Le développement récent des pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP) est devenu préoccupant sur le plan de la thérapeutique.


MÉDICAMENTS UTILISÉS


Le mécanisme d’action et le spectre d’activité des différents antibiotiques utilisés dans le traitement des infections respiratoires hautes sont présentés dans le chapitre 44«Généralités sur les antibiotiques». Le présent paragraphe se limite aux propriétés pharmacocinétiques des antibiotiques et, en particulier, sur leur diffusion intra-amygdalienne pour le traitement des angines et intra-auriculaires dans le traitement des otites.


Pénétration intra-amygdalienne des antibiotiques


Pour être actifs dans le traitement des angines, leurs caractéristiques pharmacocinétiques doivent leur conférer un pouvoir de pénétration intra-amygdalienne (Peyramond, 1997).


► Pénicillines


Elles présentent une pénétration intra-amygdalienne moyenne.



Pénicilline G et amoxicilline

Les concentrations intra-amygdaliennes représentent le tiers des concentrations sériques. Elles sont largement supérieures aux concentrations minimales inhibitrices (CMI) du SGA.


Pénicilline V

La pénétration intra-amygdalienne est plus faible et variable d’un sujet à l’autre.


► Macrolides


La diffusion tissulaire est excellente pour tous les macrolides avec des concentrations tissulaires intra-amygdaliennes 15 à 80 fois la CMI du SGA.


► Céphalosporines


La pénétration des céphalosporines est globalement meilleure que celles des pénicillines mais elle est variable d’une céphalosporine à l’autre.



Céphalosporines de première génération (C1G)

Le céfaclor et la céfatrizine présentent la meilleure diffusion parmi les C1G avec des concentrations tissulaires égales ou supérieures aux concentrations sériques.


Céphalosporines de deuxième et troisième générations (C2G, C3G)

La diffusion est plus faible que celle des C1G.


Diffusion auriculaire des antibiotiques



► Pénicillines


Le passage intra-auriculaire de l’amoxicilline est excellent et précoce. L’amoxicilline se retrouve dans le liquide auriculaire dès la 30e minute après une dose orale unique (Quinet, 1999).


► Céphalosporines


La pénétration des céphalosporines au niveau auriculaire est rapide et les concentrations peuvent y atteindre 20 à 60% des concentrations sériques.


► Macrolides


La pénétration des macrolides «anciens» (érythromycine, josamycine, etc.) dans l’oreille moyenne est très lente avec des concentrations basses, voire nulles jusque deux heures après la prise. Ils ne sont donc pas recommandés dans le traitement des otites.


► Associations à base de sulfamides




Cotrimoxazole

Le triméthoprime pénètre facilement dans l’oreille moyenne du fait de sa liposolubilité. Les concentrations dans le liquide auriculaire peuvent atteindre 65 à 75% des concentrations sériques.


Érythromycine/sulfafurazole

Le sulfafurazole diffuse rapidement dans le liquide auriculaire et peut y atteindre 20 à 30% des concentrations sériques. La diffusion de l’érythromycine est beaucoup plus lente.


STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE



DANS LE TRAITEMENT DE L’ANGINE



Actuellement en France, 85% des angines sont traitées par des antibiotiques représentant une dépense estimée à 76 millions d’euros. La justification actuelle d’un traitement antibiotique systématique réside dans la prévention du rhumatisme articulaire aigu (RAA), des travaux datant des années cinquante ayant démontré l’efficacité de la pénicilline G dans la prévention primaire et secondaire du RAA et dans la prévention des complications suppuratives (phlegmons amygdaliens).


Doit-on traiter systématiquement par les antibiotiques une angine?



► Traitement antibiotique par voie systémique


Ce chapitre ne concerne que l’angine aiguë à streptocoque du groupe A. Cependant, dans de rares cas, devant le contexte clinique et évolutif, il faut évoquer d’autres causes bactériennes rares d’angine (bacille diphtérique, gonocoque et bactéries anaérobies).

Les antibiotiques sont inutiles dans les angines virales, seuls les patients atteints d’angine à SGA sont justiciables d’un traitement antibiotique (en dehors des très exceptionnelles infections à Corynebacterium diphtheriae, Neisseria gonorrhoeae et à bactéries anaérobies, dont les tableaux cliniques sont de gravité et d’évolution différentes) (Grade A).

Devant une angine érythémateuse ou érythématopultacée, aucun signe ou score clinique n’ayant de valeur prédictive positive et/ou négative suffisante pour affirmer l’origine streptococcique de l’angine (en dehors d’une scarlatine typique), seule la pratique de tests de confirmation microbiologique permet au praticien de sélectionner les patients atteints d’angine à SGA (Grade A).

Les scores cliniques n’ont aucune valeur chez l’enfant. Le score utilisé chez l’enfant de plus de 3 ans est le score de Mac Isaac fondé sur les critères physiopathologiques suivants:




– fièvre > 38 °C = 1;


– absence de toux = 1;


– adénopathies cervicales sensibles = 1;


– atteinte amygdalienne = 1 (augmentation volume ou exsudat);


– âge:




• 15 à 44 ans = 0,


• ≥ 45 ans = 1.









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Figure 48.1
Stratégie thérapeutique antibiotique en fonction des résultats du TDR


En fonction des résultats obtenus avec le test TDR, un traitement antibiotique par voie systémique est recommandé ou non (Anonyme, 2005).

Il est ainsi recommandé devant une angine érythémateuse ou érythématopultacée de pratiquer un TDR chez tous les enfants à partir de 3 ans et chez les adultes ayant un score de Mac Isaac 2:




– un TDR positif confirme l’étiologie à SGA, et justifie la prescription d’antibiotiques (Grade A);


– un TDR négatif chez un sujet sans facteur de risque de RAA ne justifie pas de contrôle supplémentaire systématique par culture, ni de traitement antibiotique (Grade B). Seuls les traitements antalgiques et antipyrétiques sont utiles.

L’efficacité de l’antibiothérapie par voie systémique dans le traitement des angines à SGA permet::




– une accélération de la disparition des symptômes;


– une éradication du SGA et une diminution de sa dissémination à l’entourage;


– une prévention du RAA (démontrée pour la pénicilline G injectable);


– une prévention des risques suppuratifs (phlegmon amygdalien).

En revanche, il n’est pas prouvé que les antibiotiques préviennent la constitution d’une glomérulonéphrite aiguë (Anonyme, 1999).


► Traitement antibiotique par voie locale


L’Afssaps ayant retiré du marché, depuis le 30 septembre 2005, les antibiotiques locaux administrés dans le nez, la gorge et en bains de bouche, le traitement antibiotique local n’existe plus. Cette mesure a pour objectif de préserver l’efficacité des antibiotiques qui ne doit pas être mise à défaut, notamment par des prises inutiles (Anonyme, 2004; 2005).


Traitement antibiotique de l’angine aiguë



Le traitement recommandé est l’amoxicilline pendant 6 jours (Grade B).

Les céphalosporines de 2e et 3e générations par voie orale peuvent être utilisées, notamment en cas d’allergie aux pénicillines sans contre-indication aux céphalosporines (Grade A):




– céfuroxime-axétil: 4 jours;


– cefpodoxime-proxétil: 5 jours;


– céfotiam-hexétil: 5 jours.

Les traitements administrés sur une durée de 10 jours, du fait d’une mauvaise observance prévisible, ne sont plus à privilégier. Il s’agit de:




– la pénicilline V, traitement historique de référence, dont le spectre étroit, l’efficacité et la bonne tolérance ont les qualités reconnues;


– les C1G orales et l’ampicilline, qui sont moins bien tolérées et dont les spectres d’activité sont plus larges;


– certains macrolides (dirithromycine, érythromycine, midécamycine, roxithromycine, spiramycine), qui sont moins bien tolérés que la pénicilline et vis-à-vis desquels le pourcentage de résistance bactérienne augmente.

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May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement des infections respiratoires hautes bactériennes

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