43. Traitement des schizophrénies
Pascal Odou
Pharmacien, praticien hospitalier, CH Dunkerque; professeur, biopharmacie et pharmacie clinique, Lille, France
Hugues Robert
Pharmacien, EPSM Lille-Métropole, Armentières; professeur, biopharmacie et pharmacie clinique, Lille, France
PLAN DU CHAPITRE
Critères de choix thérapeutique888
Observance au traitement895
CE QU’IL FAUT RETENIR901
ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE902
Références bibliographiques902
GÉNÉRALITÉS
PHYSIOPATHOLOGIE
Définition
Les troubles psychotiques affectent 0,5 à 1% de la population adulte, principalement la schizophrénie (23% de file active de secteur psychiatrique), pathologie mentale survenant à l’adolescence, évoluant de manière chronique, entraînant un handicap important et une baisse de l’espérance de vie, avec un risque suicidaire important. C’est en 1911 qu’Eugène Bleuler créa le terme de schizophrénie, de skhizein: séparer et phren: esprit. Le critère principal de diagnostic était la dissociation sur tous les plans: intellectuels, affectifs et moteurs. Depuis Bleuler, différents travaux, études ou enquêtes visant à obtenir un consensus international sur le diagnostic des psychoses schizophréniques, n’ont cessé de se succéder du fait de nombreuses discordances. Aujourd’hui la Classification internationale des troubles mentaux (CIM-10) et le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux DSM-IV sont deux classifications de référence qui proposent une classification précise et consensuelle des critères symptomatiques des schizophrénies tout en tenant compte des sub-catégories. Le diagnostic repose sur la présence d’un dysfonctionnement social et/ou des activités, sur la durée (> 6 mois) et la présence d’au moins 2 des manifestations caractéristiques suivantes: idées délirantes, hallucinations, discours désorganisé, comportement grossièrement désorganisé ou catatonique, émoussement affectif, alogie ou perte de volonté.
Épidémiologie
La prévalence de la maladie est comprise aujourd’hui entre 0,8 et 1,2% (Grivois et Grosso, 1998). En France, 500 000 patients seraient atteints de cette maladie, mais seulement 60% de ces patients seraient pris en charge. L’incidence serait de 0,24 pour 1 000. La schizophrénie est une pathologie qui touche surtout les sujets jeunes et elle est plus précoce chez les hommes que chez les femmes. L’âge moyen de début de la maladie est de 28,5 ans chez les hommes et de 32,4 chez les femmes. La plupart des schizophrènes sont célibataires, et le mariage tend à retarder le début de la maladie surtout chez les hommes. En relation ou non avec les problèmes scolaires ou professionnels, il faut remarquer que la plupart des études réalisées auprès des sans-abri montre une prévalence excessivement élevée de la schizophrénie (10 fois plus que dans la population générale) (Kovess, 1997). Le risque de décès des schizophrènes est 20 fois plus important que dans la population générale. Les conduites addictives telles que l’alcoolisme, la toxicomanie et le tabagisme font souvent partie du mode de vie de certains schizophrènes; elles accompagnent la maladie (Lancon, 1998). Les facteurs intervenant sur l’évolution des schizophrénies peuvent être classés en 4 niveaux selon Warner (tableau 43.1).
Période | Facteur |
---|---|
Anténatale et périnatale | Prédisposition génétique Facteurs intra-utérins Traumatisme au cours de l’accouchement Liens parentaux |
De développement | Théorie neuro-développementale Traumatismes crâniens Infections Troubles de l’apprentissage Style de communication familiale |
Déclenchant la psychose | Consommation de médicaments et autres subsances Événements de vie stressants Environnements stressants |
Psychotique et postpsychotique | Consommation de médicaments Événements de vie stressants Milieu familial stressant «étiquetage» diagnostique et stigmatisation sociale Isolement social ou réintégration Réinsertion dans rôle social Caractéristiques des soins institutionnels |
Sémiologie
La sémiologie de la schizophrénie est très complexe et le lecteur se rapportera pour plus de détails à des ouvrages spécialisés sur ce sujet. Il est possible de la condenser ainsi (Brazo et Dollfus, 1997; Lesturgeon et al., 1997):
► Syndrome de désorganisation
Le cœur de la symptomatologie du schizophrène à la période d’état est le syndrome de désorganisation. Celle-ci peut toucher la sphère intellectuelle. Le patient conserve son intelligence mais elle est perturbée. Deux symptômes sont très fréquents, le barrage (suspension du discours au milieu d’une phrase) et le «fading» (ralentissement de la parole). Des troubles du langage sont retrouvés comme le mutisme, les altérations phonétiques et syntaxiques, les altérations du sens des mots et le paralangage hermétique. Ce syndrome perturbe également l’affectivité des patients qui peut serésumer par l’athymhormie (émoussement voire vide affectif à l’origine d’une indifférence émotionnelle avec perte de l’élan vital), l’ambivalence (antagonisme de deux sentiments, alternance de désirs contradictoires), parathymie (manifestations émotionnelles paradoxales comme les éclats de rire immotivés ou au contraire de colère). Chez le schizophrène, les troubles du comportement se manifestent par une discordance psychomotrice avec des gestes et des rites stéréotypés, par une catalepsie.
► Syndrome déficitaire (= symptômes négatifs)
► Syndrome délirant (= symptômes positifs)
Il est caractérisé par les idées délirantes et les hallucinations. Le délire du schizophrène peut être polymorphe, paranoïaque, mystique, érotomaniaque, mégalomaniaque ou hypochondriaque. Il est dominé par la pensée magique et le symbolique. Il est vécu comme une expérience d’étrangeté angoissante, composée d’interprétations, d’intuitions, d’hallucinations avec sentiment de dépersonnalisation ou d’influence. Le délire est non systématisé, flou, incohérent, peu compréhensible, volontiers abstrait et variable dans le temps.
À ces symptômes est associée la symptomatologie anxieuse et dépressive, ainsi qu’au long cours des altérations cognitives.
Formes cliniques
Il est possible aujourd’hui de définir plusieurs formes cliniques de la schizophrénie.
► La schizophrénie paranoïde
C’est la forme la plus fréquente et la plus riche en symptômes. L’activité délirante est prépondérante. Cette forme apparaît le plus souvent après un ou plusieurs accès délirants aigus. L’évolution est souvent périodique au début du trouble (avec rechutes à l’arrêt des traitements). C’est la forme qui répond le mieux aux antipsychotiques classiques.
► L’hébéphrénie
Elle représente environ 20% des schizophrénies et débute typiquement de façon insidieuse et progressive avec un appauvrissement et une détérioration intellectuelle. La dissociation, l’indifférence sont au premier plan. Il s’installe un état déficitaire croissant et des possibilités d’adaptation sociale de plus en plus appauvries. Il y a peu de phénomènes délirants. Cette forme est très peu sensible aux antipsychotiques classiques.
► La schizophrénie catatonique
Fréquente au début du siècle, elle est rare de nos jours. Son pronostic est des plus sévères car l’évolution se fait vers l’immobilité et le mutisme quasi total. Cette forme se caractérise par une désorganisation principalement motrice (négativisme, oppositionisme, catalepsie, écholalie, échopraxie). Certains syndromes catatoniques évoluent de façon récurrente et périodique.
► La schizophrénie simple
Elle est très peu fréquente, se caractérise par la survenue insidieuse et progressive de bizarreries du comportement, d’une incapacité à répondre aux exigences de la vie en société et d’une diminution globale des performances. Le trouble conduit habituellement à une désinsertion sociale croissante avec vagabondage, inactivité et absence de projets.
► La schizophrénie indifférenciée
C’est un état répondant aux critères généraux de la schizophrénie, mais ne répondant à aucune des formes cliniques abordées ci-dessus ou répondant simultanément aux critères de plusieurs de ces formes sans prédominance nette d’un groupe déterminé de caractéristiques diagnostiques.
► Autres formes
Les autres formes plus marginales sont:
– Les troubles schizoaffectifs: alternance de phase d’excitation et de dépression. C’est une forme frontière entre la schizophrénie et la maladie maniaco-dépressive.
– La schizophrénie pseudo-névrotique: elle débute par des symptômes d’allure névrotique.
– La schizophrénie hébéïdophrénique: forme mineure d’hébéphrénie se caractérisant par des troubles de conduite antisociale.
Évolution
Les données récentes de 1997 (Brazo et Dollfus, 1997; Rouillon, 1999) montrent qu’en matière de pronostic à long terme, dans 20 à 25% des cas, la guérison ou une stabilisation sans altération massive de la personnalité et de l’insertion est observée. Dans 50 à 60% des cas, la vie communautaire est possible avec des atteintes variables de l’adaptation sociale et des relations interpersonnelles. Une prise en charge thérapeutique soutenue est nécessaire. Dans les 20 à 25% restants, l’évolution est gravement déficitaire avec des symptômes importants, permanents qui entraînent une dégradation sociale et intellectuelle importante avec hospitalisation ou assistance constante. Toutefois, il est à noter que l’évolution de la maladie n’est pas unique et uniforme. Le tableau 43.2 résume les 8 cas possibles décrits. Insérer tableau 43.2 page 826 de la précédente édition
La CIM-10 et le DSM-IV signalent également 8 types d’évolution: continue, épisodique avec déficit progressif, épisodique avec déficit stable, épisodique rémittente, rémission incomplète, rémission complète, autre et évolution imprévisible.
TRAITEMENTS UTILISÉS DANS LES SCHIZOPHRÉNIES
Pendant des décennies, la thérapeutique des troubles psychotiques et de la schizophrénie a été fondée sur l’hypothèse de l’hyperdopaminergie et l’utilisation des neuroleptiques ou antipsychotiques «classiques» à propriétés antidopaminergiques, mais bloquant sans spécificité une large variété de récepteurs, responsables des effets thérapeutiques, mais également de nombreux effets indésirables.
Classification
► Clinique
Ce sont des psycholeptiques qui provoquent:
1. la création d’un état d’indifférence psychomotrice (neutralité émotionnelle, lenteur des mouvements, baisse de l’initiative) sans altération de la conscience et de l’activité intellectuelle;
2. une action inhibitrice des états d’excitation, d’agressivité, d’agitation et réduction des états maniaques;
3. une réduction des symptômes des psychoses aiguës et chroniques;
4. des effets secondaires neurologiques et neurovégétatifs;
5. une action sous-corticale dominante.
Pendant très longtemps, il a été considéré qu’il était impossible de dissocier les effets antipsychotiques des effets indésirables. Aujourd’hui, cette hypothèse est caduque et il a été montré qu’il existait des substances ayant des effets antipsychotiques sans ou avec peu d’effets neurologiques. Ces substances sont appelées neuroleptiques ou antipsychotiques atypiques. Ces substances par rapport à la définition de Delay et Deniker ne répondent pas aux conditions 1, 4 et 5 c’est-à-dire quelles créent un état d’indifférence psychomotrice moindre, présentent une faible incidence des effets indésirables neurologiques et possèdent une action sous-corticale faible (effets extrapyramidaux).
Il est possible de définir les propriétés thérapeutiques des antipsychotiques comme une:
1. action antipsychotique antiproductive: efficacité sur les symptômes psychotiques productifs: délires et hallucinations;
2. action sédative: efficacité sur l’angoisse psychotique; dans les états d’agitation (agitation maniaque), l’excita tion psychomotrice;
3. action antidéficitaire (effets incisifs ou désinhibiteurs): efficacité sur les aspects catatoniques, l’inhibi tion, l’appauvrissement idéo-affectif; mobilisation, reprise de contact dans les psychoses chroniques avec composante autistique, schizophrénie déficitaire;
4. au long cours: rôle préventif sur les récidives délirantes et déficitaires.
Pour tenter de classer les différents principes actifs en fonction de leur profil, de nombreuses classifications ont été développées: Celle de Delay et Deniker permettant de lier les effets thérapeutiques et indésirables, celle de Bobon, Pinchard et Collard, plus connue sous le nom d’«étoile de Liège» classant les antipsychotiques selon 6 items représentés par les 6 bras de l’étoile. Cette classification précise est peu utilisée. D’autres classifications ont été publiées comme celles de Deniker et Ginestet en 1973, celle de Lecrubier et Puech en 1984…
► Chimique
La classification chimique reste la seule classification des antipsychotiques qui soit consensuelle même si cette classification n’a pas d’application directe en clinique. Toutefois, elle permet aujourd’hui de comprendre, avec l’aide de la pharmacologie, les différents profils cliniques.
Mécanisme d’action
La sélectivité sur tel ou tel neurotransmetteur et l’affinité différentielle sur les récepteurs D1, D2, D3 et D4 permettront de discriminer les antipsychotiques.
► Sur le système dopaminergique
Le blocage des récepteurs dopaminergiques centraux post- et présynaptiques entraîne sur:
– les voies méso-limbique et méso-corticale: les effets antipsychotiques;
– la voie nigrostriée: les effets extrapyramidaux;
– la voie tubéro-infundibulaire: les effets neuroendocriniens.
Le blocage des récepteurs périphériques provoque les effets antiémétiques.
► Sur le système sétotoninergique
L’antagonisme sur les récepteurs 5HT2 et éventuellement 5HT1 est responsable des effets antidéficitaires, antiagressifs, de la régulation des troubles de l’humeur, du comportement alimentaire, du sommeil et des effets anxiolytiques.
► Sur le système noradrénergique
Le blocage des récepteurs α centraux et périphériques entraîne les effets sédatifs et effets neurovégétatifs.
► Sur le système cholinergique
Le blocage des voies cholinergiques provoque les effets parasympatholytiques ou anticholinergiques qui sont souvent rencontrés avec cette classe.
► Sur les récepteurs histaminiques
Le blocage des récepteurs H1 est responsable des effets sédatifs des antipsychotiques.
► Sur le système GABAergique
L’effet sur le système GABAergique est également responsable des effets extrapyramidaux.
Mécanisme d’action particulier des antipsychotiques récents
► Clozapine, olanzapine, rispéridone
Elles sont antisérotoninergiques (5HT2- présynaptique contrôlant la libération de dopamine) et antidopaminergiques (D2).
Le ratio 5HT2-/D2 explique les effets antidéficitaires liés aux effets sur la zone corticale frontale et les effets antiproductifs liés aux effets sur la zone mésolimbique. Les effets antidopaminergiques sur la zone nigrostriée et sur la zone tubéro-infundibulaire sont corrigés par les effets 5HT2- et les effets anticholinergiques de la clozapine et de l’olanzapine.
► Aripiprazole
Il exerce des effets agonistes partiels sur les récepteurs D2 expliquant la réduction des symptômes productifs ou déficitaires. Les effets antagonistes 5HT2A lèvent l’inhibition dopaminergique, d’où l’efficacité sur le syndrome déficitaire et l’amélioration de tolérance neurologique. C’est aussi un agoniste partiel des récepteurs sérotoninergiques 5HT1A, d’où l’effet sur les symptômes dépressifs associés.
Pharmacocinétique
► Résorption
Après administration par voie orale, les antipsychotiques sont absorbés essentiellement au niveau de l’intestin grêle. Leur absorption se fait sous forme non ionisée par diffusion passive. Leur diffusion est dépendante de la liposolubilité. Les phénothiazines, antipsychotiques les plus lipophiles, sont aussi les plus vite absorbés. Toutefois, la bonne biodisponibilité de ces antipsychotiques est également expliquée par le fait que ces principes actifs sont des inhibiteurs des glycoprotéines P intestinales (système d’efflux) et des cytochromes P450 intestinaux, notamment 3A4, responsables en partie de la métabolisation présystémique (= métabolisation intestinale).
Après administration intramusculaire, sous forme de solution aqueuse (forme rapide), la résorption complète est généralement obtenue en moins de 4 heures. Pour avoir une action plus lente, les antipsychotiques sont transformés en ester d’acide gras. L’ester est lentement résorbé, puis hydrolysé et c’est la forme hydrolysée qui est active.
► Distribution
Les antipsychotiques sont des substances qui se fixent aux protéines plasmatiques, surtout l’albumine. Les sites protéiques plasmatiques ne sont jamais saturés; il n’y a donc pas d’interaction sur la fixation protéique avec cette classe de médicament. La forme liée est comprise entre 60 et 90%.
Les antipsychotiques diffusent dans tous les tissus et se concentrent dans les tissus les plus vascularisés: cœur, rein, poumon, foie… Les plus lipophiles s’accumulent dans le tissu adipeux. Cette liaison tissulaire est très stable et c’est ce qui explique la présence de ceux-ci ou de leurs métabolites plusieurs semaines voire plusieurs mois après l’arrêt du traitement.
► Métabolisation
La métabolisation des antipsychotiques est plus ou moins intense. Toutes les transformations peuvent être rencontrées avec les antipsychotiques: déméthylation, hydroxylation, N-oxydation, désamination, sulfoxydation, etc. Toutes ces réactions sont médiées par des enzymes dont les plus connues sont celles dépendantes du cytochrome P450. Trois isoformes sont fréquemment rencontrées dans la métabolisation des antipsychotiques 1A2, 2D6 et le 3A4. Toutefois, d’autres enzymes de phase I semblent incriminées dans ces métabolisations comme les flavines oxydases.
► Élimination
Tous les antipsychotiques sont éliminés dans les urines et le foie, soit sous forme non métabolisée, soit sous forme biotransformée. La caractéristique de cette élimination est d’être lente, voire très lente.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
INDICATIONS DES ANTIPSYCHOTIQUES
Schizophrénies
Le traitement varie selon traitement d’attaque ou d’entretien, selon forme clinique productive ou déficitaire (voir paragraphe suivant).
Cas particuliers: schizophrénies résistantes.
Autres indications en psychiatrie
► Psychoses aiguës
– accès maniaques;
– psychoses délirantes aiguës.
► Psychoses chroniques
– délires chroniques non schizophréniques;
– psychose hallucinatoire chronique;
– délires paranoïaques;
► Autres
– états d’agitation et d’agressivité;
– mélancolies délirantes;
– insomnies rebelles;
– psychasthénie, anorexie.
UTILISATION DES ANTIPSYCHOTIQUES CHEZ LE SCHIZOPHRÈNE ADULTE
Cinq facteurs doivent être considérés lorsqu’un traitement est mis en place chez un patient (Keks, 1997):
– l’état général du patient;
– sa tolérance aux effets indésirables;
– l’environnement et notamment le stress qui peut nuire à l’observance;
– la clinique;
– la phase de la maladie.
En théorie, la supériorité des neuroleptiques atypiques semble aujourd’hui prouvée dans les études, tout en étant non dénués d’effets indésirables tels que prise de poids, perturbations métaboliques, allongement de l’espace QT, etc. Les neuroleptiques classiques deviennent, peu à peu, des traitements de deuxième intention. Toutefois, en pratique, le choix de l’antipsychotique se fera principalement en fonction des préférences du prescripteur, elles-mêmes formées à partir des connaissances et des expériences antérieures. Il est possible de résumer le choix d’un antipsychotique de la manière suivante (Beraud et Vaury, 1997; Kapsambelis, 1998):
Face à une forme paranoïde
Lorsque les phases d’hallucinations et de délires sont prépondérantes, la prescription s’orientera vers des antipsychotiques polyvalents tels que la chlorpromazine, la trifluopérazine ou la fluphénazine. Toutefois, les butyrophénones comme l’halopéridol à dominante antiproductive ou le pimozide, sont considérées comme les médicaments de référence dans cette indication.
L’arrivée des nouveaux antipsychotiques a modifié quelque peu cette stratégie du fait de leur meilleur profil de tolérance. L’amisulpride à forte dose possède des propriétés antiproductives, de même que la rispéridone, l’olanzapine ou la loxapine aux doses thérapeutiques.
Face à une forme accompagnée d’une anxiété majeure
Quand l’angoisse psychotique prédomine, les principes actifs à forte capacité sédative et anxiolytique tels que la lévomépromazine, la cyamémazine ou le zuclopentixol peuvent être administrés (Radat, 1995; Goutal, 2000). Les deux derniers antipsychotiques commercialisés en France, rispéridone et olanzapine, sont également efficaces sur l’anxiété.
Face à une forme avec agitation clastique
Devant ce type de manifestation, le choix des prescripteurs se porte vers des médicaments très sédatifs (Goutal, 2000; Couchet et al., 1996):
– les butyrophénones comme le dropéridol ou le pipam pérone. Toutefois, pour des problèmes d’allongement de l’espace QT, le dropéridol n’a plus l’AMM dans cette indication;
– les phénothiazines comme la fluphénazine, la propéri ciazine ou lévomépromazine;
– les thioxanthènes avec le zuclopenthixol;
– la loxapine;
– l’olanzapine.
Les deux derniers principes actifs étant aujourd’hui les traitements de référence dans cette indication.
Face à une forme déficitaire
Aujourd’hui, il est possible de distinguer les déficits primaires touchant les sujets jeunes n’ayant pas une longue histoire de neuroleptisation et les déficits secondaires qui surviennent après des années de traitement par des antipsychotiques antiproductifs (Abadie et Dupont, 1996; Vanelle, 1996). Dans cette catégorie, il est possible de classer:
– les butyrophénones comme le penfluridol ou le triflu péridol;
– les phénothiazines pipérazinées telles que pipothiazine;
– les benzamides substitués comme sulpiride et surtout l’amisulpride;
– les antipsychotiques atypiques comme l’olanzapine, la rispéridone, l’aripiprazole ouvrant une nouvelle ère dans le traitement des formes déficitaires de la schizophrénie.
UTILISATION DES ANTIPSYCHOTIQUES CHEZ LA SCHIZOPHRÈNE ENCEINTE
Avant la grossesse, il est indispensable de mettre en place une collaboration avec un gynécologue afin de régulariser le cycle menstruel, le plus souvent perturbé avec les antipsychotiques. Il est généralement de règle, quand cela est possible, d’arrêter le traitement à visée antipsychotique pendant les 3 premiers mois de la grossesse. Durant les 6 derniers mois, le traitement est effectué par des antipsychotiques à faible dose. Les prescripteurs ont tendance à utiliser des médicaments mis sur le marché depuis longtemps car ils connaissent le faible potentiel de toxicité de ces produits pour le fœtus et le futur bébé.
UTILISATION DES ANTIPSYCHOTIQUES CHEZ LE SCHIZOPHRÈNE ENFANT
Chez l’enfant, la prescription des antipsychotiques se fait le plus souvent par analogie avec la prescription chez l’adulte sans tenir compte de certaines spécificités liées à cet âge au niveau pharmacocinétique ou neurobiologique (maturité et sensibilité des neurotransmetteurs). Le médicament qui est le plus employé en première intention est l’halopéridol à faible dose. Souvent, la survenue des effets indésirables de type extrapyramidaux ou une inefficacité au bout de 6 à 8 mois conduit à utiliser des antipsychotiques atypiques, malgré l’absence d’AMM pour cette tranche d’âge (Vantalon, 1999).
UTILISATION DES ANTIPSYCHOTIQUES CHEZ LE SCHIZOPHRÈNE ÂGÉ
Chez les sujets âgés, les antipsychotiques classiques sont dans 50% des cas inefficaces, entraînent des effets indésirables importants de type extrapyramidaux ou une hypotension orthostatique, ce qui provoque une mauvaise observance et des rechutes. Dans ce cadre, en utilisant les nouveaux antipsychotiques ayant moins d’effets indésirables, une pharmacocinétique moins sensible aux modifications dues à l’âge et en prescrivant des doses faibles, il est possible d’améliorer l’efficacité des thérapeutiques chez cette catégorie de patient. Cependant, l’utilisation est déconseillée chez le patient âgé atteint de démence avec troubles psychotiques ou du comportement, en raison du risque de mortalité et d’événements cérébro-vasculaires augmenté.
UTILISATION DES ANTIPSYCHOTIQUES CHEZ LE SCHIZOPHRÈNE RÉSISTANT
La résistance à un traitement antipsychotique est caractérisée par l’impossibilité de réduire de façon satisfaisante tout ou partie des signes cliniques ou sociaux de la pathologie. Elle se différencie de la rechute dans laquelle la phase de détérioration a été précédée par une phase d’amélioration plus ou moins longue de l’état du patient. Afin de cerner ce phénomène, une définition officielle a été fournie: la résistance aux antipsychotiques est l’absence de rémission clinique ou sociale, malgré la prescription d’au moins deux antipsychotiques prescrits, à posologie élevée, pendant au moins six semaines. Avec cette définition, il y aurait en France entre 800 et 37 000 patients présentant cet état soit entre 5 et 25% des schizophrènes (Beaufils, 1994).
Le traitement de la schizophrénie réfractaire est réalisé par la clozapine (Gaussares, 1996). Elle peut être prescrite chez des patients se trouvant dans des structures hospitalières, extrahospitalières ou en ambulatoire mais nécessitant des retours réguliers en consultation à l’hôpital.
OPTIMISATION THÉRAPEUTIQUE
POSOLOGIE
Dans les tableaux 43.4 et 43.5, seules sont présentées les spécialités et les formes galéniques pour lesquels il existe une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la schizophrénie et/ou des troubles psychotiques en 2001.
DCI | Spécialité | Forme orale sèche(mg) | Forme orale liquide (mg/mL) | Forme injectable (mg/ampoule) |
---|---|---|---|---|
chlorpromazine | Largactil | Cp. séc. à 25 et 100 | 40 | 25 |
lévomépromazine | Nozinan | Cp. séc. à 25 et 100 | 40 | 25 |
cyamémazine | Tercian | Cp. séc. à 25 et 100 | 40 | 50 |
pipotiazine | Piportil | Cp. séc. à 10 | 40 | 10 |
propériciazine | Neuleptil | Cp. à 25 et gél. à 10 | 10 et 40 | |
fluphénazine | Moditen | Cp. à 25 et cp. séc. à 100 | 40 | 25 et 125 |
flupentixol | Fluanxol | 40 | ||
zuclopentixol | Clopixol | Cp. à 10 et 25 | 20 | |
halopéridol | Haldol | Cp. à 1, 5 et 20 | 2 et 20 | 5 |
pipampérone | Dipipéron | Cp. séc. à 40 | 40 | |
dropéridol | Droleptan | 2,5 et 5 | ||
penfluridol | Semap | Cp. à 20 | ||
pimozide | Orap | Cp. séc. à 1 et 4 | ||
tiapride | Tiapridal Tiapride Panpharma | Cp. séc. à 100 Cp. séc. à 100 | 137,9 | 100 |
sultopride | Barnétil Sultopride panpharma | Cp. séc. à 400 Cp. séc. à 400 | 244 244 | 200 |
sulpiride | Dogmatil Synédil fort Gé | Cp. à 200 Cp. à 200 | 100 100 | |
amisulpride | Solian Amisulpride | Cp. séc. à 50, 200 et 400 | 200 | |
rispéridone | Risperdal Risperadoro | Cp. séc. à 1, 2 et 4 Cp. à 0,5, 1, 2, 3 et 4 | 1 | |
loxapine | Loxapac | Cp. à 25, 50 et 100 | 25 | 50 |
cloxapine | Leponex Clozapine panpharma | Cp. à 25 et cp. séc. à 100 Cp. à 25 et cp. séc. à 100 | ||
olanzapine | Zyprexa | Cp. à 5, 7,5 et 10 Cp. velotab à 5, 10, 15, et 20 | ||
aripiprazole | Abilify Abilify orodispersible | Cp. à 10 et 15 Cp. à 10 et 15 |