Traitement de l’insomnie

40. Traitement de l’insomnie

Denis Richard


Praticien hospitalier, pharmacien, chef de service pharmacie, Centre hospitalier Henri-Laborit, enseignant universitaire, Poitiers, France

Jean-Louis Senon


Professeur des universités, chef de service, service universitaire de psychiatrie et de psychologie médicale, Centre hospitalier universitaire, Poitiers, France


PLAN DU CHAPITRE







L’insomnie826


Médicaments utilisés826




Présentation des hypnotiques827


Mécanisme d’action des hypnotiques828


Pharmacocinétique des hypnotiques828


Critères de choix thérapeutique828




Selon le type d’insomnie828


Selon le terrain829




Pathologies associées829


Chez la personne âgée829


Chez l’enfant829


Chez la femme enceinte830


Chez la femme allaitante830


Application de la réglementation830


Optimisation thérapeutique830




Optimisation posologique830


Optimisation de l’administration830


Prévention de l’iatropathologie831




Prévention des risques majeurs831


Prévention des effets indésirables831


Conseils au patient833


CE QU’IL FAUT RETENIR834


ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE835


Références bibliographiques836


Conseils de lecture836



GÉNÉRALITÉS



L’INSOMNIE



Les troubles du sommeil ne se limitent pas, évidemment, aux seules insomnies objet de ce chapitre. Hypersomnies et troubles du rythme circadien ne doivent pas être méconnus du fait de leur incidence sur la vie quotidienne (accidents de la circulation ou accidents du travail). Ils sont d’ailleurs parfois eux-mêmes induits par un mésusage des tranquillisants et des hypnotiques.

L’insomnie est un symptôme banal qui concerne entre 30 et 50% de la population adulte des pays occidentaux, toutes formes confondues, et 10 à 20% de cette population en ce qui concerne les formes les plus graves. Rarement isolée (insomnie chronique primaire), elle survient volontiers dans le cadre d’une pathologie psychiatrique (dépression) ou somatique (dyspnée nocturne, maladie rhumatismale). Dans la pratique, une insomnie isolée est à ce point rare qu’il faut remettre en question sa réalité face à chaque patient insomniaque qui nie avoir des problèmes psychologiques, relationnels ou existentiels.

La tendance actuelle privilégie une définition de l’insomnie avant tout subjective. Elle caractérise un sommeil perçu par le patient comme difficile à obtenir, insuffisant, insatisfaisant ou non récupérateur. La durée objective du sommeil peut être normale ou peu abrégée et l’endormissement peut être rapide, mais on repère de façon récurrente une fragmentation excessive de la phase de sommeil.









































Tableau 40.1 Classification simplifiée des insomnies.
Types d’insomnie Catégories cliniques Origines et signes cliniques Orientations générales du traitement
Insomnies occasionnelles ou situationnelles Accumulation d’événements stressants Prescription d’hypnotiques (ou de tranquillisants) pour une durée limitée (< 4 semaines)
Insomnies chroniques Insomnies psychophysiologiques État de tension musculaire et psychologique
Conditionnement négatif au sommeil
Relaxation
Biofeedback
Thérapies comportementales
Insomnies organiques Insuffisance cardiaque ou respiratoire
Douleurs chroniques
Traitement symptomatique
Impatience des membres inférieurs Traitement spécialisé
Recours à un centre veille-sommeil
Myoclonies nocturnes Recours à un centre veille-sommeil
Apnées du sommeil Traitement spécialisé
Recours à un centre veille-sommeil
Insomnies pharmacologiques Insomnies médicamenteuses Consommation régulière de tranquillisants ou d’hypnotiques Sevrage médicamenteux très progressif et médicalisé
Insomnies «rebond» Arrêt brutal d’un traitement tranquillisant ou hypnotique Sevrage très progressif et médicalisé


MÉDICAMENTS UTILISÉS


Avant tout, il importe de souligner que la prescription d’hypnotiques ne peut constituer en toute situation une réponse adaptée. Le recours à d’autres médicaments peut s’avérer plus pertinent, ainsi que la mise en œuvre d’autres stratégies thérapeutiques que la chimiothérapie (psychothérapie, etc.). Il n’y a pas lieu d’utiliser aujourd’hui des produits dont l’index thérapeutique est aussi faible que les barbituriques ou l’hydrate de choral. Par conséquent, nous avons pris ici le parti de n’évoquer ces médicaments que dans la présentation générale, pour information, sans les développer par ailleurs (le lecteur trouvera toutefois mention des barbituriques dans d’autres chapitres où ils sont toujours d’actualité comme le traitement de l’épilepsie).

Les principaux hypnotiques commercialisés sont présentés dans le tableau 40.2.






































































Tableau 40.2 Principaux hypnotiques utilisés dans le traitement de l’insomnie.
Familles DCI Spécialités Présentations
benzodiazépines estazolam Nuctalon Comprimé sécable 2mg
flunitrazépam Rohypnol Comprimé sécable 1mg
loprazolam Havlane Comprimé sécable 1mg
lormétazépam Noctamide Comprimé sécable 1et 2mg
nitrazépam Mogadon Comprimé sécable 5mg
témazépam Normison Capsule 10et 20mg
imidazopyridines Zolpidem Stilnox Comprimé sécable 10mg
cyclopyrrolones zopiclone Imovane Comprimé sécable 7,5mg
antihistaminiques alimémazine Théralène Comprimé 5mg, gouttes et sirop
doxylamine Donormyl Comprimé sécable 15mg effervescent ou non
niaprazine Nopron Enfants Sirop
prométhazine Phénergan Comprimé 25mg
associations acéprométazine + méprobamate Mépronizine Comprimé sécable
acéprométazine + acépromazine + clorazépate Noctran Comprimé sécable


Présentation des hypnotiques




► Chloral


Synthétisé par le chimiste allemand von Liebig en 1832, le chloral donna lieu au xixe siècle à un usage toxicomaniaque, proche de celui induit par les barbituriques.

Le chloral est actif comme hypnotique à des doses comprises entre 0,5 et 1 gramme chez l’adulte, mais perd rapidement son efficacité. Il a été conseillé pour traiter les insomnies des sujets âgés déments, mais son administration expose à un important rebond d’insomnie dès que le traitement est suspendu. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses.

Par ailleurs, l’usage du chloral est fortement irritant pour la muqueuse digestive. Il induit, au plan neurologique, une ébriété accompagnée de migraine, de troubles de la marche, parfois d’une excitation paradoxale, de confusion mentale voire d’hallucinations chez le sujet âgé. L’intoxication aiguë évoque celle réalisée par les barbituriques. Elle s’accompagne de signes hépatiques et digestifs aggravés allant jusqu’à la nécrose gastrique. Des décès par arythmie cardiaque ont été rapportés. De plus, le potentiel cancérigène du chloral sur modèle murin (tumeurs hépatiques) est démontré.


► Benzodiazépines


Voir chapitre 41, «Traitement de l’anxiété», p. 840


► Analogues pharmacologiques des benzodiazépines


Les cyclopyrrolones sont représentées par la zopiclone (Imovane) et les imidazopyridines par le zolpidem (Stilnox). Ces deux familles sont proches de celle des benzodiazépines, du moins quant à leur mécanisme d’action et leur profil pharmacologique. Ces médicaments plus récents respectent mieux l’architecture physiologique du sommeil, comme l’attestent les études hypnographiques. Elles sont également relativement mieux tolérées: moins d’effets rebond, réveil plus agréable, etc. Pour autant, il convient de toujours demeurer prudent, leur prescription n’étant en rien anodine.



Mécanisme d’action des hypnotiques


Le mécanisme de l’action hypnotique des benzodiazépines comme celui de leurs analogues (et comme celui des barbituriques) s’explique par une action sur la transmission GABAergique, comme évoqué au chapitre 41 sur le traitement de l’anxiété. Les manifestations latérales de somnolence, d’apathie et de ralentissement des réflexes observées chez les usagers d’anxiolytique trouvent leur pleine expression dans l’indication spécifique des insomnies.

Les composés les plus récents (zopiclone, zolpidem) ont toutefois une action plus spécifique sur certains récepteurs aux benzodiazépines (récepteurs de type I), ce qui expliquerait la moindre incidence de leurs effets indésirables et leur meilleure maniabilité.


Pharmacocinétique des hypnotiques



► Benzodiazépines


Voir chapitre 41, «Traitement de l’anxiété», p. 842


► Analogues des benzodiazépines


Les cyclopyrrolones (zopiclone, Imovane) et les imidazopyridines (zolpidem, Stilnox, Ivadal) s’administrent per os, avec une résorption satisfaisante, non influencée par les aliments. Ces hypnotiques doivent être administrés immédiatement avant le coucher car leur délai d’action n’est que de 10 à 15min. Le pic plasmatique est atteint en environ 1 heure pour la zopiclone et 1,8 heure pour le zolpidem. Les deux groupes de médicaments subissent oxydation, desméthylation et hydroxylation. Leur métabolisation est importante (le zolpidem est totalement résorbé, mais un effet de premier passage hépatique limite sa biodisponibilité à 70% environ). Quatre à cinq pour cent seulement de la dose de zopiclone sont éliminés sous forme inchangée, la molécule mère étant, contrairement au zolpidem, transformée en un catabolite partiellement actif, son N-oxyde.

La zopiclone, comme son métabolite actif, a une demi-vie d’élimination variable, oscillant entre 3 et 6 heures, allant jusqu’à 8 heures chez l’insuffisant hépatique ou le sujet âgé. Le zolpidem a une demi-vie constamment plus brève, de l’ordre de 2,4 heures. Ces deux composés franchissent également la barrière fœto-placentaire et passent dans le lait.

Le tableau 40.3 présente les caractéristiques pharmacocinétiques des principaux hypnotiques.













































































Tableau 40.3 Caractéristiques pharmacocinétiques des principaux hypnotiques.
DCI Spécialités Affinités T max (h) Demi-vies d’élimination (h) Principaux métabolites actifs Demi-vies d’élimination des métabolites actifs (h)
Benzodiazépines hypnotiques ayant une demi-vie moyenne et prolongée
estazolam Nuctalon
1 à 1,5 10 à 30 nombreux
flunitrazépam Rohypnol ++++ 1 à 1,5 15 à 30 norflunitrazépam 20 à 40
loprazolam Havlane +++ 1 à 4 8 à 10 0
lormétazépam Noctamide ++++ 1 à 1,5 10 à 12 0
nitrazépam Mogadon +++ 1 à 2 18 à 30 0
témazépam Normison ++++ 0,75 à 4 5 à 8 oxazépam (5%) 4 à 15
Hypnotiques non benzodiazépiniques
zolpidem Stilnox
0,5 à 3,5 2 à 10 0
zopiclone Imovane
1 à 3,5 5 à 8 N-oxyde 4,5

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May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement de l’insomnie

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