8. Traitement de l’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST
Chapitre révisé pour cette édition par:
Xavier Armoiry
Pharmacien Hôpital cardiologique Louis Pradel, Hospices civils de Lyon France
Xavier Dode
Pharmacien Hôpital cardiologique Louis Pradel, Hospices civils de Lyon France
Éric Bonnefoy
Praticien hospitalier, cardiologue, Hôpital cardiologique Louis Pradel, Hospices civils de Lyon France
Gilles Aulagner
Professeur de pharmacie clinique, Nancy, Praticien hospitalier, pharmacien, Hôpital cardiologique Louis Pradel, Hospices civils de Lyon France
Chapitre initialement rédigé par:
François Gimenez†
Praticien hospitalier, pharmacien, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris, professeur, pharmacie clinique, faculté de pharmacie Paris-XI, Châtenay-Malabry, France
Éric François
Praticien hospitalier, cardiologue, Centre hospitalier de Saint-Cloud, Saint-Cloud, France
PLAN DU CHAPITRE
Traitement de l’IDM avec sus-décalage du segment ST129
Situations particulières136
Survenue de troubles du rythme136
IDM compliqué d’un choc cardiogénique136
Cas du patient diabétique136
Cas de la femme enceinte136
Cas de la personne âgée137
Traitement de l’infarctus du myocarde au-delà de 12 heures137
Angioplastie secondaire suite au traitement thrombolytique137
Intérêt des dérivés nitrés et des inhibiteurs calciques137
CE QU’IL FAUT RETENIR148
ÉTUDE DE CAS CLINIQUES149
Références bibliographiques151
GÉNÉRALITÉS
PHYSIOPATHOLOGIE
L’infarctus du myocarde (IDM) survient quand le myocarde est sujet à une carence prolongée en oxygène, conduisant à une nécrose cellulaire irréversible (à la différence de l’angor instable). Cette carence s’observe le plus souvent suite à la constitution d’un thrombus au niveau de l’artère coronaire après rupture d’une plaque d’athérome (figure 8.1). Ce mécanisme représente la grande majorité des causes d’IDM. Dans un petit nombre de cas, un IDM peut être déclenché par un vasospasme dont la cause peut être variée (effort physique excessif, exposition violente au froid intense, cocaïne, etc.). Seul le premier mécanisme thrombotique sera traité.
Figure 8.1 |
La rupture d’une plaque provoque la formation d’un thrombus qui interrompt le flux sanguin et provoque un déséquilibre entre apport et besoin en oxygène qui, s’il est important et persistant, entraîne une nécrose myocardique. La conséquence de cette rupture et de ses complications constitue «les syndromes coronaires aigus» de gravité croissante: angor instable, IDM sans sus-décalage du segment ST, avec sus-décalage du segment ST. En cas d’obstruction totale par le thrombus, une élévation du segment ST est observée au niveau de l’électrocardiogramme ainsi qu’une nécrose totale ou partielle de l’épaisseur de la paroi ventriculaire (IDM avec sus-décalage du segment ST).
Globalement, l’IDM peut donc se diviser en deux types de pathologies:
– infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST qui correspond habituellement à une occlusion coronaire brutale et complète;
– infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST qui regroupe l’infarctus du myocarde rudimentaire et l’infarctus du myocarde sous-endocardique et qui correspond:
• soit à une occlusion incomplète ou une lyse du thrombus précoce,
• soit à des lésions coronaires sévères, qui grâce à une circulation collatérale importante, permettent de protéger le myocarde d’une nécrose.
L’IDM intéresse surtout le ventricule gauche. Une extension est possible au ventricule droit (20 à 30% des cas) et très rarement aux oreillettes (3 à 5% des cas).
DIAGNOSTIC
Le diagnostic est posé en cas:
– de douleur d’allure angineuse, rétrosternale, constrictive, en barre, irradiant dans le cou et le bras gauche, évoluant depuis plus de 30 minutes et résistante à la trinitrine sublinguale (comprimé ou pulvérisation). Il est important de noter qu’une absence de douleur peut être observée dans 15 à 25% des cas (fréquente chez les diabétiques);
– et de sus-décalage du segment ST à l’électrocardiogramme (au moins 1 à 2mm) sur au moins deux dérivations. Une onde Q significative est parfois observée précocement et signe l’infarctus.
ÉPIDÉMIOLOGIE
L’incidence annuelle de l’IDM en France est estimée entre 100 000 et 120 000 cas (Delahaye, 2001). Cette pathologie est une affection grave, source importante de décès, d’hospitalisations, de morbidité et d’invalidité précoces. Elle représente environ 45 000 décès par an en France, ce qui correspond à un peu plus d’un décès sur 8 chez l’homme et d’un sur 10 chez la femme. Dans les années 1970, la mortalité à un mois était de l’ordre de 30 à 50%. Avec l’usage répandu des agents fibrinolytiques, de l’aspirine et des procédures d’interventions coronaires, la mortalité hospitalière à un mois a beaucoup baissé et se situe actuellement à environ 6 à 7%. Dans la moitié des cas, le décès est dû à un trouble du rythme secondaire, le plus souvent de type fibrillation ventriculaire. Après la phase hospitalière, la mortalité est de l’ordre de 10% pendant la première année et ensuite d’environ 5% par an.
TRAITEMENT DE L’IDM AVEC SUS-DÉCALAGE DU SEGMENT ST
Figure 8.2 |
TRAITEMENT DES PREMIÈRES 24 HEURES
Le traitement de l’infarctus du myocarde dans sa phase aiguë comprend (Van De Werf et al., 2003, Antman et al., 2004 and Bassand et al., 2005):
– la reperfusion myocardique:
– interventions coronaires percutanées (ICP),
– agents thrombolytiques,
– aspirine (± héparine);
– la limitation de l’évolution de la nécrose:
– β-bloquants en IV,
– inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
– statines;
– le traitement de la douleur, de l’essoufflement et de l’anxiété.
Reperfusion myocardique
Environ un tiers des patients développeront une recanalisation spontanée de l’artère obstruée dans les 12 à 24 heures. Malgré tout, pour augmenter les chances de sauvegarde myocardique et pour accélérer le processus de reperfusion, les techniques de reperfusion (ICP ou thrombolyse) sont pratiquées.
► Interventions coronaires percutanées
• Description
Les ICP se réfèrent à un ensemble de procédures invasives dont l’objectif est d’améliorer le flux sanguin du myocarde par l’intermédiaire d’une recanalisation des artères coronaires lésées (Montalescot, 2004). La première d’entre elles est la technique d’angioplastie coronaire transluminale percutanée (ACTP), réalisée pour la première fois en 1977. Cette technique est maintenant fréquemment pratiquée en cas d’angors stable ou instable et d’infarctus du myocarde (Landau, 1994). L’ACTP nécessite une hospitalisation de l’ordre de 1 à 3 jours.
L’accès vasculaire se fait habituellement au niveau de l’artère fémorale. Il peut aussi se faire par voie axillaire, humérale ou radiale. Une sonde de coronarographie dont le diamètre doit permettre au ballonnet de coulisser est introduite. La coronarographie permet initialement d’évaluer la zone sténosée. Une fois le ballonnet positionné au niveau de la sténose, celui-ci est gonflé 1 à 2min à 6 à 16atm. Le gonflement du ballonnet permet l’élargissement de la lumière en impactant la plaque d’athérome dans la paroi vasculaire et, de ce fait, l’augmentation du flux sanguin antérograde. Le succès primaire de l’angioplastie est actuellement de l’ordre de 98%. Néanmoins les récidives, appelées «resténoses», qui suivent au cours des 6 premiers mois dans 30 à 40% des cas, limitent l’efficacité de ces techniques.
À côté de cette technique d’ACTP simple, d’autres méthodes existent:
– pose de stents (endoprothèses vasculaires): ces endoprothèses vasculaires sont des petits ressorts métalliques et semblent diminuer le taux de resténose en agissant à la fois en phase aiguë mais aussi en phase chronique en diminuant le remodelage constrictif de l’artère. Ils sont actuellement d’usage très courant et ont transformé la sécurité des procédures d’angioplastie. La pose de stent enrobé de substances pharmacologiques semble prometteuse. Les endoprothèses recouvertes de sirolimus donnent des résultats exceptionnels à 2ans de suivi (0% de resténose versus 26% dans le groupe témoin, étude RAVEL, Fajadet, 2005). Récemment, une nouvelle technique dite de pose directe de stent ou «direct stenting» a émergé et consiste en l’implantation d’un stent sans prédilatation par un ballonnet;
– techniques chirurgicales: la chirurgie cardiaque est rarement utilisée en phase aiguë de l’infarctus sauf en cas de:
– rupture septale avec communication interventriculaire ou rupture cardiaque en péricarde cloisonné,
– insuffisance mitrale sévère,
– choc cardiogénique avec nécessité de pose d’une assistance circulatoire (contre-pulsion aortique, cœur artificiel en attente de greffe cardiaque),
– lésions tritronculaires sévères et atteinte du tronc commun de la coronaire gauche.
La chirurgie cardiaque est différée au moins à la deuxième semaine et le plus souvent après un mois en l’absence d’urgence.
• Recommandations
Le choix entre les agents thrombolytiques et les techniques d’angioplastie transluminale doit bien souvent se faire en période préhospitalière. Les études comparatives ont montré que l’ICP était plus efficace que la thrombolyse en terme de reperfusion. Une ICP est préférée quand elle est réalisable dans des délais et des conditions raisonnables.
En pratique, l’ICP est considérée comme l’option thérapeutique de choix quand la procédure peut être réalisée dans les 90min après le premier contact médical. De récentes données suggèrent même que l’ICP reste supérieure à la fibrinolyse jusqu’à 110min (Betriu, 2005).
Par ailleurs, la Société européenne de cardiologie considère qu’une ICP est l’option de choix:
– en cas de choc cardiogénique;
– chez les patients présentant une contre-indication à l’utilisation des agents thrombolytiques.
Elle précise également que seuls les hôpitaux spécialement équipés et entraînés à cette technique peuvent l’utiliser en routine. Le taux de mortalité des patients bénéficiant d’une ICP est en effet plus bas dans les centres où des procédures sont réalisées en grand nombre (Canto, 2000).
À efficacité équivalente, l’étude CAPTIM révèle que le coût global d’une angioplastie est inférieur à celui d’une prise en charge par thrombolyse préhospitalière (Bonnefoy, 2002; Machecourt, 2005).
En cas de procédure d’ICP retardée, l’utilisation de ténectéplase avant l’ICP n’est pas associée à un meilleur résultat et est responsable d’une majoration des effets indésirables par rapport à l’ICP seule (ASSENT4-PCI, 2006).
Parmi les procédures d’ICP, plusieurs études ont comparé l’ACTP à la pose de stent. L’étude pilote STENT PAMI a montré que l’implantation de stent en routine était associée à un taux de survie sans resténose favorable (Stone, 1999). D’autres études ont montré l’avantage de la pose de stent sur ballonnet par rapport à l’angioplastie, notamment en termes de diminution des complications (Montalescot, 2004). Quant à la technique de pose directe de stent, des essais comparatifs versus pose conventionnelle ont montré un avantage en faveur de cette nouvelle technique en termes d’efficacité de la reperfusion myocardique (Loubeyre, 2002).
Certains auteurs recommandent fortement la pose de stent pour la reperfusion myocardique et si possible la pose directe de stent (Montalescot, 2004).
► Agents thrombolytiques
• Mode d’action
Physiologiquement, la thrombolyse se fait grâce à la plasmine qui dissout le caillot de fibrine. La plasmine est une protéase, synthétisée à partir du plasminogène.
Les agents thrombolytiques dissolvent les thrombi pathologiques ainsi que les dépôts de fibrine:
– le TNK-PA ou ténectéplase (Métalyse) présente une modification de 3 acides aminés (thréonine, asparagine et lysine; TNK étant les initiales internationales de ces 3 acides aminés) par rapport au t-PA endogène. Cette modification entraîne un allongement de la demi-vie permettant une administration unique en bolus;
– le r-PA (recombinent Plasminogen Activator) ou rétéplase (Rapilysin) est produit à partir de souches d’Escherichia coli et présente un mécanisme d’action similaire au t-PA;
– la streptokinase(Streptase) (obtenue à partir de souches de Streptococcus) forme un complexe avec le plasminogène et active ainsi la formation de plasmine. Cette molécule est aujourd’hui pratiquement abandonnée en raison de sa forte immunogénicité.
• Recommandations
Si la décision est d’entreprendre une thrombolyse médicamenteuse, celle-ci doit être faite le plus tôt possible avant le transfert en hôpital (Fibrinolytic Therapy Trialist’s collaborative Group, 1994).
Compte tenu du bénéfice évident d’une thrombolyse précoce quand celle-ci a été décidée, elle doit être effectuée:
– soit au domicile du patient;
– soit après transport rapide au service des urgences.
Actuellement, il est reconnu que les thrombolytiques doivent être utilisés chez les patients présentant un IDM avec une élévation du segment ST et dont le délai entre l’intervention et la survenue de l’IDM est inférieur à 12 heures. Le bénéfice d’une thérapeutique par les thrombolytiques est réel en cas d’IDM peu grave tant que les facteurs de risque d’hémorragie intracrânienne sont absents (Arnold, 1995).
Les critères de choix entre les différents antithrombolytiques reposent sur un grand nombre d’études comparatives (Yusuf, 1996) (tableau 8.1).
*t-PA: altéplase t-PA accéléré: bolus de 15mg, puis perfusion de 0,75mg/kg sur 30min, suivie d’une perfusion de 0,5mg/kg sur 60min. | ||||
Études | Comparaisons | Nombre de patients | Délais après symptômes | Conclusions |
---|---|---|---|---|
GISSI-2 | SK/t-PA | 20 381 | < 6h | DNS en mortalité hospitalière |
ISIS-3 | SK/t-PA/anistréplase | 41 299 | < 6h | DNS sur la période 0–35 jours |
GUSTO-I | SK + héparine SC SK + héparine IV t-PA accéléré*+ héparine IV SK + t-PA accéléré*+ héparine IV | 41 000 | < 6h | t-PA accéléré > SK en termes de mortalité (bien que le taux de choc hémorragique soit plus important avec t-PA) |
INJECT, 1995 | rétéplase 2 bolus de 10 MU à 30min d’intervalle/SK 1,5 MU sur 60min | 6 010 | Différence non significative entre les deux groupes en mortalité hospitalière, sur la période 0–35 jours et à 6 mois | |
RAPID-I | t-PA (100mg sur 3h)/rétéplase (15 MU)/rétéplase (10 +5 MU)/rétéplase (10+10 MU) | 606 | < 6h | Supériorité du protocole rétéplase double bolus 10MU (mais t-PA non accéléré dans cette étude) |
RAPID-II | rétéplase/t-PA accéléré* | 324 | < 12h | DNS en mortalité sur 35 jours et en incidence de saignements |
GUSTO-III | rétéplase/t-PA accéléré* | 15 060 | < 6h | Efficacité clinique et sécurité d’emploi identiques; pas de différence de mortalité à 24h et 30j |
ASSENT II | ténectéplase: t-PA | 16 949 | < 6h | Efficacité clinique identique en terme de mortalité à 30j. Facilité d’emploi de la ténectéplase. |
Les essais GISSI-2 et ISIS-3 n’avaient pas montré de différences en termes de mortalité entre streptokinase et t-PA. Cependant, l’essai comparant t-PA accéléré et streptokinase a montré une supériorité en termes de mortalité au prix cependant de chocs hémorragiques plus fréquents. Le double bolus de rétéplase n’offre pas d’avantage sur t-PA accéléré excepté en termes de facilité d’administration. Le ténectéplase présente une efficacité identique par rapport à rt-PA accéléré en termes de mortalité. En revanche, la tolérance hémorragique semble meilleure avec le ténectéplase (ASSENT II, 1999). De même, le ténectéplase a l’avantage d’être administrable en bolus unique.
Au final, le choix d’un agent fibrinolytique dépend d’une évaluation individuelle du rapport bénéfice/risque, des modalités d’administration et du coût compte tenu des différences non négligeables entre les médicaments. En pratique, le ténectéplase est la molécule parmi les plus utilisées au sein de la classe.
En cas de signes de réocclusion avec persistance d’une élévation du segment ST, un agent fibrinolytique peut être réadministré dans la mesure où il n’est pas possible de réaliser une ACTP (Barbash, 2001). Le risque hémorragique doit être cependant pris en compte. La streptokinase ne peut pas être utilisée en raison de la formation d’anticorps pouvant diminuer son activité.
► Antiagrégants plaquettaires et agents antithrombotiques
• Antiagrégants plaquettaires
Dipyridamole
Il interfère avec la fonction plaquettaire en inhibant la phosphodiestérase.
Thiénopyridines: clopidogrel (Plavix) et ticlopidine (Ticlid) — Elles s’opposent à l’agrégation plaquettaire en inhibant la liaison ADP-dépendante du fibrinogène à la membrane plaquettaire. Le prasugrel, une nouvelle thiénopyridine, est en cours de développement: son efficacité serait supérieure à celle du clopidogrel sur l’inhibition plaquettaire induite par l’ADP.
Antagonistes de récepteurs GPIIb/IIIa
Ils se fixent sur les récepteurs plaquettaires GPIIb/IIIa, récepteurs de la famille des intégrines et empêchent ainsi la fixation des macromolécules adhésives circulantes (comme le fibrinogène et le facteur Willebrand). Ils inhibent ainsi l’agrégation plaquettaire et donc la formation du thrombus d’origine plaquettaire. Les anti-GPIIb/IIa sont présentés dans le tableau 8.2.
DCI | Nom commercial | Présentations | Indications |
---|---|---|---|
abciximab | Réopro | sol. inj. IV 10mg | Intervention coronaire percutanée: prévention des complications cardiaques ischémiques chez les patients qui font l’objet d’une intervention coronarienne percutanée (angioplastie, athérectomie, pose de stent). Prévention d’un IDM en cas d’angor instable. |
tirofiban | Agrastat | sol pour perfusion à 0,05mg/mL et 0,25mg/mL | Prévention d’un IDM précoce chez des patients souffrant d’angor instable ou d’infarctus sans sus-décalage du segment ST. |
eptifibatide | Intégrilin | sol inj à 0,75 et 2mg/mL | Prévention d’un IDM précoce chez des patients souffrant d’angor instable ou d’infarctus sans sus-décalage du segment ST. |
• Agents antithrombotiques
Les héparines (standard et de bas poids moléculaire)
L’activité de l’héparine aux concentrations thérapeutiques résulte de la combinaison de plusieurs mécanismes:
– liaison à l’antithrombine III et formation d’un complexe héparine-antithrombine III qui inactive plusieurs facteurs de la coagulation;
– liaison aux plaquettes et inhibition de ces dernières.
Fondaparinux (Arixtra)
L’activité antithrombotique du fondaparinux est le résultat de l’inhibition sélective du facteur Xa par l’antithrombine III (antithrombine). L’inhibition du facteur Xa interrompt la cascade de la coagulation, en inhibant aussi bien la formation de la thrombine que le développement du thrombus.
Bivalirudine (Angiox)
Il s’agit d’un inhibiteur direct et spécifique de la thrombine utilisé comme anticoagulant dans les interventions coronaires percutanées.
• Recommandations
Utilisation des antiagrégants plaquettaires
L’efficacité de l’aspirine dans l’IDM n’est plus discutée et a été mise en évidence par l’étude ISIS-2 (17 000 patients) (ISIS-2, 1988). Le bénéfice a été estimé à 20 vies gagnées sur 1 000 patients traités et ce bénéfice s’ajoute à celui obtenu par la thrombolyse.
L’administration d’aspirine doit être entreprise en phase aiguë préhospitalière par voie IV, quels que soient l’état hémodynamique et la localisation de l’IDM, puis doit être poursuivie en postinfarctus, sauf contre-indication majeure. L’aspirine doit être utilisée en première intention chez tous les patients à l’exception de ceux présentant une fibrillation atriale chez lesquels les dérivés coumariniques semblent apporter une meilleure protection (Opie, 1997).
Concernant le clopidogrel, l’étude CLARITY a inclus plus de 3 400 patients se présentant dans les 12 premières heures d’un IDM avec sus-décalage du segment ST et pour lesquels un traitement thrombolytique était programmé (Sabatine, 2005). Les patients ont reçu du clopidogrel ou un placebo en association pour les 2 groupes à l’aspirine et à un agent fibrinolytique et, si indiqué, une héparine. Il a été observé une réduction du risque absolu (décès ou récidive d’IDM) de 6,7% et du risque relatif de 36% en faveur du clopidogrel. Le clopidogrel dispose à ce jour d’une autorisation de mise sur le marché dans cette situation, la durée de traitement doit être au minimum de 4 semaines.
Des essais de phase III sont en cours pour comparer le prasugrel au clopidogrel dans les procédures d’intervention coronaire percutanée en association à l’aspirine ± anti-GPIIb/IIIa.
Concernant les antagonistes des récepteurs GPIIb/IIIa, les résultats de l’étude GUSTO-IV ACS, réalisée chez des patients à faible risque, indiquent qu’un traitement par l’abciximab n’apporte pas de bénéfice par rapport au traitement standard chez les patients en syndrome coronaire aigu non candidats à la revascularisation coronaire précoce (Vogt, 2001).
Utilisation d’agents antithrombotiques
Héparine en intraveineux
Les études GISSI-2 et ISIS-3, ainsi qu’une méta-analyse (Mahaffey, 1996) n’ont pas montré de bénéfice de l’utilisation d’héparine IV. L’utilisation de l’héparine dans l’IDM a toujours été un sujet de controverse. L’American College of Cardiology recommanda en 1990 l’association de l’héparine en IV simultanément ou juste après la thérapeutique thrombolytique afin de maintenir un temps de thromboplastine activé à 1,5 à 2 fois le contrôle pendant 24 à 72 heures. Deux indications peuvent alors être envisagées.
En cas de thrombolyse par le t-PA ou la rétéplase
L’intérêt de l’héparine dans le cas de la thrombolyse est de limiter la réocclusion pouvant survenir au niveau de l’artère coronaire reperméabilisée par la thrombolyse. D’après les récents essais, il semble maintenant recommandé d’utiliser l’héparine IV en cas d’utilisation de t-PA et de rétéplase. L’héparine ne semble pas nécessaire en cas d’utilisation de streptokinase du fait de la fibrinolyse importante obtenue avec ce médicament (Metz, 1996). Toutefois, certains cliniciens considèrent que l’héparine peut être coprescrite avec la streptokinase dans certaines conditions extrêmes comme un infarctus antérieur sévère ou en cas de fibrillation atriale.
En prévention des complications thromboemboliques chez les patients ne recevant pas de thrombolyse, en particulier en cas d’infarctus du myocarde antérieur
Chez ces patients, la surface du myocarde impliquée est plus importante que dans le cas d’un IDM inférieur et le risque de thrombose dans le ventricule gauche est plus élevé. Dans ce cas, une héparinothérapie peut être justifiée et suivie d’un traitement par les anticoagulants oraux.
Héparine de bas poids moléculaire (HBPM)
En association avec un agent fibrinolytique, des essais cliniques ont montré que l’utilisation d’énoxaparine ou daltéparine était associée à un taux de réocclusion moins élevé qu’avec l’héparine standard (HS) (Van de Werf, 2003). L’étude ASSENT-3 a montré que l’association énoxaparine – TNK était supérieure à HS – TNK en terme de risque de récidive d’infarctus ou d’ischémie réfractaire sans différence sur l’incidence des hémorragies intracrâniennes. La mortalité à 30 jours tendait également à être inférieure dans le bras énoxaparine. L’étude ASSENT-3 plus, dans laquelle l’énoxaparine était administrée en milieu préhospitalier a mis en évidence un excès d’hémorragies intracrâniennes chez les patients de plus de 75ans. Récemment, l’étude Extract a comparé l’énoxaparine à l’HS en traitement anticoagulant associé à une reperfusion par fibrinolyse (Antman, 2006). Le traitement par énoxaparine a été supérieur notamment en termes de récidive d’IDM mais était associé à un risque hémorragique plus important.
Cas du fondaparinux
Le fondaparinux a été évalué dans l’étude OASIS 6 chez des patients présentant un IDM (Yussuf, 2006). Les patients étaient randomisés pour recevoir soit du fondaparinux (maximum 8 jours), soit l’héparine non fractionnée pendant 2 jours puis un placebo (maximum 6 jours), soit un placebo (patients présentant une contre-indication à l’héparine). Les résultats montrent que le fondaparinux réduit le taux de mortalité et de récidive sans augmentation des complications hémorragiques. Dans le cas des patients qui ont bénéficié d’une angioplastie primaire, le fondaparinux n’a pas monté d’efficacité significativement supérieure. Par ailleurs, il est à noter l’absence de données comparatives versus héparine de bas poids moléculaire dans l’IDM avec sus-décalage du segment ST.
Association antiagrégants + antithrombotique
L’ACTP nécessite une prémédication: l’héparine standard est administrée en intracoronaire à la dose de 30 à 100UI/kg afin d’éviter une thrombose artérielle. L’abciximab peut être également associé à l’aspirine et l’héparine (cette dernière étant alors administrée à raison de 70UI/kg). L’association aspirine – héparine – abciximab est indiquée dans la prévention des complications cardiaques ischémiques chez des patients à haut risque subissant une ACTP. Récemment, un inhibiteur direct de la thrombine, la bivalirudine, a été évalué comme anticoagulant dans les interventions coronaires percutanées en comparaison de l’héparine non fractionnée (Lincoff, 2003). Un anti-GPIIb/IIIa était éventuellement associé dans les deux bras. L’efficacité a été identique dans les deux études mais l’incidence des saignements a été inférieure dans le bras bévalirudine. Cependant, les conditions expérimentales de cette étude américaine ne semblent pas transposables à la pratique française. Ce médicament peut constituer une alternative à l’héparine standard en cas d’antécédents de thrombopénie induite par l’héparine.
Association fibrinolytique + antagoniste des récepteurs GPIIb/IIIa
Plusieurs études ont montré l’avantage d’une association fibrinolytique + antagoniste des récepteurs GPIIb/IIIa avec une augmentation d’efficacité sans augmentation des complications hémorragiques (Étude TIMI 14, Cannon, 2000; SPEED Group, 2000). Les résultats de l’essai GUSTO V suggèrent cependant une augmentation du risque d’hémorragies non cérébrales chez les patients âgés en cas d’association d’agent fibrinolytique avec un anti-GPIIb/IIIa. En l’absence de données complémentaires, la Société européenne de cardiologie ne recommande pas ce type d’association.
Traitements pharmacologiques utilisés pour limiter l’évolution de la nécrose
► β-bloquants en intraveineux
Différents mécanismes peuvent expliquer l’effet bénéfique des β-bloquants sur la réduction de l’étendue de la nécrose tissulaire myocardique:
1. réduction de la consommation d’oxygène par le myocarde;
2. diminution de la fréquence cardiaque; réduction du taux de catécholamines et de leurs effets arythmogènes;
3. diminution du risque de fibrillation ventriculaire.
Les différents β-bloquants indiqués dans le traitement de l’IDM figurent dans le tableau 8.3.
DCI | Nom commercial | Formes galéniques | Indications |
---|---|---|---|
métoprolol | Seloken | Comprimé 100mg et 200mg LP Comprimé à 100mg | IDM en phase aiguë en relais de la forme injectable Traitement au long cours après IDM |
Lopressor | Comprimé 100mg et 200mg LP Comprimé à 100mg | IDM en phase aiguë en relais de la forme injectable Traitement au long cours après IDM | |
acébutolol | Sectral Aténolol MSD Bétatop Gé | Comprimé 200mg Comprimé à 100mg Comprimé à 100mg | Traitement au long cours après IDM |
aténolol | Ténormine | Comprimé 100mg | IDM en phase aiguë en relais de la forme injectable |
Solution injectable IV 5mg | IDM en phase aiguë avant la 12e heure | ||
propranolol | Avlocardyl Propranolol RTP | Comprimé à 40mg, LP 160mg Comprimé à 40mg, LP 80 et 160mg | Traitement au long cours après IDM |
timolol | Timacor | Comprimé à 10mg | Traitement au long cours après IDM |
En phase hospitalière, les β-bloquants utilisés par voie IV dans la phase aiguë de l’IDM ont montré une efficacité certaine. Il est préférable d’utiliser un β-bloquant dénué d’activité sympathomimétique intrinsèque (ASI) (aténolol, métoprolol), bien que des études aient montré l’efficacité de β-bloquants à activité sympathomimétique intrinsèque, comme l’acébutolol (Boissel, 1990). Toutefois, dans le cas d’infarctus à risque faible, le bénéfice est moins net.
En pratique, l’indication d’un traitement par β-bloquants semble pertinente dans la phase aiguë de l’infarctus chez les patients présentant une tachycardie, une hypertension ou une douleur non soulagée par les opïodes.
Dans ce cas, l’esmolol (Brévibloc) est préféré du fait de sa demi-vie courte, initialement en bolus (0,5mg/kg) suivi éventuellement d’une perfusion (Bonnet, 1997). Dans la plupart des cas, un β-bloquant per os peut être suffisant.
► Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion diminuent la production d’angiotensine II et, de ce fait, réduisent la tension dans la paroi du ventricule gauche par diminution de la précharge et de la postcharge. La tension intramyocardique et la consommation d’oxygène sont ainsi réduites. Ils permettent une diminution du «remodelage» ventriculaire post-IDM. Leur action est reconnue dans les infarctus étendus et plutôt de territoire antérieur.
Les différents inhibiteurs de l’enzyme de conversion indiqués dans le traitement de l’IDM figurent dans le tableau 8.4.
DCI | Nom commercial | Formes galéniques | Indications |
---|---|---|---|
captopril | Lopril, Captolane et génériques | Comprimé à 25 et 50mg | • IDM dans les 24 premières heures chez les patients en situation hémodynamiquement stable • Postinfarctus en cas de dysfonctionnement ventriculaire gauche et absence d’insuffisance cardiaque |
lisinopril | Prinivil, Zestril et génériques | Comprimé à 5 et 20mg | IDM dans les 24 premières heures chez les patients en situation hémodynamiquement stable |
ramipril | Triatec et génériques | Comprimé à 1,25; 2,5 5 et 10mg | Post infarctus du myocarde compliqué d’insuffisance cardiaque transitoire ou persistante |
trandolapril | Odrik | Gélule à 0,5; 2 et 4mg | Post infarctus du myocarde: prévention secondaire après IDM avec dysfonctionnement ventriculaire gauche avec ou sans signes d’insuffisance cardiaque |
zofénopril | Zofénil | Comprimé à 15 et 30mg | IDM dans les 24 premières heures chez les patients en situation hémodynamiquement stable avec ou sans signes ou symptomes d’insuffisance cardiaque |
Les IEC ont été étudiés très récemment chez des patients bénéficiant de la meilleure stratégie thérapeutique connue à ce jour et dans les 24 à 36 heures suivant les symptômes. Ces agents ont montré une efficacité en réduisant le taux de mortalité, en particulier dans les tout premiers jours suivant la survenue des symptômes (Maggioni, 1997). Plusieurs études ont montré un bénéfice avec des traitements par les IEC durant de 4 semaines à 5ans (GISSI-3, ISIS-4, SAVE, AIRE, SMILE, TRACE).
L’efficacité des IEC réside vraisemblablement dans l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche. Si leur efficacité dans la phase aiguë de l’IDM semble maintenant admise, la question du type de patients à traiter et de la durée de ce traitement par les IEC reste encore posée. Compte tenu des résultats obtenus lors de ces études, deux stratégies raisonnables sont possibles: donner systématiquement des IEC à tous les patients en phase aiguë de l’IDM sur une courte période (4 à 5 semaines), ou ne traiter à long terme (3 à 5ans) que les patients en phase aiguë d’IDM présentant un dysfonctionnement ventriculaire gauche ou une insuffisance cardiaque (Torp-Pedersen, 1997).
► Statines
L’effet cardioprotecteur précoce des statines a été montré sur des modèles expérimentaux d’ischémie et de reperfusion. Des données issues de registres nationaux ont montré que l’utilisation d’une statine dans les premières 24 heures d’un IDM était associée à un diminution des complications précoces et de la mortalité hospitalière (Fonarow, 2005). En pratique, les statines doivent être proposées dès la phase aiguë de l’IDM. Leur utilisation sera abordée de façon plus détaillée dans la partie «prévention secondaire de l’IDM». Traitement de la douleur, de l’essoufflement et de l’anxiété
La douleur doit être traitée, le plus tôt possible, pour:
– soulager le patient;
– éviter la réponse adrénergique qu’elle provoque;
– éviter l’augmentation de consommation d’oxygène par le myocarde qui est délétère dans le cas de l’IDM.
La morphine, en plus de son action antalgique, réduit les besoins en oxygène en diminuant les résistances vasculaires périphériques ainsi que le taux de catécholamines circulantes.
La morphine par voie IV est la thérapeutique antalgique de choix dans l’IDM. Des analgésiques non morphiniques peuvent également être utilisés (dérivés de la noramidopyrine) par voie IV lorsque l’on craint les effets indésirables des morphiniques (notamment le réflexe vagal).
Dans la mesure où la douleur survenant lors d’un IDM est liée à l’ischémie, toute thérapeutique luttant contre cette ischémie et améliorant, de ce fait, le rapport apport/besoin en oxygène aura également un effet analgésique.
Les patients souffrant d’IDM sont le plus souvent modérément hypoxémiques et l’administration d’oxygène est recommandée. Cette oxygénothérapie est particulièrement bénéfique si le patient souffre, en plus, d’œdème aigu du poumon ou d’insuffisance cardiaque. L’oxygène présente, de plus, l’avantage d’être antalgique sur la douleur ischémique. L’anxiété est une réponse naturelle à la douleur et au contexte de l’attaque cardiaque. Il est primordial de rassurer les patients et leur entourage. Dans le cas où l’angoisse est très marquée, un anxiolytique peut éventuellement être proposé. Les différents niveaux d’action des médicaments précités figurent sur la figure 8.3.
Figure 8.3 |
SITUATIONS PARTICULIÈRES
Survenue de troubles du rythme
Lidocaïne
La lidocaïne est utilisée en cas de survenue d’arythmies ventriculaires chez le patient souffrant d’IDM en phase aiguë. Il a été montré que la lidocaïne réduisait l’incidence des fibrillations ventriculaires dans la phase aiguë de l’IDM. Cependant, ce médicament augmente de façon significative le risque d’asystolie (Van de Werf, 2003). Une méta-analyse de 14 essais cliniques a montré une mortalité plus élevée, mais non significative, chez les patients ayant reçu de la lidocaïne par rapport au contrôle (McMahon, 1988). L’usage prophylactique de ce médicament n’est pas aujourd’hui recommandé.
Amiodarone (antiarythmique de classe III)
Les études AMIAT et CAMIAT ont montré que l’amiodarone était efficace sur les arythmies ventriculaires postinfarctus du fait des propriétés anticalciques et β-bloquantes (Jafri et al., 1998, Kennedy, 1997 and Amiodarone Trials Meta-Analysis Investigators, 1997).
β-bloquants
Les β-bloquants sont efficaces également du fait de leurs propriétés antiarythmiques.
Magnésium
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l’hypothétique mécanisme d’action du magnésium dans l’IDM: effet inhibiteur calcique; vasodilatation coronaire et systémique, inhibition des plaquettes et effet antiarythmique. L’étude ISIS-4 n’a pas montré de bénéfice avec le magnésium (ISIS-4, 1995) qui n’a donc plus d’indication à la phase aiguë de l’IDM.
IDM compliqué d’un choc cardiogénique
La thrombolyse ne semble pas recommandée en raison d’une baisse d’activité des thrombolytiques du fait du choc cardiogénique et de la baisse de perfusion coronaire consécutive (Quilici, 2000). Dans ce cas, l’angioplastie est préférentiellement indiquée et la thrombolyse ne doit être envisagée qu’en cas de délai de réalisation d’angioplastie excédant 1 heure et comme solution d’attente. Les endoprothèses sont également conseillées ainsi que la prescription d’anti-GPIIb/IIIa pour prévenir les phénomènes microemboliques et les complications thrombotiques. Globalement, le pronostic reste mauvais. Enfin, l’utilisation d’un ballon de contre-pulsion intra-aortique (CPIA) devrait être systématique (voir chapitre 10«Traitement du choc»).
Cas du patient diabétique
Un quart des patients atteints d’un IDM est diabétique. Les patients diabétiques sont susceptibles de présenter des symptômes atypiques et des complications à type d’insuffisance cardiaque. En comparaison de la population non diabétique, la mortalité suite à un IDM est doublée (Van de Werf, 2003). Il n’y a pas de contre-indication à la fibrinolyse même en présence d’une rétinopathie diabétique. Par ailleurs, l’efficacité d’un traitement par β-bloquants et IEC semble plus marquée que chez les patients non diabétiques (Zuanetti, 1997). La phase aiguë de l’IDM est souvent caractérisée par une détérioration du contrôle métabolique et l’hyperglycémie est un facteur prédictif de taux de mortalité plus élevé. L’étude DIGAMI a montré qu’un contrôle étroit de la glycémie par insulinothérapie administrée en perfusion durant l’hospitalisation puis par plusieurs injections sous-cutanées quotidiennes en ambulatoire, réduisait la mortalité à long terme chez les patients présentant un DNID (Malmberg, 1995).
Cas de la femme enceinte
La fréquence des IDM pendant la grossesse est estimée à 1/100 000. Elle est plus importante durant le troisième trimestre de la grossesse et au-delà de 33ans. Différents phénomènes interviennent durant la grossesse et peuvent augmenter le risque de thrombose:
– la diminution de la libération de t-PA physiologique;
– l’augmentation du taux d’inhibiteur physiologique de t-PA;
– la modification du taux de facteurs de la coagulation.
De plus, les augmentations de volémie et de rythme cardiaque observées pendant la grossesse accroissent notablement les besoins myocardiques en oxygène.
En cas de survenue d’IDM durant une grossesse, la patiente doit être hospitalisée dans une unité de soins intensifs susceptible d’assurer un suivi de la mère et du fœtus.
Le traitement est semblable au traitement classique en respectant certaines considérations (Roth, 1996).
► Morphine
Elle passe la barrière placentaire, n’est pas tératogène mais est susceptible d’entraîner une dépression respiratoire néonatale si l’administration est proche de l’accouchement.
► Thrombolytiques
L’expérience de cette classe médicamenteuse chez la femme enceinte est assez limitée. La streptokinase et le t-PA ne passent pas la barrière placentaire en fin de grossesse, ni durant le travail. En revanche, l’information n’est pas connue en début de grossesse. Concernant l’urokinase, elle présente un effet tératogène chez le rat et la souris. De plus, chez la femme enceinte, le taux d’inhibiteurs d’urokinase physiologique augmente progressivement jusqu’au terme, risquant de rendre l’urokinase inefficace. Globalement, la majorité des cas d’IDM rapportés chez la femme enceinte traitée par les thrombolytiques a montré une issue favorable. Le traitement présente toutefois un risque hémorragique plus important, en particulier quand celui-ci est administré au moment de l’accouchement.
► Héparine
Du fait de sa taille, l’héparine ne traverse pas la barrière placentaire et n’est pas tératogène. C’est donc l’anticoagulant de choix durant la grossesse. En raison d’un effet prolongé de 28h, le traitement doit être suspendu 24h avant l’induction du travail. Il peut être repris dès que l’hémostase est stabilisée.
► β-bloquants
Cette classe de médicaments a été largement expérimentée chez la femme enceinte dans le traitement de l’hypertension artérielle. Dans le cas de l’IDM, ils peuvent être également utilisés en favorisant les β1-sélectifs afin d’éviter l’activité sur les récepteurs β2 intra-utérins.
Inhibiteurs calciques
Les données concernant vérapamil et diltiazem durant la grossesse sont très limitées. Un effet tératogène est soupçonné pour le diltiazem.
► Antiarythmiques
La lidocaïne bénéficie des expériences d’anesthésie épidurale et locale chez la femme enceinte. Elle peut aussi être utilisée en cas d’IDM en évitant les concentrations plasmatiques élevées qui risquent d’entraîner une apnée, une hypotonie, des convulsions ou une bradycardie chez l’enfant. L’amiodarone doit être, si possible, évitée car elle risque d’entraîner des malformations congénitales et une hypothyroïdie chez le nouveau-né.
L’accouchement doit, si possible, être retardé de 2 à 3 semaines après la survenue d’un IDM afin de laisser un temps suffisant de cicatrisation de l’infarctus. Durant le travail, une supplémentation en oxygène est conseillée, de même qu’une position latérale gauche. L’ischémie, qui survient lors du travail et de l’accouchement, peut être traitée par les dérivés nitrés, les β-bloquants ou, éventuellement, par les inhibiteurs calciques.
Cas de la personne âgée
L’incidence de l’IDM ainsi que la mortalité et la morbidité sont très nettement supérieures chez les sujets âgés. Ceci s’explique par le fait que les lésions artérielles sont plus sévères (athérosclérose plus avancée).
En revanche, le traitement de l’IDM chez le sujet âgé est très similaire à celui entrepris chez l’adulte plus jeune.
En termes de reperfusion myocardique, la technique d’ACTP et les thrombolytiques sont utilisables. Toutefois, les techniques d’ACTP, quand elles peuvent être réalisées dans un délai raisonnable, semblent entraîner moins de chocs hémorragiques que la thrombolyse médicamenteuse (Forman, 1996).
Concernant l’aspirine, l’étude ISIS-2 a montré son efficacité quel que soit l’âge du patient. Le bénéfice obtenu avec les β-bloquants semble plus important chez la personne âgée que chez le sujet plus jeune (Forman, 1996).
En terme de complications, la survenue est 2 à 4 fois plus importante chez le sujet âgé, le rendant particulièrement à risque.
Traitement de l’infarctus du myocarde au-delà de 12 heures
Pour un infarctus dont les symptômes ont plus de 12 heures, il n’y a plus d’indication à la revascularisation en urgence car la nécrose myocardique est constituée, sauf en cas d’atteinte antérieure ou d’infarctus étendu où le bénéfice du traitement a été observé jusqu’à 24 heures (Antman, 2004). Seul un traitement médical est mis en place comprenant l’aspirine, les β-bloquants et les IEC. L’héparine et les dérivés nitrés peuvent également être envisagés. À distance de l’infarctus du myocarde, une ischémie résiduelle est recherchée par épreuve d’effort ou par exploration angiographique des coronaires.
Angioplastie secondaire suite au traitement thrombolytique
Après thrombolyse, environ 30 à 40% des patients vont développer une resténose de l’artère initialement responsable de l’IDM. Quinze à 20% des patients thrombolysés développeront des épisodes d’ischémie récurrente et des réinfarctus (Grollier, 1998).
De ce fait, il peut paraître souhaitable de réaliser une angioplastie tardive (ou revascularisation tardive) dans le but de pérenniser la reperméabilisation obtenue par les thrombolytiques. Cette angioplastie ou revascularisation est dite tardive si elle est effectuée au-delà de la 12e heure après l’apparition des douleurs. Récemment, un essai multicentrique a montré qu’une angioplastie tardive était supérieure à une nouvelle thrombolyse en termes de survie sans événement chez des patients en échec après une première thrombolyse (Gershlick, 2005).
Intérêt des dérivés nitrés et des inhibiteurs calciques
► Dérivés nitrés
Les différents dérivés nitrés sont présentés dans le chapitre «Traitement des insuffisances coronaires» (tableau 6.4 p. 77).
L’éventuel effet bénéfique observé avec les dérivés nitrés pourrait s’expliquer par l’effet vasodilatateur veineux et artériel et par la redistribution sanguine vers les zones myocardiques ischémiées. De plus, ces dérivés nitrés réduisent la précharge et la postcharge et, de ce fait, réduisent la tension de la paroi myocardique et les besoins en oxygène.
Les études GISSI-3 et ISIS-4 n’ont pas montré de réduction de mortalité avec les dérivés nitrés (GISSI-3, 1994; ISIS-4, 1995). De même, l’utilisation de molsidomine n’a pas montré de bénéfice (ESPRIM, 1994).
La Société européenne de cardiologie ne recommande pas l’utilisation de dérivés nitrés dans la phase aiguë de l’infarctus du myocarde.
► Inhibiteurs calciques
Le mécanisme d’action des inhibiteurs calciques dans l’IDM, mal élucidé et encore très discuté, pourrait provenir d’une réduction des besoins en oxygène par diminution de la contractilité myocardique et réduction de la surcharge en calcium des cellules ischémiées.
Malgré un grand nombre de propriétés qui pourraient paraître intéressantes dans le traitement de l’IDM, la classe des inhibiteurs calciques a montré des résultats très décevants dans les différentes études réalisées. Ils n’ont pas d’indication dans la phase aiguë de l’infarctus.
Il semble qu’à l’heure actuelle, les inhibiteurs calciques dihydropyridiniques soient déconseillés dans le traitement de l’IDM du fait de la tachycardie réflexe qu’ils entraînent. Seuls le vérapamil ou le diltiazem pourraient présenter un intérêt dans le cas d’un infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST, en dehors de la phase aiguë (Jespersen, 1994).
PRÉVENTION SECONDAIRE DE L’INFARCTUS DU MYOCARDE
MESURES NON MÉDICAMENTEUSES
Elles ont pour but de réduire les facteurs de risque permettant ainsi un meilleur contrôle de la morbi-mortalité postinfarctus.
Arrêt du tabac
Il est obligatoire et doit être définitif. En cas de forte dépendance, une consultation antitabac spécialisée est recommandée et des substituts nicotiniques pourront éventuellement être proposés aux patients. L’arrêt du tabac est bénéfique quel que soit le niveau de tabagisme initial.
Régime diététique
Une diminution des apports caloriques n’est nécessaire qu’en cas de surcharge pondérale. Les acides gras saturés (graisses animales) doivent être évités au profit d’acides gras mono-insaturés ou polyinsaturés. Le bénéfice d’un régime enrichi en acide alpha linolénique, dit «régime crétois», a été évalué au cours d’un essai randomisé en simple aveugle conduit chez des patients en prévention secondaire d’un IDM (De Lorgeril, 1994). Au bout de 27 mois de suivi en moyenne, les décès d’origine cardiaque étaient plus nombreux dans le groupe contrôle (régime classique) par rapport au groupe expérimental (16 décès sur 303 patients versus 3 sur 302 patients, soit une réduction de 76%).
Exercice physique
Un exercice physique régulier permet une réduction de 20 à 25% de la mortalité cardiovasculaire postinfarctus. Celui-ci doit être instauré sous contrôle médical, puis suivi régulièrement. Ce type d’exercice permet une réduction de l’effet défavorable des catécholamines sur le myocarde ainsi qu’une réduction notable de la pression artérielle. De plus, l’exercice peut jouer un rôle favorable sur le contrôle d’un éventuel excès pondéral (Winslow, 1996). La mise en place d’un tel entraînement doit tenir compte du degré d’activité de chaque patient avant infarctus, des facteurs entravant sa réalisation (claudication, blessures, douleurs, etc.) et doit débuter doucement. Dix minutes d’exercice sont recommandées dans un premier temps, puis une augmentation progressive doit se faire par paliers de 5 à 10min pour atteindre 30 à 40min d’exercice par jour.