17. Traitement de la cirrhose
Chapitre révisé pour cette édition par:
Claire Chapuis
Interne en pharmacie, centre hospitalier universitaire, Grenoble, France
Emmanuel Germain
Praticien hospitalier, hépato-gastro-entérologue, CHU Grenoble, France
Chapitre initialement rédigé par:
Gérard Willoquet
Praticien hospitalier, pharmacien, centre hospitalier sud-francilien, Évry, France
Denis Labayle
Hépato-gastro-entérologue, Centre hospitalier sud-francilien, Évry, France
PLAN DU CHAPITRE
CE QU’IL FAUT RETENIR357
ÉTUDE DE CAS CLINIQUES358
Références bibliographiques362
GÉNÉRALITÉS
LA NÉCROSE CELLULAIRE ET LA FIBROSE ONT DEUX CONSÉQUENCES
– l’une vasculaire: les modifications de la vascularisation du foie, secondaires à la sclérose, provoquent une augmentation de la pression du sang dans le systèmeporte. Pour réduire cette pression, des anastomoses sont mises en jeu entre le systèmeporte et le système-cave. L’ensemble aboutit à une hypertension dans le système-porte, avec splénomégalie, dilatation des veines de l’œsophage, de l’estomac et de la paroi abdominale. Ce détournement de sang veineux s’accompagne au niveau de l’œsophage de la formation de véritables varices;
– l’autre parenchymateuse: la destruction par la fibrose et l’insuffisance vasculaire du parenchyme hépatique aboutissent à l’insuffisance hépatocellulaire.
Complications des cirrhoses
L’hypertension portale et l’insuffisance hépatocellulaire sont responsables de complications potentiellement mortelles.
► Complications liées à l’hypertension portale
L’hémorragie digestive due à une rupture des varices œsophagiennes représente une urgence médicale, devant être traitée en secteur de soins intensifs. Elle nécessite une appréciation de l’importance du saignement, une fibroscopie en urgence en l’absence de troubles de conscience. Si c’est le cas, il y a un risque d’inhalation et la fibroscopie sera réalisée après intubation du patient.
► Complications liées à l’insuffisance hépatocellulaire
Ictère
Il traduit une poussée d’insuffisance hépatique. Isolé, l’ictère doit faire rechercher un carcinome hépatocellulaire. Il peut également être dû à une évolution de la maladie causale (poursuite ou aggravation de l’intoxication éthylique, de l’hépatite virale, etc.).
Encéphalopathie
De mécanisme encore mal connu, l’encéphalopathie se manifeste par des troubles du comportement tels que l’inversion du rythme du sommeil, une alternance d’apathie, d’agitation voire d’agressivité et une instabilité, puis un état confusionnel et une somnolence progressivement croissante. L’encéphalopathie, habituellement déclenchée par un facteur intercurrent comme une hémorragie digestive, une infection ou la prise d’un médicament sédatif, peut être aiguë. L’encéphalopathie chronique est plus rare. Elle témoigne de l’existence d’anastomoses portosystémiques chirurgicales ou spontanées.
► Ascite
C’est à la fois une complication de l’hypertension portale et de l’insuffisance hépatocellulaire. Elle témoigne de l’évolution de la maladie causale: poursuite ou reprise de l’intoxication alcoolique, hémorragie digestive, sepsis ou survenue d’un carcinome hépatocellulaire.
L’hypoalbuminémie d’une part, due à l’insuffisance hépatocellulaire, responsable d’une diminution de la pression oncotique et d’autre part l’augmentation de la pression osmotique liée à l’hypertension portale, aboutissent à un passage de liquide d’origine plasmatique dans la cavité péritonéale.
Par ailleurs, il existe chez le cirrhotique une hypovolémie périphérique responsable d’une diminution de la pression artérielle rénale. Le rein réagit par une hypersécrétion d’aldostérone, hormone favorisant la rétention d’eau et de sodium. Cette hormone habituellement détruite dans le foie voit son catabolisme diminué du fait de l’insuffisance hépatique (figure 17.1).
Figure 17.1 |
Les conséquences hydroélectrolytiques de l’hyperaldostéronisme secondaire de la cirrhose sont:
– une augmentation importante du compartiment extra cellulaire et un bilan sodé positif; la natrémie est souvent normale, voire abaissée;
– une hypokaliémie qui peut être très abaissée et qui témoigne d’une déplétion potassique majeure avec baisse du potassium intracellulaire;
– un effondrement du rapport Na+/K+ des urines des 24 heures.
Le pronostic des cirrhoses dépend de l’existence ou non de complications. Une des classifications pronostiques les plus utilisées est la classification de Child-Pugh (tableau 17.1) qui prend en compte, à côté des signes biologiques d’insuffisance hépatocellulaire, la présence ou non de complications.
Le score est obtenu en additionnant les points pour chaque item. | |||
Score de class A: 5 à 6 points. | |||
Score de la class B: 7 à 9 points. | |||
Score de la class C: 10 à 15 points | |||
1 point | 2 points | 3 points | |
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Bilirubine (mmol/L) | < 20 | 20-30 | > 30 |
Albumine (g/L) | > 35 | 28-35 | < 28 |
Taux de prothrombine (%) | > 50 | 40-50 | < 40 |
Encéphalopathie | Absente | Modérée | Coma |
Ascite | Absente | Modérée | Importante |
Les malades ayant une cirrhose compliquée ont un score des classes B ou C (entre 7 et 15). À l’inverse, la cirrhose bien compensée figure dans la classe A avec un score compris entre 5 et 6 points.
► Autres complications
D’autres complications sont à redouter comme: les infections, le carcinome hépatocellulaire, les complications hématologiques, les complications endocriniennes, le syndrome hépatorénal.
Infections
Le cirrhotique est particulièrement sensible aux infections; les plus courantes sont les infections intestinales et urinaires. Le liquide d’ascite peut être ensemencé par voie sanguine, au moment d’une bactériémie, ou par translocation bactérienne du tube digestif. Ceci reste une situation relativement fréquente chez les malades cirrhotiques dont l’insuffisance hépatocellulaire est sévère.
La probabilité de survenue de cette infection augmente lorsque la concentration en protides du liquide d’ascite est inférieure à 10g/L. En effet, cette faible concentration en protides indique une diminution de la concentration en complément et autres protéines douées d’une activité opsonisante, ce qui diminue la défense locale contre l’infection.
Carcinome hépatocellulaire
Toute cirrhose peut se compliquer d’un carcinome hépatocellulaire (CHC) puisque le foie cirrhotique est un état précancéreux. L’évolution du CHC est extrêmement variable, son pronostic reste sombre. La transplantation a transformé la survie de ces patients. Celle-ci n’est possible que lorsque les nodules tumoraux sont peu nombreux et de petite taille.
Complications hématologiques
L’anémie est macrocytaire par carence en folates ou microcytaire, hypochrome, par saignement ou normochrome, normocytaire par hémolyse. Il peut exister une leucopénie (hypersplénisme) ou une hyperleucocytose (infection, hépatite alcoolique, carcinome hépatocellulaire).
Complications endocriniennes
Les troubles de la régulation glycémique sont fréquents. Il peut exister une gynécomastie et une impuissance chez l’homme, une aménorrhée et une stérilité chez la femme.
Syndrome hépatorénal
Il s’agit d’une insuffisance rénale fonctionnelle qui complique fréquemment les cirrhoses avec ascite et qui est due à la vasoconstriction des artères rénales. Son début est progressif et caractérisé par une oligurie et une élévation de la créatininémie. Une fois apparue, l’insuffisance rénale est de mauvais pronostic.
Anomalies biologiques
Les principales anomalies biologiques sont:
– une hypoalbuminémie, due à la fois à un déficit de fabrication, une dilution plasmatique et des fuites intestinales;
– la chute des facteurs de la coagulation, la diminution du taux de prothrombine ayant une valeur pronostique;
– des anomalies des globulines, l’électrophorèse des protéines plasmatiques mettant en évidence une augmentation des globulines β et Y réalisant un bloc β-Y;
– des taux de transaminases ASAT et ALAT élevés mais à des taux inférieurs à 5 fois la normale; les taux de ASAT sont en règle générale supérieurs à ceux de ALAT;
– des taux de Y-GT pouvant être très élevés (supérieurs à 20 fois la normale).
Étiologie des cirrhoses
► Cirrhose alcoolique
L’alcoolisme représente la cause la plus fréquente de cirrhose en France. La cirrhose alcoolique est une affection grave du fait de la fréquence de ses complications, souvent en rapport avec la persistance de l’intoxication alcoolique. Les patients qui boivent de grandes quantités d’alcool de manière répétée augmentent leur tolérance. La dépendance physique accompagnant la tolérance est importante et l’abstinence provoque des effets indésirables qui peuvent conduire à la mort. Il y a une tolérance croisée entre l’alcool et les autres dépresseurs du système nerveux central (barbituriques hypnotiques et benzodiazépines).
► Cirrhoses virales
Seuls les virus B et C sont susceptibles d’entraîner une hépatite chronique agressive aboutissant à la cirrhose. Le virus A n’est jamais responsable d’une telle évolution.
► Cirrhoses métaboliques
Le syndrome métabolique (associant diabète, dyslipidémie, obésité) est une nouvelle étiologie des cirrhoses par le biais d’une stéatose hépatique responsable d’une inflammation hépatique entraînant la fibrose à long terme. L’hémochromatose et la maladie de Wilson sont dues respectivement à un trouble du métabolisme du fer et du cuivre.
► Cirrhose d’origine auto-immune
La ou les causes de la maladie sont inconnues. Il y aurait des facteurs déclenchants et un terrain de susceptibilité génétique particulier. Une cirrhose est présente dans 90% des cas au moment du diagnostic d’hépatite auto-immune chez l’enfant (Maggiore, 1993).
► Cirrhoses biliaires
Elles sont primitives ou secondaires. La première affecte les canaux biliaires intrahépatiques et se caractérise par une cholestase chronique. La seconde se développe à la suite d’une sténose chronique des voies biliaires.
► Cirrhoses médicamenteuses
De nombreux médicaments sont susceptibles d’entraîner une altération hépatocytaire importante. Les lésions hépatiques résultent de la toxicité directe du médicament ou d’un mécanisme allergique (tableau 17.2). Une cirrhose hépatique peut succéder à une hépatite cytolytique sévère ou à une hépatite cholestatique prolongée. La maladie hépatique peut continuer à évoluer malgré l’arrêt du médicament responsable. Cette circonstance survient lorsque celui-ci a été stocké en grande quantité dans les tissus et est progressivement libéré dans la circulation sanguine. L’amiodarone (Cordarone) en est un exemple.
Antibiotiques et anti-infectieux | isoniazide (Rimifon) nitrofurantoïne (Furadoïne) |
Médicaments de l’appareil cardiovasculaire | amiodarone (Cordarone) méthyldopa (Aldomet) bosentan (Tracleer) |
Antalgiques et anti-inflammatoires | aspirine |
Anesthésiques | halothane (Fluothane) |
Immunosuppresseurs | léflunomide (Arava) |
Psychotropes | chlorpromazine (Largactil) |
MÉDICAMENTS UTILISÉS
Lorsqu’une hépatopathie chronique a été reconnue, il faut si possible éviter son évolution vers la cirrhose. Il est donc essentiel d’agir, chaque fois que possible sur la cause de l’hépatopathie. Une fois la cirrhose constituée, le traitement étiologique reste souvent nécessaire même s’il est moins efficace. À côté du traitement éventuel de la cause, la découverte d’une cirrhose implique, entre autres, des mesures de prévention des complications et leurs prises en charge. On comprend ainsi aisément que les médicaments prescrits dans la cirrhose appartiennent à des classes thérapeutiques diverses.
Classification des médicaments
Les médicaments actuellement commercialisés en France (données extraites du Vidal 2007) destinés à traiter les différentes causes de la cirrhose et leurs complications sont classés dans le tableau 17.3.
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Médicaments de la cirrhose — Traitements étiologiques: cirrhose alcoolique | |||
Sevrage alcoolique | |||
acamprosate | Aotal | Comprimé gastrorésistant | 333mg |
disulfirame | Espéral | Comprimé sécable | 500mg |
disulfirame + nicotinamide + adénine | TTD B3 B4 | Comprimé sécable | 500mg +0,30mg + 0,50mg |
méprobamate | Equanil | Comprimé sécable | 250, 400mg |
naltrexone | Revia | Comprimé sécable | 50mg |
Sevrage alcoolique | |||
oxazépam | Séresta | Comprimé sécable | 10, 50mg |
tiapride | Tiapridal, Tiapride Gé à manier avec précaution dans le cadre de la cirrhose | Comprimé sécable | 100mg |
thiamine | Bévitine, Bénerva | Comprimé | 250mg |
pyridoxine | Bécilan, vitamine B6 | Comprimé sécable | 250mg |
Hépatite alcoolique surajoutée | |||
prednisolone | Solupred Hydrocortancyl | Comprimé sécable effervescent Comprimé sécable | 5, 20mg 5mg |
méthylprednisolone | Médrol | Comprimé sécable | 4, 16, 32mg |
Médicaments de la cirrhose — Traitements étiologiques: hépatites virales B et C | |||
adéfovir dipivoxil | Hepsera | Comprimé | 10mg |
interféron α2b | IntronA | Flacon injectable Stylo prérempli | 10 ou 18 MUI 18, 30 ou 60 MUI |
entécavir | Baraclude | Comprimé | 0,5, 1mg |
interféron PEG α2b | Viraféronpeg | Stylo prérempli | 50, 80, 100, 120, 150 μg |
interféron α2a | Roféron-A | Seringue préremplie | 3, 4,5, 6, 9, 18 MUI |
interféron PEG α2a | Pégasys | Seringue préremplie | 135, 180 μg |
lamivudine | Zeffix | Comprimé Solution buvable | 100mg 5mg/mL |
ribavirine | Rébétol Copegus | Gélule Comprimé | 200mg 200mg |
Médicaments de la cirrhose — Traitements étiologiques-cirrhose biliaire primitive | |||
acide ursodésoxycholique | Délursan Ursolvan | Comprimé Gélule | 250mg 200mg |
Médicaments de la cirrhose — Traitements étiologiques-maladie de Wilson | |||
D-pénicillamine | Trolovol | comprimé sécable | 300mg |
Médicaments de la cirrhose — Traitements étiologiques-cirrhose d’origine auto-immune | |||
prednisone | Cortancyl | Comprimé Comprimé sécable | 1mg 5, 20mg |
prednisolone | Solupred | Comprimé sécable effervescent | 5, 20mg |
Hydrocortancyl | Comprimé sécable | 5mg | |
azathioprine | Imurel | Comprimé | 25, 50mg |
Médicaments de la cirrhose — Prévention de l’hémorragie digestive par rupture des varices œsophagiennes | |||
propranolol | Avlocardyl, Adrexan | Comprimé sécable | 40mg |
Avlocardyl LP | Gélule à libération prolongée | 160mg | |
Hémipralon | Gélule à libération prolongée | 80mg | |
nadolol | Corgard | Comprimé | 80mg |
Médicaments de la cirrhose — Traitement de l’hémorragie digestive par rupture des varices œsophagiennes | |||
octréotide | Sandostatine | Solution injectable | 50, 100, 500 μg/mL |
Sandostatine LP | Poudre pour susp. injectable IM | 10, 20, 30mg | |
somatostatine | Somatostatine | Solution injectable | 0,25, 3, 6mg |
Modustatine | Solution injectable | 2mg | |
terlipressine | Glypressine | Solution injectable | 1mg |
Médicaments de la cirrhose — Traitement de l’ascite non infectée | |||
spironolactone | Aldactone | Comprimé, Comprimé sécable | 50mg 75mg |
Flumach | Comprimé | 50, 75mg | |
Practon Gé | Comprimé sécable | 50, 75mg | |
Spironolactone Gé | Comprimé sécable | 50, 75mg | |
Spiroctan | Gélule | 50, 75mg | |
Spironone | Gélule | 50, 75mg | |
furosémide | Lasilix Lasilix faible Lasilix retard | Comprimé sécable Comprimé sécable Gélule à libération prolongée | 40mg 20mg 60mg |
Furosémide | Comprimé sécable | 20, 40mg | |
hydroxyéthylamidon | Voluven | Solution injectable | 30g/500mL |
Hyperhes | Solution injectable | 60g/250mL | |
Heafusine | Solution injectable | 30g/500mL et 50g/500mL | |
Hestéril | Solution injectable | 30g/500mL | |
Médicaments de la cirrhose — Traitement de l’encéphalopathie hépatique | |||
lactulose | Duphalac Lactulose Gé | Solution buvable Poudre pour solution buvable | 10g/c. à s. |
lactitol | Importal | Poudre pour solution buvable | 2,5, 5, 10g |
Mécanisme d’action
► Glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes agissent au niveau nucléaire. Ils pénètrent dans le cytoplasme des cellules cibles, se lient généralement à une protéine réceptrice cytoplasmique qui change de conformation et pénètre dans le noyau où elle module l’activité de l’ADN pour augmenter ou diminuer la synthèse des RNA messagers et des protéines correspondantes.
► Par ces mécanismes, les glucocorticoïdes:
– augmentent la synthèse de lipocortine qui inhibe la phospholipase A2, responsable de la libération d’acide arachidonique à partir des phospholipides membranaires. L’acide arachidonique participe à la réaction d’inflammation. L’inhibition de la phospholipase A2 entraîne donc une réaction anti-inflammatoire;
– diminuent la synthèse du TNF (Tumor Necrosis Factor), de l’interleukine 1, du t-PA (Tissu Plasminogen Activator), des cyclo-oxygénases, des NO-synthétases.
► Diurétiques d’épargne potassique: spironolactone
La spironolactone, analogue chimique des minéralocorticoïdes, est un antagoniste compétitif de ces hormones pour la liaison aux sites de fixation spécifiques (récepteurs) des cellules du néphron distal. Elle n’agit qu’en présence de minéralocorticoïdes et prévient la stimulation induite par ces derniers sur la réabsorption de Na+ et la sécrétion de K+ et H+. Malgré une affinité élevée pour les récepteurs de l’aldostérone, in vivo, la spironolactone est un antagoniste peu puissant.
► β-bloquants: propranolol et nadolol
Ce sont des inhibiteurs β-adrénergiques agissant par un antagonisme compétitif et spécifique des effets β-adrénergiques des catécholamines. Ils réduisent la pression portale en réduisant le débit sanguin splanchnique. La diminution du débit splanchnique est la conséquence de deux actions:
– chute du débit cardiaque (activité β1);
– vasoconstriction splanchnique (activité β2).
► Médicaments vasoactifs
Il s’agit de l’octréotide, la somatostatine, la terlipressine. Ces médicaments sont actifs dans l’hypertension portale en diminuant le flux sanguin splanchnique, en abaissant la résistance vasculaire intrahépatique et la pression dans les varices œsophagiennes. Les effets vasoconstricteurs de la terlipressine résultent de la stimulation de récepteurs de type V1, couplée au métabolisme des phosphoinositides membranaires, entraînant l’augmentation de la concentration intracellulaire de calcium.
Relation structure-activité
► Glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes dérivent du noyau stéroïde prégnane. Des fonctions sont indispensables à l’activité glucocorticoïde:
– cycle A: la double liaison 4-5 et la fonction cétone en C3;
– cycle C: groupe hydroxyle en C11 β;
– cycle D: groupe hydroxyle en C17 α; hydroxyle en C21.
La prednisolone et la méthylprednisolone se caractérisent par:
– une double liaison en 1-2 qui augmente l’activité anti-inflammatoire par rapport à l’activité minéralocorticoïde;
– le méthyl en 6 α (méthylprednisolone) augmente légèrement l’action anti-inflammatoire.
► Diurétiques d’épargne potassique: spironolactone
La spironolactone dérive du noyau stéroïde prégnane. On retrouve des fonctions communes à l’aldostérone, indispensables à l’activité minéralocorticoïde: double liaison en 4-5 et fonction cétone en C3.
L’action antiminéralocorticoïde de la spironolactone est obtenue par l’introduction d’un cycle lactone en C17 sur le cycle D.
► β-bloquant: propranolol
Le propranolol comme la plupart des β-bloquants est un aryl-oxy-propanolamine. Il possède au moins un carbone asymétrique en β sur la chaîne latérale, à l’instar des agonistes naturels. Seul le dérivé lévogyre est doué d’activité β-bloquante.
► Médicaments vasoactifs
• Terlipressine
Les parties de la molécule essentielles à l’activité sont:
– 1 acide aminé basique en 8;
– 1 pont disulfure en 1-6;
– 2 acides aminés aromatiques en 2 et en 3.
La terlipressine est un analogue structural de la vasopressine ou hormone antidiurétique.
• Octréotide
L’octréotide est un analogue structural de l’hormone naturelle hypothalamique, la somatostatine. L’octréotide comporte 8 acides aminés contre 14 à la somatostatine qui possède un pont disulfure.
Pharmacocinétique
► Glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes les plus classiquement utilisés sont la prednisolone et la méthylprednisolone. L’absorption per os est rapide. La fixation aux protéines plasmatiques dépend de la protéine (faible affinité et forte capacité) sur l’albumine et forte affinité et faible capacité sur la transcortine ou CBG (Corticosteroid Binding Globulin). Ces deux phénomènes entraînent une cinétique non linéaire.
Le métabolisme hépatique se fait par inactivation par réduction de la double liaison en position 4-5 ainsi que l’oxydation en position 11. Ces composés sont ensuite glucuro- ou sulfo-conjugués. Il existe des interactions avec les inhibiteurs et inducteurs enzymatiques.
L’élimination est rénale. Les demi-vies d’élimination plasmatique (environ 200 min) sont très inférieures aux demi-vies biologiques (18-36 h).
► Diurétiques d’épargne potassique: spironolactone
L’absorption digestive est rapide (70%). La distribution montre une forte fixation aux protéines plasmatiques et un passage de la barrière placentaire. Le métabolisme est hépatique, l’un des principaux métabolites, la canrénone, étant active pharmacologiquement et contribuant très largement à l’effet final (30 à 60%). L’élimination est biliaire et rénale avec une demi-vie plasmatique de 15 heures.
► β-bloquants
Propranolol
Le propranolol est un médicament très liposoluble. Son absorption digestive est rapide et complète. Il se fixe aux protéines plasmatiques à 90-95%. Son métabolisme est hépatique avec l’existence d’un phénomène de premier passage hépatique. Une ingestion concomitante à celle d’aliments peut réduire l’importance de ce phénomène de premier passage et augmenter sa biodisponibilité (initialement de 20 à 30%). Il se forme un métabolite actif, le 4-hydroxy-propranolol après hydroxylation du noyau aromatique. L’élimination des métabolites glycuro- et sulfo-conjugués est rénale. Le propranolol, sujet au premier passage hépatique, voit sa biodisponibilité dépendre de la dose administrée. La biodisponibilité des petites doses est faible, mais elle tend à s’accroître progressivement si l’on augmente les doses. Les concentrations sanguines ne sont pas directement proportionnelles aux doses administrées avec une importante variation interindividuelle (d’un facteur 20). Le propranolol présente un grand volume de distribution et, en particulier, une très bonne diffusion dans le cerveau et les poumons. La demi-vie plasmatique est courte (3 heures).
Nadolol
Le nadolol est un médicament hydrosoluble. Il ne passe pas ou peu la barrière hémato-encéphalique, ce qui explique la rareté de ses effets centraux. Son absorption est incomplète. Sa fixation aux protéines plasmatiques est de 30%. La biodisponibilité d’environ 30% n’est pas affectée par l’alimentation. Le nadolol n’est pas métabolisé par le foie, il n’y a donc pas d’effet de premier passage hépatique. L’élimination se fait sous forme inchangée, aux trois quarts par le rein. La demi-vie d’élimination plasmatique, initialement de 16 à 24 heures, est augmentée chez le sujet âgé et l’insuffisant rénal, ce qui nécessite une adaptation posologique dans ces populations.
► Médicaments vasoactifs
Somatostatine
Elle subit une dégradation enzymatique au niveau plasmatique et sa demi-vie plasmatique est de 3 min.
Terlipressine
Sous l’action d’endopeptidases plasmatiques et tissulaires, la terlipressine est progressivement métabolisée en lysine-vasopressine qui est l’hormone biologiquement active. Celle-ci apparaît dans le plasma en 40 à 60 min après l’injection de terlipressine. Sa concentration maximale est atteinte au bout de 2 heures. L’élimination est rénale.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
TRAITEMENT DE L’ADULTE
► Traitements de la cause
• Cirrhose alcoolique
Prise en charge de l’intoxication alcoolique
L’arrêt de l’intoxication alcoolique doit être complet et définitif. Dans ces conditions, le risque de survenue d’une complication est diminué. En revanche le risque d’apparition d’un carcinome hépatocellulaire reste présent.
La cure de désintoxication ou cure de sevrage, si elle est nécessaire chez le sujet dépendant, n’est pas obligatoirement l’unique réponse pour tous les sujets alcooliques. La maladie alcoolique est une maladie au long cours nécessitant un projet thérapeutique à long terme.
Avant le sevrage
Il est nécessaire d’évaluer pour les traiter:
– l’état des organes le plus souvent touchés par l’alcool en cherchant des signes d’insuffisance hépatique, de saignements gastro-intestinaux, d’arythmie cardiaque ou de troubles de la glycémie ou de l’équilibre électrolytique;
– les carences diverses liées à l’alcoolisation, en particulier les vitamines B1, B6 mais aussi A, PP, et C. Elles découlent des carences alimentaires par anorexie, malabsorption et maldigestion.
Il convient d’éviter en raison des risques de potentialisation avec l’alcool, le recours aux benzodiazépines, aux β-bloquants et au disulfirame.
Lors du sevrage
Arrêt de l’alcool
Le vinaigre et toute autre forme d’alcool «moins visible» sont à supprimer (formes sirops, ampoules et solutions buvables, etc.).
Hydratation suffisante
Afin de prévenir un syndrome de sevrage, elle doit être obtenue sous forme de boissons abondantes, eau, jus de fruits, bouillons. Des perfusions de sérum glucosé et de sérum physiologique peuvent être utilisées pour compléter cet apport liquidien qui doit être de 2 à 3 L/jour.
Vitaminothérapie B1-B6 et oligothérapie
Les carences vitaminiques, notamment en vitamines du groupe B, cofacteurs enzymatiques cérébraux, et en oligo-éléments sont fréquentes et parfois sévères.
Sédation
Elle doit être utilisée avec la plus grande prudence et seulement si la cirrhose n’est pas décompensée. La prescription d’anxiolytiques est recommandée lorsque l’on retrouve dans les antécédents des symptômes de sevrage au réveil: tremblements, sueurs, angoisses, calmés par l’absorption d’alcool ou des antécédents de crise convulsive. La privation de l’effet dépresseur central de l’éthanol génère des symptômes pouvant être diminués par l’administration d’un autre dépresseur du système nerveux central. Le méprobamate et les benzodiazépines offrent la plus large marge de sécurité et sont, pour cette raison, les médicaments préférés du sevrage. Pour éviter les fluctuations rapides des concentrations sanguines qui pourraient augmenter le risque de crises épileptiques, des produits à demivie plus longue (diazépam) peuvent être utilisés.
La durée de sevrage ne doit pas être inférieure à 10 jours. Cette période de sevrage doit s’accompagner d’une prise en charge psychothérapeutique habituellement commencée avant le sevrage et poursuivie au-delà. Elle comprend une psychothérapie individuelle de soutien réalisée par le médecin traitant ou un médecin spécialiste dans le cadre d’un Centre d’hygiène alimentaire: CHA. Les thérapies de couples et familiales sont fondamentales. Les associations d’anciens buveurs apportent un soutien très efficace. Elles mettent en œuvre des réunions, des visites à domicile et des informations concernant l’alcoolisme.
Après le sevrage
Les antalgiques et la vitaminothérapie restent indispensables pour assurer le confort de vie et éviter les complications notamment neurologiques. L’indication des benzodiazépines et du méprobamate doit être bien mesurée et de court terme car le problème posé est le remplacement d’une toxicomanie par une autre. Les troubles du sommeil tendent à disparaître après le sevrage. Leur persistance ou leur aggravation doit faire évoquer une pathologie dépressive imposant un traitement antidépresseur.
La naltrexone est utilisée en traitement adjuvant dans le maintien de l’abstinence dans le cadre d’une prise en charge globale. Le mécanisme d’action de la naltrexone chez le sujet alcoolodépendant n’est pas complètement élucidé. Toutefois, une interaction avec le système opiacé endogène semble jouer un rôle important. Chez l’homme, la consommation d’alcool entraînerait une sécrétion d’opiacés endogènes. La naltrexone n’entraîne pas d’effet répulsif et ne provoque pas d’effet antabuse en cas d’ingestion d’alcool. Son effet principal serait une diminution du risque de rechute vraie (consommation incontrôlée) en cas de consommation d’alcool. À un degré moindre, elle semble également avoir un effet sur l’envie de boire.
Traitement antabuse
Un traitement antabuse de l’alcool peut être entrepris. Il vise à traiter la dépendance psychologique. Son principe est d’inciter le malade à une abstinence absolue grâce à la prise quotidienne de disulfirame (Espéral). En cas d’ingestion d’alcool, le disulfirame bloque la dégradation de l’acétaldéhyde provoquant pendant 20 à 30 min des effets de vasodilatation généralisée avec rougeur, bouffées vasomotrices, tachycardie et vomissements. Le but n’est pas de créer le dégoût mais d’amener le patient à «tenir» pendant 24 heures. Celui-ci participe ainsi à sa propre thérapeutique. Pour être efficace, le traitement doit être poursuivi de 12 à 18 mois. Sa prescription répond à plusieurs règles:
– jamais de prescription sans sevrage (alcoolémie nulle);
– jamais de prescription à l’insu du malade;
– prescription dans un projet thérapeutique, discuté et choisi avec le patient;
– information préalable sur l’action du produit.
Les implants, longtemps utilisés dans le passé, ont été retirés du marché.
Diminution de l’appétence à l’alcool
L’acamprosate (Aotal) médicament gabaergique spécifique de la maladie alcoolique, n’est pas un médicament de sevrage. Néanmoins, des données pharmacocinétiques semblent montrer l’intérêt de sa prescription dès le début du sevrage pour diminuer l’appétence à l’alcool, bien qu’on ne dispose que peu de travaux. Ce médicament est à éviter chez les personnes âgées.
Hépatite alcoolique aiguë surajoutée à la cirrhose
En cas d’hépatite alcoolique aiguë ajoutée à la cirrhose, la corticothérapie est indiquée dans un certain nombre de situations:
– encéphalopathie hépatique;
– absence d’hémorragie digestive et d’infection;
– maladie sévère avec un score de Maddrey supérieur à 32.
Le score de Maddrey est calculé à partir du temps de Quick et du taux de bilirubine. Il est d’autant plus élevé que ces deux paramètres sont importants.
► Cirrhoses virales
• Cirrhose virale B
Un traitement antiviral doit être discuté en cas de cirrhose virale B. Il est surtout indiqué chez les patients cirrhotiques appartenant à la classe A de Child-Pugh. En cas de cirrhose décompensée, le traitement à l’interféron α reste contreindiqué. Le traitement antiviral ne peut être discuté que dans la cirrhose virale B avec multiplication active du virus. Le pronostic de la cirrhose virale B en l’absence de traitement est souvent mauvais. Quand l’hépatite B a atteint le stade de cirrhose, la multiplication virale est souvent arrêtée. Chez quelques malades cependant, elle persiste et un traitement antiviral est à tenter pour limiter l’aggravation de l’atteinte hépatique.
L’interféron α (Roféron, Intron A) ou maintenant peginterféron (Pégasys, Viraféronpeg) a non seulement un effet antiviral, mais aussi une action antifibrosante. L’interféron reste d’un emploi difficile en cas de cirrhose; une aggravation de l’insuffisance hépatocellulaire peut survenir en début de traitement. C’est pourquoi le traitement doit être initié à doses faibles. La durée de traitement est de 4 à 6 mois. La lamivudine, analogue nucléosidique, initialement développée dans le traitement de l’infection par le VIH, et maintenant traitement de choix chez le cirrhotique, a l’avantage d’une administration orale et d’une très bonne tolérance. Elle est administrée sur 12 mois. Cependant des résistances se développent (variants YMDD) dont le taux progresse de façon croissante avec la durée du traitement et l’association ou le passage à d’autres traitements doivent être envisagés. L’adéfovir, alternative thérapeutique, est le premier analogue nucléotidique développé dans le traitement de l’hépatite B chronique. Il est actif contre les souches sauvages résistantes à la lamivudine in vitro. De plus, il peut être administré chez l’insuffisant hépatique. Le ténofovir (Viread), analogue de l’adéfovir, a également une activité sur le virus de l’hépatite B (indication non officiellement reconnue à ce jour), il serait plus efficace avec moins de résistances que l’adéfovir.
Une nouvelle molécule est disponible en Europe depuis juillet 2006, l’entécavir (Baraclude), analogue nucléosidique de la guanosine avec une activité inhibitrice de la transcriptase inverse. Son efficacité antivirale est supérieure à celle de la lamivudine et de l’adéfovir. Elle est efficace en cas de résistance à la lamivudine mais à plus forte dose.
• Cirrhose virale C
Le traitement de l’hépatite chronique C a connu un net progrès grâce aux traitements combinés: interféron α2b et ribavirine. Cette association est indiquée chez les patients ayant au moins 18 ans et présentant une pathologie hépatique compensée:
– ayant été traités au préalable par interféron α pendant au moins 6 mois, ayant répondu au traitement (normalisation des transaminases sériques en fin de traitement) et ayant rechuté, ou:
– n’ayant jamais été traités, ayant des transaminases sériques élevées et, sur la ponction biopsie hépatique, une fibrose supérieure ou égale à F1 et un score d’inflammation supérieur ou égal à A2.
Les patients non répondeurs à l’interféron en monothérapie peuvent être traités par la bithérapie interféron α + ribavirine, bien que l’efficacité de ce traitement reste à prouver.
En cas d’hépatite chronique à virus C, l’existence d’une cirrhose compensée (grade A de Child-Pugh) ne modifie pas le traitement qui reste l’association interféron-ribavirine. Par contre, une cirrhose décompensée est une contreindication à l’utilisation de la ribavirine.
Une étude prospective randomisée a démontré que l’incidence du carcinome hépatocellulaire diminue de façon très significative chez les patients ayant une cirrhose virale C, selon qu’ils ont été traités ou non par l’interféron (Nishguchi, 1995).
► Traitements des autres causes
• Cirrhoses métaboliques
• Cirrhose d’origine auto-immune
L’évolution spontanée des hépatites auto-immunes est sévère en présence de cirrhose.
Le traitement immunosuppresseur a un double but:
– obtenir la rémission de la maladie grâce à une corticothérapie (prednisone ou prednisolone);
– maintenir cette rémission en poursuivant la corticothérapie à la dose la plus faible possible ou en prenant le relais par l’azathioprine (Imurel). Celle-ci n’agit qu’au terme de 6 à 8 semaines. Elle doit être commencée avant l’interruption de la corticothérapie.
Si l’on n’obtient pas de réponse suffisante ou si le traitement est mal toléré, on peut avoir recours au mycophénolate mofétil (Cellcept), au tacrolimus (Prograf) ou à la ciclosporine (Néoral).
L’interruption progressive du traitement doit être tentée après 2 à 3 ans. Une rechute est observée chez 50% des patients, imposant une reprise du traitement, le plus souvent à vie, avec une corticothérapie à la dose la plus faible possible.
• Cirrhose biliaire primitive
L’administration prolongée d’acide ursodésoxycholique, en déplaçant les acides biliaires endogènes et en limitant leur cytotoxicité peut avoir un effet bénéfique. Ce traitement est nettement plus efficace au stade précoce de la maladie qu’à un stade avancé.
Traitement des complications
► Hémorragies digestives par rupture des varices œsophagiennes
La maladie ulcéreuse et l’hypertension portale restent les deux grandes causes responsables des saignements les plus graves. Plus d’un tiers des patients atteints de cirrhose développent une hémorragie par rupture de varices œsophagiennes. La prévision du risque hémorragique fait apparaître comme facteur essentiel la présence de varices œsophagiennes de grosse taille, surtout quand elles présentent des macules rouges à leur surface. En l’absence de traitement, la mortalité est évaluée entre 30 et 50%. L’amélioration du traitement endoscopique et l’adjonction du traitement médicamenteux ont révolutionné le pronostic de ces patients.
Prophylaxie des hémorragies par rupture des varices œsophagiennes chez les patients cirrhotiques
Le traitement préventif a pour but de diminuer le risque de ruptures de varices œsophagiennes chez le cirrhotique mais ne modifie pas l’évolutivité de la maladie hépatique et a donc peu d’effet sur la survie globale des patients.
β-bloquants
Ils doivent être proposés chez les malades qui n’ont pas de contre-indication ou d’intolérance à ce traitement, soit 80 à 85% des patients. Chez les malades traités, le risque d’hémorragie et la mortalité sont respectivement abaissés de 46% et de 25%. Les β-bloquants non cardiosélectifs ont plus d’effets hémodynamiques bénéfiques sur l’hypertension portale que les β-bloquants cardiosélectifs (Poynard, 1991). Le propranolol (Avlocardyl) est habituellement prescrit dans cette indication. Le nadolol (Corgard) a aussi une efficacité démontrée. Les β-bloquants ne sont efficaces que chez 60% des patients environ. L’efficacité du traitement est limitée à la période de prise du médicament. Une bonne observance est indispensable (contrôlée par la mesure de la fréquence cardiaque); en effet, des hémorragies digestives ont été attribuées à l’arrêt brutal des β-bloquants par phénomène rebond de stimulation adrénergique. Ce traitement est instauré pour une durée indéfinie et ne doit pas être interrompu. Les β-bloquants sont bien tolérés. Il est habituel de proposer la prophylaxie à des patients ayant de grosses varices œsophagiennes, de grade 2 ou 3, car ce sont ces malades qui présentent un risque hémorragique. Chez les patients présentant des contre-indications, une intolérance ou une mauvaise observance, on recommande une prophylaxie primaire par ligature des varices.
Dérivés nitrés et diurétiques (spironolactone)
Inefficaces en monothérapie, leur bénéfice en association aux β-bloquants n’est pas établi en prophylaxie primaire.
La figure 17.2 résume la stratégie thérapeutique de la prévention de l’hémorragie digestive chez des malades cirrhotiques qui n’ont jamais saigné; il s’agit de la prévention primaire.
Figure 17.2 |
• Traitement des hémorragies par rupture des varices œsophagiennes
Toute hémorragie digestive chez un patient cirrhotique nécessite une hospitalisation d’urgence. Le traitement repose d’abord sur une réanimation efficace (Bernades, 1990). Les troubles hémodynamiques doivent être contrôlés; les perfusions de macromolécules doivent corriger l’hypovolémie, sans pour autant provoquer d’hypervolémie, favorisant la rupture de varice. En cas d’état hémodynamique instable, la transfusion de sang O négatif est recommandée. Il convient de prévenir deux facteurs de risques hémorragiques importants:
– l’encéphalopathie hépatique, en évitant les médicaments anxiolytiques et le métoclopramide (Primpéran). Le lactulose ou le lactitol oral sont utilisés chez les patients présentant ou développant une encéphalopathie;
– l’infection par la prescription d’une fluoroquinolone: le schéma recommandé est la norfloxacine 400mg 2 fois par jour pendant 7 jours. La prévention est systématique.
Plusieurs conférences de consensus dont BAVENO IV en 2005 ont fait la synthèse des résultats des études contrôlées randomisées. Ainsi:
– le traitement de référence est la ligature élastique qui consiste en une strangulation de la varice entraînant une interruption du flux sanguin et occasionnant une stase qui aboutit à une thrombose locale;
– les médicaments vasoactifs permettent de façon comparable d’arrêter l’hémorragie (Pauwels, 1994). La somatostatine et l’octréotide ont la même efficacité que la terlipressine mais offrent une meilleure tolérance. De récentes études montrent qu’on pourrait obtenir de meilleurs résultats en associant les médicaments vasoactifs aux scléroses (Besson, 1995). Il est également souhaitable d’administrer les médicaments vasoactifs le plus tôt possible, c’est-à-dire avant l’arrivée à l’hôpital (Levacher, 1995);
– la sonde de tamponnement de Blakemore est à réserver aux échecs des précédents traitements médicaux et aux hémorragies cataclysmiques qu’elle peut arrêter immédiatement;
– en termes de prévention secondaire, chez un malade qui a eu une rupture de varice œsophagienne dont l’hémostase a été obtenue avec des moyens médicaux, la prévention de la récidive est assurée par la ligature ou la sclérothérapie endoscopique, de préférence avec β-bloquant associé; en cas d’échec de ces deux méthodes associées, une intervention chirurgicale ou une anastomose porto-systémique par voie transjugulaire (TIPS) peut être proposée. La ligature entraîne une éradication des varices plus rapide et moins de complications. La sclérose des petites varices résiduelles complète le traitement par les ligatures.
Le tableau 17.4 résume la stratégie thérapeutique.
1. À l’admission | 1erchoix: traitement endoscopique, ligature ou sclérothérapie et médicaments vasoactifs prescrits le plus tôt possible, en attente du traitement endoscopique. Somatostatine ou octréotide ou terlipressine (2 à 5 jours de traitement) 2echoix: tamponnement Mise en place d’une sonde de Blakemore pendant 24 heures |
2. Si persistance du saignement | Nouveau traitement endoscopique |
3. Si persistance après le 2e traitement endoscopique | Chirurgie ou anastomose porto-systémique par voie transjugulaire (TIPS) |
► Ascite
L’ascite des cirrhoses est la conséquence d’une réabsorption excessive d’eau et de sodium par le rein que l’hypertension portale localise à la cavité péritonéale. La cause de l’anomalie rénale est l’insuffisance hépatique. La survenue d’une ascite au cours d’une cirrhose est un signe de mauvais pronostic. Le traitement du syndrome œdématoascitique du cirrhotique est assez simple lors des premières poussées. Il devient plus complexe et moins efficace lorsque les poussées d’ascite se répètent.
Avant la mise en route du traitement, il convient d’apprécier le statut hydroélectrolytique du malade, sa fonction rénale, la natriurèse et la kaliurèse.
• Si l’ascite est de faible abondance et bien tolérée
L’hospitalisation n’est pas indispensable. Le traitement repose sur:
– une restriction sodée (20 mEq/24 h);
– l’éviction des médicaments favorisant une rétention hydrosodée.
L’efficacité du traitement se juge sur la courbe de poids: une perte de 500g/jour est nécessaire et suffisante.
• Si le traitement est inefficace et/ou l’ascite mportante
L’hospitalisation s’impose. Le traitement repose sur:
– les règles hygiéno-diététiques précédentes;