périphériques

Chapitre 13 Articulations périphériques


L’utilisation de manœuvres manuelles pour rétablir le bon fonctionnement d’une articulation est probablement aussi vieille que l’humanité, même si peu de documents nous sont parvenus pour l’attester.


Les premières descriptions de manœuvres articulaires remontent à Hippocrate, au ve siècle avant notre ère, mais elles concernaient surtout les dispositions à prendre en face de luxations sévères, accompagnées ou non de fractures. Au iiie siècle après J.-C., à Rome, parmi ses nombreux travaux, Galien parle avec perspicacité de la colonne vertébrale et du système nerveux. L’influence de ses écrits devait perdurer pendant dix siècles, jusqu’à Ambroise Paré. C’est dire combien la médecine établie semble s’être désintéressée de la pathologie articulaire bénigne, laissant le champ libre aux empiriques et aux « guérisseurs ». En Grèce et à Rome pourtant, le recours aux massages, aux mobilisations, aux exercices physiques, à l’hydrothérapie était fort répandu, davantage d’ailleurs dans un but de remise en forme ou de préparation aux jeux du stade que thérapeutique. Ces soins étaient dispensés dans des gymnases et des palestres par de véritables spécialistes, les aliptes et les pédiotribes. Les premiers avaient pour mission de préparer les athlètes, les seconds étaient chargés plus particulièrement de soigner les foulures, les contusions, les luxations, les fractures… Certains pédiotribes étaient même de vrais virtuoses dont la notoriété éclipsait celle des médecins. Cette forme de médecine populaire simple et bien vue, transmise par tradition, se perpétua et donna naissance à une véritable filière de soins parallèles lorsque les soins du corps perdirent leur attrait aux yeux de la médecine, probablement sous l’influence de l’Église, vers le xiie siècle.


C’est vraisemblablement là qu’il faut trouver l’origine et la vogue rencontrée par les renunctores en Italie, les algebristas en Espagne, les « rebouteux » ou « rhabilleux » en France et surtout les bone-setters en Angleterre… Toutes les couches de la population y avaient recours comme l’atteste leur présence à la cour des rois de France dès François Ier jusqu’à la Révolution.


Se transmettant souvent de père en fils leur savoir-faire, les meilleurs d’entre eux avaient une grande renommée en raison de leurs succès parfois « miraculeux » comparés aux échecs de la médecine officielle. Au cours du xixe siècle, leur influence semble avoir connu son apogée, notamment en Angleterre et aux États-Unis, si l’on se réfère aux témoignages rapportés par les médecins eux-mêmes dans les journaux médicaux de l’époque.


En 1867, le célèbre chirurgien anglais Sir James Paget publie dans le British Medical Journal un article attirant l’attention de ses confrères sur The cases that bone-setters cure en les incitant à la fois à la méfiance, mais aussi en leur recommandant d’essayer de comprendre les raisons des succès obtenus par ces rebouteux :


« Apprenez à imiter ce qui est bon et évitez ce qui est mauvais dans la pratique des rebouteux, et si vous le voulez, impliquez-vous davantage en appliquant la règle Fas est ab hoste doceri (« la sagesse est d’apprendre de votre ennemi »)… Apprenez ensuite ce que vous pouvez de la pratique des masseurs et plâtriers, car ceux-ci connaissent de merveilleux tours… »


Quelques années plus tard, en 1871, dans The Lancet, Wharton Hood révèle à ses confrères les méthodes employées par l’un des plus fameux bone-setters de Londres, M. Richard Hutton, descendant d’une famille de rebouteux originaires du nord de l’Angleterre, après les avoir vues pratiquer par ce dernier pendant plusieurs années et les avoir lui-même utilisées avec succès. Le compte rendu de ses observations est d’une précision remarquable et étonnamment vivant, comme en témoigne cette relation du traitement effectué sur le genou gauche1 d’un certain M. A. (dont le frère était professeur d’obstétrique), non guéri au terme de deux années de soins dispensés par des chirurgiens :


« Nous trouvâmes l’articulation du genou enveloppée dans un pansement. Quand il fut ôté l’articulation apparut très gonflée et la peau luisante et décolorée. L’articulation était imbougeable et très douloureuse sur sa face interne. M. Hutton plaça […] son pouce sur un point sur la berge externe du condyle fémoral interne. Le patient se rétracta sous la pression et se plaignit d’une grande douleur.


Il lui prescrivit un enveloppement et une application d’huile pendant une semaine, qui eut un léger résultat sur la douleur. Puis M. Hutton revint une deuxième fois :


« Comment va votre genou ? demanda-t-il.


– C’est moins douloureux.


– Avez-vous pu le bouger ?


– Non.


– Donnez-le-moi. »


La jambe était étendue, et M. Hutton se plaça debout devant le patient. Ce dernier hésita et abaissa sa jambe. « Êtes-vous bien sûr qu’il est déboîté et que vous pouvez le remettre en place ? » Il y eut un silence et ensuite : « Donnez-moi votre jambe, je vous dis. » Le patient obéit à contrecœur et l’éleva doucement jusqu’à la portée de M. Hutton. Ce dernier la saisit des deux mains au niveau du mollet, avec le pouce de la main gauche pressant l’endroit douloureux du côté interne du genou. Il maintint le pied fermement en saisissant le talon entre ses propres genoux et dit au patient de s’asseoir fermement dans sa chaise. À ce moment je pense que M. A. aurait donné beaucoup pour retrouver le contrôle de son membre. M. Hutton inclina ses genoux vers sa droite, aidant ainsi le mouvement de rotation qu’il imprima sur la jambe avec ses mains. Il maintint une pression ferme avec son pouce sur l’endroit douloureux et fléchit soudainement le genou. Le patient hurla de douleur. M. Hutton abaissa le membre et dit à M. A. de se lever. Ce dernier s’exécuta et déclara tout de suite qu’il pouvait mieux bouger la jambe et ne ressentait plus aucune douleur à l’endroit. […] Son rétablissement fut rapide et complet. Quelques jours plus tard, il retourna au travail et de ce moment jusqu’à sa mort, qui advint trois années plus tard, son genou resta parfaitement sain. »


En 1871, dans ce même journal, avant d’analyser les motifs du recours aux bone-setters, et sans nier la crédibilité de leur intervention, un chirurgien, le Dr Fox, incrimine « la responsabilité du manque de soins ou de l’indifférence du corps médical en général, qui est capable de négliger de petites blessures devenant souvent très douloureuses et gênantes ».


Il classe ces motifs sous quatre rubriques :


– les articulations devenues douloureuses après un repos forcé ;


– les articulations devenues douloureuses au cours d’une maladie chronique ;


– les raideurs articulaires consécutives à une fracture d’un os voisin ;


– les raideurs et faiblesses articulaires consécutives à une entorse, avec atteinte tendineuse et luxation.


Cet intérêt pour le reboutage ne fut pas exclusivement britannique. Le même phénomène eut lieu dans d’autres pays, en particulier aux États-Unis, où les rudes conditions de l’existence étaient une source fréquente de contusions, d’entorses et de fractures, nécessitant des soins appropriés, prodigués souvent par des non-médecins plus ou moins qualifiés. Dès la fin du xviie siècle, en Nouvelle-Angleterre, on retrouve la trace de l’une des plus fameuses dynasties de rebouteux de l’époque ayant exercé pendant deux cents ans, les Sweet. Beaucoup de médecins avaient reçu une formation pratique auprès de leurs aînés qu’ils assistaient et qui leur transmettaient leur savoir clinique et leurs connaissances anatomiques. Aussi ne faut-il pas s’étonner de l’engagement de certains d’entre eux dès les débuts de l’ostéopathie.


Les manœuvres articulaires décrites ici font appel aussi bien à des mobilisations qu’à de véritables manipulations. Mais quelle que soit la méthode employée, il faut toujours respecter la règle de la non-douleur, que nous avons déjà mentionnée.



Épaule



Articulations


Si sur un plan strictement anatomique, l’union entre l’omoplate (scapula) et le membre supérieur s’effectue au niveau de l’articulation omohumérale (scapulohumérale). Il en va tout autrement sur le plan fonctionnel, car la mobilité de l’épaule n’intéresse pas moins de cinq articulations ou néo-articulations au total.


Outre l’articulation omohumérale (scapulohumérale) déjà citée, sont concernées en effet les articulations acromio- et sternoclaviculaires, le glissement de l’omoplate (scapula) sur la cage thoracique, le défilé acromio-coraco-huméral.







Système musculaire


La mobilité active et la stabilité de ce complexe articulaire font intervenir de nombreux muscles s’insérant soit sur l’humérus, soit sur l’omoplate (scapula), soit sur la clavicule.







Mobilisations omothoraciques (scapulothoraciques)




Manœuvres




Première manœuvre


Deuxième manœuvre




Mobilisation de l’épaule








Manipulation de l’articulation acromioclaviculaire






Coude


Fonctionnant comme une charnière entre le bras et l’avant-bras, l’articulation du coude se présente sous la forme d’un complexe articulaire réunissant et mettant en contact trois os, l’extrémité inférieure de l’humérus et les extrémités supérieures du cubitus (ulna) et du radius, à l’intérieur d’une même capsule.


Cette proximité des surfaces articulaires explique pourquoi il convient de décrire à ce niveau trois articulations : l’articulation humérocubitale (-ulnaire), l’articulation huméroradiale et l’articulation radiocubitale supérieure (-ulnaire proximale). Les deux premières ont pour fonctions d’assurer la flexion–extension, la troisième intervient en s’associant avec son homologue inférieur dans la pronosupination.


La cohésion de l’ensemble est assurée par un système ligamentaire et musculaire important.





Système musculaire






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May 16, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on périphériques

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