Tableau 14-1 Délimitation des zones en radiologie médicale, en fonction des débits de doses mesurés lors des contrôles d’ambiance
Organisation de la radioprotection dans un service d’imagerie médicale
Installations et locaux, délimitation et signalisation
Situations et niveaux d’exposition d’un service de radiologie
Radiologie conventionnelle
Zone
Dose potentielle organisme entier en 1 h
Dose potentielle extrémités en 1 h
Surveillée bleue
< 7,5 μGy
< 0,2 mGy
Contrôlée verte
[7,5 – 25 μGy]
[0,2 – 0,65 mGy]
Contrôlée jaune
[25 μGy – 2 mGy]
[0,65 – 50 mGy]
Scanner
Radiographies hors service de radiologie
Radiographie au lit du patient
Radioscopie et radiographie au bloc opératoire
Radiologie interventionnelle et angiographie
Gestion des personnels exposés en radiodiagnostic
Classement des personnels exposés
Surveillance dosimétrique des personnels exposés
Dispositifs de mesure utilisés
Dosimétrie passive
Dosimétrie active, ou opérationnelle
Attribution des dosimètres dans le service
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Organisation de la radioprotection dans un service d’imagerie médicale
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Si l’essentiel des préoccupations du médecin utilisateur de rayonnements ionisants (RI) en matière de radioprotection concerne ses patients, il est également impliqué dans la radioprotection des travailleurs, en tant que chef de service ou responsable de cabinet de radiologie, dont il peut être la personne compétente en radioprotection, ou, plus simplement, en tant que personnel exposé, assujetti aux règles de radioprotection et à une surveillance, dosimétrique et médicale. Les mesures de radioprotection d’un service de radiodiagnostic concernent les locaux, les personnels et les matériels. Le responsable en est le chef d’ établissement et le coordonnateur la personne compétente en radioprotection (PCR). La réglementation de la radioprotection des travailleurs est détaillée dans le Code du travail. La réglementation de la radioprotection concernant les matériels est intégrée dans le Code de santé publique (CSP). Nous avons détaillé les articles correspondants de ces codes au chapitre précédent, nous allons en voir les modalités pratiques.
Il faut noter tout d’abord que le milieu médical avait conservé, pour ses salles de radiologie, une classification de zones contrôlées, autrefois justifiée par les matériels et les méthodes de travail mais aujourd’hui complètement inadéquate pour la plupart des activités de radiologie médicale. Le maintien de cette classification obsolète imposerait réglementairement la mise en place d’une dosimétrie active ou électronique, dite opérationnelle, qui induirait des coûts très importants (de quelques milliers d’euros pour les petites structures, à plusieurs centaines de milliers d’euros pour les hôpitaux), alors que, selon les rapports annuels de l’IRSN, centralisant la surveillance dosimétrique nationale, plus de 95 % des niveaux d’exposition en milieu médical, qui représente une large majorité des personnels exposés professionnellement, sont insignifiants, inférieurs à 1 mSv par an. Ce coûteux investissement ne se traduirait donc, pour l’immense majorité des personnels exposés, par aucun bénéfice en matière de prévention du risque. L’employeur doit faire délimiter les espaces de travail en fonction des débits de dose autour de la table. Cette délimitation doit donc s’appuyer sur une étude de poste, réalisée par la PCR. Malheureusement, l’arrêté du 15 mai 2006 (relatif aux conditions de délimitation et de signalisation des zones surveillées et contrôlées et des zones spécialement réglementées ou interdites compte tenu de l’exposition aux rayonnements ionisants) en ne faisant pas la distinction entre la radiologie médicale et les activités nucléaires et industrielles, ne simplifie pas la mise en application de la réglementation.
Rappelons au préalable que l’ énergie moyenne des photons du rayonnement direct employé en diagnostic varie entre # 20 keV (mammographie) et # 80 keV (scanographie) et que les opérateurs ne sont qu’exceptionnellement exposés directement à ce type de rayonnement (radiologie interventionnelle). La seule source d’exposition à considérer est donc le rayonnement diffusé, d’ énergie moyenne encore plus faible, pour laquelle la protection des tabliers plombés est très efficace, divisant l’exposition par un facteur 70 pour un tablier de 0,35 mm d’ équivalent plomb, ce qui revient à dire que moins de 1,5 % du rayonnement est transmis à l’organisme sous-jacent. Cependant, l’arrêté du 15 mai 2006 ne tient plus compte des « conditions normales de travail » et prescrit de réaliser la délimitation en fonction des doses potentiellement reçues sans équipements de protection individuelle.
La principale activité, en nombre d’actes, reste le cliché thoracique, suivi de la radiographie du rachis, de l’abdomen sans préparation et des membres. Tous ces examens sont réalisés le plus souvent sans utilisation de scopie, le manipulateur se tenant au pupitre, donc en deç à de la vitre de protection plombée au moment de la prise du cliché. L’exposition résultante est minime ; les débits de dose mesurés au pupitre en cours d’ émission des rayons X sont de l’ordre de quelques dizaines de micrograys par heure, soit environ 1 μGy par minute et le temps d’ émission cumulé journalier de ce type de salle est inférieur à 2 minutes.
En salles télécommandées sont réalisés des examens plus complexes, nécessitant un temps de scopie, pour lequel l’opérateur peut être au-delà de la vitre de protection. L’examen qui reste le plus pratiqué est l’urographie intraveineuse pour laquelle l’opérateur est toujours au pupitre. Il en va de même pour les transits digestifs où la suspension barytée est ingérée par le malade (transit œsogastroduodénal, transit du grêle). La cystographie rétrograde ou l’hystérographie peuvent nécessiter la présence de l’opérateur pendant une courte période auprès du malade (moins d’une minute de scopie). Le lavement opaque n’a plus d’indication chez l’adulte, mais reste pratiqué chez l’enfant pour traiter l’invagination intestinale ; il nécessite un temps de scopie en étant à moyenne distance de l’enfant pour pouvoir contrôler la pression de remplissage et d’insufflation. Dans des conditions normales de travail (faisceau collimaté, distance minimale de 1 m du centre du champ, port du tablier plombé, impulsions de scopie et non scopie continue), pour un temps total de scopie de l’ordre de 2 minutes, l’exposition résultante reste très faible, inférieure à 1 μGy sous le tablier et inférieure à 20 μGy à la peau non protégée (extrémités et tête). Il faut noter que le scanner et les endoscopies digestives ont fait considérablement diminuer les indications de ces examens, autrefois courants, et qui ne sont plus que rarement pratiqués (la fréquence est inférieure à 1 par semaine dans un service de radiologie générale). Même si tous les examens sont réalisés par le même opérateur, les doses annuelles « extrémités » et « corps entier » resteront très en deç à des 3/10e des limites annuelles correspondantes (respectivement 15 mSv et 6 mSv).
Cependant l’ étude de poste appliquant les instructions de l’arrêté du 15 mai 2006 ne peut plus tenir compte de cette exposition réelle de l’opérateur et doit délimiter des zones en fonction du débit horaire (en intégrant les expositions résultant des examens réalisés habituellement en une heure d’activité de la salle). La délimitation des zones en fonction des débits de doses rapportés à l’heure est indiquée dans le tableau 14-1 .
Notons que la durée cumulée d’ émission des rayons X est en fait très généralement inférieure à une heure par jour, plus souvent de l’ordre de quelques minutes. Néanmoins, l’application du texte conduit à délimiter autour de la table une zone contrôlée (verte), intermittente (puisque l’ émission de rayonnement n’est pas continue), voire, au plus près de la table une zone spécialement contrôlée (jaune !). Le médecin travaillant dans ces zones doit théoriquement porter un dosimètre électronique en sus du dosimètre passif. En revanche, la zone située derrière le pupitre, où le débit de dose, rapporté à l’heure, reste constamment inférieur à 7,5 micrograys/heure reste une zone surveillée, où le port de dosimètre électronique n’est pas obligatoire.
La plupart des acquisitions sont réalisées alors que le personnel est derrière la vitre plombée de la salle de contrôle. Seules certaines séries avec injection nécessitent parfois la présence d’un opérateur auprès du patient, pour contrôler le bon déroulement de l’injection par l’injecteur automatique. Il faut savoir qu’en raison du délai nécessaire pour qu’un produit injecté par voie intraveineuse atteigne le système artériel, l’injection est le plus souvent terminée lorsque les rayons X commencent à être émis. L’opérateur a donc pu regagner la salle de contrôle protégée. Les études de poste calculant la dose théorique maximale reçue par un opérateur affecté en permanence au scanner montrent qu’il est pratiquement impossible d’atteindre les niveaux d’exposition nécessitant le classement en zone contrôlée de la salle du scanner, sauf pour certaines installations dédiées à la radiologie interventionnelle scanoguidée (scanographie interventionnelle).
Cependant, la même « logique » réglementaire devra faire délimiter les zones au voisinage du scanner en fonction du débit horaire.
Ce sont essentiellement les radiographies au lit du malade, lorsque celui-ci est intransportable et les explorations radiographiques au bloc opératoire.
Pour chaque cliché, la dose dans l’air, mesurée à 2 m de l’axe du faisceau (télécommande de déclenchement ayant une longueur de 3 m) est inférieure à 0,1 μGy par cliché, c’est-à-dire nulle pour un opérateur revêtu du tablier plombé obligatoire.
Dans cette pratique, l’utilisation d’amplificateurs de brillance sur arceau se généralise ; un appareil moderne délivre, à 60 cm du centre de l’amplificateur, 1 mGy par heure de scopie (soit environ 15 μGy par minute). L’application de l’arrêté du 15 mai 2006 doit faire classer la zone dans un rayon de 1 m autour de l’axe du faisceau en zone contrôlée verte, même si aucun opérateur respectant les règles de radioprotection et portant un tablier plombé ne peut recevoir annuellement 3/10e d’une des limites de dose. Le port de dosimètres opérationnels est donc devenu obligatoire pour cette activité, même si les opérateurs restent classés en catégorie B.
Cette salle sera, du fait de la présence d’un opérateur à proximité du malade pendant l’ émission de rayonnement, une zone contrôlée jaune ou verte autour de la table et zone surveillée derrière le pupitre. L’opérateur, quelle que soit sa catégorie, devra porter un dosimètre opérationnel en plus du dosimètre passif.
Elle comporte une surveillance dosimétrique, en fonction de l’affectation des personnels, et une surveillance médicale.
Dès lors qu’un personnel est susceptible de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose supérieure ou égale aux trois dixièmes d’une des limites de dose annuelle, il est classé en catégorie A. Les personnels ne pouvant atteindre cette fraction des limites de dose mais dont l’exposition pourrait dépasser celle admise pour le public (1 mSv au corps entier, 50 mSv pour les extrémités, 15 mSv pour le cristallin) sont classés catégorie B. Dans un service de radiodiagnostic, seuls les personnels pratiquant régulièrement la radiologie interventionnelle relèvent donc de la catégorie A. En effet, l’une des limites de dose peut être atteinte, non pas la limite corps entier, qui reste, pour la totalité des opérateurs utilisant correctement leur dosimètre (sous le tablier et non sur celui-ci), toujours inférieure à 6 mSv par an, mais la limite peau et extrémités, notamment en raison de l’exposition souvent inévitable de la main au rayonnement primaire au cours de certaines interventions.
Le classement, ou le reclassement est décidé par le chef d’ établissement, sur avis de la PCR, qui réalise les études de poste justifiant cette décision, en informant le médecin du travail de l’ établissement. La décision de reclassement s’appuiera utilement, en plus des études de poste, sur la revue de la dosimétrie des années passées, qui montrera sur une période suffisante (5 dernières années) que le niveau d’exposition « corps entier » des personnels se situe bien en dessous du seuil de 6 mSv. Un relevé anonyme est utile pour l’information du personnel. Cette information est en effet une étape capitale pour l’acceptation de la mesure. Elle doit rappeler les considérations générales sur les risques des faibles doses, démontrer l’absence de justification réglementaire du classement en catégorie A, en s’appuyant sur les relevés dosimétriques des années passées et souligner que le passage en catégorie B maintient la surveillance dosimétrique et ne comporte aucun inconvénient statutaire, salarial (pas de prime attachée à la catégorie A) ou de retraite. Cette information s’intègre d’ailleurs dans la formation périodique obligatoire que doit organiser, au moins une fois tous les trois ans, le chef d’ établissement pour tous les personnels exposés (articles R. 4451-47 à R. 4451-50 du Code du travail).
Il faut noter que les femmes enceintes et les étudiants et apprentis de moins de 18 ans ne peuvent être en catégorie A. Ils seront classés en catégorie B.
Pour chaque travailleur exposé doit être remplie, sous la responsabilité de l’employeur, une fiche d’exposition mentionnant la nature du travail effectué, des rayonnements utilisés et les périodes d’exposition et d’ éventuels autres facteurs environnementaux.
Ils diffèrent par le matériel employé, selon la catégorie du personnel mais également de l’endroit où il travaille, régulièrement ou occasionnellement.
On appelle ainsi toute technique de mesure de dose réalisée à l’aide d’un dispositif à lecture différée : dosifilm, dosimètre thermoluminescent, dosimètre à lecture optiquement stimulée (OSL) ou dosimètre radiophotoluminescent (DPL). En cas d’emploi du film dosimètre (dosifilm), la fréquence de lecture sera de préférence trimestrielle. En effet, compte tenu des faibles doses enregistrées, un développement trimestriel permettra une mesure plus fiable car le seuil d’enregistrement des films dosimètres est de 0,2 mSv, aussi une exposition mensuelle de 0,1 mSv ne sera pas comptabilisée en enregistrement mensuel, alors que la somme trimestrielle de 0,3 mSv le sera.
Cette technique utilise un dosimètre électronique, qui affiche la dose en temps réel. En radiodiagnostic, il doit être adapté aux rayons X de faible énergie (seuil de détection de 20 keV). Cette technique nécessite, outre les dosimètres individuels, une ou plusieurs bornes de lecture et un poste informatique de centralisation, archivage et transmission des données. Le recueil des données se fait en temps réel, lorsque le personnel porteur passe devant une borne de lecture, et la transmission des données est mensuelle.
Les personnels de catégorie A doivent cumuler les deux types de dosimétrie, dosimétrie passive à lecture mensuelle et dosimétrie électronique. Signalons que pour les personnels pratiquant régulièrement la radiologie interventionnelle, ce classement résulte de l’exposition potentielle des extrémités or celle-ci ne sera justement pas surveillée en temps réel, puisque les systèmes actuels de dosimètres électroniques ne permettent pas la détection aux extrémités. Cette exposition des extrémités sera surveillée par dosimétrie passive, dosifilm poignet ou, mieux, bague radiothermoluminescente. On retrouvera le même problème pour les biopsies réalisées au scanner avec le mode scopie que permettent aujourd’hui les systèmes multicoupes. L’opérateur est suffisamment protégé du rayonnement diffusé par le tablier plombé, mais pourrait recevoir, en cas de pratique intensive, des doses pouvant approcher les 3/10e des limites annuelles à la main la plus exposée.
Les personnels de catégorie B peuvent être surveillés par dosimètre passif s’ils n’interviennent qu’en zone surveillée mais s’ils travaillent occasionnellement en zone contrôlée, ils doivent alors porter en plus un dosimètre électronique (article R. 4451-67 du Code du travail). Il faut bien noter cette dissociation entre le classement des personnels, la surveillance dosimétrique et le zonage. Rien n’empêche un personnel de catégorie B de travailler occasionnellement en zone contrôlée (par exemple pour une procédure interventionnelle), tant que son exposition annuelle reste en deç à des fractions de limites utilisées pour le classement.
Si une femme enceinte reste affectée à un emploi en zone surveillée, le port d’un dosimètre électronique indiquant la dose en temps réel est particulièrement conseillé.