Organisation de la radioprotection


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Organisation de la radioprotection



Lhistorique de la radioprotection a été rappelé en introduction. Ce qui n était au départ quun ensemble de règles destiné à éviter aux professionnels exposés aux rayonnements ionisants (RI) la survenue deffets déterministes est devenu un système complexe dont la finalité est dassurer à tout individu une protection optimale, selon son statut par rapport à lexposition. On a ainsi une réglementation pour les travailleurs exposés, pour le public et pour les patients.

Organismes internationaux


La Commission internationale de protection radiologique (CIPR)


Cré ée en 1928 au IIe Congrès international de radiologie à Stockholm (Suède), cest une organisation non gouvernementale, regroupant des experts de plusieurs pays, qui édicte, à partir des données scientifiques disponibles, des recommandations en matière de radioprotection. Ces recommandations sont incitatives et chaque état est libre de les mettre en pratique. Les recommandations dont sont issues les directives européennes (directives Euratom 96/29 et 97/43) ont été publiées en 1990, sous forme dune publication identifiée par son numéro dordre, la CIPR 60. Elle est fondée sur une ré évaluation dosimétrique, en 1986, de la cohorte des sujets irradiés à Hiroshima et à Nagasaki, qui a incité la CIPR à proposer un abaissement des limites légales dexposition pour la population générale et pour les travailleurs. De nouvelles recommandations ont été publiées en 2007 (CIPR 103). Les principales modifications concernant la pratique radiologique portent sur les facteurs de pondération tissulaire, avec, notamment, la diminution importante du facteur de pondération des gonades.

Les sources scientifiques internationales


Les données scientifiques sur lesquelles se fonde la CIPR proviennent de lUNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiations), comité des Nations Unies, et du BEIR (Board on Radiation Effects Research) agence américaine, qui dépend de la Commission on Life Sciences du National Research Council.

Ces deux organismes publient régulièrement des rapports faisant la revue des travaux scientifiques dans tous les domaines de la radioprotection (radiobiologie, épidémiologie et physique).

LAgence internationale de l énergie atomique (AIEA)


LAgence internationale de l énergie atomique (basée à Vienne, en Autriche) a pour but de promouvoir lutilisation pacifique de l énergie atomique. Elle établit des règlements dans ce domaine, essentiellement dans celui de la sûreté nucléaire, ce sont les Basic Safety’s Standard (BSS). Plus récemment, ces BSS ont élargi leur champ daction en abordant la radiothérapie et la radiologie interventionnelle.

Le Conseil des Communautés européennes


Depuis 1965, la Commission européenne a la possibilité de prendre des décisions sous deux formes : le règlement, dont lapplication, obligatoire, est immédiate dans tous les pays de lUnion européenne ; et la directive, plus souple, permettant à chaque pays de choisir les moyens de transposition dans le cadre dune loi ou de décrets nationaux. Néanmoins, la transposition est obligatoire, dans un délai précisé par chaque directive. Ainsi, les directives européennes relatives à la radioprotection des travailleurs (1996) et des patients (1997) nont été transposées en droit français quen 2003.

Outre les directives, la Commission européenne émet des recommandations techniques pour lapplication des directives.

Réglementation française


Lois, décrets et arrêtés


En France, les règles de la protection des travailleurs dune part, des patients et du public dautre part, sont énoncées, respectivement, dans le Code du travail et dans le Code de la santé publique. Lordonnance 2001-270 du 28 mars 2001, relative à la transposition de directives communautaires dans le domaine de la protection contre les rayonnements ionisants a modifié le Code de la santé publique et celui de travail pour y permettre la transposition des articles des directives européennes 96-29 et 97-43 (fig. 13-1 ). Ces modifications ont été apportées par plusieurs décrets. Des arrêtés des ministères concernés ont défini et actualisent régulièrement les modalités pratiques de certains points de chacun de ces décrets.

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Figure 13-1 Déroulement de la transposition des directives européennes en droit français.

Code du travail


Le décret 2003-296 du 31 mars 2003 transposant la directive Euratom 96-29 est codifié dans le livre IV du Code du travail, au titre V qui sintitule « Prévention du risque dexposition aux rayonnements ionisants ». Nous en avons extrait les points concernant la protection des travailleurs applicables dans un service de radiologie.

Champ dapplication et principes de radioprotection


Article R. 4451-1 : établissements concernés

Établissements nucléaires et établissements détenant des générateurs de rayonnements ou des sources radioactives, cest-à-dire tous les services de radiologie, médecine nucléaire et pharmacie utilisant des radiopharmaceutiques pour des dosages.

Article R. 4451-7-8-9 : responsabilité des employeurs

Lemployeur est responsable de toutes les mesures de radioprotection sur les lieux de travail. Le travailleur non salarié doit mettre en œuvre les mesures de protection vis-à-vis de lui-même ou des personnes pouvant être exposées du fait de son activité. Il prend les dispositions nécessaires afin d être suivi médicalement.

Article R. 4451-10 : limitation

Les expositions professionnelles individuelles et collectives aux rayonnements ionisants sont maintenues en deç à des limites prescrites, au niveau le plus faible quil est raisonnablement possible datteindre.

Article R. 4451-11 : évaluation des risques

Pour optimiser les expositions et les maintenir au niveau « le plus faible quil est raisonnablement possible datteindre » (référence à larticle 1333-1 du Code de la santé), le chef d établissement fait procéder, par la personne compétente en radioprotection, à une évaluation prévisionnelle des doses collectives et individuelles.

Articles R. 4451-12 à R. 4451-17 : valeurs limites dexposition

Ils fixent les limites dexposition à ne pas dépasser annuellement (tableau 13.1 ).


Tableau 13-1


Limites dexposition à ne pas dépasser annuellement


























Personnes exposées Dose efficace annuelle Dose équivalente extrémités Dose équivalente peau Dose équivalente cristallin
Travailleurs adultes 20 mSv 500 mSv 500 mSv 150 mSv
Étudiants, apprentis (< 18 ans) 6 mSv 150 mSv 150 mSv 50 mSv
Femmes enceintes Catégorie B, < 1 mSv reçu par lenfant à compter de la déclaration de grossesse (cf. chapitre 12).



Ces limites nincluent pas évidemment les expositions résultant dexamens médicaux individuels.


Il faut noter que le dépassement dune des limites constitue une infraction dont lemployeur doit répondre.

Aménagement technique des locaux de travail


Articles R. 4451-18 à R. 4451-28 : réglementation des lieux de travail

Concernent la délimitation des zones sur les lieux de travail, la signalisation et le contrôle de ces zones. Lorsque la dose susceptible d être atteinte en un an dans un espace de travail est supérieure ou égale à 6 mSv, cet espace est classé « zone contrôlé». Si la dose annuelle est comprise entre 1 et 6 mSv, il sagit dune « zone surveillé», en dessous de 1 mSv, il sagit de zones « public ». Larrêté du 14 mai 2006 précise la délimitation et la signalisation de ces zones en fonction des débits de dose (cf. chapitre 14).

Contrôles techniques et relevés


Articles R. 4451-29 à R. 4451-39 : sources et locaux

Un contrôle de radioprotection des sources est réalisé à la réception puis périodiquement. Les locaux sont également contrôlés par mesure de débit de dose à linstallation du matériel puis par dosimètres dambiance. Ces contrôles sont réalisés par la PCR de l établissement (contrôles internes) et tous les 3 ans par un organisme externe. Les résultats sont consignés dans un « document unique d évaluation des risques » et tenus à disposition de linspecteur du travail.

Un relevé actualisé des sources et appareils émetteurs de RI utilisés doit être transmis annuellement à lIRSN.

Articles R. 4451-40 à R. 4451-43 : protections collective et individuelle

Les équipements de protection individuelle sont choisis par lemployeur, après consultation de la PCR, du médecin du travail et du CHSCT, ou à défaut, des délégués du personnel.

Condition demploi et de suivi des travailleurs exposés


Articles R. 4451-44 à R. 4451-46 : catégories de travailleurs

Elle est décidée par lemployeur, après avis du médecin du travail. Les travailleurs de catégorie A sont les personnes qui, dans les conditions normales de travail, peuvent être amenées à recevoir, annuellement, une dose égale ou supérieure à 3/10e dune des limites dexposition. Cela correspond donc à une dose de 6 mSv à lorganisme entier ou à une dose équivalente de 150 mSv pour les extrémités ou la peau, de 45 mSv pour le cristallin. Les travailleurs de catégorie B sont ceux qui peuvent avoir une exposition annuelle supérieure à 1 mSv mais inférieure à 6 mSv. Les étudiants ou apprentis de moins de 18 ans et les femmes enceintes sont obligatoirement en catégorie B.

Il faut noter que la catégorisation se fait en fonction de lexposition potentielle, indépendamment de laffectation. Un travailleur de catégorie B peut exercer en zone contrôlée si lexposition à son poste ne peut atteindre les 3/10e dune des limites de dose (moins de 6 mSv à lorganisme entier ou de 150 mSv aux extrémités par exemple).

Articles R. 4451-47 à R. 4451-50 : formation

Elle porte sur les risques de lexposition aux RI, les procédures et les règles de prévention et de protection. Elle est organisée par lemployeur et renouvelée au moins tous les trois ans.

Articles R. 4451-57 à R. 4451-61 : fiche dexposition

Lemployeur établit pour chaque travailleur une fiche dexposition mentionnant la nature du travail accompli, les sources émettrices, les périodes dexposition et, éventuellement, les autres risques ou nuisances dorigine physique, chimique, ou biologique. En service de radiologie, il sagit essentiellement du risque biologique. Une copie est remise au médecin du travail.

Articles R. 4451-62 à R. 4451-66 : surveillance individuelle

Précisent les modalités de surveillance dosimétrique : passive pour les travailleurs de catégorie B, active et passive pour les travailleurs de catégorie A, ou les travailleurs de catégorie B intervenant en zone contrôlée. Les résultats nominatifs sont communiqués au médecin du travail et, sur une période ne dépassant pas 12 mois, à la personne compétente en radioprotection (PCR) de l établissement.

Le travailleur ou le médecin quil désigne peut demander communication des résultats dosimétriques le concernant.

Article R. 4451-63 : information en cas de dépassement

Lorganisme chargé de la surveillance dosimétrique informe le médecin du travail et lemployeur ; le médecin du travail informe le salarié.

Articles R. 4451-67 à R. 4451-74 : dosimétrie opérationnelle

Elle est obligatoire dès lors que lon travaille en zone contrôlée.

Les résultats du suivi dosimétrique et les doses efficaces reçues sont communiqués au travailleur intéressé ainsi quau médecin du travail et à lemployeur. Ils doivent être communiqués aux agents de linspection du travail qui en font la demande.

Articles R. 4451-77 à R. 4451-81 : mesures à prendre en cas de dépassement des valeurs limites

Lemployeur informe de ce dépassement le CHSCT ou, à défaut, les délégués du personnel ainsi que linspecteur du travail. Lemployeur en informe également, selon le cas, lAutorité de sûreté nucléaire.

Surveillance médicale des travailleurs exposés


Articles R. 4451-82 à R. 4451-92 : aptitude et surveillance médicale des travailleurs

Nécessité dune détermination daptitude avant affectation à des travaux exposant aux RI et de visites médicales périodiques. La périodicité de la surveillance médicale a été modifiée par le décret du 30 janvier 2012 relatif à lorganisation de la médecine du travail. Elle reste annuelle pour les travailleurs de catégorie A (article R. 4451-84) mais elle est devenue biennale (tous les deux ans) pour les travailleurs de catégorie B. Elle comprend un examen clinique et, éventuellement, des examens complémentaires qui sont prescrits par le médecin du travail et à la charge de lemployeur. Le médecin du travail est destinataire des résultats de la surveillance dosimétrique.

Le médecin du travail constitue et tient, pour chaque travailleur exposé, un dossier individuel contenant le double de la fiche dexposition, les dates et les résultats du suivi dosimétrique ainsi que des examens complémentaires. Le dossier individuel du travailleur peut être communiqué, sur sa demande, au médecin inspecteur du travail et au médecin traitant.

Le dossier individuel est conservé pendant au moins cinquante ans après la fin de la période dexposition. Si l établissement vient à disparaitre ou si le travailleur change d établissement, lensemble du dossier est transmis au médecin inspecteur du travail, à charge pour celui-ci de ladresser, à la demande du travailleur, au médecin du travail désormais compétent.

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Apr 26, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on Organisation de la radioprotection

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