Grossesse et exposition médicale


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Grossesse et exposition médicale



Lexposition aux RX dune femme enceinte, patiente ou professionnelle engendre très souvent une inquiétude disproportionnée au risque et des conduites inadaptées. La plus extrême de ces conduites aboutira à une interruption de grossesse demandée par une patiente, sinon préconisée par un médecin, pour une exposition en réalité sans risque pour lenfant à naître. Parfois, au nom dun principe de précaution dévoyé, on pourra priver une femme enceinte du bénéfice dun examen diagnostique qui naurait eu aucun effet sur lenfant à naître, au risque de retarder un diagnostic et de laisser évoluer une affection qui ne pourra manquer de retentir sur lenfant quelle porte. Pour les femmes professionnellement exposées, la « mise hors rayons » désorganise parfois le fonctionnement de petites structures et peut engendrer une discrimination à lembauche et au travail. Ce chapitre envisage les ordres de grandeur de lexposition en radiodiagnostic, la physiopathologie des risques encourus par lenfant à naître en fonction de la période de la grossesse, puis la conduite à tenir dans les différentes situations dexposition, fondée sur les récentes recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR 84).

Doses délivrées par lexposition médicale


En radiodiagnostic


Radiologie conventionnelle


Le tableau 7-1 donne quelques exemples de doses délivrées par des examens courants, pouvant intéresser, au moins partiellement, labdomen dune femme enceinte.


Tableau 7-1


Ordre de grandeur des doses délivrées à lutérus par les clichés standard (en mGy)








































Incidences Dose à lentrée Dose à mi-épaisseur
Rachis lombaire de face 15 1,5
Rachis lombaire de profil 30 2,5
Abdomen sans préparation 12 1,5
Bassin de face 12 1,5
Pelvimétrie 50 6
Urographie intraveineuse (10 clichés) 100 12
Lavement baryté (10 clichés) 120 15
Artériographie abdomen et membres inférieurs 200 15

Tomodensitométrie (TDM)


Les doses délivrées au volume exploré en TDM sont en règle plus importantes et plus homogènes quen radiographie conventionnelle, en raison de la rotation du tube autour du patient. La dose délivrée doit être appréciée dans le volume entier.

Les résultats des publications de dosimétrie du scanner présentent aussi une grande variabilité, moins dispersés cependant que ceux de la radiologie conventionnelle. Ici encore nous fournissons un ordre de grandeur de la dose délivrée au volume exploré par chaque type dexploration (tableau 7-2 ).


Tableau 7-2


Ordre de grandeur des doses délivrées au volume exploré et à lutérus par les examens tomodensitométriques (en mGy, pour une seule série)
































Région explorée Dose au volume Dose à lutérus
Tête 40 < 0,01
Thorax 15 0,1
Abdomen (pelvis non exploré) 20 5
Pelvimétrie TDM 3 3
Pelvis 25 25
Rachis lombaire 15 10

Lavènement des scanners ultrarapides, multicoupes en acquisition hélicoïdale a fait disparaître un frein naturel à lexposition qui était le facteur temps ; une exploration du thorax et de labdomen peut être effectuée aujourdhui en 30 secondes et il nest pas rare de voir des examens ayant comporté trois passages sur le même volume, délivrant ainsi à ce volume des doses supérieures à 60 mGy. Pour ce qui concerne lexposition utérine, il faut noter que le scanner, utilisant un faisceau étroitement collimaté ne délivre de dose significative que lorsque le volume exploré contient lutérus. Ainsi, un scanner de la tête ou du cou ne délivre pas de dose significative à lutérus, un scanner thoracique tel quil peut être pratiqué pour recherche dune embolie pulmonaire chez une femme enceinte, délivre, en fin de grossesse, moins de 0,2 mGy à lutérus. En revanche, si le volume exploré contient lutérus, lintégralité de la dose sera délivrée à lembryon ou au fœtus. Par exemple, pour un scanner pelvien qui délivre 25 mGy au volume, la dose efficace reçue par lenfant in utero sera de 25 mSv. Si lexamen comporte trois séries, la dose totale sera de 75 mSv.

En médecine nucléaire


En médecine nucléaire, les doses reçues par lenfant in utero sont différentes en début et en fin de grossesse. Le tableau 7-3 montre que pour la plupart des examens, la dose reçue à lorganisme entier reste faible, inférieure à 5 mSv mais que le réel problème se situe à la thyroïde en cas dadministration diode 131. La glande thyroïde est fonctionnelle après la 8e semaine suivant la conception. Une scintigraphie à liode 131 réalisée de la 9e semaine au 9e mois induira une insuffisance thyroïdienne aux conséquences très graves sur le fœtus.


Tableau 7-3


Ordre de grandeur des doses délivrées à lenfant par les explorations de médecine nucléaire réalisées chez la mère



























































Radio élément Examen Activité administrée à la mère (en MBq) Dose reçue par lenfant début de grossesse (mSv) Dose reçue par lenfant fin de grossesse (mSv)
99mTc scintigraphie osseuse 750 5 2
99mTc perfusion pulmonaire 200 0,5 0,8
99mTc ventilation pulmonaire 40 0,2 0,1
99mTc thyroïde 400 4 4
99mTc fonction rénale 750 7 4
67Ga abcès, tumeur 190 16 25
123I captation thyroïdienne 30 0,5 0,3 (30 mGy à la thyroïde)
131I recherche métastases 40 3 11 (30 Gy à la thyroïde)



Pour la médecine nucléaire se pose en outre le problème de lexposition des personnes de lentourage, donc éventuellement dune femme enceinte, lorsque le patient nest plus hospitalisé. En fait, le calcul montre quune personne se tenant en permanence à 50 cm dun patient ayant reçu une dose thérapeutique pour cancer de la thyroïde recevrait une dose totale, jusqu à décroissance complète (10 semaines), un peu inférieure à 7 mGy. Il est donc très improbable que les conditions de proximité avec une femme enceinte soient telles que la dose reçue par lenfant in utero puisse atteindre la limite (arbitraire) de 1 mSv fixée pour le public. Néanmoins, pour éviter toute exposition inutile, on recommande à ces personnes d éviter un séjour prolongé à proximité des femmes enceintes et des enfants.

En radiothérapie


La survenue dun cancer au cours de la grossesse est une éventualité rare mais non exceptionnelle. La fréquence est denviron 1 pour 1 000 grossesses, ce qui amène à discuter une éventuelle radiothérapie chez plusieurs centaines de femmes enceintes chaque année en France.

Pour les champs de traitement éloignés du pelvis (tête, cou, membre), les doses reçues par lenfant sont relativement faibles. Elles sont beaucoup plus élevées lorsque le pelvis  ou labdomen en fin de grossesse  se trouve en bordure du champ dirradiation, particulièrement lorsquon utilise le rayonnement du cobalt 60, moins bien délimité que celui des accélérateurs. À titre dexemple, lexposition fœtale totale due au rayonnement diffusé sera de 30 mGy environ lors de lirradiation dune tumeur cérébrale de la mère mais elle pourra atteindre, pour certaines parties du fœtus, 0,5 à 1 Gy lors de traitement dune maladie de Hodgkin. À lextrême, les doses délivrées à lutérus pour le traitement dun cancer du col sont telles quelles pourront entraîner la mort fœtale.

Effets des rayonnements sur la grossesse


Ces effets sont de deux types : un risque malformatif et linduction de cancer à long terme.

Effets malformatifs (tératogenèse)


Trois notions très importantes sont à retenir demblée :

 ce sont des effets déterministes, qui procèdent de mécanismes de mort cellulaire et qui napparaissent quau-dessus dun seuil ;

 la sensibilité de lenfant en formation nest pas constante au cours de la grossesse ;

 lincidence spontanée de malformations est élevée, 3 % des grossesses. Le retard mental, associé ou non à un syndrome malformatif, a la même incidence de 3 %.

Effets potentiels dune exposition en fonction du stade de la grossesse (fig. 7-1)


Avant limplantation (J8 ou une semaine post-conception)

Au stade de pré-implantation l œuf est au stade de morula. Chacune des cellules qui le constituent est capable de produire un embryon normal. Si une ou plusieurs dentre elles sont tuées, la multiplication des autres permet de compenser. Leffet dune exposition obéit donc à la loi du tout ou rien : si toutes les cellules ont été lésées la grossesse sarrête et nest même pas décelée (pas de retard de règles). Si les lésions ne portent que sur une partie des cellules, la grossesse se poursuit normalement.

image

Figure 7-1 Principales étapes de la radiosensibilité : de J1 à J8, au stade de morula, chaque cellule est capable de se diviser pour compenser la perte des autres ; loi du tout ou rien. De J9 à S9, embryogenèse, sensibilité maximale. De S9 à M9, croissance fœtale.
Le fœtus est moins sensible à lexposition externe, à lexception du cerveau qui connaît la phase de migration neuronale de S8 à S15. En revanche, la thyroïde est fonctionnelle et peut capter liode radioactif, avec un risque majeur dinsuffisance thyroïdienne en cas dadministration diode 131.

Pendant lorganogenèse (du 9e jour au début de la 9e semaine post-conception)

Cest pendant cette période que la radiosensibilité est la plus forte, particulièrement entre la 3e et la 5e semaine post-conception. Les cellules sont différenciées et se divisent rapidement. La mort dun groupe de cellules peut occasionner à ce stade larrêt de développement, partiel ou total, dun organe ou dun membre, engendrant une malformation majeure. Il sagit dun risque déterministe qui napparaît quau-dessus dun seuil, que la plupart des auteurs situent aux environs de 200 mGy.

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Apr 26, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on Grossesse et exposition médicale

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