Le plancher du sinus maxillaire: une frontière perméable

11 Le plancher du sinus maxillaire


une frontière perméable


Les rapports anatomiques et pathologiques étroits unissant les dents antrales, le système desmodontoalvéolaire et les sinus maxillaires expliquent aisément leurs interactions. Leurs manifestations sont bien connues des odontologistes et des otorhinolaryngologistes. Les processus pathologiques se jouent des limites établies artificiellement entre elles par les spécialités médicales. Le plancher du sinus maxillaire est une frontière perméable.


La sinusite maxillaire isolée d’origine dentaire est une pathologie fréquente :


• une sinusite maxillaire isolée amène obligatoirement à vérifier l’état radiculoapical des dents antrales et du parodonte ;

• une douleur locorégionale unilatérale conduit souvent à s’interroger sur son origine dentaire ou sinusienne ;

• la promiscuité entre les racines dentaires et le plancher sinusien peut favoriser une communication buccosinusale au décours d’une extraction ;

• le passage de fragments de pâte obturatrice canalaire dans la cavité sinusomaxillaire peut entraîner un développement mycélien ;

• en implantologie, les greffes osseuses de surélévation des planchers sinusiens (sinus lifts) sont aujourd’hui des actes chirurgicaux fréquents.

Ainsi peut-on considérer cette région, interface anatomique, comme un territoire de transition particulier et cohérent qui mérite d’être individualisé sans être, pour autant, détaché d’un environnement cavitaire et osseux plus large. On ne peut ignorer des pathologies sinusiennes avec un retentissement clinique en apparence dentaire ni, à l’inverse, les conséquences d’une pathologie relevant du territoire dentaire sur le complexe nasosinusien.


Les ORL soulignent que l’imagerie en pathologie sinusienne « autonome » n’est qu’un élément contributif du diagnostic. La clinique et souvent l’endoscopie en sont les moyens principaux. En revanche, l’imagerie cone beam a un rôle prépondérant pour la détermination de l’origine dentaire des dysfonctionnements sinusiens.



BREF RAPPEL ANATOMIQUE DES RÉGIONS SINUSIENNES


Les sinus paranasaux constituent un système pneumatique de cavités communicantes en relation avec les fosses nasales par l’intermédiaire des méats (ou ostia) qui s’ouvrent à la hauteur des cornets moyens.


Ils sont constitués du sinus frontal, des cellules ethmoïdales, des sinus maxillaires et du sinus sphénoïdal qui s’étend en arrière dans l’étage moyen de la base du crâne. Les sinus se développent à partir des fosses nasales et sont, pour cette raison, tapissés d’un tissu muqueux très voisin de ces derniers : la membrane de Schneider. Cette structure fragile cicatrise facilement en cas d’effraction si la cavité sinusienne est saine. Les sinus maxillaires (ou antres de Highmore) sont les premières cavités sinusiennes à commencer leur développement, au 2e mois de la vie intra-utérine, par invagination des méats dans l’os maxillaire. L’expansion des sinus est variable, allant de l’agénésie ou l’hypoplasie (fréquente pour les sinus frontaux et sphénoïdaux) à l’hyperplasie ou l’asymétrie (figure 11.1). On note également la présence fréquente de cloisonnements plus ou moins affirmés pour les sinus maxillaires.


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Figure 11.1 CB : reconstructions coronale et axiale des sinus : hypoplasie du sinus maxillaire gauche (Δ), Pneumatisation des cornets moyens concha bullosa(←) [variantes individuelles].



PATHOLOGIE SINUSIENNE ET ODONTOLOGIE



MOTIFS DE CONSULTATION RADIOCLINIQUE EN PATHOLOGIE SINUSIENNE


Plusieurs circonstances peuvent être à l’origine de cette démarche :


• le patient se présente avec une symptomatologie évocatrice d’un dysfonctionnement nasosinusien chronique (DNSC) : obstruction nasale, rhinorrhée, dysosmie, toux, épistaxis, otalgies barotraumatiques, etc. ;

• il arrive également que, devant une « sinusite » maxillaire isolée, l’ORL requière une évaluation des dents antrales et de leurs portions radiculoapicales, auxquelles on ajoutera le parodonte, pouvant être à l’origine de ce désordre ;

• le malade peut se plaindre de douleurs maxillodentaires mal systématisées ;

• d’autres fois, le patient asymptomatique vient consulter après la découverte radiologique fortuite, souvent sur un cliché panoramique, d’une opacité en situation sinusienne ;

• l’OPT, en tout état de cause, n’explore que les parties antérieures et latérales des sinus maxillaires, à l’aplomb de l’arcade. Il ignore les trois quarts postérieurs de ces cavités et le reste du système communicant des sinus et des fosses nasales (voir le chapitre 1, figure 1.5). De plus, il ne permet qu’une approche incertaine des lésions dentaires et ignore ou discrimine difficilement les racines des dents pluriradiculées comme les molaires (figure 11.2).

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Figure 11.2 Lésion kystique radiculodentaire intéressant les racines vestibulaires de 16 et soulevant le plancher sinusien : mise en évidence de la lésion par le cone beam et discrimination des racines.


1 : Cliché RA ; 2 : CB : reconstruction sagittale ; 3 : verticale transverse ; 4 : axiale.



PRÉALABLE CLINIQUE


Une évaluation clinique soigneuse sinon scrupuleuse s’impose car l’imagerie n’a pas, en général, la place prépondérante dans les moyens diagnostiques en pathologie sinusienne.



En cas de dysfonctionnement nasosinusien


Le diagnostic ORL repose sur le triplet :


• interrogatoire rigoureux du patient ;

• imagerie cone beam ;

• endoscopie.

Il convient de se souvenir avec Jankowski que :


• à la question : « Qu’est-ce qu’une sinusite ? » il n’y a pas, pour l’instant, de consensus d’experts ;

• la majorité des sinusites chroniques sont asymptomatiques ;

• les poussées infectieuses aiguës sur sinusite chronique ou pour une sinusite aiguë d’emblée peuvent être très douloureuses ;

• des opacités sinusiennes asymptomatiques non pathologiques se rencontrent chez 20 % de la population générale ;

• une opacité sinusienne asymptomatique peut être pathologique ;

• les opacités sinusiennes peuvent être sans rapport avec la gêne fonctionnelle ;

• des opacités sinusiennes pathologiques peuvent disparaître sous traitement corticoïde (polypose nasosinusienne dont le diagnostic est endoscopique) ;

• la difficulté principale est celle des opacités sinusiennes et céphalées ou douleurs faciales. Ces éléments ne sont pas forcément liés. Ils peuvent conduire à un diagnostic erroné et éventuellement à un traitement inadapté, parfois chirurgical, irréversible.


En cas de pathologie d’origine dentaire


La clinique évocatrice unilatérale associe des douleurs inconstantes maxillodentaires, parfois une obstruction nasale et une rhinorrhée.


La plupart du temps, l’imagerie dentaire conventionnelle (orthopantomographie [OPT], clichés rétroalvéolaires [RA]) s’avère insuffisante. Elle ignore ou sous-estime les lésions et ne peut être retenue pour l’exploration des sinusites d’origine dentaire.


Le diagnostic est en général aisé par l’imagerie cone beam, qui met en évidence dans les trois directions de l’espace et avec une résolution de qualité :


• la lésion (granulome ou kyste radiculoapical, brèche osseuse ou pelote aspergillaire) ;

• son importance ;

• ses conséquences locorégionales (structures alvéolaires et parodontales, plancher sinusien, cavité sinusomaxillaire, infrastructure osseuse, ostéites chroniques).


IMAGERIE CONE BEAM, LE SINUS ET LA DENT


Sinus et dent sont anatomiquement unis, ce qui implique une exigence de cohérence dans l’évaluation sinusodentaire.



LA RECOMMANDATION DE LA HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ


En octobre 2008, à la suite des travaux d’un collège d’experts, la Haute Autorité de santé (HAS) indique que :


« – la radiographie [standard] des sinus n’est plus indiquée ;

« – dans les formes non compliquées, l’imagerie n’est indiquée qu’après échec d’un traitement bien conduit ;

« – dans les formes compliquées (suppuration intracrânienne ou intraorbitaire, thrombophlébite), l’imagerie est indiquée d’emblée ;

« – la technique d’imagerie recommandée est la tomodensitométrie (TDM) ».

Aujourd’hui, on peut dire, sans risque d’erreur, que cette recommandation concerne d’autant plus le cone beam que sa résolution spatiale est meilleure que celle de la TDM, la dose de rayonnement X délivrée largement inférieure à celle du scanner Rx et que, pour ces raisons, il est désormais solidement établi comme la technique de référence en imagerie dento-maxillofaciale, place qu’occupait précédemment la TDM.

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Jun 7, 2020 | Posted by in DENTAIRE | Comments Off on Le plancher du sinus maxillaire: une frontière perméable

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