L’adolescent et le droit


L’adolescent et le droit


Les premières et deuxième parties de ce chapitre ont été rédigées par un enseignant-chercheur spécialiste du droit de l’enfance et de la famille1. Dans une délimitation stricte, on pourrait estimer que ce texte n’appartient pas au champ de la psychopathologie de l’adolescent. Néanmoins, il contient une somme importante d’informations concernant le droit de l’adolescence, informations qu’à notre connaissance on ne trouve généralement pas regroupées ainsi sous une forme aisément appréhendable. D’autre part, le lecteur n’est pas sans savoir l’importance et la relative fréquence des relations entre l’adolescent et la justice. Ces motifs nous ont conduit à inclure dans cet abrégé, ce chapitre d’informations sur les rapports entre l’adolescent et le droit.


Il n’existe pas, en droit, de statut particulier de l’adolescent. La loi n’emploie d’ailleurs pas ce terme : elle ne distingue que le mineur et le majeur. Le jeune est donc censé passer instantanément, le jour de ses 18 ans, du statut d’enfant – juridiquement incapable de consentir et bénéficiant de la protection de sa famille ou de l’autorité publique – à celui d’adulte, autonome et ne faisant plus l’objet d’une attention particulière.


Ce schéma binaire connaît toutefois, depuis longtemps, certaines atténuations.


Émancipation. La loi autorise une anticipation de l’âge de la majorité à partir de 16 ans à travers l’émancipation2. Celle-ci peut être prononcée par le juge des tutelles, sur demande des parents ou de l’un d’eux, si l’intérêt du mineur le justifie. L’émancipation résulte aussi automatiquement du mariage du mineur, mais celui-ci est désormais exceptionnel (voir infra). Le mineur émancipé est en principe assimilé à un majeur, sauf exception (il ne peut, notamment, être commerçant). L’émancipation met fin à la responsabilité des parents du fait de leur enfant.


Protection du jeune majeur. Inversement, la protection assurée au mineur peut se prolonger jusqu’à vingt-et-un ans : le jeune majeur en difficulté peut solliciter du service de l’aide sociale à l’enfance ou du juge des enfants la poursuite ou l’instauration d’une mesure d’aide ou d’action éducative en milieu ouvert ou d’un placement3. Cette disposition a été introduite pour atténuer les effets de l’abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans en 1974. Elle se révèle particulièrement utile dans une société où les jeunes adultes ont du mal à trouver leur place et leur autonomie.


Devoir d’entretien par les parents4. Un devoir d’entretien pèse sur les parents du fait de l’établissement de la filiation, même s’ils n’exercent pas l’autorité parentale. Ce devoir ne cesse pas automatiquement à la majorité de l’enfant : il perdure tant que celui-ci est dans une situation de dépendance économique légitime (études justifiées, période de recherche du premier emploi stable). L’étendue de l’obligation de chaque parent est fonction de ses capacités financières et des besoins du jeune, qui peut prétendre au versement d’une pension fixée, en cas de litige, par le juge aux affaires familiales.


De façon plus générale – et cette tendance s’accentue depuis quelques années – les textes tendent à consacrer l’acquisition progressive de son autonomie par le mineur en reconnaissant l’aptitude de l’adolescent à exprimer son opinion sur ce qui le concerne et à prendre certaines décisions, tout en tenant compte de son besoin spécifique de protection, en particulier lorsqu’il est exposé à certaines situations dangereuses pour son développement.



L’adolescent entre incapacité et autonomie


Jusqu’à 18 ans, sauf émancipation, l’adolescent est considéré comme incapable de conclure lui-même des actes juridiques et il est soumis à l’autorité protectrice de ses parents5, mais la loi impose un exercice de cette autorité adapté à l’âge et à la maturité de l’enfant, dont la volonté personnelle ne peut plus être ignorée.


L’attention accordée à la volonté propre du mineur dans le gouvernement de sa personne s’est considérablement développée à partir des années 80, notamment sous la pression des conventions internationales6. La Convention de New York en particulier énonce un certain nombre de droits de l’enfant qui impliquent le respect de cette volonté propre : liberté d’opinion sur toute question l’intéressant, liberté d’expression, liberté de pensée, de conscience et de religion, liberté d’association7, etc.


Il faut néanmoins conjuguer la reconnaissance de ces droits avec le constat de l’immaturité du mineur, donc de son besoin d’éducation et de protection. La Convention l’affirme à propos de la liberté de conscience et de religion en évoquant « le droit et le devoir des parents de guider l’enfant » dans l’exercice de ces libertés, « d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités »8.


Le droit français s’y emploie à travers un dispositif nuancé, allant graduellement de la simple association du mineur aux décisions qui le concernent jusqu’à la reconnaissance, dans certains domaines, d’une véritable autonomie du jeune.



L’association du mineur aux décisions qui le concernent



Directive générale


La loi fait parfois œuvre de pédagogie plus que de législation. C’est sans doute le cas lorsqu’elle invite les parents à « associer l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité »9 : il s’agit d’une directive dont l’effectivité ne peut guère être contrôlée, sauf danger ou désaccord entre les parents10. L’adolescent ne dispose pas du droit d’agir en justice pour contester la façon trop autoritaire dont, selon lui, ses parents exercent leur autorité selon lui.



Décisions en matière de santé


Le droit à l’information sur l’état de santé de l’enfant est exercé par les titulaires de l’autorité parentale, qui doivent consentir aux actes proposés, mais le mineur doit aussi être informé « d’une manière adaptée à son degré de maturité »11 et son consentement « doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision »12. Le texte impose seulement de rechercher le consentement du mineur, pas de l’obtenir. Il est donc possible de passer outre son refus en cas de nécessité pour préserver sa santé.



Droit de l’enfant d’être entendu dans les procédures qui le concernent


Pour assurer la mise en conformité du droit français aux exigences de la Convention de New York, la loi du 8 janvier 1993 a reconnu au mineur doté de discernement le droit d’exprimer son opinion dans toute procédure judiciaire le concernant13. Il s’agit essentiellement des procédures relatives à l’exercice de l’autorité parentale – conséquences du divorce ou de la séparation des parents, assistance éducative – ou des procédures de changement de nom ou de prénom. L’opinion exprimée par le mineur ne s’impose évidemment pas au juge, mais elle doit être un élément d’appréciation dans sa décision.


Il n’est pas prévu d’âge minimal pour que l’enfant exerce ce droit : l’aptitude au discernement est la seule condition posée par la loi. Le juge peut choisir de faire entendre l’enfant par une personne qu’il désigne (enquêteur social, psychologue, etc.).


L’audition n’est cependant pas systématique. Le juge peut mais n’est pas obligé d’en prendre l’initiative. Si le mineur la demande, elle est désormais de droit : la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance14 supprime la possibilité qu’avait jusqu’alors le juge de refuser l’audition. L’enfant ou l’adolescent a le droit d’être accompagné d’un avocat ou d’une personne de son choix, sous réserve de la possibilité pour le juge de désigner une autre personne si le choix du mineur n’apparaît pas conforme à son intérêt.


Il faut bien mesurer la portée du droit du mineur d’être entendu dans toute procédure le concernant : ce droit ne lui confère pas le statut de partie à la procédure. Autrement dit, dans les procédures relatives à l’autorité parentale, l’adolescent entendu ne peut pas former un recours contre la décision rendue si elle ne lui convient pas, et personne ne peut le faire en son nom. Il ne peut pas non plus, pas même via un représentant, saisir le juge sur les questions relatives à l’autorité parentale – par exemple, pour faire modifier son lieu de résidence habituelle chez un de ses parents ou les modalités de ses rencontres avec l’autre parent – sauf s’il est en danger et sollicite une mesure d’assistance éducative15.



L’obligation de respecter le refus du mineur


Actes médicaux dans l’intérêt d’autrui. Lorsqu’il s’agit de pratiquer sur sa personne des actes médicaux dans l’intérêt d’autrui (recherche biomédicale, don de sang, don de moelle osseuse au profit d’un frère ou d’une sœur16), la recherche de la volonté du mineur va plus loin : la loi impose de l’informer d’une façon adaptée, et elle interdit de passer outre un éventuel refus de sa part. Le consentement du mineur n’est pas obligatoirement requis, notamment s’il s’agit d’un enfant inapte à consentir, mais s’il refuse, ce refus doit être respecté.



L’exigence d’un consentement personnel du mineur


Dans certains cas, la loi manifeste une exigence supplémentaire : le consentement personnel de l’adolescent est requis.



Mariage du mineur


En principe, il est désormais interdit depuis que la loi du 4 avril 2006 a fixé l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes, comme c’était déjà le cas pour les hommes. Le texte prévoit cependant une possibilité de dispense accordée par le procureur de la République, pour motif grave (en général, la grossesse de la jeune femme). Le mariage suppose alors, outre l’autorisation parentale, le consentement personnel du (de la) mineur(e). La recrudescence des mariages forcés redonne de l’actualité à cette règle que l’on croyait relever de l’évidence17.



Interruption volontaire de grossesse


Les représentants légaux sont normalement appelés à consentir à l’IVG d’une mineure, sauf exception (voir infra), mais la demande doit être exprimée par la mineure elle-même, en la seule présence du médecin18.



Changement d’état civil


À partir de l’âge de 13 ans, le consentement personnel de l’adolescent est requis pour un changement de nom (sauf s’il résulte d’un changement de filiation), pour un changement de prénom, ou pour son adoption19.



L’autonomie du mineur


Dans certains domaines, la loi accorde au mineur, généralement adolescent, une véritable autonomie lui permettant de prendre des décisions sans l’intervention de ses représentants légaux, voire parfois, contre leur volonté.



Travail et gestion des revenus et des biens


L’incapacité du mineur est allégée à partir de l’âge de 16 ans : il peut conclure seul un contrat de travail ou d’apprentissage (sous réserve du droit d’opposition de ses représentants légaux), percevoir seul son salaire et adhérer à un syndicat, disposer seul des sommes déposées sur un livret de caisse d’épargne ou un livret jeune20 (sauf opposition des représentants légaux), et disposer librement par testament de la moitié de son patrimoine21.



Actes qu’il est d’usage qu’un mineur accomplisse seul22


Le mineur peut accomplir seul un certain nombre d’actes sans gravité, dont la liste n’est pas précisée par la loi, qui se réfère à l’usage : ce sont les actes que, selon l’opinion commune, un mineur d’un âge donné accomplit seul. Il est par exemple admis que le mineur puisse faire seul de menus achats adaptés à son âge. La question est plus délicate pour les petites opérations bancaires. On sait que les banques essaient de fidéliser une clientèle en la capturant de plus en plus jeune. La question de savoir dans quelle mesure le retrait de sommes déposées sur un compte bancaire ou l’utilisation de cartes de paiement à débit immédiat peuvent être considérés comme des actes qu’il est d’usage qu’un adolescent accomplisse seul est aujourd’hui débattue.




Sexualité et santé de l’adolescent


Le domaine de la sexualité et de la santé est sans doute celui dans lequel l’autonomie de l’adolescent s’est le plus développée, au point que l’on a pu parler de « pré majorité sanitaire ».


Les mineurs ont un libre accès à la contraception et au dépistage des maladies sexuellement transmissibles sans autorisation, ni même information parentale24.


Pour l’IVG d’une mineure, le consentement parental est en principe requis, mais la loi du 4 juillet 2001 a prévu le cas où la jeune femme ne voudrait pas informer ses parents de sa situation, et le cas où ceux-ci, informés, s’opposeraient à l’intervention. Désormais, l’IVG peut alors être pratiquée sans autorisation des représentants légaux. Il suffit que la mineure soit accompagnée d’une personne adulte de son choix25.


En matière de soins, la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades a introduit une disposition calquée sur celle qui vient d’être exposée à propos de l’IVG26 : elle permet à un mineur qui souhaite garder le secret à l’égard de ses parents de bénéficier des traitements ou de l’intervention qui s’imposent pour sauvegarder sa santé. Le médecin sollicité doit dans un premier temps essayer de convaincre le mineur d’informer ses parents. En cas de refus, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l’intervention, le mineur se faisant accompagner d’une personne de son choix. Cette disposition, introduite à la demande du Conseil national du sida, tend à éviter qu’un adolescent se prive des soins nécessaires plutôt que d’informer ses parents. Elle constitue cependant un recul important, et peut-être inquiétant, de l’autorité parentale en privant les parents de la possibilité de protéger leur enfant dans des circonstances où il aurait particulièrement besoin de cette protection.


Le même texte prévoit, par ailleurs, que le consentement du mineur suffit pour l’obtention de soins lorsqu’il s’agit d’un adolescent dont les liens de famille sont rompus et qui bénéficie à titre personnel de la couverture maladie universelle.



Exercice des responsabilités parentales


Lorsque le mineur est lui-même parent, il est naturel qu’il exerce seul les responsabilités qui en découlent. Il peut effectuer seul une reconnaissance d’enfant. Il exerce lui-même l’autorité sur son enfant27, une assistance éducative pouvant être mise en place en cas de besoin. La jeune mère agit seule en recherche de paternité ou à fins de subsides28 au nom de son enfant.



Demande d’assistance éducative


Le mineur qui s’estime en danger, quel que soit son âge, peut saisir lui-même le juge des enfants, sans aucune représentation ou autorisation, pour solliciter une mesure de protection29.



L’adolescent en situation de danger


Il est de la responsabilité de l’autorité publique d’assurer la protection et la prise en charge des difficultés des mineurs en danger ou qui sont victimes de maltraitances, quelles qu’en soient les manifestations et l’origine. L’adolescent bénéficie à ce titre des dispositifs de protection administrative et judiciaire de l’enfance. Sa protection est également assurée par les dispositions pénales applicables aux infractions commises contre les mineurs30.


Son âge expose toutefois l’adolescent à des périls spécifiques ou qui supposent une prise en charge particulière : délinquance, parfois de nature sexuelle, toxicomanie, troubles psychiatriques, ces divers tableaux se superposant bien souvent.



La délinquance



Évolution des politiques en matière de délinquance des mineurs


Depuis le Code pénal de 1810, un statut pénal particulier est réservé aux mineurs délinquants. Sous le Second Empire, la loi s’est crispée sur une approche du mineur délinquant envisagé essentiellement comme un mineur dangereux pour la société qui l’entoure. Mais à partir de la IIIe République, l’idée que le mineur délinquant est aussi un mineur en danger et que le traitement de la délinquance des mineurs doit être spécifique, tant dans la procédure mise en œuvre que dans la réponse apportée, va progressivement s’imposer.



Ordonnance du 2 février 1945

Le texte phare en matière d’enfance délinquante est l’ordonnance du 2 février 1945, qui a introduit le juge des enfants et consacré l’idée du primat de l’action éducative : le mineur délinquant est considéré avant tout comme un mineur en danger, qui doit bénéficier de mesures éducatives déterminées par le juge à partir d’un examen préalable de sa personnalité et de sa situation personnelle, familiale et sociale. La phase d’investigation préalable à la décision est une étape essentielle de la procédure concernant les mineurs. La sanction n’est envisagée qu’à titre subsidiaire. Ce texte demeure en vigueur, mais il a été substantiellement modifié au cours des cinquante-deux réformes subies, et tout particulièrement ces dernières années, en raison d’un accroissement et d’un durcissement inquiétants de la délinquance des mineurs, qui devient une délinquance territorialisée, une délinquance d’exclusion.




Évolution contemporaine vers un durcissement de la réponse pénale

Cette politique ne suffira pas à endiguer l’accroissement de la délinquance juvénile. Le débat public s’empare du phénomène : la sécurité est le thème central de la campagne électorale de 2002 et la délinquance des mineurs y occupe une place importante. L’approche essentiellement éducative de l’ordonnance de 1945 est accusée d’avoir favorisé un sentiment d’impunité et d’irresponsabilité chez les jeunes délinquants. Un rapport remis au Sénat en 200232 est particulièrement sévère à l’égard du système de protection judiciaire de la jeunesse qui tend à aligner la prise en charge des enfants délinquants sur celle des enfants en assistance éducative. Le débat se focalise notamment sur la place à accorder à la sanction et à la contrainte. Des voix s’élèvent pour demander que l’on dépasse l’opposition, jugée stérile, entre éducation et répression, au nom de l’idée que la sanction peut aussi avoir une vertu éducative. C’est ce qu’essaie de traduire la notion de « sanction éducative » introduite par la loi du 9 septembre 2002, dite loi Perben I, qui inaugure une période de frénésie législative en la matière.


Ce texte a fixé les grandes lignes du nouveau droit pénal applicable aux mineurs délinquants. Il introduit la possibilité de détention provisoire pour les mineurs dès 13 ans, la procédure de comparution à délai rapproché33 pour ceux qui sont déjà connus de la justice, les sanctions éducatives applicables à partir de 10 ans et les centres éducatifs fermés.


La loi du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance et la loi du 10 août 2007 de lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs accentuent la tendance répressive en limitant le jeu de l’atténuation de la responsabilité des mineurs (voir infra) et en instaurant des « peines plancher » en cas de récidive légale.



Prévention de la délinquance

La loi du 5 mars 2007 met l’accent sur la politique de prévention de la délinquance, notamment des mineurs, supposée avoir failli en raison d’un manque de cohérence des interventions éducatives, sociales et médico-sociales. Elle associe désormais explicitement le Conseil général et l’Éducation nationale à cette mission. Elle organise la mise en réseau des différents acteurs du champ social et médico-social et autorise les professionnels qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille à partager des informations à caractère secret afin d’évaluer la situation, de déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre34. Cette disposition inquiète nombre de professionnels en ce que, contrairement à ce qui est prévu en matière de protection de l’enfance35, le texte ne limite pas explicitement les possibilités d’échange aux seuls professionnels eux-mêmes astreints au secret, il ne prévoit pas l’information préalable des intéressés et il autorise le partage dans une finalité mal définie36. Le maire devient le pivot de la politique de prévention de la délinquance : il l’anime et la coordonne et pour ce faire, il est informé, à sa demande, de toutes les infractions commises sur le territoire de sa commune et de la réponse judiciaire qui y est apportée. Il se voit aussi confier des prérogatives en matière de surveillance de l’assiduité scolaire37. Il est investi du pouvoir de « rappeler à l’ordre » les fauteurs de troubles38. Surtout, tout professionnel de l’action sociale qui « constate que l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels » doit en informer le maire et le président du Conseil général, les dispositions pénales protectrices du secret professionnel étant alors écartées. Lorsqu’une personne ou une famille en difficulté bénéficie déjà de l’intervention de plusieurs professionnels, le maire désigne un « travailleur social pivot » chargé de coordonner les interventions. La loi autorise le professionnel intervenant seul ou le coordonnateur « à révéler au maire et au président du Conseil général les informations confidentielles strictement nécessaires à l’exercice de leurs compétences39 ». Cette disposition est vivement contestée par les travailleurs sociaux en ce qu’elle remet en cause le secret professionnel en travail social sans qu’aucune situation de danger et encore moins de délinquance, ne soit encore nécessairement caractérisée. La loi crée enfin le « conseil pour les droits et les devoirs des familles » et « l’accompagnement parental », dispositions destinées à conforter l’exercice des responsabilités parentales dans les familles jugées trop peu « contenantes », notamment au regard de l’assiduité scolaire de leurs enfants40.


Ce texte devra être articulé avec les dispositions relatives à l’enfance en danger, réformées le même jour41. L’orientation revendiquée est de mieux distinguer enfance en danger et enfance délinquante, le conseil général étant chargé de la première, le maire et la protection judiciaire de la jeunesse de la seconde.



Valeur constitutionnelle des principes gouvernant le droit pénal des mineurs

Saisi au sujet de la loi Perben I, le Conseil constitutionnel42 a conféré une valeur constitutionnelle aux principes gouvernant le droit pénal des mineurs reconnus par l’ordonnance du 2 février 1945 : principes de primauté de l’action éducative et d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge, et principe selon lequel doivent être mises en œuvre des procédures appropriées confiées à des juridictions spécialisées afin de permettre une connaissance approfondie de la personnalité du mineur avant son jugement. Ces principes s’imposent donc au législateur et ont pesé, notamment, sur la rédaction de la loi du 10 août 2007 de lutte contre la récidive en imposant de préserver un certain pouvoir d’appréciation du juge.


La minorité constitue tantôt une cause d’irresponsabilité pénale, soustrayant le mineur à toute sanction pénale, tantôt une cause d’atténuation de la responsabilité pénale, produisant des effets sur la nature ou le quantum des sanctions encourues. Le discernement est le critère de distinction consacré.



Responsabilité pénale des mineurs



Principe de responsabilité pénale des mineurs

Selon la loi, « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits et contraventions dont ils ont été reconnus coupables »43. En principe, les mineurs encourent donc la responsabilité pénale de toutes les infractions commises, des plus graves – les crimes – jusqu’aux plus légères – les contraventions.



Condition de discernement

Cependant, le législateur pose une condition sine qua non à leur responsabilité, le discernement, qui a été défini dans un arrêt célèbre44 comme le fait d’agir avec intelligence et volonté45. Le discernement est en effet, classiquement, considéré comme le critère de la capacité pénale, c’est-à-dire de l’aptitude à profiter de la sanction à laquelle est attachée une fonction de prévention. En l’absence de discernement, le mineur est pénalement irresponsable et le droit pénal ne peut jouer aucun rôle à son égard car la personne privée de discernement lui échappe totalement. Si, au contraire, le discernement est constaté, le mineur n’est pas soumis au régime commun applicable aux adultes. Sa minorité constitue une cause d’atténuation de la responsabilité pénale.



La minorité, cause d’atténuation de la responsabilité pénale46

L’ancienne excuse de minorité a disparu, mais elle a été remplacée par un système d’atténuation de la responsabilité pénale, reposant sur des seuils d’âge, qui y ressemble fort. L’atténuation produit un double effet : elle détermine la nature des mesures, ainsi que la gravité des peines.



Nature des mesures

La loi prévoit trois types de mesures applicables aux mineurs : les mesures éducatives47, qui ne constituent pas des sanctions, les peines et les sanctions éducatives48, catégorie hybride des deux précédentes introduite par la loi Perben I.


En deçà de 10 ans, les mineurs capables de discernement ne peuvent faire l’objet que de mesures éducatives décidées par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants.


Les mineurs de 10 à 13 ans font normalement l’objet de mesures éducatives. Depuis la loi Perben I, ils peuvent aussi faire l’objet de sanctions éducatives, mais jamais de peines.


Les mineurs de plus de 13 ans font, eux aussi, normalement l’objet de mesures éducatives. Cependant, le tribunal pour enfants peut prononcer une sanction éducative, et même une peine aboutissant à une véritable condamnation pénale lorsque les circonstances de l’infraction et la personnalité du mineur l’exigent. Certaines peines ne peuvent jamais être prononcées contre des mineurs, comme la peine d’interdiction du territoire, les jours-amendes, l’interdiction de droits civiques ou civils ou d’exercer une fonction publique. La peine d’emprisonnement, en revanche, n’est pas exclue.



Gravité des peines

Lorsque le mineur est âgé de moins de 16 ans, il bénéficie obligatoirement de l’atténuation de sa peine. Le quantum de la peine encourue est égal à la moitié du quantum de la peine encourue par un majeur, qu’il s’agisse des peines privatives de liberté ou des amendes. Lorsqu’il s’agit d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité, le maximum encouru est de vingt ans de réclusion.


Les mineurs de 16 à 18 ans peuvent bénéficier de l’atténuation de la peine encourue, mais elle constitue une simple faculté pour les magistrats qui peuvent l’écarter en tenant compte des circonstances de l’espèce et de la personnalité du jeune délinquant. La loi du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance permet la suppression de l’atténuation de la peine sans motivation spéciale en cas de récidive légale49 de certaines infractions contre les personnes traduisant une violence volontaire. La loi du 10 août 2007 « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs » prévoit même une suppression automatique en cas de multi récidives, en réservant toutefois la possibilité pour les juges de maintenir l’atténuation par décision spécialement motivée50. Les « peines plancher » prévues en cas de récidive ou de multi récidives sont applicables aux mineurs, mais sont elles aussi, en principe, réduites de moitié par rapport aux peines minimales applicables aux majeurs51.


L’exécution des peines privatives de liberté obéit à un régime carcéral spécial et plus souple dans des quartiers ou des établissements pénitentiaires réservés aux mineurs.



Procédure applicable aux mineurs délinquants


La justice pénale des mineurs obéit au principe essentiel de spécialisation : les juridictions des mineurs sont spécifiques52. La procédure est centrée sur le juge des enfants afin de favoriser une bonne connaissance du jeune délinquant et de son environnement. Le mineur doit obligatoirement être assisté d’un avocat, éventuellement commis d’office.



Constatation et poursuite de l’infraction

La constatation de l’infraction fait l’objet d’un procès-verbal dressé par les services de police ou de gendarmerie, puis transmis au procureur (en pratique, au substitut chargé des mineurs). Celui-ci apprécie l’opportunité de poursuivre ou de classer sans suite.



Mesures alternatives aux poursuites

Dans le cas de petite délinquance, le procureur ou son substitut peut toutefois proposer des mesures alternatives aux poursuites53 afin de donner une chance au mineur d’échapper au circuit pénal traditionnel, long et lourd, sans pour autant laisser l’acte délictueux sans réponse54. L’objectif de ces mesures est de favoriser la réparation du dommage causé à la victime et de contribuer au reclassement de l’auteur des faits. Elles supposent l’adhésion du mineur. Ses parents doivent être associés à leur exécution et leur accord est nécessaire pour certaines d’entre elles. Les principales mesures alternatives susceptibles d’être proposées sont le rappel à la loi, l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, l’injonction thérapeutique en cas d’utilisation habituelle de stupéfiants, le stage de formation civique, la réparation (réparation directe à l’égard de la victime ou réparation dans l’intérêt de la collectivité).



Composition pénale

Depuis la loi du 5 mars 2007, le procureur peut aussi proposer une composition pénale aux mineurs à partir de 13 ans : il offre au délinquant qui reconnaît sa culpabilité d’exécuter une ou plusieurs obligations55 – notamment celle d’indemniser la victime – en échange de l’extinction des poursuites pénales. Il s’agit d’une forme de transaction entre le parquet et le délinquant, ce qui explique qu’elle n’était pas, jusqu’à présent, ouverte aux mineurs. La composition pénale est toutefois soumise à l’accord des représentants légaux du mineur et à validation du juge des enfants.



Procédures courtes

Lorsqu’il décide de poursuivre, le procureur doit en principe ouvrir une instruction, obligatoire pour les mineurs afin que la décision prise soit éclairée sur la personnalité du délinquant et son environnement. Il existe pourtant des procédures dérogatoires, notamment la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs56 qui permet au procureur de saisir directement le tribunal des enfants pour juger rapidement les mineurs récidivistes dont la situation personnelle a déjà été évaluée récemment.


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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on L’adolescent et le droit

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